Correspondance de Napoléon – Novembre 1806
Berlin, 9 novembre 1806
Au maréchal Davout
Mon Cousin, Magdeburg s’est rendu. Il y avait 16,000 hommes et 800 pièces de canon. Le 6, Lubeck a été pris d’assaut par le grand-duc de Berg, le prince de Ponte-Corvo et le maréchal Soult. Le carnage y a été affreux. Le lendemain, le reste du corps de Blücher s’est rendu par capitulation. Il y avait 18,000 hommes, dont 3,000 de cavalerie. Les 2,000 Suédois qui gardaient le Lauenbourg ont été pris.
Berlin, 9 novembre 1806
Au maréchal Ney
Je reçois votre lettre du 7. Portez la plus grande attention à ce que les trésors qui sont enfermés dans Magdeburg nous restent. Visitez tous les caissons des officiers et tous les fourgons. Les caisses des régiments sont dans Magdeburg; le trésor de l’armée et des trésors très-considérables appartenant au prince de Hesse-Cassel s’y trouvent également. Faites main basse sur tout. Votre arrivée à Berlin n’est pas urgente. Partez un jour plus tard qu’un jour plus tôt. Au lieu d’un régiment laissez-en deux à Magdeburg. Faites escorter vos prisonniers par de bonnes escortes ; chargez-en les corps qui ont le plus souffert à la bataille d’Iena. Les prisonniers se sauvent partout. Vous sentez combien cela a d’inconvénients. Mettez en marche, seulement le 12, une division avec toute votre artillerie. Que, la garnison prussienne sortie, les portes soient fermées et qu’on visite tout ce qui sortira de la ville, afin que les trésors qui y sont renfermés ne soient pas soustraits quelques jours après. Ce fameux Blücher, avec 20,000 hommes, est à nous. Le grand-duc de Berg, le prince de Ponte-Corvo et le maréchal Soult ont pris la ville d’assaut. Ainsi a fini le reste de l’armée prussienne. Les 2,000 Suédois qui gardaient le Lauenbourg ont été pris. Le roi de Hollande me mande qu’il y a à Hameln 7,000 hommes campés sous les murs de la place. Envoyez un officier prendre des renseignements pour que vous soyez instruit si quelque colonne cherchait à s’échapper.
Berlin, 9 novembre 1806
Au maréchal Lannes
Mon Cousin, Magdeburg s’est rendu le 7. Il y a dans cette place 16,000 hommes et 800 pièces de canon, des bagages et des trésor très-considérables. Le 6, Lubeck a été pris d’assaut par le grand-duc de Berg, le prince de Ponte-Corvo et le maréchal Soult. La boucherie a été effroyable. Le général Blücher y était avec la colonne du duc de Weimar et ce qu’il avait pu ramasser, formant une vingtaine de mille hommes. Ce qui n’a pas été pris le jour a été ramassé le lendemain par capitulation. Les 2,000 Suédois qui gardaient le Lauenbourg ont été pris.
Si la nouvelle de la bataille du 14 n’a pas arrêté la marche des Russes, je ne serais pas étonné que, le 8 ou 10 novembre, une colonne de 10 ou 15,000 hommes fût arrivée à Graudenz.
Tâchez de faire observer une bonne discipline en Pologne.
Berlin, 9 novembre 1806
Au général de Wrede
Je reçois votre lettre. Je suis fâché de votre maladie. Je comptais sur vous dans cette campagne, parce que je connais votre zèle et vos talents, dont vous m’avez donné des preuves l’année passée. Mais tout n’est pas fini : nous avons encore les Russes à battre, et, pour que vous puissiez prendre part aux événements, il faut tranquilliser votre esprit; c’est le meilleur moyen de guérir le corps. Ne doutez pas de l’estime que je vous porte.
Berlin, 9 novembre 1806
29e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
La brigade de dragons du général Beker a paru aujourd’hui à la parade.
Sa Majesté, voulant récompenser la bonne conduite des régiments qui la composent, a fait différentes promotions.
Mille dragons qui étaient venus à pied à l’armée, et qui ont été montés au dépôt de Potsdam, ont passé hier la revue du maréchal Bessières; ils ont été munis de quelques objets d’équipement qui leur manquaient, et ils partent aujourd’hui pour rejoindre leurs corps respectifs, pourvus de bonnes selles et montés sur de bons chevaux, fruits de la victoire.
