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La campagne de 1809 – La bataille de Thann

Première victoire

19 avril 1809[i] : Thann[ii]

Le Terrible[iii] a justifié ce surnom à la bataille de Thann

 

Dans la nuit du 18 au 19, l’archiduc Charles, ayant été informé que les Français s’apprêtent à quitter Ratisbonne par la rive gauche du Danube[iv], modifie une fois encore ses dispositions, organisant son armée en trois colonnes :

  • 1e colonne : c’est le centre du dispositif, formé par le IIIe corps d’Hohenzollern (amputé de la brigade Thierry[v], pas moins de 6.000 hommes[vi], qui doit prendre position sur les hauteurs de Kirchdorf, pour observer l’Abens et Biburg, et assurer la communication avec le Ve corps de l’archiduc Louis) ; il doit, suivi des deux corps de réserve[vii], se diriger directement sur Kelheim, par Bachel, Gross-Muss, Hausen et Teugen, où la colonne se partagera, à gauche par Allkofen sur Abach, à droite par Peising, pour soutenir ainsi l’attaque d’Abach. Hohenzollern aura à sa droite le IVe corps de Rosenberg et la brigade Vécsey, qui se dirigeront sur Ratisbonne, en passant par Eckmühl.
  • 2e colonne : Le IVe corps d’armée (Rosenberg) avec les 12 bataillons de grenadiers du 1er corps de réserve, passant par Langquaid, laissera Päring à droite et marchera sur Dinzling et Weilohe
  • 3e colonne : la division Lindenau et le corps des cuirassiers sous les ordres du prince Jean Liechtenstein, par Langquaid, Schierling, Eckmùhl sur la route de Ratisbonne par Egglofsheim.[viii]

Le Ve corps de l’archiduc Louis, doit lui aussi remonter également en direction de l’Abens, en passant par Pfaffenhofen

Par ailleurs, le VIe corps de Hiller, qui se trouve à Moosburg, reçoit l’ordre de se porter lui aussi sur l’Abens, à Mainburg, pour garder le flanc gauche du dispositif, tandis que la division Jellačić, encore plus à gauche à Munich, doit rejoindre le VIe corps, dont elle dépend.

Enfin, le Ier corps d’armée de Bellegarde a pour instruction  de repousser Davout sur Ratisbonne. Ainsi sera effectuée, pense-t-il, la réunion de toutes les forces autrichiennes.

L’archiduc Charles se met en route, par Pfeffenhausen et Rottenbourg. Comme toujours, sa marche n’est pas particulièrement rapide, du fait des conditions climatiques, des énormes magasins de l’armée, des équipages de pont, de l’artillerie qu’il faut faire avancer sur des chemins défoncés.

De leur côté, les troupes de Davout se sont mises en route, à quatre heures du matin[ix], sur la rive gauche du Danube[x].

 Nos opérations se dessinent. Voici le véritable état des choses. Le prince Charles, avec toute son armée, était ce matin à une journée de Ratisbonne et a sa ligne d’opération sur Landshut. Le duc d’Auerstaedt, cette nuit et ce matin, a évacué Ratisbonne pour se porter sur Neustadt et se joindre avec les Bavarois. Je m’attendais donc, aujourd’hui, à une affaire, cependant il est midi et le canon ne s’est pas encore fait entendre.

 Vous voyez que, par cette manœuvre, je refuse ma gauche, voulant avancer ma droite que vous formez et qui, dès aujourd’hui, commence à entrer en jeu. Ce soir ou demain, on se battra peut-être à la gauche. [xi]

Pour rejoindre Lefebvre, Davout dispose de trois routes : de Ratisbonne à Landshut, par Alt-Eglofsheim ; de Ratisbonne à Saal, qui longe le Danube, et traverse un défilé, à Saal, justement ; de Ratisbonne à Teugen, difficile et tourmentée.

Situation le 21 avril au matin
Situation le 21 avril au matin

Le duc d’Auerstaedt dispose son corps d’armée sur quatre colonnes.

