Correspondance de Napoléon – Avril 1813
Saint-Cloud, 9 avril 1813.
Au maréchal Ney, prince de la Moskova, commandant le 3e corps de la Grande Armée, à Würzburg.
Du 15 au 18, le général Bertrand sera, avec sa 1e, sa 4e division et sa cavalerie, à Bamberg; il aura sa 2e division et sa 3e en marche d’Augsburg sur Nuremberg et Anspach. J’ai donné l’ordre au duc de Raguse de réunir, à la même époque, son corps sur Vacha, occupant Eisenach, et de choisir une belle position aux débouchés des montagnes pour y placer son corps. Je désire qu’à la même époque vous preniez position sur les hauteurs entre Meiningen et Gotha ou Meiningen et Erfurt.
Voici les renseignements que j’ai : les Russes ont 25,000 hommes devant Danzig, 10,000 hommes à Thorn, 10,000 hommes à Modlin, 20,000 hommes sur la Pilica, vis-à-vis les Polonais et les Autrichiens, 12,000 hommes qui cernent Glogau, 10,000 devant Küstrin, 15,000 autour de Stettin; de sorte que la majeure partie de leurs forces est occupée autour des places. Le général Blücher doit être sur Dresde. Le corps du général York et une partie de celui de Wittgenstein sont opposés au vice-roi entre Brandenburg et Magdeburg. Je ne pense donc pas qu’il entre aujourd’hui dans les projets de l’ennemi de faire un grand mouvement de forces par Dresde, ou qu’il puisse le faire avec plus de 25,000 hommes. De votre position de Meiningen, vous serez dans le cas de juger la force et les intentions de l’ennemi. J’aimerais à vous voir prendre position devant Erfurt, ce qui tranquilliserait toute la Westphalie et pourrait nous mettre à même de nous emparer des débouchés de la Saale, en même temps que cela appuierait le vice-roi. Dans ce cas, le duc de Raguse se porterait sur Gotha, et le général Bertrand pousserait sa tête sur Cobourg. Dans tous les cas, il est nécessaire que votre corps d’armée soit aux débouchés des montagnes de la Thuringe, comme je vous l’ai dit plus haut.
Saint-Cloud, 9 avril 1813.
Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant le 6e corps de la Grande Armée, à Hanau.
Du 15 au 18, appuyez votre 1e et votre 3e division sur Fulde et votre 2e sur Vacha; prenez, immédiatement après, position sur les hauteurs d’Eisenach, de manière à y placer votre corps et à dominer la plaine. Envoyez un de vos officiers prendre connaissance du mouvement du prince de la Moskova, dont une division est déjà à Meiningen, et qui, du 15 au 18, réunira toutes ses forces sur Meiningen. Si le prince de la Moskova jugeait convenable d’occuper les environs d’Erfurt, vous vous porteriez sur Gotha. Le général Bertrand arrive du 15 au 18 à Bamberg, et suivra le mouvement sur Cobourg.
Saint-Cloud, 10 avril 1813.
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Donnez ordre au maréchal duc de Tarente de partir dans la journée de demain pour se rendre par Wesel à l’armée de l’Elbe, à Magdeburg, où il prendra le commandement du 11e corps, sous les ordres du vice-roi. Il serait nécessaire qu’il est arrivé le 15 ou le 16.
Saint-Cloud, 10 avril 1813.
Au général Duroc, duc de Frioul, grand-maréchal du palais, à Paris.
Vous écrirez au duc de Trévise de tenir prête, pour partir le 15 de ce mois, une division des troupes de ma Garde, composée de seize bataillons, savoir : deux bataillons de vieille Garde, grenadiers et chasseurs ; deux bataillons de fusiliers (grenadiers et chasseurs) ; cela formera la le brigade; deux bataillons du 1er régiment de voltigeurs, deux du 6e, les deux 2e bataillons du 2e tirailleurs et du 2e voltigeurs, formeront la 2e brigade; deux bataillons du 1e de tirailleurs, deux du 6e, deux du 7e, formeront la 3ebrigade. Ces trois brigades seront commandées par les adjudants généraux Lanusse, Berthezène et Tindal. La division le sera par le général Dumoustier, qui aura pour chef d’état-major l’adjudant commandant Semery. Il sera attaché à cette division sept batteries d’artillerie, ou cinquante-deux bouches à feu, savoir : une batterie d’artillerie à pied à chacune des trois brigades, deux batteries d’artillerie à cheval avec la cavalerie, et deux batteries de réserve à pied. L’artillerie sera commandée par le général Desvaux. Il partira aussi quatre compagnies d’équipages militaires avec le personnel et le matériel de quatre ambulances; le reste des voitures sera chargé de farine, et l’ordonnateur prendra des mesures pour faire filer à la suite de la division cent mille rations de biscuit; enfin tous les sapeurs, marins et ouvriers d’administration disponibles. Cette division sera sous les ordres du maréchal duc d’Istrie. Je le laisse le maître de déterminer la quantité de cavalerie qu’il pourra emmener.
Saint-Cloud, 10 avril 1813.
Au général Mouton, comte de Lobau, aide de camp de l’empereur, à Paris.
Quels sont les six meilleurs généraux d’infanterie propres à bien commander une division d’infanterie, qu’on puisse faire généraux de division? Quels sont les douze meilleurs colonels ou adjudants-commandants propres à faire de bons généraux de brigade, les uns et les autres dans la force de l’âge et actuellement disponibles ?
Saint-Cloud, 10 avril 1813.
Au maréchal Kellermann, duc de Valmy, commandant supérieur des 5e, 25e et 26e divisions militaires, à Mayence.