Sa Majesté a ordonné qu’il serait frappé une contribution de cent cinquante millions sur les Etats prussiens et sur ceux des alliés de la Prusse.
Après la capitulation du prince de Hohenlohe, le général Blücher, qui le suivait, changea de direction et parvint à se réunir à la colonne du duc de Weimar, à laquelle s’était jointe celle du prince Frédéric Guillaume Brunswick-OEls, fils du duc de Brunswick. Ces trois divisions se trouvèrent ainsi sous les ordres du général Blücher. Différentes petites colonnes se joignirent également à ce corps.
Pendant plusieurs jours, ces troupes essayèrent de pénétrer par des chemins que les Français pouvaient avoir laissés libres; mais les marches combinées du grand-duc de Berg, du maréchal Soult et du prince de Ponte-Corvo avaient obstrué tous les passages.
L’ennemi tenta d’abord de se porter sur Anklam , et ensuite sur Rostock : prévenu dans l’exécution de ce projet, il essaya de revenir sur l’Elbe; mais, s’étant trouvé encore prévenu, il marcha devant lui pour gagner Lubeck.
Le 4 novembre, il prit position à Grevismühlen; le prince de Ponte-Corvo culbuta l’arrière-garde; mais il ne put entamer ce corps, parce qu’il n’avait que 600 hommes de cavalerie et que celle de l’ennemi était beaucoup plus forte. Le général Watier a fait dans cette affaire de très-belles charges, soutenu par les généraux Pacthod et Maison, avec le 27e régiment d’infanterie légère et le 8e de ligne.
On remarque dans les différentes circonstances de ce combat, qu’une compagnie d’éclaireurs du 94e régiment, commandée par le capitaine Razout, fut entourée par quelques escadrons ennemis ; mais les voltigeurs francais ne redoutent point le choc des cuirassiers prussiens; ils les reçurent de pied ferme et firent un feu si bien nourri et si adroitement dirigé, que l’ennemi renonça à les enfoncer. On vit alors les voltigeurs à pied poursuivre la cavalerie à toute course. Les Prussiens perdirent 7 pièces de canon et 1,000 hommes.
Mais, le 4 au soir, le grand-duc de Berg, qui s’était porté sur la droite, arriva avec sa cavalerie sur l’ennemi, dont le projet était encore incertain. Le maréchal Soult marcha par Ratzeburg. Le prince de Ponte-Corvo marcha par Rehna ; il coucha du 5 au 6 à Schoenberg, d’où il partit à deux heures après minuit. Arrivé à Schlutup sur la Trave, il fit environner un corps de 1,600 Suédois, qui avaient enfin jugé convenable d’opérer leur retraite du Lauenbourg pour s’embarquer sur la Trave. Des coups de canon coulèrent les bâtiments préparés pour l’embarquement. Les Suédois, après avoir riposté, mirent bas les armes.
Un convoi de 300 voitures, que le général Savary avait poursuivi de Wismar, fut enveloppé par la colonne du prince de Ponte-Corvo et pris.
Cependant l’ennemi se fortifiait à Lubeck. Le maréchal Soult n’avait pas perdu de temps dans sa marche de Ratzeburg ; de sorte qu’il arriva à la porte de Müllen lorsque le prince de Ponte-Corvo arrivait à celle de la Trave. Le grand-duc de Berg, avec sa cavalerie, était entre deux.
L’ennemi avait arrangé à la hâte l’ancienne enceinte de Lubeck; il avait disposé des batteries sur les bastions; il ne doutait pas qu’on ne pût gagner là une journée : mais le voir, le reconnaître et l’attaquer fut l’affaire d’un instant.
Le général Drouet, à la tête du 27e régiment d’infanterie légère des 94e et 95e régiments, aborda les batteries avec ce sang-froid, cette intrépidité, qui appartiennent aux troupes françaises. Les portes sont aussitôt enfoncées, les bastions escaladés, l’ennemi mis fuite, et le corps du prince de Ponte-Corvo entre par la porte de la Trave.
Les chasseurs corses, les tirailleurs du Pô et le 26e d’infanterie légère, composant la division d’avant-garde du général Legrand, qui n’avaient point encore combattu dans cette campagne, et qui étaient impatients de se mesurer avec l’ennemi, marchèrent avec la rapidité de l’éclair : redoutes, bastions, fossés, tout est franchi; et le corps du maréchal Soult entre par la porte de Müllen.
