Correspondance de Napoléon – Avril 1813
Saint-Cloud, … avril 1813. (Présumée du 13 ou du 14 avril.)
NOTE DICTÉE AU COMTE DARU.
Je divise l’armée en deux; j’attends quelques jours avant d’en prendre le décret.
L’armée de l’Elbe sera composée du IIe corps; du corps de l’Elbe; du 7e corps ; du 8e corps, c’est-à-dire les Westphaliens et tout ce qu’il y a de Polonais; du 1er et du 2e corps de cavalerie; d’une division de la Garde, celle qui s’y trouve : cela forme l’armée actuelle.
Mon intention est qu’elle reste sur l’Elbe et qu’elle se retire sur le Harz, couvrant le royaume de Westphalie et la 32e division militaire : la ligne d’opération par Wesel. C’est donc à Wesel que doivent être son dépôt d’artillerie, ses ambulances, ses magasins; c’est par Wesel qu’on doit lui envoyer tout ce dont elle aurait besoin.
L’autre armée, ou armée du Main, sera composée des 1er et 2e corps du Rhin, du corps d’Italie, faisant douze divisions; des Bavarois, Wurtembergeois, Hessois et Badois, équivalant à trois divisions ; de la majeure partie de la Garde.
Le 4e corps est supprimé et réuni au corps d’Italie.
Les 1er et 2e corps actuels se composent de différents détachements qui sont dans les places et n’entrent pas dans l’armée active, d’une division de seize bataillons du 1er corps et d’une autre de douze du 2e corps ; ils sont destinés à la garde de Magdeburg.
Deux autres divisions de ces corps, formées des 4e bataillons, se réuniront vers la un de mai à Mayence et feront partie de l’armée du Main.
Le 3e corps de cavalerie fera partie du corps d’observation de l’armée du Main.
Voilà pour la première formation ; aussitôt qu’on avancera, on réunira les quatre divisions des 1er et 2e corps; mais, comme ce sont de très-jeunes troupes, on en formera probablement une armée pour la défense des côtes de la 32e division militaire.
L’armée de l’Elbe est commandée par le vice-roi ; elle a l’intendant et le fond de toute l’ancienne armée.
L’armée du Main n’a rien; elle a donc besoin d’un ordonnateur en chef, d’un ordonnateur de subsistances, des hôpitaux, d’un médecin, chirurgien en chef, pharmacien en chef et tout ce qui est nécessaire à une armée de 200,000 hommes, car cette armée , y compris la Garde et les alliés, passera ce nombre.
J’ai nommé des inspecteurs pour les équipages et les transports militaires.
Daru pourra se rendre à l’armée de l’Elbe ou à celle du Main ; mais, s’il n’est qu’à l’armée du Main, je nommerai un de mes aides de camp.
Le général Sorbier et le commandant du génie sont à l’armée de l’Elbe : j’y pourrai suppléer par un de mes aides de camp aide-major ; il n’y aurait plus qu’à avoir un général ou colonel pour la direction du parc.
Ayant employé Haxo pour commander à Magdeburg, il me faudra chercher un officier du génie pour commander.
Si je crée un intendant du trésor, il sera à cette armée.
Alors cette armée doit rester tout le mois d’avril sur le Main pour se former : ce ne sera que vers le 15 avril que le corps d’Italie et le 2e corps du Rhin l’auront jointe, et que son artillerie pourra être prête.
Le quartier général sera à Francfort et son centre de dépôt à Mayence.
Le 2e bataillon des équipages est destiné au corps d’observation de l’Elbe; le 6e et le 9e au corps d’observation d’Italie. Il s’en forme, je crois, deux autres en France ; en prendre la note : ils seront attachés à l’armée du Main. Me mettre sous les yeux ce que j’ai ordonné, ce qu’on a fait et ce qu’on peut ajouter.
Saint-Cloud, 14 avril 1813.
Au général comte Bertrand, commandant le 4e corps de la Grande Armée, à Nuremberg.
Monsieur le Comte Bertrand, je reçois votre lettre du 10. Il était bien plus naturel de vous adresser au prince de la Moskova, que vous saviez être à Würzburg, que d’inquiéter les Bavarois, qui sont déjà assez tremblants. Je trouve beaucoup trop d’inquiétudes et de vaines précautions dans votre lettre; tout cela n’est bon qu’à propager partout la terreur.
Je vois avec plaisir que votre 2e division sera le 16 à Ingolstadt : portez-la rapidement sur Nuremberg, afin qu’elle vous rejoigne le plus tôt possible.
