Correspondance de Napoléon – Février 1803

Paris, 21 février 1803

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire payer

36,000 francs pour compléter les distributions faites aux pauvres par les comités de bienfaisance 36,000 fr.
12,000 francs aux brigadier et gendarmes qui ont arrêté Picot et Lebourgeois, ci 12,000
100,000 francs au général Soult, l’un des généraux de la garde, ci 100,000
31,000 francs au citoyen Louis d’Affry, landamman de la Suisse, ci 31,000
15,000 francs au chef de brigade Boyer, qui a une mission dans la Drôme, ci . . . 15,000
Total. 194,000

Vous prendrez cette somme totale de 194,000 francs sur les fonds secrets de la police.

 

Paris, 21 février 1803

Au citoyen Chaptal, ministre de l’intérieur

L’Athénée de Turin, Citoyen Ministre, a plus de 500,000 francs de rentes. Ces attributions lui ont été faites par le gouvernement provisoire. Cela est tout à fait ridicule. Faites-vous faire un rapport et présentez-moi un projet d’arrêté sur cet objet.

 

Paris, 21 février 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Il serait convenable, Citoyen Ministre, de faire partir les inspecteurs au ler germinal, pour commencer leur inspection, dont l’objet est,

1° D’accorder des retraites à un grand nombre d’hommes qui n’avaient pas rejoint leurs corps lors de la dernière inspection et qui encombrent encore les dépôts des corps;
2° De s’assurer si les capitaines de recrutement ont rempli leur devoir, en recevant des conscrits ayant la taille et les qualités requises;
3° De vérifier les observations et prendre les différentes notes sur les officiers nommés depuis la dernière inspection.

Je vous prie de me présenter, au prochain travail, le nombre des inspecteurs et la désignation des lieux où ils doivent aller. Il paraît convenable que les mêmes inspecteurs ne retournent pas dans les mêmes arrondissements.

Il n’y a que le temps nécessaire pour pouvoir les prévenir et leur donner leurs instructions.

 

Paris, 21 février 1803

A LA CONSULTE D’ÉTAT DE LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE

Citoyens Consultateurs, j’ai reçu vos lettres des 3 et 19 janvier. Je vous remercie de tout ce quelles contiennent d’aimable pour moi. Tout meurt; la mémoire seule des bonnes actions ne périt pas.

Le ministre Marescalchi vous envoie l’acte de médiation que j’ai fait entre les Suisses.

Le repos et l’ordre, dans ce pays, importent au repos et à l’ordre dans la République italienne.

 

Paris, 21 février 1803

Au citoyen Melzi, vice-Président de la république Italienne

Je réponds à votre lettre du 21 janvier. Le général Leclerc est mort en brave homme et à son poste (Leclerc est mort de la fièvre jaune, le 20 novembre 1802). Je vous remercie de ce que vous m’en dites.

J’agrée l’espérance de voir enfin un budget à la convocation du mois d’avril. Je remettrai à Marescalchi les comptes des ministres du trésor public et des finances de cette année. Vous y verrez comment nous procédons ici.

Nous sommes toujours en discussion pour le concordat, mais on finira par s’arranger.

Je ne me suis pas encore bien rendu compte de ce que vous demandez pour le Conseil législatif. Je voudrais, autant que possible, ne toucher à rien de ce qui a été fait à Lyon, de peur d’autoriser l’inquiétude dans les esprits.

Marescalchi a dû vous envoyer l’acte de médiation pour les affaires de Suisse. Présentez-le à la Consulte, afin d’assurer la garantie de la République italienne. Vous y verrez beaucoup de constitutions, mais c’est une des choses particulières à ma position, de beaucoup plus m’en occuper que je ne voudrais. Au reste, la manière dont marche la République italienne ne me porte pas à me repentir de ce qui a été fait l’année passée.

Je pense que la République devrait prendre trois bataillons suisses à sa solde, pour tenir lieu des légions polonaises. Il ne parait pas effectivement convenable que la République italienne ait la moitié de ses troupes composées de Polonais, qui sont aujourd’hui sous la domination autrichienne. Je verrai avec plaisir que les troupes auxiliaires de la République italienne se trouvent à peu près les mêmes, et nous y gagnerons d’avoir trois bataillons suisses au lieu des légions polonaises. Je vous recommande de faire marcher la conscription, afin de compléter les cadres des corps italiens, qui sont très-faibles. Je n’entends pas dire qu’elle aille encore.

Directement ou indirectement, ne souffrez aucune trame contre Naples ; le continent a besoin de repos, et tout ce qui tendrait à le troubler serait le jeu des Anglais, et non le nôtre. D’ailleurs, si la République italienne doit arriver à de plus hautes destinées, il faut désirer de commencer par la tête, et non par les pieds.

Je vous recommande de pousser les travaux de Mantoue et de la Rocca-d’Anfo, et de faire fournir tout ce qui est nécessaire à la confection de la route du Simplon ; elle est très-arriérée du côté de l’Italie.