Ce fut en vain que l’ennemi voulut se défendre dans les rues, dans les places; il fut poursuivi partout. Toutes les rues, toutes les places furent jonchées de cadavres. Les deux corps d’armée, arrivant des deux côtés opposés, se réunirent au milieu de la ville. A peine le grand-duc de Berg put-il passer, qu’il se mit à la poursuite des fuyards. 4,000 prisonniers, 60 pièces de canon , plusieurs généraux, un grand nombre d’officiers tués ou pris, tel est le résultat de cette belle journée.
Le 7, avant le jour, tout le monde était à cheval, et le grand-duc de Berg cernait l’ennemi près de Schwartau avec la brigade Lasalle et la division de cuirassiers d’Hautpoul. Le général Blücher, le prince Frédéric-Guillaume de Brunswick-OEls et tous les généraux se présentent alors aux vainqueurs, demandent à signer une capitulation, et défilent devant l’armée française.
Ces deux journées ont détruit le dernier corps qui restait de l’armée prussienne, et nous ont valu le reste de l’artillerie de cette armée, beaucoup de drapeaux et 16,000 prisonniers, parmi lesquels se trouvent 4,000 hommes de cavalerie.
Ainsi ces généraux prussiens qui, dans le délire de leur vanité, s’étaient permis tant de sarcasmes contre les généraux autrichiens, ont renouvelé quatre fois la catastrophe d’Ulm : la première, par la capitulation d’Erfurt; la seconde, par celle du prince de Hohenlohe; la troisième, par la reddition de Stettin, et la quatrième, par la capitulation de Schwartau.
La ville de Lubeck a considérablement souffert : prise d’assaut, ses places, ses rues ont été le théâtre du carnage. Elle ne doit s’en prendre qu’à ceux qui ont attiré la guerre dans ses murs.
Le Mecklenburg a été également ravagé par les armées francaises et prussiennes. Un grand nombre de troupes, se croisant en tout sens et à marches forcées sur ce territoire, n’a pu trouver sa subsistance qu’aux dépens de cette contrée. Ce pays est intimement lié avec la Russie; son sort servira d’exemple aux princes d’Allemagne qui cherchent des relations éloignées avec une puissance à l’abri des malheurs qu’elle attire sur eux, et qui ne fait rien pour secourir ceux qui lui sont attachés par les liens les plus étroits du sang et par les rapports les plus intimes. L’aide de camp du grand-duc de Berg, Dery, a fait capituler le corps qui escortait les bagages qui s’étaient retirés derrière la Peene; les Suédois ont livré les fuyards et les caissons. Cette capitulation a produit 1,500 prisonniers et une grande quantité de bagages et de chariots. Il y a aujourd’hui des régiments de cavalerie qui possèdent plusieurs centaines de milliers d’écus.
Le maréchal Ney, chargé du siège de Magdeburg, a fait bombarder cette place. Plusieurs maisons ayant été brillées, les habitants ont manifesté leur mécontentement, et le commandant a demandé à capituler. Il y a dans cette forteresse beaucoup d’artillerie, des magasins considérables, 16,000 hommes appartenant à plus de 70 bataillons, et beaucoup de caisses des corps.
Pendant ces événements importants, plusieurs corps de notre armée arrivent sur la Vistule.
La malle de Varsovie a apporté beaucoup de lettres de Russie qui ont été interceptées. On y voit que, dans ce pays, les fables des journaux anglais trouvent une grande croyance : ainsi l’on est persuadé, en Russie, que le maréchal Masséna a été tué, que la ville de Naples s’est soulevée, qu’elle a été occupée par les Calabrais, que le Roi s’est réfugié à Rome, et que les Anglais, avec 5 à 6,000 hommes, sont maîtres de l’italie. Il ne faudrait cependant qu’un peu de réflexion pour rejeter de pareils bruits. La France n’a-t-elle donc plus d’armée en Italie ? Le roi de Naples est dans sa capitale; il a 80,000 Français; il est maître des deux Calabres; et, à Pétersbourg, on croit les Calabrais à Rome ! Si quelques galériens armés et endoctrinés par cet infâme Sidney Smith, la honte des braves militaires anglais, tuent des hommes isolés, égorgent des propriétaires riches et paisibles, la gendarmerie et l’échafaud en font justice. La marine anglaise ne désavouera point le titre d’infâme donné à Sidney Smith. Les généraux Stuart et Fox, tous les officiers de terre, s’indignent de voir le nom anglais associé à des brigands. Le brave général Stuart s’est même élevé publiquement contre ces menées aussi impuissantes qu’atroces, et qui tendent à faire du noble métier de la guerre un échange d’assassinats et de brigandage. Mais, quand Sidney Smith a été choisi pour seconder les fureurs de la Reine, on n’a vu en lui qu’un de ces instruments que les gouvernements emploient trop souvent, et qu’ils abandonnent au mépris qu’ils sont les premiers à avoir pour eux. Les Napolitains feront connaître un jour avec détail les lettres de Sidney Smith, les missions qu’il a données, l’argent qu’il a répandu pour l’exécution des atrocités dont il est l’agent en chef.