Vous deviez penser que le général bavarois qui était à Bamberg était sous les ordres du prince de la Moskova; il était donc bien inutile d’écrire à Munich. Vous étiez bien à temps d’écrire aux Bavarois de faire un mouvement rétrograde, quand vous auriez su que la cavalerie ennemie était arrivée à Bamberg ; et, certes, les Bavarois auraient bien su le faire sans que vous le leur disiez : tout cela sent la faiblesse. Les alliés ont si peu de fermeté, qu’il faudrait tâcher de leur en donner, au lieu de l’ébranler encore plus par de vaines précautions.
J’ai donné ordre qu’il partît de Strasbourg 300 soldats du train pour aller prendre les chevaux que vous avez à Augsburg : il ne faut pas affaiblir votre infanterie. Vous aurez vu par un décret imprimé tout ce qui est relatif aux caissons; il ne faut en avoir que six par ambulance.
Saint-Cloud, 14 avril 1813.
Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant le 6e corps de la Grande Armée, à Hanau.
Je reçois votre lettre du 11 avril, et j’y vois que le 12 la division Compans sera à Fulde, et que le 12 la division Bonet part pour Eisenach ; elle aura donc pu y arriver le 15. Vous ne me parlez pas du mouvement de votre 3e division : je suppose que le 15 cette division aussi sera près de Fulde, et que vous-même vous aurez votre quartier général à Eisenach.
Gotha est un très-beau pays, où il est nécessaire de faire sur-le-champ une réunion de farine.
Je suppose que votre 3e division a déjà son artillerie ; mais ce qui importe, c’est que vous ayez au moins une ou deux compagnies d’artillerie légère et vos batteries de réserve : il faut beaucoup d’artillerie dans cette guerre. Vous devez avoir quatre-vingt-douze pièces; mais seize pièces étaient destinées à la 4e division, qui ne peut pas encore entrer en ligne; cela doit donc au moins vous en faire soixante et seize.
Le duc d’Istrie arrive avec une division de la Garde à pied et une à cheval, et environ cinquante-deux pièces de canon. Ainsi ce corps d’armée, formant provisoirement 40,000 hommes d’infanterie et 6 à 7,000 chevaux, aura donc cent vingt-huit pièces de canon. La 2e division d’infanterie de la Garde, avec trente-huit pièces de canon, ne doit pas tarder à le joindre. Par une inconcevable disposition du général Sorbier, seize compagnies qui devaient arriver de Magdeburg sont en retard ; je suppose cependant qu’elles ne tarderont pas à arriver; on y a pourvu néanmoins par le mouvement de quatorze autres compagnies.
Je suppose que le 1er et le 2e bataillon du 37e sont en marche pour rejoindre la division Bonet, et que les 3e et 4e bataillons ne tarderont pas; ce qui, joint aux six bataillons du général Durutte, provisoirement en subsistance dans cette division, en portera le nombre à vingt bataillons. Il faudra en former trois brigades, chacune de six ou sept bataillons.
Mayence, 17 avril 1813.
Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris.
Mon Cousin, je suis arrivé en quarante heures à Mayence, fort bien portant et sans aucun accident. La voiture du grand maréchal ne m’a pas encore rejoint. Je resterai quelques jours à Mayence pour pourvoir à bien des choses qui manquent.
Mayence, 17 avril 1813.
Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris
À peine arrivé à Mayence, j’ai voulu me faire rendre compte par le comte Daru du service de la trésorerie; il y règne la plus complète anarchie. Je ne suis pas surpris qu’avec beaucoup d’argent le service éprouve des retards, puisqu’il n’y a aucune espèce d’organisation. Le receveur envoie directement des fonds aux préposés des payeurs ; les fonds vont et viennent de Mayence à Wesel et de Wesel à Mayence. Tout est dans le plus grand désordre. J’ai été obligé de perdre plusieurs heures à débrouiller ce chaos et à travailler avec les derniers commis. J’avais prévu cela. Je vous avais déjà dit que l’armée du Main n’avait rien de commun avec l’armée de l’Elbe, et qu’il fallait qu’elle eût une caisse à part à Mayence ; cela n’a pas été fait : aussi n’y a-t-il dans la caisse du préposé du payeur que 84,000 francs, et nous n’avons aucun renseignement sur rien. Le général Bertrand m’écrit qu’il n’a point de payeur; le payeur du 3e corps ne fait que d’arriver : ainsi tout le service de la trésorerie est, je le répète, dans une affreuse anarchie. Si vous ne voulez point consulter une carte de géographie et savoir que le payeur à Magdeburg est au milieu des opérations des armées et ne peut pas assurer le service à Mayence, il est impossible de prendre des mesures et d’avoir de l’ordre dans la comptabilité. Je vais prendre un décret pour tâcher de débrouiller ce chaos ; mais ne dégarnissez pas la caisse de Wesel pour garnir celle de Mayence ; c’est beaucoup de frais et beaucoup d’argent perdu sans aucun résultat. Ce ne sont pas les fonds qui manquent ici, c’est l’ordre.
