Correspondance de Napoléon – Novembre 1806
Berlin, 21 novembre 1806
ORDRE
L’officier d’ordonnance Scherb se rendra à Hambourg; il remettra la lettre ci-jointe au maréchal Mortier. Il restera quarante-huit heures dans cette ville, et y verra M. Bourrienne et mon consul s’informera de la quantité de marchandises anglaises qui ont été confisquées, s’assurera si les rivières de l’Elbe et du Weser sont bien bloquées, et viendra me rendre compte de ce qu’il aura vu.
Berlin, 21 novembre 1806
Au maréchal Mortier
Mon Cousin, vous trouveriez ci-joint deux paquets pour M. Bourrienne, l’un relatif à l’état de blocus où je mets l’Angleterre, l’autre relatif au Mecklenburg. Du moment que vos troupes occuperont Hambourg, Brême et Lubeck, et que vous serez maître des embouchures de l’Elbe, du Weser et de la Trave, vous remettrez le premier paquet à M. Bourrienne, qui le présentera au sénat. Le rapport ne sera pas remis au sénat, mais il sera publié dans les gazettes, M. Bourrienne pourra même faire faire sur ce sujet une petite brochure et quelques écrits qui fassent sentir toute l’atrocité du système des Anglais, qui arrêtent les passagers et les marchands sur mer, tandis que l’ordre social établit que, sur terre, les boutiques, les propriétés particulières n’appartiennent point au conquérant. Je pense qu’une de vos divisions doit suffire pour occuper les villes hanséatiques. Vous enverrez une autre de vos divisions occuper Schwerin. Quelque temps avant, M. Bourrienne aura remis la note relative au Mecklenburg, et vous prendrez possession de tout ce pays; vous en désarmerez les troupes et ferez passer les armes en Hollande. Vous ferez confisquer à Rostock toutes les marchandises anglaises. Vous vous emparerez de tout ce qui pourrait se trouver dans les caisses, et vous ferez administrer et gouverner le pays en mon nom. Je n’ai pas besoin de vous dire que cette division doit être forte et bien composée. J’estime qu’il faut qu’elle soit au moins de la force de trois régiments francais, et qu’elle ait douze ou quinze pièces d’artillerie, afin de tenir en échec les Suédois.
Vous devez avoir actuellement trois régiments francais qu’avait le roi de Hollande et trois de votre corps d’armée. Ainsi vous pouvez donc envoyer trois bons régiments francais avec la moitié de votre cavalerie prendre possession de Rostock. Si cela est nécessaire, vous les ferez soutenir par les autres corps.
Votre corps d’armée est ou sera composé, avant le commencement de décembre, de quatre divisions : deux francaises, une italienne et une hollandaise.
La division hollandaise est aujourd’hui employée au blocus des places, mais elle sera disponible avant la fin du mois. Un régiment italien est à Cassel, mais il vous aura rejoint dans les premiers jours de décembre; le troisième régiment italien est à Mayence et vous aura également rejoint dans le même temps.
Les divisions d’artillerie française doivent exister actuellement, ou existeront avant le ler décembre.
Les 15e et 58e, qui partent le 24 de Wesel, rendront vos deux divisions françaises très-belles.
Vos divisions doivent avoir chacune douze pièces de canon. Ainsi donc il faut que vous ayez quarante-huit pièces de canon, douze hollandaises et trente-six françaises, vu que les Italiens n’ont pas de canonniers.
C’est à vous organiser un bon parc mobile que doivent tendre tous vos efforts.
Faites donner des capotes, surtout aux Italiens, sans quoi ils tomberont malades.
La division hollandaise sera commandée par des généraux hollandais; la division italienne, par des généraux italiens : le général Teulié, qui est à Berlin, en part pour en prendre le commandement.
Vos deux divisions francaises sont commandées par deux généraux de division et quatre ou six généraux de brigade. Je vous ai fait connaître ce que vous avez à faire actuellement. Immédiatement après que ces opérations seront faites, mon intention est, si le roi de Suède continue à rester en guerre avec moi, que vous vous empariez de la Poméranie suédoise.
Vous devez, avec votre corps d’armée, défendre le blocus des villes hanséatiques, empêcher tout débarquement en Poméranie et entre l’Elbe et l’Oder, par ce moyen garantir Berlin et maintenir toutes les communications avec le fort de mon armée qui se réunit sur la Vistule. Selon les circonstances, je pourrai vous appeler avec votre corps, ou seulement avec une partie, sur l’Oder ou même sur la Vistule. Dans cette saison, les Anglais ne peuvent rien entreprendre de sérieux.
