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Traité de paix d’Amiens, du 27 mars 1802, conclu entre la République française, le roi d’Espagne, la République batave, et le roi du royaume uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande

Traité définitif de paix,

Entre la République française, sa majesté le roi d’Espagne et des Indes, et la République batave, d’une part ;

Et sa majesté le roi du royaume uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, d’autre part.

Le premier Consul de la République française, au nom du peuple français, et sa majesté le roi du royaume uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, également animés du désir de faire cesser les calamités de la guerre, ont posé les fondemens de la paix par les articles préliminaires signés à Londres le 9 vendémiaire an X [1er octobre 1801].

Et comme, par l’article XV desdits préliminaires, il a été convenu « qu’il serait nommé, de part et d’autre », des plénipotentiaires qui se rendraient à Amiens, pour y procéder à la rédaction du traité définitif, de « concert avec les alliés des puissances contractantes, »

Le premier Consul de la République française, au nom du peuple français, a nommé le C.en Joseph Bonaparte, conseiller d’état ;

Et sa majesté le roi du royaume uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, le marquis de Cornwallis, chevalier de l’ordre très-illustre de la Jarretière, conseiller privé de sa majesté, général de ses armées, &c. &c. ;

Sa majesté le roi d’Espagne et des Indes, et le Gouvernement d’état de la République batave, ont nommé pour leurs plénipotentiaires ; savoir, sa majesté Catholique, don Joseph-Nicolas d’Azzara, son conseiller d’état, chevalier grand-croix de l’ordre de Charles III, ambassadeur extraordinaire de sa majesté près la République française, &c. ;

Et le Gouvernement d’état de la République batave, Roger-Jean Schimmelpenninck, son ambassadeur extraordinaire près la République française ;

Lesquels, après s’être dûment communiqué leurs pleins pouvoirs, sont convenus des articles suivans :

Article premier.

Il y aura paix, amitié et bonne intelligence entre la République française, sa majesté le roi d’Espagne, ses héritiers et successeurs, et la République batave, d’une part ; et sa majesté le roi du royaume uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, ses héritiers et successeurs, d’autre part.

Les parties contractantes apporteront la plus grande attention à maintenir une parfaite harmonie entre elles et leurs états, sans permettre que, de part ni d’autre, on commette aucune sorte d’hostilité par terre ou par mer, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce puisse être.

Elles éviteront soigneusement tout ce qui pourrait altérer à l’avenir l’union heureusement rétablie, et ne donneront aucun secours ni protection, soit directement, soit indirectement, à ceux qui voudraient porter préjudice à aucune d’elles.

Article II.

Tous les prisonniers faits de part et d’autre, tant par terre que par mer, et les otages enlevés ou donnés pendant la guerre et jusqu’à ce jour, seront restitués sans rançon, dans six semaines au plus tard, à compter du jour de l’échange des ratifications du présent traité, et en payant les dettes qu’ils auraient contractées pendant leur captivité.

Chaque partie contractante soldera respectivement les avances qui auraient été faites par aucune des parties contractantes pour la subsistance et l’entretien des prisonniers dans le pays où ils ont été détenus. Il sera nommé de concert, pour cet effet, une commission spécialement chargée de constater et de régler la compensation qui pourra être due à l’une ou à l’autre des puissances contractantes. On fixera, également de concert, l’époque et le lieu où se rassembleront les commissaires qui seront chargés de l’exécution de cet article, et qui porteront en compte, non seulement les dépenses faites par les prisonniers des nations respectives, mais aussi pour les troupes étrangères qui, avant d’être prises, étaient à la solde et à la disposition de l’une des parties contractantes.

Article III.

Sa majesté Britannique restitue à la République française et à ses alliés ; savoir, à sa majesté Catholique et à la République batave, toutes les possessions et colonies qui leur appartenaient respectivement, et qui ont été occupées ou conquises par les forces britanniques dans le cours de la guerre, à l’exception de l’île de la Trinité et des possessions hollandaises dans l’île de Ceylan.

Article IV.

Sa majesté Catholique cède et garantit, en toute propriété et souveraineté, à sa majesté Britannique, l’île de la Trinité.

Article V.

La République batave cède et garantit, en toute propriété et souveraineté, à sa majesté Britannique, toutes les possessions et établissemens dans l’île de Ceylan, qui appartenaient avant la guerre à la République des Provinces-Unies ou à sa compagnie des Indes orientales.

Article  VI.

Le cap de Bonne-Espérance reste à la République batave en toute souveraineté, comme cela avait lieu avant la guerre.

