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Moïse Zumero (1791-1873), dernier mameluk de la Garde impériale

Le 30 floréal an V (19 mai 1798), une armée de 50.000 hommes s’embarquait des ports de Toulon, Gênes et Civita-Vecchia sous les ordres du général Bonaparte.

C’était le commencement de l’épopée de la campagne d’Egypte.

Près de deux cents ans après la victoire des Pyramides et l’échec de Saint-Jean d’Acre qui mit fin au rêve oriental du futur Napoléon 1er, je ne puis m’empêcher de sortir de l’oubli l’incroyable destinée du mameluk Moussa Zumero Al’Goussa en suivant les traces d’un enfant puis d’un homme dont cette campagne a radicalement changé la vie et celle de sa descendance. Un simple hommage rendu à l’un de ces soldats « les petits, les obscurs, les sans- grade » [1]L’Aiglon, d’Edmond Rostand. Juin 1900. , un peu plus méritant peut-être, parce que venu de sa lointaine Syrie à l’âge de huit ans, probablement l’une des plus jeunes recrues mameluks de la toute nouvelle garde du consul Bonaparte.

Moise Zumero l’accompagna ensuite dans cette même garde devenue impériale sur tous les champs de bataille d’Europe, non pas comme Roustam, en serviteur dévoué des bons moments, mais en fidèle combattant partageant sa gloire comme sa défaite.

De ceux-là Napoléon disait à Sainte-Hélène à Las Cases chargé de rédiger ses mémoires :

« jamais il n’y eut plus bel assemblage d’hommes intrépides que dans ce corps d’émulation et de récompense où l’on n’était admis qu’avec des qualités physiques et morales longuement éprouvées ».

La tombe de Zumero

Le 9 mai 1873, le charmant cimetière de Lavaur dans le Tarn recevait la dépouille de ce vétéran de la Grande Armée. Une modeste stèle récemment restaurée [2]La tombe de Zumero au cimetière de Lavaur et son portrait au musée de la ville sont mentionnés dans le Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens publié par MM. Chappet Martin, Pigeard et … Continue reading marque l’emplacement de la sépulture où l’on peut relever l’inscription suivante :

« Ici repose le dernier des mameluks, chevalier de la Légion d’honneur ».

A la une de son édition du 11 mai suivant le journal local écrivait :

Avant-hier monsieur Zumero nous a quittés. Quelques détails sur la vie de ce brave soldat, glorieux débris des immortelles phalanges qui portèrent bien loin la renommée du nom français. Il comptait au moins quatorze campagnes, les plus rudes, les plus sanglantes et aussi les plus désastreuses. Cette terrible campagne de 1812, l’enfant de la brûlante Syrie l’avait faite à travers les frimas et les glaces de Russie, fatales à tant de héros. Il avait résisté à l’influence des climats hyper-boréens, confirmant cette appréciation du célèbre Larrey, chirurgien en chef de la grande armée, à savoir que ces soldats avaient supporté aussi bien et même mieux que ceux du nord les effets de cette température sibérienne. Il laisse pour dignes héritiers de son nom et de sa mémoire justement honorée une fille et un fils. Il laisse encore deux proches parents dont l’un Nasri Frances Al’Coussa est actuellement gouverneur général du Liban et l’autre patriarche de Jérusalem 

Cela dit, qu’est-ce qui avait bien pu inciter ce Syrien de naissance à quitter pour toujours la Terre Sainte ?

Pourquoi avoir risqué sa vie jour après jour pour une cause qui n’était pas la sienne et plutôt que d’avoir sa tombe au cœur de son pays, pourquoi avoir choisi de devenir vauréen pour être enseveli, après une longue et pénible errance, dans ce qui était devenu pour lui une autre Terre Promise, le Tarn.

C’est en effet en Palestine que le petit Moussa vit le jour le 14 avril 1791.

Portrait de Zumero

Un doute subsiste sur la date exacte de sa naissance, certains papiers militaires faisant état du 12 juin 1789. Très probablement a-t-il voulu se vieillir au moment de son engagement pour avoir l’âge requis.

Vraisemblablement, la date à retenir paraît être celle indiquée sur son certificat de baptême, extrait du registre de l’église Saint-André à Saint-Jean d’Acre, notifiant que Moussa Z’mero AYCoussa né le 14 du mois de Nisan (avril) a été baptisé le 2 du mois Iyard (mai) 1791 par le vénérable curé Honna Alselal.