Les Suédois ne sont pas en état de défendre la Poméranie; ainsi donc vous avez tout le temps de bien organiser votre corps, afin qu’il puisse faire la réserve de ma Grande Armée, et se porter partout où il serait nécessaire. Votre infanterie sera, d’ailleurs, augmentée ou diminuée selon les circonstances.
Je désire qu’avant le 25 le blocus de l’Angleterre soit publié; qu’avant le 8 décembre ce que j’ai prescrit pour le Mecklenburg soit mis à exécution, et que le 10 un de mes corps soit en position à Rostock, ayant des postes sur Anklam et cernant ainsi toute la Poméranie suédoise.
Berlin, 21 novembre 1806
ORDRE
- le général Bertrand se rendra sur-le-champ à Graudenz, où il entrera avec les premières troupes. Il fera la reconnaissance de cette place et me fera connaître quelle garnison il y faudrait pour soutenir un siége, quelle garnison il y faudrait pour la garder et la mettre à l’abri d’un coup de main, et l’artillerie et les magasins que l’ennemi y laissera. Il m’enverra de là un rapport très-détaillé, après quoi il se rendra à Danzig, d’où il me fera un même rapport.
Berlin, 21 novembre 1806
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 13 novembre. Vous n’aurez pas tardé à recevoir le bulletin qui vous aura annoncé l’affaire de Lubeck.
Je suis fâché que vous ayez envoyé au Conseil d’État la question de l’amirauté. Ce n’est pas dans ce moment qu’il faut agiter ces questions, qui peuvent froisser beaucoup d’intérêts sur nos côtes.
Je vous laisse le maître de disposer des forçats comme vous l’entendrez; mais, si l’on en envoie en Corse, on les emploiera aux chemins et aux autres travaux : c’est un pays qui, en général, manque de bras.
Le général Junot n’avait point d’ordre à donner à ma Garde, surtout pour son départ; je suis surpris qu’il se soit mêlé de cela. Je vois avec peine que vous ne montrez pas assez de fermeté. Il faut tenir davantage aux attributions particulières que je vous ai accordées. Personne ne doit donner des ordres à ma Garde que vous. Ainsi donc, si vous ne vouliez pas que les 200 hommes partissent, ils ne devaient point partir.
Si l’armée tâche d’honorer la nation autant qu’elle le peut, il faut avouer que les gens de lettres font tout pour la déshonorer. J’ai lu hier les mauvais vers qui ont été chantés à l’Opéra. En vérité, c’est tout à fait une dérision. Comment souffrez-vous qu’on chante des impromptus à l’Opéra ? Cela n’est bon qu’au Vaudeville. Témoignez-en mon mécontentement à M. de Luçay. M. de Luçay et le ministre de l’intérieur pouvaient bien s’occuper de faire faire quelque chose de passable ; mais pour cela il ne faut vouloir le jouer que trois mois après qu’on l’a demandé. On se plaint que nous n’avons pas de littérature; c’est la faute du ministre de l’intérieur. Il est ridicule de commander une églogue à un poète comme on commande une robe de mousseline. Le ministre aurait dû s’occuper de faire préparer des chants pour le 2 décembre. S’il ne l’a pas fait pour cette année, chargez-le de s’en occuper, dès à présent, pour l’année prochaine.
Berlin, 21 novembre 1806
A M. de Champagny
Monsieur Champagny, j’ai lu de bien mauvais vers chantés à l’Opéra. Prend-on donc à tâche, en France, de dégrader les lettres et depuis quand fait-on à l’Opéra ce qu’on fait au Vaudeville, c’est-à-dire des impromptus ? S’il fallait deux ou trois mois pour composer ces chants, il fallait les y employer. Témoignez mon mécontentement à M. de Luçay, et défendez qu’il soit rien chanté à l’Opéra qui ne soit digne de ce grand spectacle. Quant aux impromptus, il faut les laisser faire au Vaudeville. Il y avait une circonstance bien naturelle, c’était de faire faire quelques beaux chants pour le 2 décembre. La littérature étant dans votre département, je pense qu’il faudrait vous en occuper, car, en vérité, ce qui a été chanté à l’Opéra est par trop déshonorant.