Les bâtimens de toute espèce, appartenant aux autres parties contractantes, auront la faculté d’y relâcher et d’y acheter les approvisionnemens nécessaires, comme auparavant, sans payer d’autres droits que ceux auxquels la République batave assujettit les bâtimens de sa nation.

Article VII.

Les territoires et possessions de sa majesté très-fidèle sont maintenus dans leur intégrité, tels qu’ils étaient avant la guerre : cependant les limites des Guianes française et portugaise sont fixées à la rivière d’Arawari, qui se jette dans l’Océan au-dessus du cap Nord, près de l’île Neuve et de l’île de la Pénitence, environ à un degré un tiers de latitude septentrionale. Ces limites suivront la rivière d’Arawari, depuis son embouchure la plus éloignée du cap Nord, jusqu’à sa source, et ensuite une ligne droite tirée de cette source, jusqu’au Rio-Branco, vers l’ouest.

En conséquence, la rive septentrionale de la rivière d’Arawari, depuis sa dernière embouchure jusqu’à sa source, et les terres qui se trouvent au nord de la ligne des limites fixées ci-dessus, appartiendront en toute souveraineté à la République française.

La rive méridionale de ladite rivière, à partir de la même embouchure, et toutes les terres au sud de ladite ligne des limites, appartiendront à sa majesté très-fidèle.

La navigation de la rivière d’Arawari, dans tout son cours, sera commune aux deux nations.

Les arrangemens qui ont eu lieu entre les cours de Madrid et de Lisbonne pour la rectification de leurs frontières en Europe, seront toutefois exécutés suivant les stipulations du traité de Badajoz.

Article VIII.

Les territoires, possessions et droits de la sublime Porte sont maintenus dans leur intégrité, tels qu’ils étaient avant la guerre.

Article IX.

La république des Sept-Iles est reconnue.

Article X.

Les îles de Malte, de Gozo et Comino, seront rendues à l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, pour être par lui tenues aux mêmes conditions auxquelles il les possédait avant la guerre, et sous les stipulations suivantes :

1° Les chevaliers de l’ordre dont les langues continueront à subsister après l’échange des ratifications du présent traité, sont invités à retourner à Malte aussitôt que l’échange aura eu lieu : ils y formeront un chapitre général, et procéderont à l’élection d’un grand-maître, choisi parmi les natifs des nations qui conservent des langues, à moins qu’elle n’ait été déjà faite depuis l’échange des ratifications des préliminaires.

Il est entendu qu’une élection faite depuis cette époque sera seule considérée comme valable, à l’exclusion de toute autre qui aurait eu lieu dans aucun temps antérieur à ladite époque.

2° Les Gouvernemens de la République française et de la Grande-Bretagne, désirant mettre l’ordre et l’île de Malte dans un état d’indépendance entière à leur égard, conviennent qu’il n’y aura désormais ni langue française ni anglaise, et que nul individu appartenant à l’une ou à l’autre de ces puissances ne pourra être admis dans l’ordre.

3° Il sera établi une langue maltaise, qui sera entretenue par les revenus territoriaux et les droits commerciaux de l’île. Cette langue aura des dignités qui lui seront propres, des traitemens et une auberge. Les preuves de noblesse ne seront pas nécessaires pour l’admission des chevaliers de ladite langue : ils seront d’ailleurs admissibles à toutes les charges, et jouiront de tous les priviléges, comme les chevaliers des autres langues. Les emplois municipaux, administratifs, civils, judiciaires, et autres dépendans du gouvernement de l’île, seront occupés, au moins pour moitié, par des habitans des îles de Malte, Gozo et Comino.

4° Les forces de sa majesté Britannique évacueront l’île et ses dépendances dans les trois mois qui suivront l’échange des ratifications, ou plutôt, si faire se peut. A cette époque, elle sera remise à l’ordre dans l’état où elle se trouve, pourvu que le grand-maître ou des commissaires pleinement autorisés suivant les statuts de l’ordre, soient dans ladite île, pour en prendre possession, et que la force qui doit être fournie par sa majesté Sicilienne, comme il est ci-après stipulé, y soit arrivée.

5° La moitié de la garnison, pour le moins, sera toujours composée de Maltais natifs : pour le restant, l’ordre aura la faculté de recruter parmi les natifs des pays seuls qui continuent de posséder des langues. Les troupes maltaises auront des officiers maltais. Le commandement en chef de la garnison, ainsi que la nomination des officiers, appartiendront au grand-maître ; et il ne pourra s’en démettre, même temporairement, qu’en faveur d’un chevalier, d’après l’avis du conseil de l’ordre.