Mon Cousin, le général Dombrowski doit être arrivé le 10 à Francfort; faites prendre dans ce corps de quoi compléter tous les chevau-légers polonais de ma Garde, et placez ce corps où je voulais placer la division Durutte, entre le grand-duché de Berg et la Westphalie. Faites-moi connaître la situation de ce corps, ce qui lui manque et ce qu’il faut faire pour le réorganiser promptement.
Saint-Cloud, 10 avril 1813.
Au maréchal Ney, prince de la Moskova, commandant le 3e corps de la Grande Armée, à Würzburg.
Le maréchal duc d’Istrie part demain et sera rendu le 14 à Francfort. Le même jour, le prince de Neuchâtel sera rendu à Mayence. Je vous ai fait connaître mes intentions par ma lettre d’hier. Le major général vous écrit plus en détail. Vous verrez dans sa lettre que je donne ordre au duc d’Istrie de se joindre au duc de Raguse avec 10,000 hommes d’infanterie de ma Garde, soixante pièces de canon et 6,000 chevaux, et de se porter sur Eisenach. Il commandera au duc de Raguse comme plus ancien, et lui-même sera sous vos ordres par la même raison. Le duc d’Istrie n’a ordre que de prendre position sur Eisenach. Si je ne suis pas arrivé, c’est de vous qu’il recevra l’initiative de se porter sur Gotha, si vous vous portez sur Erfurt. Dans ce cas, faites converger sur votre droite le général Marchand avec les Bavarois et les alliés. Dans les cas imprévus, vous commanderez aussi au général Bertrand, par le même principe. S’il n’y a pas d’inconvénient majeur, portez-vous sur Erfurt avec tout votre corps. Ordonnez au duc d’Istrie de se porter sur Gotha. Vous êtes même autorisé à faire venir toute la cavalerie du duc d’Istrie à votre hauteur, et à placer toute votre cavalerie sous ses ordres.
J’ai écrit, par mon officier d’ordonnance Lauriston, aux rois de Saxe et de Wurtemberg pour qu’ils dirigent toute leur cavalerie sur Würzburg; ce qui ferait une augmentation de 3,000 chevaux, qui, joints à ceux que vous avez et à ceux de la Garde, pourraient faire 12,000 chevaux au camp d’Erfurt. Vous avez près de 60,000 hommes d’infanterie avec les alliés; le duc d’Istrie vous en amène 40,000; cela ferait donc une armée de 100,000 hommes d’infanterie et de 12,000 hommes de cavalerie. Vous devez avoir cent trente bouches à feu avec les alliés ; le duc d’Istrie avec le duc de Raguse en a cent vingt; cela vous fera donc deux cent cinquante bouches à feu. Le général Bertrand a 4,000 hommes de cavalerie, 45,000 d’infanterie et quatre-vingts bouches à feu. Ainsi la réunion de ces trois armées ferait près de 150,000 hommes d’infanterie, 16,000 de cavalerie et trois cent trente bouches à feu.
Au 1er mai, 10,000 hommes d’infanterie et 3,000 de cavalerie avec quarante pièces de canon seront, sous les ordres du duc de Trévise, réunis à Francfort.
Je vous ai mandé que je pensais qu’il fallait réunir les Bavarois en une seule division sur Schleiz, si la prudence permet qu’ils l’occupent; sur Saalfeld, si déjà il est plus prudent qu’ils occupent Saalfeld ; ou enfin sur Cobourg, si Saalfeld même est trop avancé. Ils seront réunis au général Marchand, qui, sur votre droite, aurait ainsi un corps de 15 à 20,000 hommes. Ce corps me paraîtrait bien placé à Saalfeld, du moment que vous serez en avant d’Erfurt.
Vous savez combien peu il faut compter sur les alliés : il est donc bien important de ne les exposer à aucun échec. Kronach étant approvisionné et armé, le principal est de serrer tout cela sur vous et d’être en masse. Aussitôt que vous aurez débouché sur Erfurt, il faut prendre le plus tôt possible votre ligne sur Eisenach et Fulde, en abandonnant la ligne de Würzburg, qui est trop à droite.
Saint-Cloud, 10 avril 1813.
Au général comte Fontanelli, ministre de la guerre et de la marine du royaume d’Italie, à Milan.
Proposez-moi le projet de formation de la division italienne de seize bataillons qui, à la fin de mai, doit se réunir à Vérone ou à Brescia, pour faire partie du corps d’observation de Vérone. Les six régiments français qui sont en Italie auront tous leurs 4e bataillons complétés à 840 hommes, et les 5ee bataillons à 560. Ce corps d’observation sera donc considérable et en état de défendre l’Illyrie et l’Italie. Il faut que vous prépariez l’artillerie, les sapeurs, les équipages militaires et tout ce qui est nécessaire à la division italienne. Proposez-moi de réunir tout cela le plus possible à portée de la division, afin de commencer à les mettre en état et de former les hommes plus promptement.
Saint-Cloud, 11 avril 1813.
Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police général, à Paris.
Je vous renvoie une lettre du commissaire de police d’Aubignosc. Écrivez-lui qu’il a eu tort de quitter Bremen, et que, lorsqu’il n’est pas sûr d’une nouvelle, il ne doit point la donner. Hanovre n’a point été évacué; tout y était tranquille le 5. Ce sieur d’Aubignosc n’est qu’un freluquet qui sème l’alarme partout. Quand il n’a pas de nouvelles positives, il devrait se taire, ou donner des nouvelles avantageuses.
Saint-Cloud, 11 avril 1813.
Au comte Daru, ordonnateur en chef de l’armée du Main, à Paris.