Ses ancêtres, patriciens de religion catholique orthodoxe grecque, furent de hauts fonctionnaires. L’un fut médecin personnel de Selim III, sultan de 1789 à 1808, et trésorier du pacha de Saint-Jean d’Acre, l’autre fut ministre des travaux publics du pacha Abou-Hézé et persécuté par le cruel Ahmed pacha surnommé à juste titre D’jezzar, c’est-à-dire « le boucher » qui s’empara de ses biens et le fit mettre à mort.

Son père Antoun vint en France avec son fils comme réfugié égyptien et mourut à Chaumes (Seine-et-Marne) plus qu’octogénaire. Il avait été receveur du grand bureau des douanes de Boulak avant d’être persécuté lui aussi par D’jezzar parce que noble et chrétien. Poursuivie inexorablement par la haine de D’jezzar, la famille Z’mero avait dû, en toute hâte quitter Saint-Jean d’Acre pour s’installer à Jaffa où le père s’était reconverti dans le commerce et, ayant refait fortune, y vivait riche et honoré [3]Selon la tradition familiale, son grand-père avait caché un trésor formé de 60 cous de chameaux remplis de pièces d’or carrées de Malte, une amphore pleine de pièces d’or et un … Continue reading

C’est alors que les troupes françaises prirent la ville en ce fatal 7 mars 1799 et passèrent la garnison au fil de l’épée. Dans ce massacre, des innocents périrent et parmi eux la mère, la sœur et deux frères de Moussa.

Malgré cela, que ce soit par admiration pour Bonaparte ou pour ne pas retomber entre les mains du cruel D’jezzar, le jeune Moussa (il n’avait que huit ans) décida de rejoindre l’armée française au Caire. La gazette de Lavaur révèle qu’il abandonna furtivement de nuit, la ville de Jaffa, après s’être emparé des clés de la ville. L’anecdote est trop jolie pour être passée sous silence, mais sous toutes réserves quant à son authenticité.

Le seul fait dont on ait la certitude grâce aux documents militaires, c’est qu’il fut admis le 4 mai 1799 comme trompette. Il mesurait à peine 1 m 40 et la grande aventure commençait pour lui. Comment aurait-il pu imaginer ce jour-là que par son impétueuse décision il serait un jour, par le mariage de son fils avec une normande, apparenté à Charlotte Corday, meurtrière de Marat et petite-fille de Corneille ?

Voici donc Moise Zumero [4]C’est à compter de ce jour que son nom d’origine fut simplifié et Al’Coussa supprimé.) incorporé dans la troupe à cheval de la garde consulaire. Il apprend très vite les … Continue reading le 31 mars 1814 d’un coup de lance au bras gauche. Le 10 mai suivant, au lendemain de l’abdication de l’Empereur, il reçoit les galons de brigadier, avec cette citation :

« (…)  ce militaire qui s’est toujours bien conduit est par sa bravoure et l’exactitude à remplir son service, digne de la bienveillance de son Excellence le ministre de la Guerre » [5]Le ministre de la Guerre était alors le comte Pierre Dupont de l’Étang (1765-1840) qui occupa ce poste après l’abdication de Napoléon le 4 avril 1814 jusqu’au retour de … Continue reading .

Il n’a pas vingt-cinq ans.

Une année suivante, il se bat à Waterloo avec la même bravoure qu’auparavant.

Le 17 juillet 1815, ce valeureux soldat est porté déserteur avec armes et bagages. Pourtant de retour de Waterloo, il habitait ouvertement au 253 de la rue Saint-Martin à Paris d’où il correspondait avec les autorités pour mettre à jour sa situation militaire, ce que n’aurait vraisemblablement pas fait un déserteur.

Mais c’était la période de la Terreur blanche. Persécutions, massacres commis à l’égard des bonapartistes durant l’été qui sui-vit la seconde abdication de Napoléon et qui mit fin aux Cent-Jours.

Ces crimes atteignaient également les survivants mameluks et leur familles.

Il était avec les rescapés de l’Empire, « orphelins de Napoléon, veufs de la France, dédaignés par un peuple veule et versatile, voués à la méfiance des politiques, surveillés par toutes les polices, ils se disaient eux-mêmes les cocus de l’histoire » comme l’écrit très judicieusement Maurice Denuzière dans son oeuvre Romandie.

Malgré tout, sur cette période étalée sur près de dix ans, quelques heureux événements viennent égayer la vie de l’ancien mameluk en demi-solde.