Berlin, 22 novembre 1806
A M. Cambacérès
Mon Cousin, M. Maret vous envoie aujourd’hui un sénatus-consulte avec un projet de Conseil privé. Vous verrez, par ce sénatus-consulte, que je demande 80,000 hommes de la conscription de 1807. Vous recevrez aussi des communications fort importantes dont vous ferez part au Sénat le 2 décembre. J’ai tout lieu d’espérer que cette mesure frappera au cœur de l’Angleterre. Il sera convenable, après que cela aura paru dans les journaux, que vous vous occupiez d’y faire mettre des articles qui fassent sentir la nécessité de garder nos conquêtes jusqu’à ce que l’Angleterre et la Russie rendent les leurs. J’appelle 80,000 conscrits, parce qu’il n’y a que de l’avantage à setrouver prêt au commencement de l’année; que d’ailleurs cet appel ne laisse pas de faire de l’impression sur nos ennemis. Le résultat de tout ceci doit être la tranquillité générale et une paix solide avec l’Angleterre. Parlez dans ce sens au Sénat et au Conseil d’État, afin que ces idées se propagent dans l’Empire.
Berlin, 22 novembre 1806
A M. Gaudin
J’ai vu avec plaisir que la Banque ait réduit son escompte; les manufactures devraient se ressentir de cette abondance de l’argent.
Berlin, 22 novembre 1806
Au général Dejean
Vous verrez, par mon sénatus-consulte, que j’appelle 80,000 conscrits de 1807. Il faut les habiller. Ceux de 1806 ne le sont pas encore; c’est ce qu’on m’écrit de Mayence, de Strasbourg et de Paris. Il faut prendre des mesures adaptées aux circonstances. Des vestes, des culottes sont de première nécessité. J’ai prescrit, avant de partir de Paris, des dispositions pour fournir de l’argent aux corps de cavalerie pour se remonter. Mon intention est que cette disposition soit exécutée pour les corps qui ont passé des marchés; que rien ne soit contremandé, et qu’il soit accordé en conséquence un nombre d’hommes suffisant aux régiments de cavalerie; les régiments de cavalerie ne sauraient être trop nombreux. Présentez-moi, dans un rapport, les dispositions qui ont été arrêtées, les fonds qui ont été remis à chaque régiment; les corps qui ont passé des marchés et l’époque où les chevaux arriveront. Je vous ai demandé la plus grande partie des hommes de cavalerie à pied qui étaient en France; ils seront remplacés par les conscrits de 1807. Ainsi il y aura toujours de quoi monter les hommes que l’on recevra. Les chevaux que j’aurai en Allemagne me serviront à tenir ma cavalerie au complet et à monter les hommes que j’ai à pied. Les ressources que j’ai préparées avant de partir doivent servir à tirer des chevaux de France et à augmenter mes cadres. Ainsi donc, habillement pour les conscrits, chevaux pour les régiments de cavalerie, et selles, en exécution des mesures que j’ai prises, voilà ce qui doit occuper tous vos instants. Quand les cadres des escadrons seraient de 200 chevaux, on n’aurait jamais trop de cavalerie et les régiments ne seront jamais assez forts.
Songez qu’avant le mois de mai les Anglais peuvent tenter des débarquements en Bretagne, en Normandie ou à Boulogne, il faut donc que les régiments que j’ai à Paris, à Boulogne et en Bretagne soient en état de les repousser. Vous jugerez de nos besoins par l’exposé de ma politique que je fais au Sénat. Je recommande à votre zèle de suivre sans interruption toutes ces dispositions.
Berlin, 22 novembre 1806
Au général Lacuée, directeur général de la conscription militaire
Vous verrez, par le sénatus-consulte qui sera présenté au Sénat, que j’appelle la conscription de 1807. Vous verrez, par les communications qui y sont faites, que je ne veux pas poser les armes que je n’aie la paix avec l’Angleterre et avec la Russie. Il faut donc soutenir ce principe, conforme aux intérêts de la nation, qui, dans le courant de 1807, nous donnera une paix solide.
Je vois, par les états, que, le 15 décembre, toute la conscription de 1806 aura marché, et l’hiver n’est pas une mauvaise saison pour faire marcher notre conscription. Vous n’aurez pas besoin d’attendre mon ordre pour la répartition; ce serait trop long. Je compte l’appeler tout entière à l’armée active. Cependant, si l’on pense au Conseil d’État qu’il soit plus convenable d’en désigner 60,000 pou l’armée active et 20,000 pour la réserve, je n’y vois pas d’inconvénients; on appellera les 20,000 après. Je vous ai déjà fait connaître que je désirais que les régiments qui sont à la Grande Armée fussent portés au complet de 140 hommes par compagnie. Il faut surtout soigner les régiments à quatre bataillons, parce que je voudrais faire venir promptement à la Grande Armée le 3e bataillon. Par ce moyen le camp de Boulogne sera assez fort pour faire face à l’ennemi dans la saison où il pourrait tenter quelque chose. Je dois avoir dans la Bretagne treize bataillons d’infanterie; il faut qu’ils fassent plus de 15,000 hommes, indépendamment de la gendarmerie, des deux régiments de canonniers de la marine et des compagnies départementales.