Monsieur le Comte Daru, j’ai ordonné au ministre du trésor de rétablir les fonds pour mars et avril dans la caisse de Mayence. Envoyez ordre au directeur de la caisse de Mayence de faire passer les fonds du 4e corps à Bamberg, à Würzburg ceux du 1e corps d’observation du Rhin, à Fulde ceux du 2e à Francfort ceux pour la Garde, et que les fonds pour tout avril existent dans les caisses de ces payeurs et soient rendus au 18 avril. Écrivez au général Pernety pour lui faire connaître son crédit de mars et d’avril, et que sur-le-champ il en fasse la distribution entre les différents corps d’armée, afin que les commandants d’artillerie aient dans leurs mains tout ce qui leur est nécessaire.
Écrivez de même au général Kirgener, qui fait les fonctions de commandant du génie de l’armée du Main; faites-lui connaître les fonds mis à sa disposition pour mars et avril, pour qu’avec cela il fournisse à la mise en état des forteresses, notamment de la citadelle de Würzburg, et envoie des fonds aux commandants des trois corps.
Sur les fonds qui sont à votre disposition comme ordonnateur en chef, envoyez 50,000 francs au payeur du 4e corps, qui seront à la disposition de l’ordonnateur. Le général Bertrand les ordonnancera, et l’ordonnateur vous en rendra compte : cela évitera des retards dans une infinité de petites dépenses. Par exemple, la masse de ferrage pour la cavalerie napolitaine et les avances pour les équipages militaires seront prises là-dessus. Engagez le général Bertrand à vous tenir au courant de cette comptabilité.
Saint-Cloud, 11 avril 1813.
À Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant en chef la Grande Armée, à Stassfurt
Mon Fils, il est probable que je serai du 20 au 22 avec 200,000 hommes à Erfurt. Je ne sais pas bien ce que vous ferez. Manœuvrez en conséquence, et faites en sorte que j’aie mes communications avec vous assurées. Immédiatement après la réception de la présente lettre, expédiez-moi les dépêches importantes en duplicata, par Wesel et Erfurt.
Comme je n’ai encore que votre lettre du 6 , où je vois que vous êtes à Magdeburg, si jamais vous jugiez convenable de quitter Magdeburg, laissez le corps du duc de Bellune pour en former le garnison, et surtout laissez le prince d’Eckmühl dans la 32e division. Vous trouverez ci-joint mon décret sur l’organisation de cette 32e division. Faites connaître au prince d’Eckmühl qu’il a tous les pouvoirs; il commande le général Vandamme ; il doit dans tous les cas défendre Hanovre, Bremen et la 32e division. Les vingt-huit bataillons que doit avoir le général Vandamme, et qui forment la 2e et la 5e division de la Grande Armée, arrivent tous les jours. Bientôt les bataillons qui doivent former la 3e et la 6e se mettront en marche pour Wesel.
Laissez le commandement de tout cela au prince d’Eckmühl, dont le but sera constamment de défendre à tout événement l’Elbe, le Weser et la Hollande. Le général Lemarois est à Wesel, où il recueille la 3e et la6e division, et en cas d’événement il s’enfermerait dans Wesel. Avec le corps d’observation de l’Elbe, le 11e et toute la cavalerie qu’il vous sera possible, tenez-vous en liaison avec moi et en mesure d’exécuter les manœuvres que je vous indiquerai. Procurez-vous quatre jours de pain. Maintenez-vous en avant de Magdeburg tant que vous pourrez, et surtout communiquez-moi exactement toutes les nouvelles que vous aurez de l’ennemi. Dès que je serai arrivé à Erfurt, nos communications naturelles se feront derrière la Saale.
Saint-Cloud, 11 avril 1813.
Au maréchal Ney, prince de la Moskova, commandant le 3e corps de la Grande Armée, à Würzburg.
Je reçois vos lettres du 7. Vous aurez reçu, depuis, mes instructions pour votre mouvement sur Erfurt. Il est convenable que vous soyez en correspondance avec le vice-roi. Il paraît que le général Morand, avec 1,200 Saxons, a été cerné dans Lüneburg, et que, ayant été blessé, les Saxons se sont rendus. Le prince d’Eckmühl est arrivé le lendemain, a chassé l’ennemi et l’a forcé à repasser l’Elbe. Cette dernière circonstance est heureuse, en ce qu’elle donne le temps au général Vandamme, qui est à Bremen, de recevoir ses vingt-huit bataillons; il en a déjà reçu dix.
Dans la journée du 6, le vice-roi a repassé sur la rive gauche de l’Elbe, ayant été prévenu que l’ennemi jetait un pont auprès de Dessau, nouvelle qui me paraît hasardée. J’ai envoyé un officier d’ordonnance au roi de Saxe, et je ne doute pas que sa cavalerie, ainsi que celle du roi de Wurtemberg, ne se rende à Würzburg. Je suis très-fâché que vous ayez envoyé un escadron du 10e de hussards à Erfurt; vous savez combien notre cavalerie légère s’expose, et il se fera prendre. Ce régiment était entier et bon à conserver réuni. Envoyez l’ordre à cet escadron de ne pas s’avancer, sous quelque prétexte que ce soit, au-delà du canon de Erfurt. Les Cosaques marchant par troupes de 4 à 500 hommes, que peuvent foire des reconnaissances de 15 ou 20 hommes?