Le 2 avril 1816, il épouse une jeune et charmante jeune fille Anne Gaucher, originaire de Chaumes, près du camp de Melun. La cérémonie a lieu à Paris en l’église Saint-Roch où son cousin Youssef Sabbagh officie comme vicaire et aumônier des mamelouks.

Le frère de celui-ci, Michael Sabbagh, fera une grande carrière linguistique. Il est probablement l’un des seuls jeunes orientaux à avoir reçu une éducation européenne au moment de la campagne d’Egypte. Il fut secrétaire arabe à l’ambassade du général Sebastiani en Turquie en 1806. Lors de son retour en France l’année suivante l’empereur le nomma professeur de langue arabe à l’École des Langues orientales.

C’est seulement en 1825 que Moïse Zumero obtint d’entrer dans les Postes, grâce aux pressantes sollicitations de plusieurs personnalités qui l’encouragèrent avec flamme.

Citons tout d’abord le témoignage favorable du chirurgien Larrey, les démarches du baron de Sacy, ancien recteur de l’université de Paris, membre de l’Institut royal de France, et surtout la chaleureuse recommandation du comte de Latour-Maubourg, gouverneur des Invalides à l’époque et parrain de sa femme.

Dès lors, une nouvelle carrière commence pour cet ancien mameluk dans cette administration dont Voltaire disait déjà : « Elle est le lieu de toutes les affaires, de toutes les négociations, les absents deviennent par elle, présents ».

La création effective des départements commencée dès 1808 fut une étape importante dans l’évolution de son organisation. Les changements et l’importance prise par l’extension de ses services financiers contribuèrent sans doute à de nouveaux recrutements dont l’engagement de monsieur Zumero au poste de directeur. Pour une famille de quatre enfants, son traitement ajouté à sa pension militaire constituait une véritable aubaine.

La réinsertion ne lui fut certainement pas facile, ce n’était plus un métier, c’était une profession.

C’est à Mormant en Seine-et-Marne, qu’il fit ses premières armes dans ce nouveau domaine. En tant que directeur, il était chargé, entre autre, de choisir les facteurs. C’était le plus souvent parmi les anciens soldats de l’Empire qui étaient disciplinés et capables de fournir de longs et pénibles trajets à pied par tous les temps. Ces derniers étaient ensuite proposés au directeur général qui prenait la décision définitive.

La Commission de Directeur des Postes

Cette belle vie dura sept ans et jamais l’administration n’éleva la moindre réclamation sur le cumul de revenus, pension d’ancien soldat et salaire de l’administration.

Le 21 mai 1832 il est nommé directeur des Postes à Lavaur dans le Tarn. Logé en l’hôtel de Berne, au cœur de la promenade et des belles allées de la ville, il reçoit un costume de drap bleu de roi avec broderies aux collets et aux manches dont il est aussi fier que de son costume de mameluk. Un portrait en buste le représente ainsi à cette époque, appuyé sur son épée, remplaçante pacifique du sabre, ces deux témoins de son dévouement à un pays qui ne lui fut pas toujours reconnaissant.

Malheureusement deux intendants militaires de Toulouse, dont le baron Joinville, refusèrent le cumul de traitements de Zumero et cherchèrent par tous les moyens à le priver de sa pension militaire.

Pourtant nombreux étaient les survivants mameluks qui recevaient une pension et profitaient d’un travail complémentaire. La polémique engagée dura dix ans malgré l’appui du préfet du Tarn. En octobre 1842 l’administration, insensible et impitoyable, entérina définitivement la supplique en répliquant par l’infaillible non possumus.

Nommé à Chalet, dans le Maine-et Loire, en 1844, puis en fin de carrière à Lorient, dans le Morbihan, il retourna à Lavaur prendre une retraite plus que méritée.

Sa santé se délabrait un peu plus chaque jour, il avait perdu l’usage de ses deux pieds.

Deux portraits de Moise Zumero à la fin de sa vie

C’est le 9 mai 1873, au milieu des siens, qu’il ferma définitivement les yeux.

Ce fut un destin hors pair pour celui qui fut un des plus jeunes mameluks de la Garde et le dernier à disparaître.

Il avait quatre-vingt deux ans.

Le 11 mai 1873 la municipalité lui rendit les honneurs.

Aujourd’hui, au musée Vaurais, lorsqu’on regarde le daguerréotype le représentant à la fin de sa vie, vêtu comme un bourgeois de son temps, on a bien du mal à imaginer qu’il ait pu être ce cavalier farouche, à la tenue orientale, armé jusqu’aux dents, chargeant l’ennemi, pour participer modestement à la gloire de Napoléon Bonaparte.