  • La première, composée de l’avant-garde, aux ordres de Montbrun, part d’Eglofsheim et se dirige sur Lurkenpoint et Dinzling.
  • La deuxième, composée des 2e (Friant) et 3e (Gudin) divisions, part de Weinling et se dirige par Hinkofen et Weilohe.
  • La troisième, composée de la 1ere (Morand) et de la 4e (Saint-Hilaire) division, se dirige par Hohengebraching, Peising et Teugen.
  • Enfin, la quatrième, composée des équipages, suit la grande route Ratisbonne à Abensberg. [xii]

 

Grenadiers autrichiens - Tranquillo Mollo. Vienne. Napoleon on line
Grenadiers autrichiens – Tranquillo Mollo. Vienne. Napoleon on line

Les régiments de cavalerie légère présents au corps d’armée et la 2e division de grosse cavalerie sont répartis à la gauche et à la droite des 2e et 3e colonnes pour éclairer le pays où elles entrent et les garder vers celui qu’elles viennent de quitter. Le 1er bataillon du 30e de ligne a été envoyé garder le défilé d’Abach, point critique, peu avant Kelheim, à l’embouchure du Feking, qu’il faut absolument passer avant que les Autrichiens ne s’en saisissent.

Le bataillon arriva à Post-Saal qu’il ne trouva point occupé. Avant de dire comment ce poste important fur gardé il est nécessaire de donner un aperçu de la position.

 Ce village est situé sur une colline et au point le plus resserré entre le Danube et des mamelons très escarpés. La grand-route de Neustadt le traverse depuis le village d’Abach. La colline est bordée par des monticules plus ou moins élevés mais toujours inaccessibles à des colonnes. Dans cette chaîne de petites montagnes, plusieurs chemins viennent déboucher sur la grand-route et ont différentes directions dans les bois.

 Toutes les issues furent occupées par des postes, la compagnie de voltigeurs garda le principal chemin qui conduit au village de Thann occupé par l’ennemi. [xiii]

Par des chemins détrempés, Davout entreprend ici une marche de flanc, adossé à un fleuve dépourvu à cet endroit de moyens de passage, et devant un ennemi dont il ignore par ailleurs la force ! [xiv]

Adjudant-Général autrichien. Tranquillo Mollo. Vienne. Napoleon on-line
Adjudant-Général autrichien. Tranquillo Mollo. Vienne. Napoleon on-line

A 9 heures le matin, les premières escarmouches se produisent, au village de Schneidhart, entre des chasseurs à cheval de Montbrun et l’avant-garde de Rosenberg, qui se dirige, lui, sur Ratisbonne. Peu après, sur sa gauche, dans la direction de Hausen et Teugen, Rosenberg entend le bruit du canon qui lui indique que Hohenzollern est aux prises avec les Français.

La maréchal Nicolas Davout
La maréchal Nicolas Davout

Ce dernier fait en effet face à Davout lui-même, qui se trouve avec Saint-Hilaire. Le maréchal a certes entendu les tirs venant de Schneidhart, mais il s’en est tenu à ses ordres : extraire ses forces de Ratisbonne et se joindre à Lefebvre. Il donne l’ordre à Saint-Hilaire de resserrer sa colonne et de continuer sa marche.

Le duc d’Auerstaedt se trouvait près de Salhaupt quand il apprit l’approche de l’ennemi. Il arrêta la division Saint-Hilaire, qui arrivait à Tengen, et l’établit sur les hauteurs dans les bois entre ce village et Hausen, qui fut fortement occupé. Il chargea la division Friant de soutenir la gauche de Saint-Hilaire, et laissa continuer aux généraux Morand et Gudin leur marche par Buchdorf sur Arnhofen.[xv]

Combat du 57e de ligne

Saint-Hilaire se trouve bientôt face à l’avant-garde du IIIe corps de Hohenzollern, emmenée par le FML Vukassovich. L’avant-garde de Saint-Hilaire l’a rencontrée devant le village de Hausen. Vukassovich envoie un bataillon de « Frontaliers » et un bataillon léger de la Légion archiduc Charles, pour tourner le village, pendant que le reste de ses troupes l’attaque de front.  Les Français sont facilement expulsés, et repoussés sur le gros des forces de Saint-Hilaire.