Je dois avoir à Paris cinq à six 3e bataillons; il faut qu’ils puissent m’offrir au moins 6,000 hommes présents sous les armes, indépendamment de ce que ces régiments ont à l’armée, pour pouvoir se porter partout où il serait nécessaire, en Bretagne ou sur les côtes. J’ai appelé presque tous les hommes à pied des régiments de cavalerie à la Grande Armée, pour monter les chevaux qui ont été pris à l’ennemi. Mon intention est que tous les chevaux dont j’ai ordonné l’achat avant de partir soient achetés ; il faudra donc des hommes pour monter ces chevaux. Je pense alors qu’il sera convenable que vous fournissiez à chaque régiment de dragons, de hussards et de chasseurs, assez de monde pour que, indépendamment de ce qu’ils m’ont envoyé, il leur reste encore 150 hommes au dépôt. Cette cavalerie viendra me joindre au printemps, où j’en formerai des corps pour ma réserve de l’intérieur, ou pour garder mes derrières. J’imagine que les 5e escadrons de ma grosse cavalerie sont formés ; presque tous mes régiments de cavalerie sont ou vont être à plus de 600 chevaux, ce qui fait un effectif de plus de 700 hommes. Quand ils auraient tous un effectif de 1,000 hommes, ce ne serait pas trop. L’artillerie n’est même pas à son complet de guerre de 100 hommes par compagnie; il est donc important de le compléter et même de l’augmenter de 10 ou 20 hommes par compagnie.
Si, toutefois, toutes ces dispositions ne peuvent s’exécuter avec les 80,000 hommes, exécutez-les le plus possible, en faisant tomber également sur chaque corps la diminution, de manière que l’ensemble des idées se trouve réalisé.
Le régiment de vélites à pied de ma Garde ne me remplit pas son but. Mon intention est d’en faire un régiment de fusiliers. Entendez-vous avec les commandants actuels, et présentez-moi un projet. J’espère que mon régiment de fusiliers pourra venir à l’armée dans l’hiver et m’offrir 15 ou 1600 hommes sous les armes. En formant le régiment de vélites en régiment de fusiliers, vous le compléterez, et ce sera encore une ressource pour Paris et une réserve pour l’intérieur.
Je n’ai point perdu de monde; mais le projet que j’ai embrassé est plus vaste qu’aucun que j’aie jamais eu, et, dès lors, il faut que je me trouve en position de répondre à tous les événements. J’ai favorisé beaucoup l’Italie dans la répartition de la conscription de 1806; il faut donner spécialement aux régiments de quatre bataillons. Je crois que 8 ou 10,000 hommes sont suffisants pour la conscription de 1807.
Berlin, 22 novembre 1806, 10 heures du soir
A l’Impératrice
Je reçois ta lettre. Je suis fâché de te voir triste ; tu n’as cependant que des raisons d’être gaie. Tu as tort de montrer tant de bonté à des gens qui s’en montrent indignes. Mme L. . . est une sotte, si bête que tu devrais la connaître et ne lui prêter aucune attention. Sois contente, heureuse de mon amitié de tout ce que tu m’inspires. Je me déciderai dans quelques jours à t’appeler ici ou à t’envoyer à Paris.
Adieu, mon amie ; tu peux actuellement aller, si tu veux, à Darmstadt, à Francfort; cela te dissipera.
Mille choses à Hortense.
(Tendresses impériales – Albert Gri)
Berlin, 22 novembre 1806
Au maréchal Mortier
Mon Cousin, je vous envoie des notes que vous lirez et que vous remettrez à M. Bourrienne, qui les présentera; celle relative au blocus de l’Angleterre sera publiée et imprimée partout; celle relative au Mecklenburg ne sera remise que quand vos troupes auront pris possession de ce pays, conformément aux instructions que je vous ai envoyées hier par un officier d’ordonnance. (lettre ci-dessus du 21 novembre)
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Vous avez ordonné aux détachements de cavalerie qui étaient à Cassel de venir vous joindre : c’est une mauvaise mesure; quel part peut-on tirer d’hommes isolés, qui manquent d’officiers et de sous-officiers ? Envoyez à leur rencontre et dirigez-les sur Potsdam. Vous avez la cavalerie hollandaise, vous aurez bientôt le 26e, cela vous suffira ; et, si les circonstances me faisaient penser qu’il soit nécessaire que vous ayez plus de cavalerie, je ne manquerais pas de vous envoyer une division de dragons. Pourvu que mes corps ne soient point morcelés, tout est bon.