Donnes ordre au général Doucet d’envoyer au duc de Raguse l’artillerie que lui a laissée le général Durutte. Je ne conçois pas ce que font les officiers étrangers aux cadres qui se trouvent là. Je vous ai mandé d’envoyer à la division Bonet, à Fulde, les deux bataillons et l’escadron de Würzburg, afin de former une brigade de tout ce qui appartient à la division Durutte. Donnez ordre que tous les détachements d’officiers et sous-officiers qui se trouvent à Erfurt, et qui n’appartiennent pas aux bataillons qui doivent s’y compléter ou y tenir garnison, se dirigent sur Francfort.
Je ne vois que des avantages à ce que chacune de vos divisions ait un équipage de pont conforme au projet joint à votre lettre du 7.
Saint-Cloud, 11 avril 1813, midi.
A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel
Mon Frère, je donne ordre qu’on vous envoie 500,000 francs en or. Je serai du 20 au 22 à Erfurt, de ma personne, avec 200,000 hommes, indépendamment de l’armée du vice-roi. Le général Vandamme et le prince d’Eckmühl restent dans le Nord pour défendre le royaume de Westphalie et la 32e division militaire. Les vingt-huit bataillons du général Vandamme lui arrivent tous les jours ; vingt-huit autres se réunissent à Wesel sous les ordres du général Lemarois, ce qui fait quatre-vingt-quatre bataillons (y compris ceux du prince d’Eckmühl) qui, dans le mois de mai, pourront défendre le royaume de Westphalie et la 32e division militaire. Pendant ce temps-là, avec le vice-roi et 200,000 hommes que je mène avec moi, j’attaquerai l’ennemi. Envoyez-moi des nouvelles en grand détail de tout ce qui se passe, soit du côté du vice-roi, soit du côté de Bremen, soit du côté du prince d’Eckmühl, et adressez-moi vos lettres par duplicata sur Erfurt et sur Mayence. Dirigez vos courriers de manière qu’ils me rencontrent. Je compte partir lundi prochain 19, et être dès lors le 21 à Mayence, et le 22 sur Eisenach. Vous recevrez cette lettre le 14 : ainsi ce que vous m’écrirez le 15, le 16, le 17, le 18, le 19, dirigez-le par duplicata sur Mayence, pour que je reçoive vos nouvelles sans perte de temps.
Je ne puis rien prescrire pour votre corps, parce que je ne sais pas les événements qui arriveront du côté du vice-roi. Soutenez le vice-roi et le prince d’Eckmühl tant que vous pourrez. Faites-moi connaître en détail où sont toutes vos troupes, afin que, si je jugeais convenable de livrer une bataille générale, vous pussiez me joindre avec tout ce que vous auriez de disponible. Je n’ai pas besoin de vous dire que ceci est d’un très-grand secret, pour vous seul, et que personne ne doit s’en douter.
Saint-Cloud, 11 avril 1813.
À M. Reinhardt, Landammann de la Suisse, à Zurich.
Monsieur le Landammann, je reçois avec un vif intérêt les sentiments et les vœux que vous m’exprimez. Autant j’aime le bonheur de votre nation, autant j’apprécie ses bons et loyaux services ; je les ai remarqués dans la dernière campagne, et je désire que vos régiments soient bientôt remis en état d’agir avec la même utilité et de continuer à soutenir ce renom de fidélité et de bravoure dont la Suisse s’est toujours honorée.
Saint-Cloud, 12 avril 1813.
Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris
Monsieur le Comte Mollien, j’ai vu ce que vous avez écrit relativement à l’accélération des ventes des biens des communes. Je pense que les mesures que vous proposez seraient peu efficaces. J’en ai cependant parlé au ministre des finances; mais ce qui me paraît propre â accélérer ces ventes, c’est l’émission de bons de la caisse d’amortissement, que je crois avoir déjà ordonnée, admissibles en payement des biens des communes, et qui serviraient à payer sur-le-champ tout ce que doit le trésor. Ainsi, par exemple, 1° le fourrage est fourni par réquisition dans presque tous les départements ; ce ne sont pas des fournisseurs, mais des propriétaires auxquels on doit beaucoup d’argent; dans le département du Mont-Tonnerre, seul, on m’assure qu’il est dû 5 à 600,000 francs; 2° je lève en ce moment 12,000 chevaux, qui feront une valeur de plusieurs millions; 3° il est dû plusieurs millions aux hospices civils ; enfin il y a beaucoup d’autres choses dues par l’administration de la guerre et par la marine pour les exercices arriérés : ne pourrait-on pas réunir toutes ces créances et faire une émission égale à leur valeur en bons de la caisse d’amortissement de 1,000 ou de 5,000 francs, admissibles en payement des biens des communes et remboursables à des époques fixes? J’y verrais beaucoup d’avantages : un grand nombre de propriétaires seraient payés ; cela donnerait à beaucoup Vidée d’acheter des biens des communes, et le gouvernement ne devrait plus rien.
En résumé, il faudrait émettre dans l’espace de huit jours, et dans toute la France en même temps, des bons de la caisse d’amortissement de 1,000 et de 5,000 francs pour solder tous les services de 1812 et années antérieures, de la guerre et de la marine, et payer également les services courants, tels que le service des hospices civils et les réquisitions faites dans les départements, soit pour les fourrages, soit pour les vivres, soit pour les transports, etc. Ce plan ne peut que fortifier le crédit et non lui nuire. En effet, tel département dont les réquisitions ne sont pas payées est créancier de l’État et perd les intérêts de sa créance, tandis que les bons qui lui seront donnés portent un intérêt et qu’ils sont remboursables en un ou deux ans, indépendamment de la faculté de les employer à l’achat des biens communaux. Il est donc évident que cette mesure soulagerait le trésor, tranquilliserait les propriétaires qui ont fait des fournitures et accélérerait les ventes, et qu’il ne peut y avoir que l’inconvénient de les voir coter sur la place à 8 ou 9 pour 100 de perte; mais, d’abord, on pourrait empêcher qu’on ne cotât ces bons sur la place ; et, ensuite, qu’est-ce que cela ferait, puisque nous ne faisons pas d’emprunt ? Ce ne serait qu’une petite partie qu’on coterait, et ces effets, de leur nature, ne sont pas discréditables, et par conséquent ne pourront pas être discrédités. Voyez le ministre des finances là-dessus, et faites-moi connaître demain votre opinion et le résultat de votre conférence, en me remettant sous les yeux tous les bons dont j’ai ordonné la création par des dispositions de finances.