Mayence, 17 avril 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mayence.
Mon Cousin, il est désormais nécessaire qu’on ne fasse rien partir de Mayence, pas même un détachement, sans mon approbation. La ligne par Würzburg doit être abandonnée, et tout ce qui est destiné pour le corps du prince de la Moskova doit se rendre par Fulde et Eisenach. Ainsi l’artillerie légère, les caissons d’équipages militaires, et tout ce qui est destiné pour ce corps d’armée le joindra en suivant la direction que je viens de vous indiquer, et ne partira de Mayence qu’avec mon approbation.
Mayence, 17 avril 1813.
Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant le 6e corps de la Grande Armée, à Eisenach.
Mon Cousin, je n’ai aucune nouvelle de votre corps d’armée. L’état-major ne connaît ni le nombre d’bommes que vous avez sous les armes, ni le nombre d’officiers qui manquent. Le major général assure que vous avez envoyé cela au ministre de la guerre; c’est autant de chiffons qui resteront dans les bureaux sans réponse. Envoyez vos états de situation et vos demandes au prince major général. Votre correspondance avec le ministre de la guerre est inutile aujourd’hui. Envoyez l’état des places vacantes et celui des officiers que vous proposez d’avancer; enfin faites connaître tout ce qui vous manque, afin que j’y pourvoie sans délai.
Mayence, 17 avril 1813.
Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant le 6e corps de la Grande Armée, à Eisenach.
Je reçois au moment même votre rapport, daté de Hanau le 10 avril, qui revient de Paris.
Vous trouverez ci-jointe la notice des décrets que je viens de prendre; faites reconnaître ces officiers sur-le-champ. Il est de la plus haute importance que vous présentiez de bons sujets pour les places vacantes dans les régiments de marine. Que votre présentation arrive dans vingt-quatre heures, vous aurez sur-le-champ les décrets, et, sans perdre de temps, vous ferez reconnaître ces officiers. Ayez toujours soin de prendre de bons officiers et de les prendre dans un régiment pour suppléer à ce qui manquerait dans l’autre. Aussitôt que j’aurai votre rapport, il n’y aura plus rien à faire sous ce point de vue.
De toutes les manœuvres, je dois vous recommander la plus importante : c’est le ploiement en carré par bataillon. Il faut que les chefs de bataillon et les capitaines sachent faire ce mouvement avec la plus grande rapidité ; c’est le seul moyen de se mettre à l’abri des charges de cavalerie et de sauver tout un régiment. Comme je suppose que ces officiers sont peu manœuvriers, faites-leur-en faire la théorie, et qu’on la leur explique tous les jours, de manière que cela leur devienne extrêmement familier.
Pour le 25e régiment, vous parlez toujours de vos envois au ministre de la guerre : envoyez-moi les demandes et les propositions nécessaires pour compléter ce régiment. Choisissez les officiers pour le 86e dans le 47e et que par ce moyen ce régiment provisoire soit complété en officiers. Vous ne parlez pas du major ou colonel qui commande le 25e provisoire. J’écris au ministre de la guerre pour faire rejoindre les deux compagnies du 86e qui sont dans la Mayenne.
Donnez des ordres pour que le bataillon espagnol ne soit point envoyé en détachement et qu’on l’ait toujours sous la main, à l’abri de la séduction. Il ne faut point remployer au service d’avant-garde ni d’escorte, mais le tenir toujours ensemble et au milieu des bataillons français.
Sur les officiers revenus d’Espagne, on va vous envoyer les officiers dont vous avez besoin. Envoyez la récapitulation de ce qui vous manque en colonels, majors, majors en second, chefs de bataillon, capitaines, etc.
Mayence, 18 avril 1813.
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, je vois, dans un rapport adressé au major général par le général Lemarois, que, le 7 avril, le 4e bataillon du 46e de ligne, fort d’un officier et 448 hommes, est parti de Wesel pour se rendre à Bremen. Je ne puis que vous témoigner ma surprise et mon mécontentement de ce que ce bataillon est ainsi parti avec un seul officier; c’est envoyer les troupes à la boucherie et perdre l’armée.