Berlin, 23 novembre 1806
Au maréchal Berthier
Le major général me fera faire un relevé des troupes qui forment les garnisons d’Erfurt, de Magdeburg, de Wittenberg, de Stettin, de Spandau et de Küstrin.
Il me fera faire un état divisé en colonnes verticales; chaque colonne fera une époque d’une semaine ; cet état me fera connaître ce qui est parti de France pour la Grande Armée, depuis la première semaine d’octobre jusqu’à la dernière semaine de décembre. Les dernières colonnes seront en blanc, mais on les remplira à mesure des départs.
Je désire avoir un second état divisé en autant de colonnes qu’il y a de semaines depuis le ler octobre jusqu’au 30 décembre, et qui présente tous les dépôts de cavalerie qui sont au delà du Rhin, en faisant connaître le nombre de chevaux partis chaque semaine. Les chiffres rouges indiqueront les chevaux, et les chiffres noirs les hommes.
On fera un troisième état jusqu’au ler février, qui indiquera successivement tout ce qui arrivera.
Il faut écrire fréquemment au chef d’état-major du corps du maréchal Mortier, pour avoir sa situation.
Il faut donner l’ordre au général Teulié de se rendre à Hambourg, pour prendre le commandement de la division italienne ; également au général Bonfanti de se rendre à la division italienne.
Berlin, 23 novembre 1806
34e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
On n’a point encore de nouvelles que la suspension d’armes, signée le 17, ait été ratifiée par le roi de Prusse, et que l’échange des ratifications ait eu lieu. En attendant, les hostilités continuent toujours, ne devant cesser qu’au moment de l’échange.
Le général Savary, auquel l’Empereur avait confié le commandement du siège de Hameln, est arrivé le 19 à Oldendorf, devant Hameln, a eu une conférence, le 20, avec le général Lecoq et les généraux prussiens enfermés dans cette place, et leur a fait signer la capitulation ci-jointe; 9,000 prisonniers, parmi lesquels 6 généraux, des magasins pour nourrir 10,000 hommes pendant six mois, des munitions de toute espèce, une compagnie d’artillerie à cheval , 300 hommes à cheval, sont en notre pouvoir.
Les seules troupes qu’avait le général Savary étaient un régiment français d’infanterie légère et deux régiments hollandais, que commandait le général hollandais Dumanceau.
Le général Savary est parti sur-le-champ pour Nienburg, pour faire capituler cette place, dans laquelle on croit qu’il y a 2 ou 3,000 hommes de garnison.
Un bataillon prussien de 800 hommes, tenant garnison à Czenstochawa, à l’extrémité de la Pologne prussienne, a capitulé le 18 devant 150 chasseurs du 2e régiment, réunis à 300 Polonais confédérés, qui se sont présentés devant cette place. La garnison est prisonnière de guerre; il y a des magasins considérables.
L’Empereur a employé toute la journée à passer en revue l’infanterie du 4e corps, commandé par le maréchal Soult. Il a fait des promotions et distribué des récompenses dans chaque corps.
Berlin, 24 novembre 1806
A M. Gaudin
Je reçois le budget de 1806, que vous portez en recette à sept cents millions. Mon intention est que l’enregistrement soit porté à cent quarante-cinq millions au lieu de cent quarante-trois; les douanes à cinquante millions au lieu de quarante-sept; les sels et les tabacs au delà des Alpes à cinq millions au lieu de quatre. Je ne saurais adhérer à ces réductions.
Établissez dix millions de ventes de domaines nationaux et de rentes; ce qui fera la somme que je veux donner à la caisse d’amortissement.
Les recettes diverses ne sont point assez portées à trois millions, vu qu’il y a les impositions de Parme et Plaisance; ainsi il faut les porter à six millions.
Ajoutez aussi quatre millions au sel et quatre aux droits réunis, pour porter mon budget à sept cent vingt millions. Vous ferez sentir qu’un budget de sept cent vingt millions pour 1807 est le même qu’un budget de sept cents millions pour 1806, attendu qu’il y avait, en 1806, vingt millions des routes non compris dans le budget, et que nous portons, pour 1807, ces routes tant en recettes qu’en dépenses, afin d’établir plus d’ordre.
La mesure de distinguer ainsi la France et la France ultramontaine est bonne pour moi et pour mon ministre du trésor; mais elle ne doit point paraître dans le public, puisque la politique est de confondre et non de séparer.
Vous trouverez ci-joint le décret qui fixe les crédits de chaque ministère. Les détails des budgets seront établis en conséquence de ces bases dans l’approuvé que je mettrai au bas de chacun.
Vous n’avez pas mis dans les budgets l’article important des fonds des exercices arriérés, qui doivent appartenir à l’exercice où s’en est fait le recouvrement. Ces fonds doivent monter à trois ou quatre millions.