6° L’indépendance des îles de Malte, de Gozo et de Comino, ainsi que le présent arrangement, sont mis sous la protection et la garantie de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Autriche, de l’Espagne, de la Russie et de la Prusse.

7° La neutralité permanente de l’ordre de l’île de Malte, avec ses dépendances, est proclamée.

8° Les ports de Malte seront ouverts au commerce et à la navigation de toutes les nations, qui y paieront des droits égaux et modérés. Ces droits seront appliqués à l’entretien de la langue maltaise, comme il est spécifié dans le paragraphe 3, à celui des établissemens civils et militaires de l’île, ainsi qu’à celui d’un lazaret général ouvert à tous les pavillons.

9° Les états Barbaresques sont exceptés des dispositions des deux paragraphes précédens, jusqu’à ce que, par le moyen d’un arrangement que procureront les parties contractantes, le système d’hostilités qui subsiste entre lesdits états Barbaresques, l’ordre de Saint-Jean et les puissances possédant des langues ou concourant à leur composition, ait cessé.

10° L’ordre sera régi, quant au spirituel et au temporel, par les mêmes statuts qui étaient en vigueur lorsque les chevaliers sont sortis de l’île, autant qu’il n’y est pas dérogé par le présent traité.

11° Les dispositions contenues dans les paragraphes 3, 5, 7, 8 et 10, seront converties en lois et statuts perpétuels de l’ordre, dans la forme usitée ; et le grand-maître, ou, s’il n’était pas dans l’île au moment où elle sera remise à l’ordre, son représentant, ainsi que ses successeurs, seront tenus de faire serment de les observer ponctuellement.

12° Sa majesté Sicilienne sera invitée à fournir deux mille hommes natifs de ses états, pour servir de garnison dans les différentes forteresses desdites îles. Cette force y restera un an, à dater de leur restitution aux chevaliers ; et si, à l’expiration de ce terme, l’ordre n’avait pas encore levé la force suffisante, au jugement des puissances garantes, pour servir de garnison dans l’île et ses dépendances, telle qu’elle est spécifiée dans le §. 5, les troupes napolitaines y resteront jusqu’à ce qu’elles soient remplacées par une autre force jugée suffisante par lesdites puissances.

13° Les différentes puissances désignées dans le 6°, savoir, la France, la Grande-Bretagne, l’Autriche, l’Espagne, la Russie et la Prusse, seront invitées à accéder aux présentes stipulations.

Article XI.

Les troupes françaises évacueront le royaume de Naples et l’État romain : les forces anglaises évacueront pareillement Porto-Ferrajo, et généralement tous les ports et îles qu’elles occuperaient dans la Méditerranée ou dans l’Adriatique.

Article XII.

Les évacuations, cessions et restitutions stipulées par le présent traité, seront exécutées, pour l’Europe, dans le mois ; pour le continent et les mers d’Amérique et d’Afrique, dans les trois mois ; pour le continent et les mers d’Asie, dans les six mois qui suivront la ratification du présent traité définitif, excepté dans le cas où il y est spécialement dérogé.

Article XIII.

Dans tous les cas de restitution, convenus par le présent traité, les fortifications seront rendues dans l’état où elles se trouvaient au moment de la signature des préliminaires ; et tous les ouvrages qui auront été construits depuis l’occupation, resteront intacts.

Il est convenu en outre que, dans tous les cas de cessions stipulées, il sera alloué aux habitans, de quelque condition ou nation qu’ils soient, un terme de trois ans, à compter de la notification du présent traité, pour disposer de leurs propriétés acquises et possédées soit avant soit pendant la guerre ; dans lequel terme de trois ans, ils pourront exercer librement leur religion et jouir de leurs propriétés. La même faculté est accordée, dans les pays restitués, à tous ceux, soit habitans ou autres, qui y auront fait des établissemens quelconques pendant le temps où ces pays étaient possédés par la Grande-Bretagne.

Quant aux habitans des pays restitués ou cédés, il est convenu qu’aucun d’eux ne pourra être poursuivi, inquiété ou troublé dans sa personne ou dans sa propriété, sous aucun prétexte, à cause de sa conduite ou opinion politique, ou de son attachement à aucune des parties contractantes, ou pour toute autre raison, si ce n’est pour des dettes contractées envers des individus ou pour des actes postérieurs au présent traité.

Article XIV.