Sur sa tombe on aurait pu ajouter :

Tout homme a deux pays,
Le sien et puis la France.

Thérèse Blondel Ablon [6]Madame Thérèse Blondel Ablon a été archiviste au journal L’Aurore, puis documentaliste au Figaro, lors de la fusion de L’Aurore avec ce journal. Elle termina sa carrière comme … Continue reading


 © 2001 – T. Blondel Ablon

References

References
1 L’Aiglon, d’Edmond Rostand. Juin 1900.
2 La tombe de Zumero au cimetière de Lavaur et son portrait au musée de la ville sont mentionnés dans le Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens publié par MM. Chappet Martin, Pigeard et Robe en 1993, page 341.
3 Selon la tradition familiale, son grand-père avait caché un trésor formé de 60 cous de chameaux remplis de pièces d’or carrées de Malte, une amphore pleine de pièces d’or et un coffre de six pieds cubes contenant de la vaisselle plate, qui n’ont jamais été retrouvés.
4 C’est à compter de ce jour que son nom d’origine fut simplifié et Al’Coussa supprimé.) incorporé dans la troupe à cheval de la garde consulaire.

Il apprend très vite les sonneries réglementaires qui sont dans l’armée le seul moyen de communication. Le trompette est donc l’agent de transmission, à pied ou à cheval, toujours en tête de colonne et près de son chef quel qu’en soit le grade.

Il est l’intermédiaire indispensable pour répercuter les ordres auprès de la troupe.

Instrument d’ordonnance il en indique les mouvements et les déplacements.

Toute la vie militaire était rythmée au son de la trompette. Les ordres joués différaient selon les allures exigées: sonneries pour le pas, le trot, le galop, les déplacements, la charge, mais aussi selon l’emploi du temps de la journée dans la garnison ou au bivouac. Du réveil à la soupe en passant par le pansage, l’abreuvoir des chevaux et enfin l’extinction des feux, il fallait apprendre une trentaine de signaux différents.

Après l’échec du siège de Saint-Jean d’Acre et des assauts maintes fois repoussés par l’invincible et barbare D’jezzar, assisté de l’émigré Phelippeaux, ancien condisciple de Bonaparte à l’école militaire, c’est la victoire d’Aboukir. A l’aube du 25 juillet 1799, une armée de 10.000 Turcs fait face aux hommes de Bonaparte. Murat à la tête de sa cavalerie lance une des plus belles charges de sa carrière. Terrifiés, les Turcs sont rejetés à la mer par milliers, leurs turbans flottant comme autant de bouées multicolores.

Pour le trompette Zumero, c’est probablement son premier combat.

Après le départ de Bonaparte, un peu précipité et presque incognito vers la France, le gros de l’armée reste en Egypte sous les ordres de Kléber pour continuer la pacification.

Quelques temps après l’assassinat de ce dernier, c’est le retour au pays tant souhaité pour le reste de l’armée et le premier grand départ pour Moise Zumero.

L’enfant quitte pour toujours sa Syrie natale. L’on peut facilement imaginer la nostalgie et l’excitation qui se mêlent dans sa jeune tête de onze ans. Mais pour lui comme pour ses compagnons mameluks et leurs familles, l’arrivée sur la terre de France est plutôt décevante. Sitôt débarqués à Marseille, ils sont mis en quarantaine.

Se rappelant la bravoure et la témérité de ces fougueux cavaliers d’Égypte, le Premier consul pense alors qu’une troupe aussi bigarrée bien encadrée ne pourrait qu’accroître son prestige personnel, étoffer les escadrons de la garde et même alimenter ses projets d’une armée européenne. Les parisiennes se mettent à raffoler de ces costumes colorés et donneront le ton à une nouvelle mode habillant leur progéniture de culottes bouffantes à la Roustam, se coiffant à la mameluk, c’est-à-dire enturbannées.

L’escadron des mameluks de la garde du Premier consul est organisé par le général Rapp. Il est obligé de faire des coupes sombres parmi les nouveaux venus. Un certain nombre d’entre eux sont trop âgés, c’est le cas du père de Moise, Antoun, considéré alors comme réfugié égyptien, admis généreusement à la solde. On met à la disposition des actifs comme des pensionnés le quartier Augereau de la caserne de Melun. Ce sera leur port d’attache. Quelques uns resteront casernés à Marseille, d’autres encore, trop individualistes, ne pouvant se plier aux servitudes de garnison, seront écartés.