Berlin, 24 novembre 1806
A M. Gaudin
Je ne vois pas d’inconvénient à ce que la caisse d’amortissement avance les 250,000 francs, pour les différents travaux, qui doivent être fournis par la police et par l’octroi de Paris. Je vois cependant avec peine que ces caisses retirent les fonds dont j’ai marqué la destination. Cependant le principal est que les travaux ne soient pas dérangés.
Berlin, 24 novembre 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, j’ai lu avec intérêt votre rapport sans date, mais coté no 2, sur la situation du trésor et de la place de Paris depuis le ler octobre. Je vois avec plaisir que vous avez réalisé une partie de mes espérances par la direction que vous avez donnée à votre service, et en faisant servir les obligations elles-mêmes comme effets.
Berlin, 21 novembre 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, je désire que l’an prochain vous suiviez absolument le budget.
Je vous réitère d’avoir en caisse, et comme en dépôt, la solde de la Grande Armée jusqu’au 1er octobre, de manière qu’indépendamment de tout événement et de chances quelconques cette solde puisse être payée sans déranger rien ni aux finances ni au crédit. Il faut donc qu’elle existe à Strasbourg, Mayence et Paris en bons écus.
L’affaire des piastres est bien désagréable; nous perdons là l’intérêt de notre argent. Poussez vivement l’Espagne pour qu’elle paye ses traites. Garnissez-vous d’argent pendant qu’il est à bon marché; vous ne seriez pas pardonnable si vous n’aviez pas vingt millions en caisse pour parer aux besoins imprévus. C’est ce dont il faut vous occuper tous les jours. Par résultat de la paix générale ou d’un échec quelconque, l’argent peut devenir rare et les bourses se resserrer. Ayez donc vingt millions en caisse indépendamment de la solde de l’armée, qui ne vous appartient pas et qui n’est qu’un dépôt entre vos plains.
Je n’ai fait que parcourir vos états sur les ressources de 1807, parce qu’ils ne sont pas dressés dans la direction de mon esprit. Je ne perds jamais de vue le système des exercices et du budget, et, du moment où vous me présentez un aperçu, je recours au budget de l’année, et, quand je ne trouve pas à y faire promptement des comparaisons, vos chiffres ne me satisfont pas.
Ainsi, par la dernière loi, il n’y a plus d’exercice jusqu’à l’an XIII, mais l’an XIII, l’an XIV et l’an 1806 existent encore. Peut-être sera-t-il possible, avec les bons, de donner ce qu’il faut à l’an XIII ; mais l’an 1806 doit rester en pied.
Il faut donc, pour que je comprenne facilement la situation du trésor, que vous mettiez dans une première colonne le budget de 1806 tel que l’a établi le ministre des finances; dans une seconde colonne, ce qui sera recouvré au ler janvier; la dernière colonne contiendra les observations qui feront connaître si le budget sera rempli. Cet état est plutôt du ressort du ministre des finances; cependant, pour connaître la situation des finances, il faut qu’il me soit envoyé avec le second état, qui est de votre ministère.
Ce second état présentera : première colonne, ce que la loi accorde à chaque ministre; seconde colonne, ce que j’ai accordé sur le fonds de réserve; troisième colonne, les crédits que j’ai accordé à chaque ministère par les distributions de mois, en y comprenant décembre, ce qui complète les quinze mois de l’exercice an XIV et 1806; enfin la quatrième colonne présentera le crédit restant à chaque ministre.
Cet état devrait être accompagné d’une note de chaque ministre faisant connaître ses besoins pour compléter le service de l’année 1806; alors seulement je verrai ce que je dois pour l’exercice 1806.
Je conviens aussi que cet état peut être plus du ressort du ministère des finances que du vôtre.
Après cet état viennent ceux que vous m’avez envoyés et qui sont alors intelligibles, c’est-à-dire votre situation des effets que vous réaliserez en 1808. J’imagine que vous ne comprenez dans aucun état les fonds spéciaux et les dépenses spéciales.
Ainsi j’ai évalué, pour quinze mois, ma dépense à huit cent quatre-vingt-quatorze millions. Combien ai-je dépensé ? Combien le trésor doit-il aux ministres ? Enfin ce dû sera-t-il nécessaire; car nous ne pourrons pas avoir toujours recours à des bons de la caisse d’amortissement. Il faudra donc payer sur le service courant.
Ainsi, pour savoir si les sept cent vingt millions que vous réaliserez dans l’année seront suffisants, il faut savoir : 1° si vous prétendez faire face aux dépenses spéciales, et pour quelle quotité; 2° si vous prétendez faire face à ce que je dois sur 1806, et quelle est la quotité de ce dû.