Joseph-Philippe baron von Vukassovich. Archives autrichiennes.
Joseph-Philippe baron von Vukassovich. Archives autrichiennes.

Lorsqu’il les voit dévaler la pente, suivis d’un nuage de troupes légères autrichiennes, menaçant Saint-Hilaire, Davout ordonne au 3e de ligne, son régiment de tête, d’attaquer sans délai. Celui-ci se lance aussitôt à l’assaut, 2.000 Français contre 6.000 Autrichiens, appuyés par 12 canons. Ils ne brisent certes pas la ligne ennemie, mais gagnent le temps nécessaire à Saint-Hilaire pour se préparer au combat. Le 3e de ligne se replie, se reformant derrière le régiment suivant, le 57e de ligne. Celui-ci, avançant en trois colonnes compactes, repousse les troupes légères autrichiennes. Il atteint une première crête, puis, après un petit vallon, une deuxième, où se trouve la principale ligne autrichienne.

Cependant, le 57e s’était formé en bataille sur la crête de la hauteur de gauche, appuyant sa droite à un bois. C’est dans cette position qu’il soutint à lui seul, pendant une heure, l’effort des forces autrichiennes; six régiments l’attaquèrent successivement et furent repoussés; un régiment de cavalerie voulut le charger, mais il forma sa gauche en carré et le mit en fuite à coups de fusil . . .

Le 57e, soutenant ainsi les attaques multipliées de l’ennemi, se maintint sur la hauteur et donna le temps aux autres régiments d’arriver en ordre.[xvi]

Mais, il s’expose aux tirs de mitraille de l’artillerie ennemie. De plus, l’infanterie autrichienne déborde sur les deux ailes du 57e, ajoutant sa mousqueterie. Le 57e continue imperturbablement sa marche en avant. Arrivé à portée de tir, il se déploie en ligne, s’arrête pour tirer, répétant la manœuvre tous les 25 pas. L’artillerie autrichienne ralenti cependant cette attaque. Le 57e resserre ses rangs et c’est maintenant un terrible duel de mousqueterie. Un épais nuage de fumée se répand, en particulier dans le creux, apportant une protection aux Français blessés, derrière le 57e. Mais ce n’est pas le cas pour les premières lignes, dont les rangs s’amenuisent sous le feu de l’artillerie, sans pour autant arrêter leur marche en avant.

Derrière le 57e, Saint-Hilaire fait déployer le restant de ses troupes. Depuis le village de Teugen, les Français ne peuvent voir au-delà de la première crête, ce qui permet à Saint-Hilaire d’approcher tout en étant protégé. Le 3e de ligne rejoint bientôt la droite du 57e et le 10e léger (colonel Berthézène) est envoyé encore plus en avant sur la droite. Occupée à combattre le 57e[xvii], l’artillerie autrichienne, gênée par la fumée, ne prend conscience de ce mouvement  que lorsque le 10e léger apparaît sur sa gauche. Les artilleurs s’enfuient, abandonnant une pièce sur le terrain, dont le 10e léger s’empare aussitôt,[xviii] avant de se déployer en tirailleurs, rejoignant leurs camarades.

Avec le 3e de ligne, le 10e léger continue en direction de la seconde crête, où les deux régiments rencontrent le gros des forces autrichiennes, qu’ils attaquent, pour être toutefois repoussés, car les Autrichiens sont en surnombre. Les Français se replient dans les bois.