On voit aussi dans les lettres de Pétersbourg, et même dans les dépêches officielles, qu’on croit qu’il n’y a plus de Français dans l’Italie supérieure: on doit savoir cependant qu’indépendamment de l’armée de Naples il y a encore en Italie 100,000 hommes prêts à punir ceux qui voudraient y porter la guerre. On attend aussi à Pétersbourg des succès de la division de Corfou; mais on ne tardera pas à apprendre que cette division, à peine débarquée aux bouches de Cattaro, a été défaite par le général Marmont, qu’une partie a été prise, et l’autre rejetée dans ses vaisseaux. C’est une chose fort différente d’avoir affaire à des Français ou à des Turcs que l’on tient dans la crainte et dans l’oppression, en fomentant avec art la discorde dans les provinces.
Mais, quoi qu’il en puisse être, les Russes ne seront point embarrassés pour détourner d’eux l’opprobre de ces résultats. Un décret du Sénat Dirigeant a déclaré qu’à Austerlitz ce n’étaient point les Russes, mais leurs alliés, qui avaient été battus. S’il y a sur la Vistule une nouvelle bataille d’Austerlitz, ce sera encore d’autres qu’eux qui auront été vaincus, quoique aujourd’hui, comme alors, leurs alliés n’aient point de troupes à joindre à leurs troupes, et que leur armée ne puisse être composée que de Russes.
Les états de mouvement et ceux des marches de l’armée russe sont tombés dans les mains de l’état-major francais. Il n’y aurait rien de plus ridicule que les plans d’opérations des Russes, si leurs vaines espérances n’étaient plus ridicules encore.
Le général Lagrange a été déclaré gouverneur général de Cassel et des États de Hesse.
Le maréchal Mortier s’est mis en marche pour le Hanovre et pour Hambourg avec son corps d’armée.
Le roi de Hollande a fait bloquer Hameln.
Il faut que cette guerre soit la dernière, et que ses auteurs soient si sévèrement ;punis, que quiconque voudra désormais prendre les armes contre le peuple français sache bien, avant de s’engager dans une telle entreprise, quelles peuvent en être les conséquences.
Berlin, 10 novembre 1806
A M. Cambacérès
Mon Cousin, je reçois votre lettre du 4 novembre. Je vous donne tous mes pouvoirs pour l’affaire de la conspiration jacobine. Voyez ce qu’il faut faire. Il ne faut pas lui donner plus d’importance qu’elle ne mérite. Il est possible qu’un petit exemple ne soit pas inutile, afin qu’à l’avenir les malveillants ne soient pas à l’affût des événements, dans l’espérance de revers, pour remuer.
Je vois avec peine qu’on arrête des diligences. Il faut éveiller la sollicitude de la police et déployer un peu de forces. Voyez le ministre Dejean et le gouverneur de Paris. Mon intention est que les quatre dépôts de dragons qui sont à Paris fournissent chacun un détachement de 30 hommes commandés par un officier; ces quatre détachements, formant 120 hommes, seront répartis sur les routes de Chartres, sur les confins de l’Orne, du côté des Andelys et d’Évreux. Pour peu que le mal augmente, on formera sur-le-champ un camp volant composé des carabiniers et voltigeurs des 2e, 4e et 12e régiments d’infanterie légère, des 120 dragons et de plusieurs brigades de gendarmerie. Cette force, faisant 5 ou 600 hommes, se rendra successivement à Évreux, aux Andelys, à Laigle, et, s’il est nécessaire, du côté de Domfront, arrêtera les mauvais sujets et fouillera les forêts. Cela rassurera les bons citoyens et comprimera ce commencement de malveillance. Mais c’est à l’archevêque de Rouen à lancer des monitoires (note : avertissement officiel de l’autorité ecclésiastique) contre ce brigandage public, si le mal augmente.
