Correspondance de Napoléon – Avril 1813
Naumburg, 29 avril 1813, quatre heures après midi.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Naumburg.
Mon Cousin, donnez ordre au duc de Raguse de porter demain son quartier général à Kœsen, et d’y réunir la 1e et la 2e division, les divisions Compans et Bonet, et de faire venir sa 3e division entre Eckartsberga et Kœsen. Donnez ordre au général Brenier, qui est à Camburg, aussitôt qu’il sera relevé, de partir pour se rendre au village de Wetau, près Naumburg, lieu désigné par le prince de la Moskova et où déjà se trouve rendue la brigade Grillot.
Donnez ordre par estafette au général Marchand, qui est à Camburg ou à Dornburg, que, s’il a reçu des ordres du prince de la Moskova, il les exécute ; que, s’il n’en a pas reçu, il se dirige sur Stœssen, et qu’il donne avis du moment où il arrivera : prévenez-en le prince de la Moskova.
Écrivez au général Bertrand que je suppose que son quartier général sera ce soir à Dornburg ou à Camburg; qu’il fasse connaître remplacement qu’il occupe et toutes les nouvelles qu’il aura apprises de l’ennemi.
Écrivez au vice-roi que j’ai reçu sa lettre du 29 à quatre heures du matin ; que ce qui est arrivé à Halle est tout simple, que Halle est inattaquable par la rive gauche; que j’attends l’avis de son arrivée à Merseburg; que le prince de la Moskova est à Weissenfels; que je suis ici à Naumburg ; qu’il faut qu’il réunisse à Merseburg le 1 Ie corps, le 5e et toute son armée; qu’il jette plusieurs ponts sur la Saale et débouche, dans l’un et l’autre sens, du côté de Weissenfels pour se réunir au prince de la Moskova, et du côté de Halle pour couper la route de Halle à Leipzig, ce qui obligera sur-le-champ l’ennemi d’évacuer Halle; que le général Ricard a marché par la rive gauche de Freiburg à Weissenfels, qu’ainsi il doit être en communication avec lui. Écrivez aux deux bataillons que le général Ricard a laissés à Freiburg de rejoindre leur division.
Naumburg, 29 avril 1813, cinq heures après midi.
À Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant en chef l’armée de l’Elbe, à Eisleben.
Mon Fils, un de vos courriers m’apporte votre lettre d’aujourd’hui 29, à quatre heures du matin. Halle est inattaquable de ce côté, du moment que l’ennemi le veut défendre. Le 11e corps doit être arrivé à Merseburg; appuyez sur Merseburg avec toute l’armée. Si l’on est entré à Merseburg aujourd’hui, donnez ordre au général de jeter des ponts sur les petites rivières et de pousser sur Halle, en même temps que le général Lauriston se repliera sur Merseburg. Le résultat de cette manœuvre, de refuser votre gauche pour avancer votre droite, sera d’obliger l’ennemi à évacuer Halle, et cela est important pour assurer les opérations, et aussi pour les subsistances.
Le prince de la Moskova était à Weissenfels ; le quartier général est ici. Le prince de la Moskova poussera demain probablement une avant-garde sur Lützen. Menez ma Garde; les gendarmes et tout ce qui appartient au quartier général à Merseburg ; ils se trouveront là à portée de recevoir mes ordres pour tout ce qui doit rejoindre le grand quartier général.
Je fais construire ici un pont de radeaux sur la Saale sur la route de Merseburg.
Naumburg, 30 avril 1813, quatre heures et demie du matin.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Naumburg.