Bataille de Than - Teugen-Hausen - Engagement
Bataille de Than – Teugen-Hausen – Engagement

Les Autrichiens développent leur succès

Saint-Hilaire organise maintenant sa position avec soin. Parallèlement à la ligne de crête occupée par les Autrichiens, à mi-chemin sur la pente qui mène à Teugen, il déploie ses hommes sur la première crête, qui est à peu près à la même hauteur que celle occupé par son adversaire. Il place le 3e et le 57e de ligne, au-dessus du creux, parallèlement aux Autrichiens. Derrière, le 10e léger se déploie en échelon, sur la droite de Teugen. Non loin en arrière, se trouve le 105e de ligne, le 72e de ligne se trouvant, en colonne, devant le village.

Peu à peu, les tirailleurs français gagnent du terrain sur les ailes et pénètrent dans les bois qui longent la deuxième crête, occupée par les Autrichiens. Bientôt, la position de Saint-Hilaire ressemble à un U, la partie ouverte tournée vers les Autrichiens.

Alors que les combats semblent se stabiliser, Davout envoie des estafettes à Gudin et Friant, avec l’ordre d’attaquer le flanc gauche d’Hohenzollern. Il doit bientôt changer ce plan, lorsque les Autrichiens, soudainement, lancent leur attaque sur le creux, par-dessus la crête.  Il donne l’ordre qu’une des brigades de Gudin fasse demi-tour pour venir à l’aide de Saint-Hilaire, et il se remet au combat.

A gauche : grenadier de Jordis. A droite : Styriens de Würmser.
A gauche : grenadier de Jordis. A droite : Styriens de Würmser.

De gauche à droite : canonnier à pied, chasseur, officier.
De gauche à droite : canonnier à pied, chasseur, officier.

L’avant-garde de Hohenzollern et sa brigade de tête sont défaites par le 57e et le 3e de ligne. Ne pouvant voir ce qui se trouve derrière la première crête tenue par les Français, l’attaque de flanc du 10e léger les repoussent. Mais cette attaque a désorganisé les Français, et Hohenzollern saisi cette occasion  pour former l’infanterie de Manfredini, qui vient d’arriver sur le champ de bataille, en trois colonnes et les diriger, par les bois, sur le flanc du 57e.  C’est le prince Alois Liechtenstein qui conduit cette attaque, précédée d’un rideau de tirailleurs. [xix]

Lorsque les Autrichiens se rapprochent du 57e, le général Compans, voyant le danger, envoie en toute hâte le 72e de ligne en avant. Il attend que les colonnes de Liechtenstein sortent des bois et se déploient, pour lancer contre celles-ci le 72e. C’est la confusion parmi les Autrichiens.

Peu impressionnés par les déboires de l’infanterie de Manfredini, les généraux Lusignan, Saint-Julien et Liechtenstein  se placent à la tête de leurs troupes et les relancent à l’assaut. Un régiment de cavalerie légère vient même leur porter assistance, en attaquant le flanc gauche des Français. Un bataillon du 57e se forme calmement en carré et repousse par ses tirs cette cavalerie.

Avançant par-dessus la crête et descendant dans le creux, les Autrichiens entrent dans la partie ouverte du U. Un bataillon du 3e de ligne, que Davout a retenu dans ce but, sort d’un petit bois et se lance à l’assaut des attaquants, qui cèdent aussitôt.

Nicolas-Léonard Becker
Nicolas-Léonard Becker

Pendant tout ce temps, sur la droite d’Hohenzollern, les autres colonnes autrichiennes, sous les ordres de Rosenberg, continuaient leur avance sur Dinzling. Bientôt, elles rencontrent les flancs-gardes de Davout, commandées par Montbrun, Celui-ci dispose de deux bataillons d’infanterie et de neuf escadrons (parmi lesquels le 12e chasseurs à cheval), au total 3.800 hommes. Remplissant parfaitement sa mission, Montbrun occupe Rosenberg la plus grande partie de la journée. Celui-ci, durant sa marche, a laissé des troupes dans tous les villages qu’il a traversé, afin d’assurer sa ligne de communication. De sorte que, lorsqu’il s’approche enfin de Dinzling, la moitié de son infanterie et un tiers de sa cavalerie ont été ainsi gaspillés. Certes, il a, stricto sensus, atteint l’objectif qui lui avait été fixé, mais il n’a pu le moindre du monde venir en aide à Hohenzollern.