Berlin, 10 novembre 1806
Au maréchal Berthier
Indépendamment des détachements que j’ai ordonné au maréchal Kellermann de faire partir dans la première quinzaine de novembre pour venir renforcer les corps, mon intention est qu’il soit formé 8 bataillons provisoires. Chaque bataillon sera composé d’une compagnie fournie par chacun des 3e bataillons des corps qui sont à Grande Armée; chaque compagnie sera complétée à 140 homme les bataillons seront formés conformément à l’état ci-joint.
Le maréchal Kellermann nommera un chef de bataillon et un adjudant-major pour chaque bataillon, et un major pour commander deux bataillons.
Il aura soin de ne pas prendre les majors dans les mêmes corps où il prendra les chefs de bataillon ou adjudants-majors.
Il ne sera pas nécessaire que les conscrits soient instruits : il suffira qu’ils aient huit ou dix jours d’instruction, qu’ils soient armés et qu’ils aient la veste, la culotte, les guêtres, le chapeau d’uniforme et une capote. Il ne faudra pas attendre qu’ils aient l’habit.
Ces bataillons seront placés dans les places suivantes, où ils achèveront leur instruction.
Le 4e et le 5e bataillon se réuniront à Cassel, le plus tôt possible, pour maintenir la tranquillité de l’électorat de Hesse-Cassel; et vous remarquerez à cet effet qu’il faudra que vous donniez l’ordre au commandant de la 2e division militaire pour la compagnie du 12e régiment, au commandant de la 2e division pour la compagnie 12e de ligne, et au commandant de Verdun pour la compagnie du 25e d’infanterie légère. Donnez ordre aux commandants de ces trois divisions d’organiser sur-le-champ ces compagnies et de les diriger sur Mayence.
Les autres bataillons se dirigeront sans délai sur Magdeburg, où ils resteront le temps nécessaire pour compléter leur instruction. Faites sentir au maréchal Kellermann qu’il ne faut pas perdre un moment pour former ces bataillons; que, pourvu qu’ils soient armés, tout est bon ; que je les fournirai de tout à Magdeburg; qu’enfin j’obtiendrai par là deux avantages, puisqu’ils ne me coûteront rien en France et qu’ils me garderont Magdeburg, ce qui me rendra d’autres troupes disponibles.
J’espère que ces troupes seront réunies à Mayence et partiront le 25, pour être rendues le plus tôt possible à leur destination.
Donnez ordre an commandant de la 25e division militaire (Wesel)de faire partir au 20 novembre tous les dragons à pied, chasseurs et hussards qui s’y trouveront au-dessus du nombre de chevaux qu’ils ont.
Donnez le même ordre pour les 5e (Strasbourg)et 26e (Mayence) divisions militaires. Donnez le même ordre à Paris pour les corps de dragons. Les ordres sont donnés aux corps de cavalerie qui se trouvent dans les 6e (Besançon), 24e Bruxelles), 16e (Lille), 1e (Paris) et 18e (Lille) divisions. Tout doit donc venir à la Grande Armée. Il ne doit donc plus y avoir aux dépôts d’hommes à pied, hormis les invalides, auxquels il faut donner leur retraite, et les hommes qui ont des chevaux non encore dressés, et encore faut-il que ces chevaux partent à mesure qu’il y eu a dix d’équipés et d’arrangés, pour venir rejoindre leur régiment.
Vous ferez remarquer au général Dejean l’avantage qu’il y aura, pour l’économie de mes finances et le bien de mon armée, dans l’envoi de ces hommes; qu’ils tiendront garnison dans les grandes places de Magdeburg, Potsdam, Spandau, Küstrin, Stettin, garderont mes derrières, s’instruiront plus vite parce qu’ils en sentiront le besoin, et ne coûteront rien à mes finances.
Il y a à Juliers deux compagnies de sapeurs qui y sont inutiles; faites-en partir une pour Magdeburg. N’en laissez qu’une à Mayence et à Wesel; que le reste parte. Il n’y en a pas besoin à Strasbourg.
Berlin, 10 novembre 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, je désire que vous fassiez donner à Mme de Montmorency, âgée de soixante et quatorze ans, retirée à Brunswick dans la maison du Duc, un passe-port pour se rendre en France.