Voici comment je conçois qu’on peut exécuter cette opération :
PROJET DE DÉCRET. TITRE PREMIER.
ARTICLE PREMIER.
Tous les services de 1812, 1811, 1810 et années antérieures seront soldés au trésor en bons de la caisse d’amortissement, dont il sera question ci-dessous.
ART. 2. Toutes les sommes dues par la marine et l’administration de la guerre aux départements, aux communes et aux hospices civils, pour chevaux, charrois, fourrages, journées d’hôpital, etc., montant
à……. selon l’état ci-joint, seront soldées dans le mois, également en bons de la caisse d’amortissement.
TITRE II.
ART. 3. Il est créé .. . millions de bons de la caisse d’amortissement, admissibles en payement des biens des communes.
ART. 4. Il est ouvert un crédit, conformèrent au tableau ci-joint, à chacun de nos ministres, pour être payé sans qu’il y ait besoin d’autres formalités.
ART. 5. Nos ministres des finances et du trésor public sont chargés, etc.
Plus j’y pense et moins je vois ce qu’on pourrait alléguer contre cette mesure. On dira que les fournisseurs de l’habillement qui ont besoin d’argent, et à qui on doit 12 ou 15 millions, négocieront ces bons sur la place et perdront 8 pour 100, dont ils augmenteront leurs marchés : mais ces mêmes fournisseurs, qui aujourd’hui ne sont pas payés, parce qu’on n’a pas de quoi les payer, sont dans une situation bien pire; au lieu 3e créances dont ils perdent l’intérêt, et qui ne peuvent leur donner aucun crédit, ils auront entre les mains un gage réel, qui pourra leur donner du crédit, qui porte intérêt et qui pourra enfin leur servir à acheter des biens communaux. Leur situation sera donc bien améliorée. Sans doute que si on payait le courant avec cette monnaie, les négociants seraient obligés d’escompter les bons et seraient à la merci des capitalistes : mais il ne s’agit point ici du service courant; il ne s’agit pour les fournisseurs que de l’arriéré, c’est-à-dire de leur lucre. Le fournisseur Montessuy a demandé avec instance à être payé de cette manière, et, quoique les bons qu’il a reçus n’eussent pas l’avantage d’être admissibles en payement des domaines, il a regardé ce payement comme un bienfait. Par ce moyen, tous les services arriérés se trouveraient réglés. Faites-moi un travail qui me fasse connaître ce que je dois pour les différents services sur les années arriérées.
Saint-Cloud, 12 avril 1813.
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Répondez au duc d’Abrantès qu’il reste en Italie vingt-quatre bataillons de guerre français et six 5e bataillons ; que chacun de ces six régiments sera porté par la conscription de 1814 et par celle des quatre années à 4,000 hommes, et qu’ainsi on pourra lui envoyer autant de troupes qu’il lui sera nécessaire; qu’il ne faut pas qu’il envoie un bataillon provisoire à Raguse, nous ne saurions bientôt plus où nous en sommes ; qu’il faut attendre les bataillons définitifs ; qu’il y a à Raguse les Croates et les bataillons italiens; que j’approuve qu’il envoie les bataillons italiens à Raguse, à Zara et à Cattaro.
Saint-Cloud, 12 avril 1813.
Au général comte Sorbier, commandant l’artillerie de la grande armée, à Aschersleben.
Seize compagnies d’artillerie sont nécessaires à l’armée du Main ; elles ont dû partir le 11 mars de Magdeburg, comme vous l’avez annoncé. On les attendait le 29 à Mayence, et nous voilà au 8 avril : personne n’est encore arrivé. Si vous aviez retardé le départ de ces compagnies, vous auriez commis une grande faute ; vous avez trop d’expérience pour que je vous en croie capable. Faites-moi donc connaître où sont ces seize compagnies, dont le retard paralyse deux cents pièces de canon.
Saint-Cloud, 12 avril 1813.
Au général comte Bertrand, commandant le 4e corps de la Grande Armée, à Nuremberg.
Monsieur le Comte Bertrand, je suppose que vous serez arrivé le 15 à Bamberg avec vos 1e et 4e divisions, votre cavalerie et l’artillerie de vos deux divisions. Le prince de la Moskova vous a instruit de ses mouvements et de ceux de l’ennemi. Vos 2e et 3edivisions sont trop loin pour qu’on puisse les attendre; activez leur marche. Mais il faudra opérer votre réunion avec l’armée avant que ces deux divisions arrivent. De Bamberg vous avez deux routes pour rejoindre l’armée : celle de Cobourg et celle de Schweinfurt. Les circonstances détermineront celle que vous préférerez. Celle de Cobourg a l’avantage de vous faire parcourir une route qui n’a pas encore été suivie. Une fois à Cobourg, vous n’êtes plus qu’à deux journées de Meiningen. La route de Schweinfurt a l’inconvénient de vous placer à la queue du prince de la Moskova.