Ce dernier, seul, combat maintenant avec de moins en moins d’impétuosité. Des troupes fraîches pourraient à ce moment lui venir en aide et relancer la bataille. Autour de Grub, non loin du champ de bataille, se trouvent 12 bataillons de grenadiers, entourant l’archiduc Charles. Il a gardé ces unités d’élite pour agir selon la nécessité. Et pourtant, à cet instant, il ne bouge pas. Certes, d’où il se trouve, il ne peut guère observer la bataille que livre Hohenzollern, mais la fumée qui s’élève, dans cette direction, ne suffit pas à l’inquiéter.[xx]

Bataille de Thann - Attaques devant Hausen
Bataille de Thann – Attaques devant Hausen

Mais Liechtenstein croit pouvoir, de son côté, gagner la bataille, en attaquant, non pas la partie ouverte du U, mais l’un de ses côtés. Se saisissant d’un drapeau de l’infanterie de Würzbourg, il se lance en avant, en colonne d’attaque.  Les Autrichiens avancent sans même s’arrêter pour tirer. Cette attaque frontale, le feu de l’artillerie autrichienne et l’infériorité numérique, forcent les hommes de Saint-Hilaire à céder le terrain si chèrement conquis. L’une de leur dernière décharge de mousqueterie abat Liechtenstein, hors de combat pour le reste de la journée.

Les hommes de Saint-Hilaire se retirent de la crête qui a été l’épine dorsale de leur défense, jusqu’à un marécage peu profond, où ils essayent de se rallier, au moment où Davout arrive. Le maréchal leur parle énergiquement, pour les relancer à l’attaque : « Aujourd’hui, il nous faut conquérir ou mourir ici. En dehors de ceci, il n’y a ni salut ni gloire ! »

Du côté des Autrichiens, la victoire semble acquise. Certes, l’infanterie a souffert, beaucoup d’officiers, et non des moindres, sont tombés sous le feu des Français. Pourtant les impériaux, après cinq heures de combats, ont réussi à repousser l’adversaire sur sa ligne de départ.

Les Français repartent à l’attaque

Mais ceux-ci repartent à l’attaque, rejoignant la crête. Et cette fois, les canons français se font entendre. L’artillerie française, enfin arrivée, conduite par le colonel Séruzier, prend rapidement l’avantage sur son adversaire, sur la gauche française. Mais il cherche également à trouver une meilleure position.

Le général Saint-Hilaire eut alors assez de confiance en moi pour me demander ce que je ferais à sa place dans cette circonstance, pour enlever la position où nous voyions les batteries autrichiennes s’établir; voici mot à mot ma réponse :

Je ferais mettre le 10e d’infanterie légère et les voltigeurs en tirailleurs sur tout le front de l’ennemi; je forcerais par là les siens à rentrer dans leurs lignes; moi, pendant ce temps, je passerais au galop avec mon artillerie à cheval sur les deux ponts que j’ai rétablis ; je m’emparerais avec rapidité de la position qui est devant nous. Pendant mon mouvement mon artillerie à pied passerait de même sur les deux ponts, et, protégée par le feu de mon artillerie légère, arriverait facilement à ma hauteur, et se mettrait en position : une fois établis là, faites marcher toute la division en avant au pas de charge; l’ennemi ne tiendra pas. [xxi]

Pour couvrir son artillerie, Saint-Hilaire lance le 57e et le 72e pour une attaque de diversion. La nuit commence à tomber, ces deux régiments descendent dans le creux remplis de blessés et remonte la pente. En même temps, des grenadiers de Friant, qui n’ont pas encore combattu, avancent sur le flanc des Autrichiens.