Tous les séquestres mis, de part et d’autre, sur les fonds, revenus et créances, de quelque espèce qu’ils soient, appartenant à l’une des puissances contractantes, ou à ses citoyens ou sujets, seront levés immédiatement après la signature de ce traité définitif.

La décision de toutes réclamations entre les individus des nations respectives, pour dettes, propriétés, effets ou droits quelconques, qui, conformément aux usages reçus et au droit des gens, doivent être reproduites à l’époque de la paix, sera renvoyée devant les tribunaux compétens ; et dans ces cas, il sera rendu une prompte et entière justice dans les pays où les réclamations seront faites respectivement.

Article XV.

Les pêcheries sur les côtes de Terre-Neuve, des îles adjacentes, et dans le golfe de Saint-Laurent, sont remises sur le même pied où elles étaient avant la guerre. Les pêcheurs français de Terre-Neuve, et les habitans des îles Saint-Pierre et Miquelon, pourront couper les bois qui leur seront nécessaires, dans les baies de Fortune et du Désespoir, pendant la première année, à compter de la notification du présent traité.

Article XVI.

Pour prévenir tous les sujets de plaintes et de contestations qui pourraient naître à l’occasion des prises qui auraient été faites en mer après la signature des articles préliminaires, il est réciproquement convenu que les vaisseaux et effets qui pourraient avoir été pris dans la Manche et dans les mers du Nord après l’espace de douze jours, à compter de l’échange des ratifications des articles préliminaires, seront, de part et d’autre, restitués ; que le terme sera d’un mois, depuis la Manche et les mers du Nord, jusqu’aux îles Canaries inclusivement, soit dans l’Océan, soit dans la Méditerranée ; de deux mois, depuis les îles Canaries jusqu’à l’Équateur ; et enfin, de cinq mois, dans toutes les autres parties du monde, sans aucune exception ni autre distinction plus particulière de temps et de lieu.

Article XVII.

Les ambassadeurs, ministres et autres agens des puissances contractantes, jouiront respectivement dans les états desdites puissances, des mêmes rangs, priviléges, prérogatives et immunités dont jouissaient, avant la guerre, les agens de la même classe.

Article XVIII.

La branche de la maison de Nassau qui était établie dans la ci-devant République des Provinces-Unies, actuellement la République batave, y ayant fait des pertes, tant en propriétés particulières, que par le changement de Constitution adopté dans ce pays, il lui sera procuré une compensation équivalente pour lesdites pertes.

Article XIX.

Le présent traité définitif de paix est déclaré commun à la sublime Porte-Ottomane, alliée de sa majesté Britannique ; et la sublime Porte sera invitée à transmettre son acte d’accession dans le plus court délai.

Article XX.

Il est convenu que les parties contractantes, sur les réquisitions faites par elles respectivement, ou par leurs ministres et officiers dûment autorisés à cet effet, seront tenues de livrer en justice les personnes accusées des crimes de meurtre, de falsification ou banqueroute frauduleuse, commis dans la juridiction de la partie requérante, pourvu que cela ne soit fait que lorsque l’évidence du crime sera si bien constatée, que les lois du lieu où l’on découvrira la personne ainsi accusée, auraient autorisé sa détention et sa traduction devant la justice, au cas que le crime y eût été commis. Les frais de la prise de corps et de la traduction en justice, seront à la charge de ceux qui feront la réquisition : bien entendu que cet article ne regarde en aucune manière les crimes de meurtre, de falsification ou de banqueroute frauduleuse commis antérieurement à la conclusion de ce traité définitif.

Article XXI.

Les parties contractantes promettent d’observer sincèrement et de bonne foi, tous les articles contenus au présent traité ; et elles ne souffriront pas qu’il y soit fait de contravention directe ou indirecte par leurs citoyens ou sujets respectifs ; et les susdites parties contractantes se garantissent généralement et réciproquement toutes les stipulations du présent traité.

Article XXII.

Le présent traité sera ratifié par les parties contractantes, dans l’espace de trente jours, ou plutôt si faire se peut ; et les ratifications, en due forme, seront échangées à Paris.

En foi de quoi, nous soussignés plénipotentiaires, avons signé de notre main, et en vertu de nos pleins pouvoirs respectifs, le présent traité définitif, et y avons fait apposer nos cachets respectifs.

Fait à Amiens, le 6 germinal an X de la République française [le 27 mars 1802].

Signé : JOSEPH BONAPARTE, CORNWALLIS, J.-NICOLAS D’AZZARA et SCHIMMELPENNINCK.