Je suppose que vous avez l’artillerie de vos deux premières divisions et l’artillerie légère de votre cavalerie. Je suppose que tous vos hommes ont leurs cartouches; s’ils ne les ont pas, qu’ils les prennent à Forchheim. Remplissez vos caissons de farine et assurez-vous huit ou dix jours de pain. Envoyez-moi votre état de situation.
Il est probable que je serai du 16 au 17 à Mayence.
Donnez-moi des notions claires sur la position de vos corps, et faites-moi connaître aussi les nouvelles que les Bavarois auront par Kronach ou par Bayreuth.
Saint-Cloud, 12 avril 1813.
Au général comte Bertrand, commandant le 4e corps de la Grande Armée, à Nuremberg.
Monsieur le Général Bertrand, je vois avec peine que vous ayez envoyé le général Briche avec 500 hommes de cavalerie. En cas d’événement, ce serait 500 hommes de perdus. Nous avons peu de cavalerie, il faut donc la ménager : à cet effet, tenez toujours réunis vos 3,000 chevaux, avec une ou deux batteries d’artillerie légère, et faites-la même soutenir par un ou deux bataillons de voltigeurs : alors vous n’aurez pas d’événements à craindre. Mais, si vous détachez ainsi 500 chevaux, il arrivera quelque chose, les Cosaques étant toujours très-nombreux. Règle générale : que votre cavalerie marche toujours ensemble.
Saint-Cloud, 12 avril 1813.
Au général comte Bertrand, commandant le 4e corps de la Grande Armée, à Nuremberg.
Monsieur le Général Bertrand, vous aurez reçu le 12 les ordres que je vous ai expédiés le 8 pour porter votre quartier général à Bamberg. Je suppose que le 14, ou au plus tard le 15, vous y aurez été de votre personne avec vos 1e et 4e divisions, et que votre cavalerie qui est arrivée à Augsburg le 10 y sera le 16 ou le 18.
Le prince de la Moskova vous aura fait connaître que mon intention est de refuser ma droite et de laisser l’ennemi pénétrer sur Bayreuth, faisant un mouvement inverse de celui que j’ai fait dans la campagne d’Iéna, de sorte que si l’ennemi pénètre sur Bayreuth ; je puisse arriver avant lui sur Dresde et le couper de la Prusse.
Le duc d’Istrie, ayant sous ses ordres le duc de Raguse, 40,000 hommes d’infanterie et 10,000 hommes de cavalerie, se porte sur Eisenach, où il sera arrivé du 18 au 20. Le prince de la Moskova se porte sur Erfurt, où il sera également arrivé le 20. Il a sous ses ordres 60,000 hommes, y compris les alliés et quelques milliers de chevaux. Le prince de Neuchâtel est parti ce matin et sera le 14 à Mayence; j’y serai de ma personne le 20. Le prince de la Moskova dirigera votre mouvement, mais, comme je suppose que votre cavalerie et vos deux divisions, avec l’artillerie qui leur est attachée, seront arrivées à Bamberg le 16, vous appuierez le mouvement du prince de la Moskova, en vous portant avec ces deux divisions et votre cavalerie sur Cobourg. Ce mouvement est le plus naturel, parce qu’il est le plus court, et que de Cobourg vous ne vous trouverez éloigné que de deux grandes journées de Meiningen, que de trois d’Erfurt et de trois d’Iéna, et qu’ainsi vous pourrez toujours manœuvrer sur la Saale. Ainsi donc, si les choses sont telles que le prince de la Moskova se porte sur Erfurt, votre position sur Cobourg vous placera sur sa droite, et de là vous pourrez vous porter, selon les circonstances, sur Iéna, sur Erfurt ou sur Meiningen. Ce qu’il est convenable de vous recommander, c’est de marcher serré, vos deux divisions réunies, votre artillerie placée convenablement, n’ayant pas de queue, bivouaquant tous les soirs dès que vous serez sortis de Bamberg, et ayant vos cartouches dans le sac. L’ennemi est bien loin de se douter des forces considérables qui vont se porter sur la Saale. Si nous étions assez heureux pour que l’ennemi fît réellement un gros mouvement sur Bayreuth, il serait bientôt rappelé sur l’Elbe.
Vous pourrez, comme je vous l’ai mandé, changer la ligne de vos 2e et 3e divisions, en les dirigeant sur Würzburg. Au reste, je serai moi-même à Mayence et je pourrai diriger leur marche selon les circonstances. Faites donc en sorte que je trouve à Mayence des détails sur tout ce que vous faites.
La meilleure manière de faire bivouaquer vos divisions, c’est en carré, à moins qu’elles ne soient adossées à une rivière ou à quelque obstacle qui rende cette disposition inutile. Évitez les échauffourées de cavalerie; surtout prenez des mesures pour que vos vivres soient assurés. Chargez tous vos caissons de farine, puisqu’ils en peuvent porter jusqu’à dix-huit quintaux, et qu’ils ne pourraient porter qu’un millier de rations de pain. Poussez l’arrivée de vos marins, pontonniers et constructeurs de fours, afin qu’ils vous rejoignent. Pressez aussi l’arrivée de vos outils du génie. Envoyez des officiers auprès du prince de la Moskova, auprès du général Marchand à Cobourg, s’il y est toujours, et à Schleiz auprès des Bavarois, pour savoir ce qui se passe. Kronach est armé et approvisionné et à l’abri d’un coup de main.
Saint-Cloud, 13 avril 1813.
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
J’ai nommé l’officier d’ordonnance Chabrillan chef d’escadron ; envoyez-le dans un régiment, et faites-le partir sans délai. Ne souffrez pas que ces jeunes gens qui appartiennent à la cour donnent le mauvais exemple d’éviter d’aller à la guerre. Le général d’Oudenarde est en état de servir; donnez-lui ordre de se rendre en poste à Mayence, où il trouvera une destination; qu’il y soit rendu le 16.