Berlin, 10 novembre 1806
Au maréchal Ney
Je reçois la capitulation de Magdeburg; cela m’a fait le plus grand plaisir. Je vous recommande de bien faire escorter les prisonniers. Désarmez tous les habitants de Magdeburg dès votre entrée dans la ville. Qu’il n’y ait aucune arme. Je pense que vous devez garder l’artillerie de Dresde et de Wittenberg. Comme c’est de l’artillerie saxonne, elle est plus à ma disposition à Magdeburg qu’à Dresde même. Faites-la débarquer et mettre dans la ville. Mes coureurs sont déjà arrivés à Varsovie. Nous sommes en pleine possession de la capitale de la haute Pologne. Je fais en ce moment bombarder Glogau. J’espère que cette place sera rendue dans peu de jours. Votre présence n’est pas urgente; cependant je verrai avec plaisir l’arrivée à Berlin de votre première division et de votre artillerie. Quant au reste, ne le faites venir qu’au cas que cela ne puisse pas nuire au service et à l’escorte des prisonniers. Huit jours plus tôt ou plus tard ne m’importent pas assez, dans l’état actuel des choses, pour que je risque de perdre une partie de mes prisonniers.
Berlin, 10 novembre 1806
Au prince Jérôme
Je reçois votre lettre. Le général Lefebvre aurait dû vous envoyer plus de renseignements sur ce qui s’est passé dans le pays. Je désire fort être maître de Glogau. J’ai donné ordre au général qui commande à Küstrin de faire embarquer six mortiers et quatre obusiers de siège, et de vous les envoyer pour bombarder la ville. Si Glogau se rend, envoyez un officier en prévenir à Küstrin , afin qu’on ne fasse pas ce mouvement. Du moment que Glogau sera investi par le général Deroy, envoyez des partis de cavalerie sur Breslau, et, comme il est possible que l’ennemi ait là du monde, envoyez une force considérable sur l’une et l’autre rive. Vous pouvez continuer à charger vos deux généraux de brigade français, avec leurs corps, de cette mission. Faites ramasser tous les bateaux que vous rencontrerez sur l’Oder, afin de faire un pont dans une nuit et où vous voudrez. Tout bateau qu’on prendra il ne faut point le vendre; nous ne sommes pas ici sur mer; il faut leur faire descendre le fleuve jusqu’à Küstrin et les mettre entre les mains de l’administration.
Berlin, 10 novembre 1806
Au général Songis
Envoyez sur-le-champ un courrier extraordinaire pour faire embarquer à Küstrin six mortiers et quatre obusiers de siège, pour remonter au camp devant Glogau et bombarder la place , si elle veut tenir. Faites passer des obus au corps bavarois, qui a usé tous les siens en commençant déjà le bombardement. Je vous le répète encore, Küstrin est le point d’appui de l’armée. Il me faut là des cartouches d’infanterie et des cartouches à canon. Comme le parc est à Küstrin, ces mouvements se feront vite. Avant de faire remonter l’artillerie, le directeur du parc enverra un officier au prince Jérôme, parce que la ville pourrait être déjà rendue. Il vous fera connaître aussi s’il est possible d’envoyer plus de bouches à feu incendiaires devant Glogau.
Berlin, 10 novembre 1806
30e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
La place de Magdeburg s’est rendue le 8. Le 9, les portes ont été occupées par les troupes françaises.
16,000 hommes, près de 800 pièces de canon, des magasins de toute espèce, tombent en notre pouvoir.
Le prince Jérôme a fait bloquer la place de Glogau, capitale de la haute Silésie, par le général de brigade Lefebvre, à la tête de 2,000 chevaux bavarois. La place a été bombardée le 8 par 10 obusiers servis par de l’artillerie légère. Le prince a fait l’éloge de la conduite de la cavalerie bavaroise. Le général Deroy, avec sa division, a investi Glogau le 9 ; on est entré en pourparler pour sa reddition.
Le maréchal Davout est entré à Posen, avec son corps d’armée, le 10. Il est extrêmement content de l’esprit qui anime les Polonais. Les agents prussiens auraient été massacrés si l’armée française ne les eût pris sous sa protection.
La tête de quatre colonnes russes, fortes chacune de 15,000 hommes, entrait dans les États prussiens par Georgenburg, Olita, Grodno et Jalowka. Le 25 octobre, ces têtes de colonnes avaient fait deux marches, lorsqu’elles reçurent la nouvelle de la bataille du 14 et des événements qui l’ont suivie ; elles rétrogradèrent sur-le-champ.