Il me reste enfin à vous recommander de mettre l’artillerie de la République sur un bon pied, d’activer la fabrication de la poudre, et d’avoir une quarantaine de mille de fusils dans vos arsenaux. Il y en a 500, 000 en France, et je n’aurai point de repos que je n’en aie le double. Mettez la main à ce que les fusils soient de notre modèle de 1777, car, en fait d’armes, il faut surtout en avoir de bonnes et de durables.

Je voudrais bien, au lieu d’aller en Belgique et dans les départements réunis, faire le voyage d’Italie; mais j’espère passer une quinzaine avec vous, un peu plus tôt ou un peu plus tard.

 

Paris, 21 février 1803

DÉCISION

Le ministre des relations extérieures de la République italienne, propose de supprimer les péages du Pô dans les États de Parme, et d’accorder à la République italienne la propriété du pont de Plaisance. Renvoyé au ministre des relations extérieures, pour conférer avec le citoyen Marescalchi, afin que, sous aucun prétexte on ne puisse établir de péage sur le Pô, ni pour les citoyens de la République française, ni pour ceux de la République italienne; moyennant ce, tous les péages de Parme seront supprimés.

 

Paris, 21 février 1803

Au citoyen Louis d’Affry, landamman de Suisse

J’ai donné ordre qu’on vous soldât les sommes que vous avez réclamées. J’ai également ordonné que la pension de 1,000 francs dont vous jouissiez vous fût restituée. Elle vous sera payée à compter du 1er vendémiaire an XI. Je saisirai toutes les occasions de vous être agréable.

 

Paris, 21 février 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez partir un petit bâtiment portant 8 à 900 fusils de tout calibre, 3 ou 400 pistolets, dix milliers de poudre et du plomb en proportion. Ce bâtiment, commandé par un officier intelligent, se rendra à Corfou. L’officier sera porteur d’une lettre de vous à l’agent de la République dans cette île, par laquelle vous lui ferez connaître que le commandant du bâtiment a des fusils et de la poudre, et que, s’il est encore temps d’en donner aux Souliotes et aux habitants qui se défendent contre les Turcs dans la Morée, il doit lui donner des instructions.

Je n’ai pas besoin de vous dire combien cette expédition doit être prompte et secrète. Ce brick sera censé aller à la recherche du contre- amiral Leissègues, et mouillera dans différents ports de la Morée sous différents prétextes; il ira aussi à Athènes, où il prendra, de l’agent que nous y avons, des renseignements sur la situation du pays.

Vous devez donner avis au citoyen Talleyrand du départ de ce bâtiment pour Corfou, sans lui en faire connaître l’objet, afin qu’il envoie des lettres à notre agent, s’il en a.

 

Paris, 22 février 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je désire, Citoyen Ministre, que vous expédiiez un courrier extra-ordinaire au général Ney, pour lui faire connaître que l’acte de médiation a été prononcé; qu’il est convenable que M. d’Affry soit bien reçu et bien traité à Berne; qu’il doit lui donner une garde d’honneur française et suisse, comme au premier magistrat du pays; qu’on doit lui marquer les plus grands égards, devant honorer en lui une nation amie qu’il est de notre intérêt de concilier et de nous attacher;

Qu’il peut mettre en liberté les prisonniers retenus pour leur conduite dans les petits cantons; mais qu’il leur fera connaître que, pour ne pas troubler la tranquillité publique, il faut qu’ils fassent un voyage à Paris, ou seulement à Besançon, jusqu’à l’entière réunion de la diète;

Que les magasins d’artillerie qui ont été transportés dans le pays de Vaud et à Morat seront mis sous le scellé du commandant de l’artillerie française et du landamman, et que, sous aucun prétexte, il n’y sera touché jusqu’au mois de juillet; que je désire que le général Ney emploie toute son influence et mette toute sa sagesse à concilier les partis, à leur faire sentir l’importance de se concilier entre eux, et fasse tout ce qui dépendra de lui pour donner le plus d’influence et de relief possible au landamman;

Que les ordres sont donnés pour qu’à compter du 10 mars toutes les subsistances soient fournies et toutes les administrations de l’armée employées au compte de la République française; qu’il peut en faire la notification ;

Que, quant aux troupes helvétiques, il est nécessaire qu’il en fasse passer une revue et en envoie le plus tôt possible l’état de situation pour qu’il sait définitivement pris un parti à leur égard; qu’il doit constamment assurer que le Gouvernement français ne se souvient plus du passé, veut concilier tous les partis et se les attacher entièrement; que cette conduite est le résultat de sa puissance et du bien qu’il veut aux Suisses; qu’ils seraient eux-mêmes aveugles et ennemis de leur propre bien, s’ils ne faisaient pas le sacrifice de leurs passions.

Qu’enfin il peut envoyer toutes les réclamations qui lui seraient faites par des militaires qui auraient servi la France et dont les pensions ne seraient pas encore liquidées, parce qu’elles le seront immédiatement.

 

Paris, 23 février 1803

ALLOCUTION À UNE DÉPUTATION DU CORPS LÉGISLATIF

C’est à l’accord qui a régné entre le Gouvernement et le Corps législatif qu’est dû le succès de la mesure la plus importante et la plus populaire qui ait marqué votre dernière session.