Saint-Cloud, 13 avril 1813.
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je vous renvoie la correspondance d’Espagne qui me restait encore dans les mains. Recommandez de nouveau au Roi d’assurer ses communications de manière que sa correspondance soit régulière avec vous; qu’il détruise toutes ces bandes qui sont sur ses derrières. Recommandez au général Decaen de protéger mes frontières. Faites renouveler vos instructions au Roi, que, s’il ne tient pas l’ennemi en échec, l’ennemi pourrait se dégarnir pour faire des diversions en France ou sur les derrières ; ce qui paralyserait la belle armée qu’il a dans les mains.
Veillez à ce que la seconde demande qui a été faite de soldats pour la Garde soit remplie. Demandez encore des officiers, afin d’en pourvoir tous les corps provisoires.
Saint-Cloud, 13 avril 1813.
Au baron de la Bouillerie, trésorier général de la couronne et du domaine extraordinaire, à Paris.
Sur les dix millions en or que vous avez tirés du trésor de réserve extraordinaire, vous en avez fait partir deux pour Mayence; vous en ferez partir deux autres cette nuit. Il en a été mis trois à la disposition du grand maréchal pour la Garde ; vous en tiendrez un quatrième à sa disposition. Ce sera donc sept millions que j’aurai avancés à la Garde.
Saint-Cloud, 13 avril 1813.
Au général Caulaincourt, duc de Vicence, grand écuyer de l’empereur, à Paris.
Voici mes dispositions pour mon départ : Je partirai avec vous dans une voiture légère ; le grand maréchal avec le comte de Lobau dans une autre voiture; Fain et Yvan dans une troisième voiture. Ces trois voitures seront également légères, sans vaches ni paquets. Dans ma voiture, on mettra un choix de livres, les cartes de postes, les croquis qu’on a faits dernièrement dans mon bureau topographique, quelques cartes du pays entre l’Elbe et le Main. Fain aura dans sa voiture mes états de situation et ma correspondance avec l’armée, soit les lettres que j’ai reçues, soit celles que j’ai écrites. L’ingénieur géographe resté ici partira avec le reste de mes cartes et de mes papiers et suivra la route de Trêves. Ma Chambre partira également par la route de Trêves. J’aurai disposé de tous mes aides de camp et officiers d’ordonnance.
Saint-Cloud, 13 avril 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mayence.
Mon Cousin, je suppose que vous êtes arrivé le 15 au matin à Mayence : cette dépêche y arrivera en même temps que vous. Vous aurez prévenu le prince de la Moskova, le général Bertrand, le duc de Raguse et le vice-roi, pour que tous les comptes vous soient adressés. Le vice-roi me mande, en date du 8, qu’il a porté son quartier général sur Stassfurt; il paraît qu’il est en position à l’embouchure de la Saale. Je suppose que la première chose que vous avec faite aura été d’envoyer un officier sur Eisenach reconnaître où sont les avant-postes du duc de Raguse.
Le général Bertrand est arrivé le 11 à Nuremberg. Je suppose qu’il aura reçu le 12 l’ordre de se porter sur Bamberg; il y sert arrivé le 15, avec ses 1e et 4e divisions, son artillerie et sa cavalerie. Les dernières nouvelles du prince de la Moskova sont du 10; il n’avait pas encore reçu mon ordre. Ce n’est que le 12 qu’il aura pu se porter sur Meiningen.
Le vice-roi croit que l’ennemi a passé en force sur la rive gauche de l’Elbe. On dit que Blücher avait, le 8, son quartier général à Altenburg, et qu’un parti de Cosaques s’était fait voir à Iéna. Le 9, les Cosaques ne s’étaient pas encore fait voir à Weimar. Le prince de la Moskova avait envoyé, à ce qu’il me paraît, le général Marchand sur Cobourg. L’ennemi avait déjà des partis sur Saalfeld.
Dans cette situation de choses, le prince de la Moskova aura déjà concentré son corps sur Meiningen. Le général Bertrand sera déjà sur Bamberg, et je suppose que le duc de Raguse sera déjà sur Eisenach. D’Eisenach à Meiningen, comme de Vacha à Meiningen, il y a des communications, et il n’y a guère que dix lieues; il y en a quinze, je crois, de Meiningen à Fulde. Il y a déjà longtemps que j’ai demandé à connaître la situation de ces routes; je les crois bonnes. Ainsi le prince de la Moskova et le duc de Raguse ne sont éloignés l’un de l’autre que de dix petites lieues. C’est au prince de la Moskova à donner le mouvement au général Bertrand, qui en deux jours peut être à Cobourg, ou bien se porter de Bamberg sur Schweinfurt et de là sur Meiningen. S’il passe par Cobourg, il y a de Cobourg à Meiningen deux journées. Le principal est que ces corps s’y réunissent ou soient en position de s’y réunir. Si donc vous receviez des nouvelles qui pourraient faire craindre que le mouvement du général Bertrand sur Cobourg ne fût inquiété, il serait prudent que ce général se portât sur Schweinfurt. Le général Bertrand ne sera en mesure de partir de Bamberg que le 16 au plus tôt. Les 2e et 3e divisions de ce général n’arriveront à Augsburg que le 17 ; ainsi elles se trouvent en retard de quelques jours. Mais ses deux premières divisions, qui forment 20,000 hommes d’infanterie, les 60,000 hommes du duc d’Elchingen, les 40,000 hommes du duc d’Istrie, forment une força de 120,000 hommes d’infanterie. Les 3,000 hommes de cavalerie du général Bertrand, les 3,000 du prince de la Moskova, les 6,000 du duc d’Istrie, font 11,000 hommes de cavalerie; ce qui, joint à l’artillerie des trois corps de la Garde, fera une armée suffisante pour donner le temps d’arriver aux deux divisions en retard.