Mon Cousin, écrivez au duc de Tarente, par la grande route de Merseburg, pour lui faire connaître que j’ai fait construire un pont sur la route de Merseburg; que nos communications sont directes et sans empêchement; qu’il réunisse sans délai tout son corps d’armée à Merseburg; qu’il fasse rétablir les ponts sur toutes les petites rivières ; qu’il se mette en communication avec le prince de la Moskova, qui est à Weissenfels et a eu une très-belle affaire, où le général Souham a culbuté la division Lanskoï, forte de 6 à 7,000 hommes, infanterie et cavalerie. Dites au duc de Tarente d’envoyer sur Naumburg tous les prisonniers qu’il a faits; qu’il mette un piquet à mi-chemin d’ici à Merseburg pour que les communications soient très-promptes.
Après avoir remis celte lettre au duc de Tarente, votre officier poursuivra son chemin pour aller à la rencontre du vice-roi et lui remettre un duplicata de l’ordre que vous lui avez expédié hier de se porter sur Merseburg et d’y réunir toute son armée. Vous annoncerez au vice-roi l’affaire du prince de la Moskova, où les soldats se sont couverts de gloire. Mandez également au vice-roi qu’il attire tout sur Merseburg, qu’aussitôt que l’ennemi aura évacué Halle, nous le garderons comme tête de pont; mais que mon intention est de manœuvrer sur la rive gauche de l’Elster et non sur la droite, la droite étant connue comme plus favorable à la cavalerie.
Écrivez au général Bertrand : annoncez-lui la prise de Merseburg, le combat de Weissenfels, qui fait tant d’honneur à nos jeunes soldats, et mandez-lui de se diriger par le plus court chemin sur Stœssen sans trop fatiguer ses troupes, et de faire connaître quand il y arrivera; qu’il réunisse successivement ses trois divisions.
Écrivez au duc de Reggio d’arriver au plus tôt possible sur Iéna. Annoncez au duc de Reggio les événements qui ont eu lieu.
Naumburg, 30 avril 1813, dix heures du matin.
A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel
Mon Frère, je reçois votre lettre du 29 avril à six heures du matin. Hier, à deux heures après midi, le général Souham a rencontré le général russe Lanskoï, qui avait sous ses ordres 6 à 7,000 hommes, infanterie, cavalerie et douze pièces de canon, l’a attaqué près de Weissenfels, l’a culbuté, lui a pris beaucoup de monde et s’est emparé de Weissenfels. Ce combat n’est remarquable que parce que le général Souham n’avait que de l’infanterie, et que ces jeunes gens ont soutenu les charges de la cavalerie et marché sur elle avec une ardeur et un enthousiasme qui permettent de tout espérer. À quatre heures après midi, le duc de Tarente est entré à Merseburg, où étaient 2 à 3,000 Prussiens qui voulaient défendre la ville ; il les a culbutés, a pris un major et des prisonniers, et s’est emparé de la place et du pont.
Naumburg, 30 avril 1813.
Au maréchal Ney, prince de la Moskova, commandant le 3e corps de la Grande Armée, à Weissenfels.
Le vice-roi me mande d’aujourd’hui 30, à neuf heures du matin, qu’il arrive à Merseburg et qu’il opérera sur-le-champ pour se porter derrière Halle, afin d’obliger l’ennemi à évacuer cette ville. Le duc de Raguse, avec ses trois divisions, doit arriver à trois heures après midi à Naumburg; il prendra position de manière à observer Pegau. Donnez ordre au général Marchand de vous rejoindre. Le général Bertrand doit arriver aussi aujourd’hui à Stœssen ; demain il y aura la plus grande partie de son corps réunie; il se placera de manière à reconnaître les débouchés de Zeitz.
Je laisse le duc de Trévise et la jeune Garde encore aujourd’hui à Naumburg. J’arriverai vers trois heures à Weissenfels. J’ai donné ordre que deux bataillons de la vieille Garde qui, étaient à Naumburg se réunissent à Weissenfels avec huit pièces de canon, et quatre bataillons de vieille Garde qui sont à Merseburg avec le vice-roi s’y rendront également. J’espère que le duc de Reggio arrivera aujourd’hui ou demain à Iéna. Je désire bien d’apprendre que nous avons Halle. Prévenez le vice-roi de mon arrivée à Weissenfels ; c’est sur ce point qu’il doit diriger ses rapports, et non plus sur Naumburg.