Des travaux non moins utiles sont réservés à la session actuelle ; le Gouvernement attend la même harmonie et les mêmes résultats. Je reçois avec la plus grande satisfaction le témoignage des sentiments que vous m’exprimez. Je les justifierai par le dévouement le plus constant aux intérêts de la patrie.

 

Paris, 25 février 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre à l’agent nommé à la résidence de Cagliari de partir sans délai, afin qu’il puisse nous instruire des opérations des Anglais dans la Méditerranée. Il aura 15,000 francs d’appointements.

 

Paris, 25 février 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner des ordres pour que toutes les troupes françaises qui sont en Suisse soient, à dater du 10 mars, nourries et entretenues aux frais de la République française. Les Suisses fourniront seulement le logement, le bois et la lumière.

 

Paris, 25 février 1803

Au général Berthier

Mon intention, Citoyen Ministre, est que les fortifications d’Alexandrie soient poussées avec la plus grande activité. Il est nécessaire d’y avoir des casernes et des fournitures pour 8,000 hommes, qui y seront rendus au 1er floréal.

 

Paris, 26 février 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Il sera donné à chaque cardinal français une somme de 45,000 francs pour subvenir aux frais d’installation.
ART. 2. – Il leur sera payé tous les ans 30,000 francs, indépendamment de tout autre traitement, pour les mettre à même de soutenir la dignité de leur état.
ART. 3. – Le ministre du trésor public et le conseiller d’État chargé de toutes les affaires concernant les cultes sont chargés de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris, 26 février 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Le ministre de la marine fera, dans la première semaine de germinal, un rapport au Gouvernement sur les moyens de déblayer le port de Toulon des carcasses provenant des vaisseaux brûlés par les Anglais.
ART. 2. – Il fera en même temps un rapport qui fasse connaître les bâtiments à prendre pour augmenter les magasins de Toulon, de manière à les rendre susceptibles de contenir l’armement et l’approvisionnement de 25 vaisseaux de guerre et 25 frégates pour campagnes.
ART. 3. – Le ministre de la marine est chargé de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris, 27 février 1803

Au citoyen Cretet, conseiller d’État, chargé des ponts et chaussées

J’attache la plus grande importance, Citoyen Conseiller d’État, au canal, projeté par la commission, de Boulogne à Dunkerque. Il indispensable de faire partir des ingénieurs pour en faire le projet, mon intention étant de le commencer cette année. Les fonds en seront faits à part et sur un autre crédit que celui du ministre de l’intérieur. Les écluses doivent être assez larges pour que des bateaux canonniers puissent y passer. Il faudrait prendre des mesures pour ce projet à la fin de germinal.

 

Paris, 27 février 1803

Au citoyen Gaudin, ministre des finances

Par un compte que je reçois du ministre du trésor public, Citoyen Ministre, il résulterait que, du 1er vendémiaire au 1er ventôse an XI, il n’aurait été inscrit que 1,071,297 francs au grand-livre de la dette perpétuelle, dont 938,853 francs pour tiers provisoire, 26,892 en échange de bons de deux tiers, et seulement, 1° 50,051 pour liquidation, dont la jouissance compte du 1er germinal an VI, 2° 289,960 francs pour la loi du 30 ventôse; ce qui ne ferait donc que 339,011 francs; d’où il faudrait conclure que le crédit par la loi de l’année passée est suffisant.

 

Paris, 27 février 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je vous renvoie, Citoyen Ministre, des états. Je désire que me présentiez, jeudi à dix heures du soir, un rapport avec un projet pour se procurer les objets particulièrement annotés. Il serait nécessaire que la moitié des approvisionnements contenus dans cet état se trouvât exister, au 1er vendémiaire an XII, dans l’arsenal de Dunkerque, et que l’autre moitié s’y trouvât au 1er germinal, ou, au plus tard, au 1er vendémiaire an XIII.

Il serait également nécessaire de présenter un projet pour construire, dans l’année, sur la Manche, 50 chaloupes canonnières et 100 bateaux canonniers, et de prendre des dispositions, à l’arsenal de Dunkerque, pour que ces bateaux soient tenus sous des hangars; il faudrait également remiser sous des hangars la portion de notre flottille aujourd’hui à Dunkerque, et qui est dans le cas de servir.

Nous avons, au Havre, des bâtiments qu’on pourrait réparer et mettre sous des hangars dans l’arsenal.

Je vous prie de méditer sur cette question, et de me présenter un travail, jeudi, avec le projet d’approvisionnement.

 

Paris, 27 février 1803

A M. Charles Denina

J’ai vu avec plaisir l’ouvrage que vous m’avez fait remettre. Il m’a rappelé les Révolutions d’Italie, que j’ai lues dans le temps avec un véritable intérêt. Cet ouvrage m’a inspiré pour vous beaucoup d’estime, et je désire vous en donner des preuves.

 

Paris, 28 février 1803

NOTE POUR LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC

Je prie le citoyen Barbé-Marbois de faire appeler Deguer, et lui faire connaître que j’ai lu avec plaisir l’ouvrage qu’il a fait, et que je désirerais qu’il en fît un plus détaillé sur la véritable situation des finances anglaises.