L’artillerie et le génie n’ont pas besoin de vous. Il est inutile que vous vous occupiez de police. Occupez-vous six heures par jour à faire faire des revues et à nommer à toutes les places d’officiers. Tous les corps ont fait des propositions; vous ne répondez à rien.
Mayence, 18 avril 1813
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mayence.
Mon Cousin, les deux régiments polonais que j’ai organisés par mon décret d’hier, et qui sont actuellement sous les ordres du général Dombrowski, feront partie de la 4e division du 6e corps, et dès lors seront sous les ordres du général Teste. Faites-le connaître à ce général, qui est actuellement à Giessen. Il aura ainsi sous ses ordres six bataillons, deux régiments de cavalerie et une batterie d’artillerie légère. Faites connaître à ce général qu’il doit porter son quartier général à Marburg, et envoyer des officiers au roi de Westphalie et au général Damas dans le Grand-Duché, pour les informer qu’il est prêt à se porter partout où il serait nécessaire pour rétablir l’ordre. Il serait important que le général Pernety lui fournît une des deux batteries qu’il doit avoir, ce qui, avec la batterie polonaise, lui ferait quatorze pièces. Instruisez le roi de Westphalie de la présence du général Teste.
NAPOLÉON.
- S. Recommandez au général Teste de veiller à la prompte réorganisation du corps polonais, et de ne pas lui faire faire de mouvements sans forte raison.
Mayence, 18 avril 1813.
Au général comte Bertrand, commandant le 4e corps de la Grande Armée, à Bamberg.
Monsieur le Général Bertrand, portez-vous avec la cavalerie que vous avez dans les mains et vos 1e et 4e divisions sur Cobourg. Si la cavalerie saxonne et la cavalerie bavaroise étaient à votre portée, prenez-les avec vous pour renforcer votre cavalerie et tenez-vous prêt à vous porter de Cobourg sur Saalfeld et Iéna aussitôt que vous en recevrez Tordre. Le prince de la Moskova doit être aujourd’hui à Erfurt, le duc de Raguse à Eisenach et Gotha, le vice-roi a sa gauche à l’embouchure de la Saale dans l’Elbe, occupant Bernburg, et sa droite appuyée aux montagnes du Harz.
Si vous avez des Bavarois dans vos environs, poussez-les sur Schleiz. Vous deviez être le 18 à Cobourg; j’espère que vous y serez au moins avant le 20. Il est convenable de vous mettre en communication avec Erfurt, par où il est probable que vous recevrez mes ordres, car je n’attends que le moment pour partir.
Mayence, 18 avril 1813.
À Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel
Mon Frère, je reçois votre lettre du 16 avril et celle du 17, à une heure après midi. Le duc d’Istrie doit être aujourd’hui à Eisenach, ayant sous ses ordres le duc de Raguse et un corps de 50,000 hommes, tous Français. Le prince de la Moskova doit être aujourd’hui à Erfurt avec un corps de 60,000 hommes. Le général Bertrand se met en mouvement de Bamberg pour se porter sur Cobourg avec 60,000 hommes, dont les deux tiers sont Français et un tiers Italiens. J’attends moi-même la nouvelle que ce mouvement soit achevé pour me porter à mes avant-postes. Les dernières lettres du vice-roi sont du 16; il était alors de la gauche à l’Elbe, derrière la Saale, et de la droite au Harz. Je donne l’ordre au général Teste de se porter sur Marburg ; il commande la 4edivision du duc de Raguse, 6e corps. Cette division n’a encore que deux bataillons; je viens d’y joindre quatre bataillons polonais du général Dombrowski. Ce général sera là en réserve.
Mayence, 18 avril 1813.
À Frédéric, roi de Wurtemberg, à Stuttgart.
Monsieur mon Frère, j’ai reçu la lettre de Votre Majesté en date du 14 avril. J’y vois avec plaisir que la division de Votre Majesté sera arrivée à Würzburg. Le baron de Moustier m’a fait connaître que ce qui est porté dans l’état de situation des troupes wurtembergeoises comme troisième envoi va se mettre en marche. Je ne puis que remercier Votre Majesté de ce troisième envoi. J’attache beaucoup de prix à avoir les régiments de cavalerie n° 2 et 4. Les Prussiens ont levé beaucoup de cavalerie bourgeoise dont les hommes montent mal à cheval, mais n’en inquiètent pas moins. D’après la dernière lettre du baron de Moustier, j’ai donc lieu d’espérer que la 2e brigade de cavalerie et la 3e d’infanterie seront arrivées avant le 25 à Würzburg. Si Votre Majesté voulait me faire quelque chose d’agréable et dont je conserverais un bon souvenir dans les circonstances, qu’elle réunisse ses 5e et 6e régiments de cavalerie à Mergentheim du 20 au 25, et aussitôt que le général Bertrand sera à Cobourg et que les ennemis auront évacué Schleiz et Hof, qu’enfin il n’y aura plus aucune ombre de crainte pour les États de Votre Majesté, qu’elle m’envoie ces régiments en toute diligence. Votre Majesté doit considérer que j’ai une si grande quantité de cavalerie en marche de toutes les parties de la France, que 2,000 chevaux, qui me seront très-précieux dans ce moment-ci, ne me seraient pas sensibles dans un mois. Ce qui me porte à accélérer mon mouvement, c’est le désir de protéger les États de Votre Majesté et la Bavière.