On se plaint de ce que vos troupes commettent beaucoup de désordres, de sorte que les villages désertent : c’est un grand malheur; mettez-y ordre.
Le duc d’Istrie avec sa cavalerie se porte autour de Weissenfels.
Naumburg, 30 avril 1813, midi.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Naumburg.
Mon Cousin, donnez ordre aux deux bataillons de la vieille Garde qui sont ici, avec la batterie de huit pièces qui y est attachée, de partir de suite pour se rendre à Weissenfels, où je me rendrai de ma personne dans la journée. Donnez ordre au vice-roi de diriger sur Weissenfels les bataillons de la Garde qui sont à Merseburg. Les bataillons de la vieille Garde se réuniront à ces bataillons, ainsi que les huit pièces de canon, et formeront la division de la vieille Garde, qui sera commandée par le général Roguet et sera sous les ordres immédiats du duc de Dalmatie. Le 1er bataillon du 2e de tirailleurs et le 1er bataillon du 2e de voltigeurs attendront à Weissenfels le passage de la division Dumoustier, où je désire ‘que ces bataillons soient placés, ce qui maintiendra cette division à seize bataillons. Les bataillons napolitain et piémontais feront partie de la division Roguet, ce qui portera cette division à six bataillons. Les gardes d’honneur de Toscane et du Piémont passeront sous les ordres du duc d’Istrie, qui les placera avec la grosse cavalerie pour les ménager. Le duc de Trévise restera à Naumburg la journée d’aujourd’hui avec la division de la jeune Garde et l’artillerie qui y est attachée. Vous donnerez l’ordre au duc d’Istrie de porter son quartier général à Weissenfels et de placer toute sa cavalerie autour de Weissenfels.
Le duc de Raguse aura son quartier général à Naumburg, comme je l’ai déjà ordonné. Il portera la division Compans et la division Bonet dans la direction de Pegau. Vous réitérerez l’ordre au prince de la Moskova de faire évacuer par son infanterie Wetau et Plotba, pour que le duc de Raguse puisse occuper ces villages, et de placer ses divisions, comme je l’ai déjà ordonné, dans la direction de Lützen. Le général Marchand, aussitôt qu’il sera arrivé à Stœssen, devra se diriger sur le 3e corps. Le général Bertrand tiendra son quartier général à Stœssen et poussera de fortes reconnaissances sur Zeitz ; aussitôt que je serai instruit de son arrivée et de la situation des choses, je lui donnerai l’ordre d’occuper Zeitz.
Nommez un commandant pour Naumburg. Donnez ordre que la jeune Garde y laisse une compagnie d’hommes éclopés qui feront le service. Le général Bertrand et le duc de Raguse pourront aussi y laisser leurs hommes éclopés. Jusqu’à nouvel ordre, le duc de Raguse tiendra deux bataillons au pont de Kœsen; il ne devra les retirer de ce poste qu’après en avoir obtenu l’autorisation. J’ai donné des ordres au commandant du génie pour mettre les portes de Naumburg à l’abri de la cavalerie légère ennemie, ainsi que la tête de pont qu’a fait construire le prince de la Moskova. Il faut qu’on y travaille sans délai.
Naumburg, 30 avril 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Naumburg.
Mon Cousin, écrivez au duc de Raguse que, la jonction avec le vice-roi étant entièrement faite par l’occupation de Weissenfels par le prince de la Moskova, et par celle de Merseburg par le général Macdonald, je désire qu’il porte aujourd’hui son quartier général à Naumburg, avec les divisions Bonet et Compans. Sa 3e division prendra poste à Kœsen et occupera le terrain depuis Eckartsberga jusqu’à Kœsen. Annoncez au duc de Raguse le succès des combats de Weissenfels et de Merseburg.
Naumburg, 30 avril 1813.