De quarante-six à cinquante millions par mois seront probablement suffisants dans le cours de l’année pour le service de l’exercice 1807, sans comprendre ce qu’il faudra payer chaque mois pour l’exercice 1806 ni aucune dépense spéciale.
Mais je vois toujours avec une grande peine soixante et douze millions dont vous ne pouvez pas venir à bout de vous rembourser. Pour que je comprenne donc bien la situation des finances, il faut que vous vous concertiez avec M. Gaudin et que vous me fassiez ensemble un rapport là-dessus.
Berlin, 24 novembre 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, pressez le recrutement des premiers bataillons des régiments suisses; faites écrire par M. de Maillardoz, et écrivez à M. Vial que, si les Suisses ne recrutent pas promptement ces bataillons, je le tiendrai à mauvaise volonté.
Faites en sorte que les chevau-légers d’Aremberg puissent entrer en campagne au commencement de fèvrier.
Berlin, 24 novembre 1806
Au grand-duc de Berg
Je reçois votre lettre du 22; j’approuve le parti que vous avez pris de vous rendre aux avant-postes. J’attends des nouvelles de Duroc avant de me rendre en Pologne.
Vous avez avec vous les divisions de dragons Beaumont et Klein |
4,800 | |
Les brigades Beker | l,200 | |
Les brigades Nansouty | 2,400 | |
Les brigades Milhaud | 800 | |
Total de la réserve | 9,200 | |
Infanterie | Cavalerie | |
Davout | 22,000 | 1,200 |
Lannes | 16,000 | 1,200 |
Augereau | 16,000 | 800 |
Jérôme | 12,000 | 2,000 |
66,000 | 5,200 | |
Cavalerie de la réserve | 9,200 | 14,400 |
Cavalerie légère | 5,200 | |
Infanterie | 66,000 | |
Total général | 80,400 |
Je ne pense pas que les Russes puissent avoir plus de 30 à 40,000 hommes à Varsovie. Ney sera le 24 à Posen; Soult le 25 à Francfort; Sahuc, le 27 à Posen; Grouchy, le 29; Lasalle, le 28.
Ainsi il y aura une belle armée sur vos derrières.
J’ai fait commander tous mes chevaux sur la route, afin de pouvoir arriver promptement aux avant-postes.
Berlin, 24 novembre 1806
A M. Mollien
Monsieur Mollien, vous me dites que la Garde impériale a dépassé son budget : je ne le crois pas. Tout ce que vous avez donné à la Garde, vous l’avez imputé comme masse, quoique vous en ayez aussi payé la solde. Il faut réparer cette erreur dans les écritures; cela augmentera de quelques millions la solde et diminuera d’autant le matériel du ministre.
Berlin, 24 novembre 1806
A M. Fouché
Je reçois votre lettre du 17. Je ne sais où vous avez été déchiffrer à Paris que l’Espagne était contre la France. C’est une imagination des Anglais pour vous inquiéter.
Berlin, 24 novembre 1806
Au vice-amiral Decrès
J’ai vu avec plaisir les travaux qu’a faits votre ingénieur hydrographe sur les ports de Venise et de Dalmatie. Faites-le continuer à Ancône, Tarente, Castellamare et Naples, afin que nous ayons sur tout cela des idées claires et positives.
Berlin, 24 novembre 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, vous ferez remettre à la princesse Auguste de Prusse une somme de 24,000 francs, et vous lui ferez payer à l’avenir 18,000 francs par mois et d’avance. Ce payement devra avoir lieu à compter du 111 novembre.
Berlin, 24 novembre 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, vous recevrez un décret pour faire au port de Venise un travail de 92,000 francs, qui est nécessaire pour que les vaisseaux puissent passer. Cette dépense sera prise sur les fonds du ministère de la guerre de mon royaume d’Italie. Rendez-moi compte si l’on a commencé à mettre des vaisseaux en construction.
Küstrin, 25 novembre 1806
Au grand-duc de Berg
J’arrive à Küstrin. Je n’ai point de nouvelles depuis le 22, que vous partiez de Posen. Duroc m’écrit le 21 de Graudenz qu’il n’y a là aucune nouvelle des Russes. Il n’avait point trouvé le Roi, qu’on supposait à Königsberg, et il suivait son chemin pour le joindre. J’espère recevoir des nouvelles des avant-postes dans le jour. Tout me porte à penser que les Russes ont moins de 40,000 hommes. D’ailleurs, je serai probablement demain au soir 26 à Posen.