Pour sa part le jeune Moise est envoyé au camp de Boulogne où l’on prépare la construction de ports et bassins en prévision d’un débarquement en Angleterre. Mais en septembre 1804 le trompette Zumero est réformé à cause de son jeune âge. Il est évidemment très déçu mais ne perd pas courage. Pris en charge par ses aînés, il apprend en vrai mameluk le maniement des armes comme le font ses modèles : Remo, Dasbonne, Ismaël pour ne nommer que ceux-là, et suit Bonaparte dans ses conquêtes.

C’est seulement le 10 octobre 1808, malgré son insistance, qu’il est incorporé dans la cavalerie de la Garde impériale. Il a grandi de trente centimètres et arrive juste à temps pour participer à la campagne d’Espagne de 1808 à 1812, avec une interruption en 1809 pour combattre à Wagram. Le 29 décembre 1808, alors qu’un combat de cavalerie oppose mameluks et chasseurs de la Garde aux forces du général Hill, Moise voit mourir sous ses yeux un de ses meilleurs chefs, Azaria-le-petit. Lui-même est blessé d’un coup de sabre au front.

Après ce combat ses supérieurs diront de lui « il a servi avec la plus grande bravoure » et le proposeront pour la croix de la Légion d’honneur. Cette proposition fut plusieurs fois renouvelée au cours des différentes batailles auxquelles il a participé. Il devra attendre quarante ans pour que cette décoration lui soit finalement décernée le 29 mai 1854 avec la médaille de Sainte-Hélène.

Vraisemblablement il participa en 1810 aux manifestations grandioses organisées pour le mariage de Napoléon avec Marie- Louise. Au milieu de la Garde impériale, l’escadron des mameluks en tenue de parade ouvre la marche du cortège, le turban orné d’une aigrette asiatique et d’un croissant oriental, caracolant sur leurs chevaux dont le harnachement riche et coloré est couvert par leurs culottes bouffantes. Timbaliers et trompettes en tête, ils défilent un peu en désordre au milieu du peuple de Paris bouche bée devant un tel spectacle. Mais la cérémonie terminée, c’est à nouveau les champs de bataille et la campagne de Russie en 1812. Lors de ces engagements, les mameluks de la Garde chargeant à cheval, hurlant sabre à la hauteur de l’ennemi, le fendant en deux, ou le décollant, terrifiaient les troupes russes qui croyaient revoir leur vieil adversaire turc.

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Le sabre de Moise Zumero

Après l’incendie de Moscou, pendant la retraite, les mameluks furent les seuls avec les soldats de la Garde à rapporter leur armement qui pesait en moyenne 25 kilos et que tous les autres militaires abandonnaient sur place à cause de la charge qu’il représentait.

Puis c’est la Bérézina. Le froid cause alors plus de vide dans les rangs que les balles et les sabres. Comment cette neige, si belle, si blanche aux flocons si légers peut-elle avoir ce revers si traître, si noir, si rouge et si meurtrier, cette neige où se sont enlisés hommes, chevaux, Grande Armée.

Zumero a les pieds gelés. Le grand chirurgien Larrey le soigne comme il en a soigné tant d’autres. Une lettre signée de lui l’atteste en 1825 rappelant dans quel état il le vit et comment ce brave mameluk perdit la majorité des orteils des deux pieds ce qui ne l’empêcha pas de combattre dans les campagnes suivantes.

En 1813 c’est l’Allemagne avec Lützen, Bautzen, Gorlitz, Duntzlau. Il est blessé de nouveau à Altenbourg en délivrant le lieutenant de sa compagnie, Antoine Kapfer, pris par trois hussards prussiens. Il tue l’un d’eux et blesse les deux autres.

Il se bat dans la campagne de France et est à nouveau blessé à Courtrai ((Le 1er corps de l’armée du Nord, commandé par le général Maison (1771-1840) remporta une victoire contre Thielmann à Courtrai le 31 mars 1814.

5 Le ministre de la Guerre était alors le comte Pierre Dupont de l’Étang (1765-1840) qui occupa ce poste après l’abdication de Napoléon le 4 avril 1814 jusqu’au retour de l’île d’Elbe l’année suivante.
6 Madame Thérèse Blondel Ablon a été archiviste au journal L’Aurore, puis documentaliste au Figaro, lors de la fusion de L’Aurore avec ce journal. Elle termina sa carrière comme responsable du service des archives du Figaro quotidien, Figaro Magazine et Figaro Madame.