Finalement, Séruzier a trouvé, sans être aperçu des Autrichiens, une position qui lui permet de prendre en enfilade la ligne d’artillerie autrichienne, décimant artilleurs et chevaux sans distinction.

Cette attaque supposée, faite avec grande affectation, ne permit pas à l’ennemi de s’occuper de mon action ; j’eus le temps de tourner le taillis avec mes batteries légères; je les dirigeai aussitôt sur le flanc gauche des Autrichiens et sur leurs pièces de position. Je les tenais de si près que ma mitraille leur détruisit tous leurs chevaux et leurs canonniers : ils n’avaient pas encore pu se reconnaître que la division entière arriva sur eux la baïonnette croisée, tandis que je sonnais la charge après ma volée de mitraille. Les Autrichiens, étonnés de cette manœuvre, à laquelle ils étaient loin de s’attendre, se jetèrent dans la forêt, abandonnant leur belle position, un nombre considérable de blessés et de morts, et vingt-quatre bouches à feu. [xxii]

Les Autrichiens n’opposent désormais  qu’une faible résistance et retraitent avant même l’attaque des Français. Lorsqu’il voit s’en aperçoit, le prince Maurice Liechtenstein se met lui-même à la tête du régiment Kaunitz et lance une contre-attaque. Il est blessé, mais cette action a arrêté la poursuite des Français.

Un terrible orage met fin, ce soir là, à la bataille. D’un côté, l’archiduc Charles n’a pas réussi à détruire le corps d’armée de Davout. Mais celui-ci n’a pas encore fait sa jonction avec le gros de l’armée d’Allemagne. Mais ce n’est que partie remise[xxiii]. Bientôt, l’archiduc Charles va donner l’ordre à Hohenzollern de retraiter, laissant à Davout le passage et la possibilité à ce dernier de rejoindre Napoléon.

9 régiments d’infanterie, 4 de cavalerie légère et une brigade de cuirassiers français tinrent en échec pendant dix heures les corps autrichiens de Liechtenstein, Hohenzollern et Rosenberg, soutenus par la réserve commandée par le prince Charles en personne. Cette bataille, où les troupes des deux partis gardèrent leur position, équivalait pour nous à une victoire, car les divisions Morand et Gudin, que rien ne troubla dans leur marche de flanc, entrèrent dans la journée même en communication avec les Bavarois. [xxiv]

Les Autrichiens ont beaucoup souffert durant cette journée : les deux Liechtenstein, et les généraux Lusignan et Vukassovich ont été mis hors de combat, 18 officiers et 509 hommes ont été tués, 78 officiers et 2392 hommes sont blessés, 4 officiers et 462 hommes ont été faits prisonniers.

Du côté français, 2352 hommes sont tombés. Saint-Hilaire en a perdu 1.700, Friant, 317, Gudin, 80, la cavalerie, 257.[25]


NOTES

[i] Le même jour, l’archiduc Ferdinand bat Poniatowski à Fallenti.

[ii] Nous donnons ici le nom de bataille utilisé par Napoléon dans sa Proclamation du 24 avril. Mais la bataille s’appelle aussi, selon la nationalité des historiens : Hausen-Teugn ou Teugen. Le village de Thann, situé à 6 kilomètres au sud de Teugn, s’appelle aujourd’hui Herrnwahl-Thann. De là on a une très belle vue sur le champ de bataille (Guide Napoléon, p. 752)

[iii] Le „Terrible“, nom acquis en Italie

[iv] De plus, une patrouille a intercepté un courrier de Lefebvre à Davout, dans lequel celui-ci écrit : « Vous saurez, mon cher maréchal, que je suis ici pour vous soutenir, et attirer à moi une partie des forces ennemies, si vous étiez attaqué. J’ai fait porter à cet effet une division à Siegenbourg et Bibourg; deux autres sont tout prêtes à suivre et à marcher sur le flanc gauche de l’ennemi si vous attaqué. Donnez-moi de vos nouvelles et croyez qu’en bon voisin je ferai tout mon possible pour vous renouveler l’assurance etc. etc. ».