Le principal est de bien vous assurer près du général Pernety que le prince de la Moskova a ses quatre-vingt-douze bouches à feu. Je sais que ses quatre divisions ont déjà leurs seize pièces; mais, pour atteindre au nombre de quatre-vingt-douze, il doit avoir en outre douze pièces d’artillerie à cheval et seize pièces de 12. 11 est bien important que ces vingt-huit bouches à feu, et surtout celles de 12, le rejoignent sans délai. Les trois divisions du duc de Raguse ont-elles chacune leurs deux divisions d’artillerie, c’est-à-dire leurs quarante-huit pièces ? Je suppose qu’elles les ont ; mais ce n’est pas suffisant. Il faut qu’elles aient les seize pièces de batterie de réserve et leurs douze pièces d’artillerie à cheval : cela est de la plus grande importance. Nous aurons alors dans les corps réunis du prince de la Moskova, du duc de Raguse et de la Garde, quarante-huit pièces de gros calibre. Vous en sentez toute l’importance : prenez donc des renseignements là-dessus, et accélérez autant que possible le départ de toute cette artillerie. J’ai fait connaître au prince de la Moskova que mon intention était toujours de manœuvrer de manière à refuser ma droite et à appuyer sur ma gauche. Il paraît que, le 10, le prince de la Moskova, qui avait des troupes à Cobourg et à Bayreuth, n’avait encore aucune connaissance de l’ennemi.
Saint-Cloud, 13 avril 1813.
Au maréchal Ney, prince de la Moskova, commandant le 3e corps de la Grande Armée, à Würzburg.
Je reçois votre lettre du 10. Vous aurez reçu, le 11 ou le 12, mes instructions. Le 15, le général Bertrand a dû arriver à Bamberg, avec ses lre et 4e divisions, formant 24,000 hommes de bonne infanterie et 3,000 chevaux. Le roi de Wurtemberg réunit toutes ses troupes à Mergentheim ; ainsi ces troupes sont en mesure de vous rejoindre promptement. Je ne doute pas que le roi de Saxe n’ait mis ses 1,200 hommes de cavalerie en route pour Würzburg.
Dans l’état de situation que vous m’avez envoyé, je vois que vous n’avez pas encore vos batteries de réserve; c’est ce qui me contrarie le plus, car ces batteries de pièces de 12 sont très-importantes. Dans ce même état de situation, vous ne parlez, à l’article de la cavalerie, que du 10e de hussards et du régiment badois ; vous ne parlez pas du régiment de Hesse-Darmstadt : est-ce que vous l’auriez oublié, ou l’auriez-vous laissé à Aschaffenburg ? Je suppose que c’est une omission.
Le prince de Neuchâtel est parti hier pour Mayence. J’ai des nouvelles d’Erfurt du 9. Les Cosaques n’étaient pas encore arrivés à Weimar. Si les nouvelles de demain confirment un grand mouvement de la part de l’ennemi, je partirai à l’heure même. Le général Bertrand et le duc d’Istrie sont sous vos ordres.
Saint-Cloud, 13 avril 1813.
A François Ier, empereur d’Autriche, à Vienne.
Monsieur mon Frère et très-cher Beau-Père, le prince de Schwarzenberg m’a remis la lettre de Voire Majesté. Je l’ai vu avec un grand plaisir, et j’ai causé longtemps avec lui avec la plus entière confiance. Je ne puis que m’en rapporter à ce qu’il dira à Votre Majesté. J’ai été très-satisfait de la conduite du général Bubna pendant son séjour ici; je désirerais que Votre Majesté voulut bien lui en donner quelque marque de sa satisfaction.
Je suis au moment de me rendre à Mayence; je n’avais pas le projet d’y être avant le 20; mais les nouvelles que je reçois des mouvements de l’ennemi sur la rive gauche de l’Elbe me décident à hâter mon départ de quelques jours. Je pense donc être à Mayence du 15 au 16. Aussitôt que je serai entré en campagne, j’enverrai, par Prague, l’ordre au général Frimont de dénoncer l’armistice et de prendre sous ses ordres le corps du prince Poniatowski. Je tiendrai Votre Majesté instruite des événements qui auront lieu. Je la prie de ne pas douter du sincère attachement que je lui porte : il est inaltérable.
Saint-Cloud, 14 avril 1813.
Au comte Daru, ordonnateur en chef de l’armée du Main, à Paris
Monsieur le Comte Daru, je vous envoie une lettre du ministre de l’administration de la guerre qui n’a pas le sens commun : il est pénible d’être ainsi entravé de toutes les manières. Voyez ce que coûtent les chevaux et autres objets nécessaires pour les ambulances de chaque bataillon. Écrivez-en aux ordonnateurs des trois corps d’observation du Rhin et d’Italie, et dites-leur de se procurer les chevaux, bâts et autres objets. Mettez à cet effet des fonds à leur disposition, en prenant sur les fonds accordés en mars, avril et mai, soit pour les équipages militaires, soit pour toute autre chose, et même sur les fonds de la solde, en cas de besoin. Écrivez au ministre de l’administration de la guerre pour qu’il fasse les fonds nécessaires, et faites-lui connaître que les bataillons formés de la conscription de 1814 qui partiront de France doivent avoir également les fonds nécessaires pour se procurer ces chevaux de peloton.