Au prince Cambacérès, archichancelier de l’Empire, à Paris.
Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre du 26. Vous verrez par les nouvelles de l’armée que les affaires vont assez bien ici. La jonction avec l’armée de l’Elbe est opérée.
Weissenfels, 30 avril 1813, une heure du soir.
À Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant en chef l’armée de l’Elbe, à Merseburg.
Mon Fils, le général Corbineau m’apporte votre lettre du 30 à neuf heures du soir. Faites partir la division de ma Garde à cinq heures du matin pour se rendre ici. Vous laisserez avec elle la batterie d’artillerie à cheval ; vous joindrez la batterie d’artillerie à pied à la réserve du 11e corps. J’ordonne au duc de Raguse de faire partir demain, à cinq heures du matin (1er mai), les cinq bataillons de la division Durutte, qui forment 3,000 hommes, pour se rendre à Merseburg, où je suppose que cette division se trouve. Cela portera donc cette division à 4,000 hommes; elle n’appartient, je crois, ni au 5e ni au 11e corps : cela vous formera une réserve de 4,000 hommes dans la main. Le général Reynier va se rendre à Merseburg pour en prendre le commandement. Je crois que vous n’avez plus aucuns Saxons à l’armée; si vous en avez quelques détachements, réunissez-les à cette division. Le général Sébastiani, avec 14,000 hommes, dont beaucoup de cavalerie, se trouve détaché : où se trouve-t-il positivement et quel ordre a-t-il ? Je vois également que la 1e division du 1er corps se trouve également détachée en pure perte : où est-elle et quel ordre a-t-elle ? Enfin la division du duc de Bellune se trouve également détachée : où est-elle et quel ordre a-t-elle ? Il n’y a plus personne devant Magdeburg. Le général prussien Wolberg, qui s’y trouvait, s’est aussi reployé sur Dessau. Cela me fait donc une force de 14,000 hommes du général Sébastiani, 6,000 hommes de la 1e division en laissant six bataillons pour Magdeburg, et enfin 8,000 hommes du 2e corps; total, 28,000 hommes, qui sont en pure perte et qui ne se trouveraient pas à la bataille qui va avoir lieu. Répondez-moi promptement là-dessus.
Je ne conçois pas comment vous avez si peu de cavalerie ; c’est qu’elle est toujours disséminée à droite et à gauche. Donnez ordre à tout ce qui est à Hanovre, Brunswick, etc., d’en partir sans délai pour vous rejoindre. S’il y avait de la cavalerie ailleurs, envoyez par des courriers extraordinaires l’ordre qu’elle parte également, puisqu’il va y avoir une bataille et qu’il est important d’avoir toute votre cavalerie. Il parait que vous pourrez déboucher demain avec près de 60,000 hommes, tandis que si toutes vos forces avaient été réunies, vous pourriez déboucher avec 88,000 hommes. Le major général vous avait écrit de mettre un poste de cavalerie à mi-chemin de Naumburg; faites-le venir à mi-chemin de Weissenfels. On n’a fait aucun mouvement ici aujourd’hui, parce qu’on ne vous croyait pas encore en mesure de déboucher. Faites placer demain tout le 11e corps et toutes vos troupes et portez les trois divisions du 11e corps, celles du 5e et du 7e, c’est-à-dire vos sept divisions, en avant de Merseburg. Étendez-vous sur Schladebach. Tâchez d’avoir quelqu’un de ces pays pour vous donner des renseignements. Trois régiments de cavalerie que l’ennemi avait à Zeitz, il les a reployés hier sur Altenburg.
NAPOLÉON.
- S. Où est votre parc ? Faites-le venir sur Merseburg; faites palissader les portes de Merseburg ; faites palissader les différents ponts, afin qu’en cas de retraite tout cela puisse être gardé facilement. Faites venir tout le quartier-général à Merseburg. Établissez-y sur-le-champ des hôpitaux pour 4.000 hommes.