Küstrin, 25 novembre 1806, 2 heures après midi
Au maréchal Mortier
Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre du 22. Je ne vois pas d’inconvénient à différer de mettre le scellé sur la banque de Hambourg, pourvu qu’on n’en laisse point sortir de lingots; servez-vous de M. Bourrienne pour savoir ce qu’il y a. Vous avez dû mettre à exécution, à l’heure qu’il est, le décret sur le blocus de l’Angleterre. Ne tardez pas à mettre à l’exécution celui sur le Mecklenburg, et portez, comme vous l’écrit le major général, une bonne partie de vos forces entre l’Elbe et l’Oder.
Donnez-moi fréquemment de vos nouvelles, et mettez-vous en correspondance avec le commandant de Stettin et le général Clark gouverneur de Berlin, pour savoir ce qui se passe et pouvoir agir selon les circonstances.
J’imagine que le 15e d’infanterie légère et le 58e ne doivent pas tarder à vous arriver, car ils ont dû partir le 20 de Wesel.
Küstrin, 26 novembre 1806
A l’Impératrice
Je suis à Küstrin pour faire un tour et quelques reconnaissance; je verrai, dans deux jours, si tu dois venir. Tu peux te tenir prête. Je serai fort aise que la reine de Hollande soit du voyage. Il faut que la grande-duchesse de Bade en écrive à son mari.
Il est deux heures du matin; je viens de me lever; c’est l’usage de la guerre.
Mille choses aimables à toi et à tout le monde.
Meseritz, 27 novembre 1806, 2 heures du matin
A l’Impératrice
Je vais faire un tour en Pologne; c’est ici la première ville; je serai ce soir à Posen. Après quoi je t’appellerai à Berlin, afin que tu y arrives le même jour que moi. Ma santé est bonne, le temps un peu mauvais; il pleut depuis trois jours. Mes affaires vont bien. Les Russes fuient.
Adieu, mon amie, mille choses aimables à Hortense, Stéphanie et au petit Napoléon.
Meseritz, 27 novembre 1806
A M. de Talleyrand
Le roi de Prusse a déclaré qu’il n’était plus le maître de ratifier la suspension d’armes, parce qu’il s’était jeté entièrement entre les bras des Russes. Si les plénipotentiaires n’en sont pas instruits, il est inutile de leur en parler, jusqu’à ce qu’ils l’apprennent. J’attendrai d’avoir causé avec Duroc, que je verrai ce soir, pour vous envoyer des ordres pour les plénipotentiaires. Je serai ce soir à Posen; vous pouvez vous préparer à venir m’y joindre incessamment avec M. Maret. Berlin se trouve trop loin aujourd’hui du gros de mon armée. J’ai fait appeler mon quartier général de Berlin à Posen.
Meseritz, 27 novembre 1806
Au maréchal Soult
Mon Cousin, je ne conçois que vous n’ayez pas eu de draps pour vos capotes à Berlin. M. Daru m’assure que vous ne lui en avez pas demandé et qu’il a six mille aunes de draps à vous donner. J’ai passé ici un marché avec un fabricant de Meseritz, qui vous fournira, à votre passage, cinq cents pièces de draps pour capotes. Ces cinq cents pièces font huit à dix mille aunes. Vous les distribuerez sur-le-champ entre vos corps. Vous profiterez du peu de moments que vous aurez pour les faire couper; et les soldats les feront coudre comme ils pourront. Le même fabricant me promet deux mille autres pièces de draps dans quinze jours. Nous allons nous trouver fort embarrassés pour les souliers, si les corps n’en ont pas fait venir.
Le général Legrand doit se tenir à Landsberg, qui est une petite ville où il sera fort bien.
Placez-vous de manière que vos troupes ne soient point fatiguées et ne se ressentent point trop du mauvais temps, en gagnant sur la route de Posen. J’espère que ce mauvais temps va finir; dirigez cependant vos quatre régiments de cavalerie, qui souffrent moins du mauvais temps, sur Posen.
Le roi de Prusse n’a point ratifié la suspension d’armes. Il a déclaré qu’il était au pouvoir des Russes et qu’il ne pouvait rien faire.
Le grand-duc de Berg était hier à la suite des Russes, à une journée de Varsovie.
Je désirerais fort vous avoir à Posen, mais je désire encore plus que vos troupes ne se fatiguent point trop; rien ne me porte à penser, jusqu’à cette heure, qu’il y ait une grande nécessité.
J’ai trouvé hier à Landsberg un détachement du 75e, qui m’a paru très-beau; il aura sans doute rejoint son corps.
Rendez-vous de votre personne à Meseritz, et établissez-y votre quartier général. Vous y serez plus à portée d’y recevoir les ordres.