Que Votre Majesté soit sans inquiétude sur la suite des événements; j’ai mis en mouvement des forces telles qu’elles seront doubles de ce que j’ai jamais eu. Le vice-roi était, le 16, la gauche sur l’Elbe, à l’embouchure de la Saale, occupant Bernburg, la droite appuyée aux montagnes du Harz, sa réserve à Magdeburg. Le général Vandamme est à Bremen; le prince d’Eckmühl est en avant de Celle. Dans ce moment, le duc d’Istrie, ayant sous ses ordres le duc de Raguse, est aux débouchés d’Eisenach avec 60,000 hommes. Le prince de la Moskova réunit, entre Erfurt et Meiningen, son corps d’armée, qui est de 70,000 hommes, en y comprenant les divisions du général Marchand. Le corps du général Bertrand était à Bamberg, et il va se porter sur Cobourg. Je vais donc déboucher moi-même sur l’ennemi avec près de 200,000 hommes, non compris les 100,000 que le vice-roi a dans les mains. L’ennemi n’a à Hof que 25,000 hommes et à Schleiz qu’un escadron. Je ne vois pas bien encore ce qu’il veut faire ; il n’a que de la cavalerie légère contre le vice-roi ; il n’a que de la cavalerie légère sur Erfurt; on n’a pas appris qu’il ait de l’infanterie plus près que Leipzig : cela va s’éclaircir dans peu de jours.
La mesure qu’a prise Votre Majesté de réunir toutes ses troupes, outre celles de son contingent, sur Mergentheim, paraît très-convenable. Il ne faut pas plus ajouter foi aux bruits que répand l’ennemi qu’à ses proclamations. S’il vient quelque chose à la connaissance de Votre Majesté, je la prie de m’en faire instruire sur-le-champ. Si Votre Majesté a l’intention de nommer un de ses fils pour commander sa division, je le mettrai alors sous les ordres directs d’un maréchal.
L’ennemi avait eu, le 15 mars, le projet d’assiéger Glogau, et quelques pièces de siège avaient été avancées ; le 28, il a renoncé à ce projet, et les pièces ont été renvoyées dans les places de la Silésie. J’ai des nouvelles de toutes mes places, qui, jusqu’à ce moment, se maintiennent dans une bonne situation.
J’ai ordonné que vingt-deux pièces de canon, formant 150 voitures, se dirigeassent de Strasbourg sur Stuttgart; je prie Votre Majesté de les faire pousser jusqu’à Ulm, où le général Bertrand les fera prendre par les chevaux qu’il achète à Augsburg. J’ai ordonné que les cinq cadres des 35e et 36e légers, 131e, 132e et 133e de ligne, se rendissent à Ulm par Würzburg; ils y recevront 4,000 hommes venant d’Italie pour les compléter, et de là ils rejoindront l’armée.
Mayence, 19 avril 1813.
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Vous avez prévenu le général Vandamme qu’une expédition anglaise allait débarquer à l’embouchure de la Jahde. Je vous prie de ne plus faire de pareilles annonces; cela n’est bon qu’à inquiéter et à alarmer tout le monde : c’est le but des Anglais. Ces avis, quand même ils seraient fondés, n’arriveraient pas à temps. Si tous les convois que l’on aperçoit en mer portaient des expéditions, il faudrait être toujours en bataille sur la côte. Tout cela ne fait aucun bien et fait beaucoup de mal.
Mayence, 19 avril 1813.
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Mayence.
Mon Cousin, envoyez un officier au général bavarois qui commande le corps bavarois qui fait partie de la Grande Armée et se compose de dix bataillons, de douze escadrons et de seize pièces d’artillerie, et qui doit se trouver à Bamberg, pour lui faire connaître qu’il est sous les ordres du général Bertrand, et que, ce général ayant ordre de se porter à Cobourg, je désire qu’il concentre tout son corps sur les hauteurs d’Ebersdorf, occupant le pont de la Saale et éclairant Schleiz par des patrouilles. Le général Bertrand fera également occuper Saalfeld, de manière à se tenir en communication. Demandez au général bavarois de vous envoyer un officier qui soit en état de vous faire bien connaître la situation de ses troupes sous tous les points de vue; dites-lui que Sa Majesté commande elle-même son armée, et qu’elle espère que toutes les hésitations que les alliés ont eues dans les derniers temps pour l’unité du commandement n’auront plus lieu désormais.