[v] GM Ludwig von Thierry (1753 – 1810). Entré dans l’armée autrichienne en 1773, il participe à la guerre contre les Turcs et combat contre les Français aux Pays-Bas autrichiens, en 1793, puis sur le Rhin en 1795-1797. En 1799, il est en Italie. Il est en 1800 à Marengo. Il fait partie des troupes qui sont obligées de se rendre à Ulm, en 1805. En février 1809, il a été nommé Général-Major et commandant de la 2e brigade de la division Lusignan, du IIIe corps d’armée.

[vi] IR 1 Kaiser, IR 29 Lindenau, 4e dragons Levenehr, au total 5.140 fantassins, 725 cavaliers, 8 canons. 458 soldats du IR 1 sont de nouvelles recrues.

[vii] L’archiduc Charles est avec le 1er corps de réserve de Liechtenstein. Ce corps va se diriger directement sur Ratisbonne et l’espace laissé vide par le départ de Davout. Il ne rencontrera aucun Français (et pour cause) et ses 20.000 hommes ne contribueront en rien aux évènements de la journée !

[viii] Stutterheim. La guerre de l’an 1809 entre l’Autriche et la France.

[ix] Davout aurait dû partir le 18, mais il a du attendre la division Friant, qui n’est arrivé le 18 qu’à 8 heures du soir, remettant son départ au lendemain.

[x] Il laisse à Ratisbonne seulement le 65e de ligne (3 bataillons, 1800 hommes), sous les ordres du colonel Cotard, qui a reçu pour instruction de « résister quoiqu’il arrive à toutes les attaques dirigées contre la ville et faire au besoin de la forteresse un dernier refuge. » (Gachot, p. 64.)

[xi] Napoléon à Masséna. Correspondance, 15092

[xii] Rapport des opérations du 3e corps. Saski, Tome 2, p. 252.

[xiii] Carnet de route du colonel Jean-Baptiste Plaige, p. 34. ABN Éditions. Plaige est

[xiv] La manoeuvre est tellement hardie qu’il ne vient même pas à l’idée de l’archiduc Charles qu’elle puisse être en train de se réaliser, à seulement quelques kilomètres de ses armées !

[xv] Mémoires de Masséna, volume 6, p. 147.

[xvi] Opérations militaires de la division Saint-Hilaire dans la campagne de 1809 en Autriche, par L. Boudin de Rouille (1er aide de camp de Saint-Hilaire.)

[xvii] « Il y a seize ans que ce régiment a été surnommé Le Terrible et il a justifié ce surnom à la bataille de Thann ». Premier Bulletin de l’Armée d’Allemagne, 24 avril 1809.

[xviii] C’est en fait le premier trophée de la campagne de 1809.

[xix] Cette attaque montre les progrès fait par l’armée autrichienne, habituée durant de longues années aux déploiements linéaires.

[xx] Pas plus que „le bruit du canon“ !

[xxi] Séruzier, p. 120. Il faut garder en mémoire, que Séruzier se donne très souvent le beau rôle.

[xxii] Idem, p. 122.

[xxiii] « Était-ce une victoire que les Français venaient de remporter ? Non, ils n’avaient fait qu’arrêter l’ennemi ; mais ils gardaient le champ de bataille. » Gachot, p.71

[xxiv] Mémoires de Masséna, volume 6, p. 148.

[25] Gachot, p. 90. Krieg 1809 (p. 694) donne des chiffres différents : Autrichiens 102 officiers et 3.780 soldats hors de combat, Français : 112 officiers et 4.135 soldats hors de combat. Ces derniers chiffres sont proches de ceux donnés par Chandler : Autrichiens, 3.846 – Français : 4.500.