Annoncez au général Marchand qu’une brigade wurtembergeoise arrive à Würzburg le 20 ; que vous donnez l’ordre qu’elle se dirige sur Hildburghausen, où il est nécessaire qu’il lui envoie des ordres ultérieurs. Prévenez également le prince de la Moskova de cette disposition.
Prévenez le prince Émile qu’il est nécessaire qu’il parte sans délai pour être rendu le 20 à Würzburg. Il se mettra là avec la colonne wurtembergeoise, afin de ne pas marcher isolément, et de là se dirigera avec elle sur Hildburghausen, où il trouvera sa division. Donnez ordre au général Marchand de réunir toutes les troupes de Hesse et de les mettre sous les ordres du prince Émile. Ces troupes en serviront mieux, et le prince sera plus satisfait.
Donnez ordre également au général Marchand de réunir le régiment wurtembergeois à sa division. Par ce moyen, il aura deux divisions ; une de Wurtembergeois et une de Badois, de Hessois et de troupes du prince Primat. Il mettra le bataillon du prince Primat avec celle des deux brigades hessoise ou badoise qui sera la plus faible.
Mandez au prince de la Moskova que son corps ne doit pas occuper Gotha, afin que cette place puisse servir aux troupes du duc de Raguse et du duc d’Istrie.
Faites connaître au duc d’Istrie qu’il prenne les plus grandes mesures pour que les communications de Gotha à Erfurt soient sûres. S’il y a des ponts, il faut qu’il y fasse construire sur-le-champ des tambours, afin que les corps de garde soient à l’abri des Cosaques. Recommandez-lui de veiller à ce que les convois d’artillerie et des équipages militaires n’aillent de l’un à l’autre endroit que bien escortés. Écrivez la même chose au prince de la Moskova; que, jusqu’à ce que nous ayons pris la ligne de la Saale et rejeté l’ennemi sur la rive droite de cette rivière, il est à craindre que nous soyons inquiétés par sa cavalerie légère. L’officier que vous enverrez au général Bertrand et au général Marchand reviendra vous rejoindre par Cobourg à Erfurt ou à Gotha, où il est probable que je me porterai sous peu de jours.
Envoyez un courrier au roi de Bavière. Je vous envoie des dépêches du général Bertrand ; écrivez-en au roi. Faites-lui connaître les ordres que vous donnez à son contingent, et l’immensité de nos forces. Demandez au roi pourquoi il n’envoie pas le général de Wrede pour commander ses troupes. Est-ce que ce général est malade ? Le même courrier passera par Ratisbonne, où il portera des lettres au baron Serra. Écrivez aussi au roi de Saxe que j’ai demandé sa cavalerie, qu’il est bien nécessaire qu’elle rejoigne ou le générai Bertrand ou le prince de la Moskova. En écrivant au roi de Saxe, dites-lui que le général Reynier est retourné prendre le commandement du 7e corps ; qu’aussitôt que les communications vont être rouvertes il se rendra à Torgau ; que je désire que le roi donne des ordres positifs pour que toutes les incertitudes qui se sont élevées dans ces derniers temps n’aient plus lieu, et que la place et les troupes soient sous mes ordres sans la moindre réticence. Vous enverrez par ces exprès la note suivante à mes différents ministres à Würzburg, Ratisbonne et Stuttgart.
POSITION DE LA GRANDE ARMÉE.
(Note à communiquer aux ministres de France, à Munich, Stuttgart, Würzburg et Ratisbonne.)
Le vice-roi a sa gauche sur l’Elbe, à l’embouchure de la Saale, occupant Bernburg; sa droite sur le Harz, sa réserve à Magdeburg.
Le prince d’Eckmühl est en avant de Celle. Le général Vandamme a son avant-garde à Bremen.
L’armée du Main s’est mise en mouvement.
Le 4e corps se porte sur Cobourg.
Le prince de la Moskova est arrivé le 18 à Erfurt.
Le duc de Raguse est à Gotha; le duc d’Istrie et la Garde à Eisenach.
L’Empereur était encore le 18 à Mayence. Le grand quartier général est en marche pour Gotha.
Mayence, 19 avril 1813.
Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la garde impériale, à Eisenach.
Mon Cousin, le major général a dû vous expédier un officier pour vous faire connaître qu’un corps de partisans de trois à quatre escadrons , de six pièces de canon et de deux à trois bataillons, s’était porté sur Mühlhausen et Wanfried ; que le général westphalien Hammerstein avait peur d’être sérieusement attaqué et craignait d’être obligé de se porter sur Witzenhausen, ce qui donnait de fortes inquiétudes au Roi à Cassel. J’espère que l’arrivée du général Souham, dans la journée du 17, à Gotha, et celle du général Bonet, qui, ce me semble, a dû être le 17 au soir à Eisenach, auront ralenti la marche de l’ennemi; j’espère que vous-même, arrivé à Eisenach, vous vous serez porté sur les derrières de l’ennemi pour dégager le général westphalien et tranquilliser Cassel de ce côté. Cela est d’autant plus important que ces partis, sur notre flanc gauche, inquiéteraient nos communications avec Erfurt. Aussitôt que vous serez arrivé à Eisenach, mettez donc plusieurs corps d’infanterie et de cavalerie sur les derrières de l’ennemi, et dégagez le général Hammerstein.
Écrivez au Roi, à Cassel, pour lui faire connaître votre mouvement et le rassurer. Le prince de la Moskova étant déjà sur Erfurt, les mouvements que vous pourrez faire sur les derrières de l’ennemi seront d’un heureux effet, et pourront donner lieu à quelques coups de sabre et à la prise de quelques bataillons ennemis ; le général Lefebvre-Desnouettes me paraît très-propre pour cette expédition, mais appuyez-le par de l’infanterie; enfin faites faire tout ce qu’il faut; cela est très-important, car ce serait un très-grand malheur si le Roi était obligé d’évacuer Cassel.
Mayence, 19 avril 1813.
Au général comte Bertrand, commandant le 4e corps de la Grande Armée, à Bamberg.
Monsieur le Comte Bertrand, je reçois votre lettre du 17 avril. Je suis fort surpris de la conduite du général bavarois. Donnez-lui de ma part des ordres par écrit de réunir tout son corps, cavalerie et infanterie, soit ce qui est à Bamberg, soit ce qui est à Bayreuth, et avec ses dix bataillons, son artillerie et sa cavalerie, de se porter sur les hauteurs d’Ebersdorf, de manière à prendre une position militaire qui domine la Saale, d’y faire garder le pont de la Saale et occuper Schleiz par une avant-garde de troupes légères, et de se mettre en communication avec vous sur Saalfeld. Faites-lui connaître que vous vous rendrez à Cobourg, et que vous pousserez sur-le-champ une forte avant-garde sur Saalfeld pour établir cette communication. Faites-lui connaître que le prince de la Moskova est arrivé avec son corps d’armée à Erfurt, et le duc d’Istrie avec le duc de Raguse à Gotha. Menez avec vous les Saxons, parce qu’en marchant isolés cela pourrait être nuisible, au lieu qu’en les menant avec vous sur Cobourg ce sera pour vous un renfort et cela aura toute espèce de bons résultats.
À Erfurt, où je vous ai dit qu’est arrivé le prince de la Moskova, on n’a jamais vu d’infanterie ennemie. Tout le corps d’armée de ce prince, composé de 60,000 hommes, s’y réunit. Le corps du duc d’Istrie, qui a sous ses ordres le duc de Raguse, est de plus de 50,000 hommes. Je ne sais pas l’ordre que le prince de la Moskova a donné au général Marchand : je suppose que, aussitôt que vous serez arrivé à Cobourg, il se portera sur Gehren. Vous arriverez le 19 ou le 20 à Cobourg. Faites composer une bonne avant-garde de bons marcheurs, sous les ordres d’un bon général de brigade, et envoyez une reconnaissance sur Saalfeld. De Cobourg vous serez en communication sur Erfurt. Vous tirerez des vivres de Hildburghausen et de Cobourg; il faut former un gros magasin. Faites que les Bavarois n’arrivent à Ebersdorf qu’au moment où votre avant-garde arrivera à Saalfeld. Le vice-roi était, le 16, la gauche appuyée à l’Elbe à l’embouchure de la Saale, la droite au Harz, le centre sur Bernburg et sa réserve à Magdeburg.
Voici les renseignements que je reçois tant du vice-roi que du prince de la Moskova. L’ennemi n’a passé l’Elbe qu’avec le corps de Wittgenstein qu’on peut évaluer à 10,000 hommes d’infanterie, le corps de Winzingerode qu’on peut évaluer à 6,000 hommes (ce qui fait 16,000 Russes), avec le corps prussien du général York qui peut être calculé à 15,000 hommes, et le corps de Blücher d’égale force. Il paraît donc que l’ennemi a 60 à 70,000 hommes, infanterie, cavalerie et artillerie, sur la rive gauche de l’Elbe. Il parait que son grand quartier général n’avait pas encore passé l’Oder, et que les troupes étaient employées à observer les Autrichiens et à masquer les places de la Vistule et de l’Oder.
Écrivez au prince de la Moskova et au général Marchand pour que celui-ci soit un intermédiaire entre l’avant-garde sur Saalfeld et Erfurt. Le prince de la Moskova doit avoir une division sur les hauteurs de Weimar.
Tenez-vous toujours avec quatre jours de pain, afin que vous puissiez marcher, s’il le fallait, pour soutenir le prince de la Moskova. Faites venir des farines de Bamberg et de Hildburghausen; faites-en faire à Cobourg, et que vos troupes ne manquent de rien.
Vous ne m’avez pas rendu compte si le bataillon de marche qui était dans la citadelle de Würzburg a été incorporé dans vos différents régiments, conformément aux ordres que j’avais donnés.
Mayence, 19 avril 1813.
À Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel.
Mon Frère, je reçois votre lettre du 18 à midi. Le 17, la division Souham était à Gotha. Le 17 au soir, la division Bonet était arrivée à Eisenach avec le général Lefebvre-Desnouettes, commandant la cavalerie de ma Garde. Je suppose donc que ce corps d’ennemis qui poussait sur vous se sera retiré. Je suppose d’ailleurs que vous aurez prévenu directement sur Eisenach de ce mouvement. Toutefois, après avoir reçu votre lettre, j’ai fait partir des officiers pour que les ducs d’Istrie et de Raguse missent du monde sur les derrières de l’ennemi, qui marche sur vous. Je suppose qu’à l’heure qu’il est le prince de la Moskova est à Erfurt avec la plus grande partie de son corps d’armée; toutes ses divisions marchent sur lui et doivent l’avoir rejoint. Les ducs d’Istrie et de Raguse sont à Eisenach et Gotha. J’ai des nouvelles du général Vandamme du 16, de Bremen.
Instruisez le vice-roi, par les moyens que vous jugerez les plus prompts, de toutes ces nouvelles.
Aussitôt que vous serez dégagé du côté d’Erfurt par la présence de toute l’armée, et que tout sera nettoyé entre Erfurt et vous, je pense que vous devez marcher du côté de Hanovre avec toutes vos forces. Vous ne pouvez pas avoir les six bataillons que vous avez demandés ; mais le général Teste aura marché sur Cassel avec les deux bataillons français qu’il a. Quant aux Polonais, ils ont besoin de se remettre. Vous devez bien sentir, dans ce moment, ce que j’ai toujours senti pour vous, l’inconvénient de ne pas avoir à Cassel une garde de 4,000 Français, qu’il vous eût été facile de former, comme ont fait le roi d’Espagne et le roi de Naples.
Mayence, 19 avril 1813.
À Louis X, grand-duc de Hesse-Darmstadt, Darmstadt.
Mon Frère, j’ai reçu votre lettre du 14 avril. J’aurais eu un grand plaisir à voir Votre Altesse à Mayence, et je suis peiné que ce soit le mauvais état de sa santé qui l’empêche de s’y rendre.
Je remercie Votre Altesse de ce qu’elle m’a envoyé à cette occasion ses fils, le prince héréditaire et le prince Émile; je les vois toujours avec plaisir près de moi.
Mayence, 20 avril 1813, matin.
A Maximilien-Joseph, roi de Bavière, à Munich.
Monsieur mon Frère, j’envoie le général de Flahault à Ratisbonne. Je le charge de cette lettre pour Votre Majesté, pour lui annoncer mon arrivée à Mayence et mon départ pour Erfurt, où le prince de la Moskova est arrivé. Je prie Votre Majesté, si elle n’a pas de raison contraire, d’envoyer le général de Wrede pour commander ses troupes, et, toutefois, de donner à ses généraux des ordres tels, qu’il n’y ait aucune réticence et qu’ils obéissent à mes ordres sans aucune réserve. J’ai ordonné que toute la cavalerie, l’infanterie et l’artillerie bavaroises se réunissent sur les hauteurs d’Ebersdorf, qu’on occupât le pont de la Saale et qu’on se liât avec le général Bertrand, qui se porte à Cobourg et à Saalfeld. Je ne puis trop recommander à Votre Majesté de pousser en avant toute la cavalerie qu’elle pourra.