Tant de succès, des événements d’une si haute importance, ne doivent pas ralentir en France les préparatifs militaires; on doit au contraire les poursuivre avec une nouvelle énergie, non pour satisfaire une ambition insatiable, mais pour mettre un terme à celle nos ennemis.
L’armée française ne quittera pas la Pologne et Berlin que la Porte ne soit rétablie dans toute son indépendance, et que la Valachie et la Moldavie ne soient déclarées appartenantes (sic) en toute souveraineté à la Porte.
L’armée française ne quittera point Berlin que les possessions des colonies espagnoles, hollandaises et francaises ne soient rendu es, et la paix générale faite.
Ci-joint la capitulation du général Blücher.
On a intercepté une malle de Danzig, dans laquelle on a trouvé beaucoup de lettres venant de Pétersbourg et de Vienne. On use à Vienne d’une ruse assez simple pour répandre de faux bruits. Avec chaque exemplaire des gazettes, dont le ton est fort réservé, on envoie, sous la même enveloppe, un bulletin à la main, qui contient les nouvelles les plus absurdes. On y lit que la France n’a plus d’armée en Italie ; que toute cette contrée est en feu ; que l’État de Venise est dans le plus grand mécontentement et a les armes à la main ; que les Russes ont attaqué l’armée française en Dalmatie et l’ont complètement battue. Quelque fausses et ridicules que soient ces nouvelles, elles arrivent de tant de côtés à la fois, qu’elles obscurcissent la vérité. Nous sommes autorisés à dire que 1’Empereur a 200,000 hommes en Italie, dont 80,000 à Naples, et 25,000 en Dalmatie; que le royaume de Naples n’a jamais été troublé que par des brigandages et des assassinats; que le roi de Naples est maître de toute la Calabre; que si les Anglais veulent y débarquer avec des troupes régulières, ils trouveront à qui parler; que le maréchal Masséna n’a jamais eu que des succès, et que le Roi est tranquille dans sa capitale, occupé des soins de son armée et de l’administration de son royaume; que le général Marmont, commandant l’armée française en Dalmatie, a complètement battu les Russes et les Monténégrins, entre lesquels la division règne; que les Monténégrins accusent les Russes de s’être mal battus, et que les Russes reprochent aux Monténégrins d’avoir fui; que, de toutes les troupes de l’Europe, les moins propres à faire la guerre en Dalmatie sont certainement les troupes russes; aussi y font-elles en général une fort mauvaise figure.
Cependant le corps diplomatique, endoctriné par des fausses directions données à Vienne à l’opinion, égare les cabinets par ces rapsodies. De faux calculs s’établissent là-dessus, et, comme tout ce qui est bâtit sur le mensonge et sur l’erreur tombe promptement en ruine, des entreprises aussi mal calculées tournent à la confusion de leurs auteurs. Certainement, dans la guerre actuelle , l’Empereur n’a pas voulu affaiblir son armée d’Italie ; il n’en a pas retiré un seul homme; il s’est contenté de faire revenir huit escadrons de cuirassiers, parce que les troupes de cette arme sont inutiles en Italie. Ces escadrons ne sont pas encore arrivés à Inspruck. Depuis la dernière campagne, l’Empereur a au contraire augmenté son armée d’Italie de quinze régiments qui étaient dans l’intérieur, et de neuf régiments du corps du général Marmont. 40,000 conscrits, presque tous de la conscription de 1806, ont été dirigés sur l’Italie ; et, par les états de situation de cette armée au 16 novembre, 25,000 y étaient déjà arrivés. Quant au peuple des États vénitiens, l’Empereur ne saurait être que très-satisfait de l’esprit qui l’anime. Aussi Sa Majesté s’occupe-t-elle des plus chers intérêts des Vénitiens ; aussi a-t-elle ordonné des travaux pour réparer et améliorer leur port, et pour rendre la passe de Malamocco propre aux vaisseaux de tout rang.
Du reste, tous ces faiseurs de nouvelles en veulent beaucoup à nos maréchaux et à nos généraux : ils ont tué le maréchal Masséna à Naples; ils ont tué en Allemagne le grand-duc de Berg, le maréchal Soult. Cela n’empêche heureusement personne de se porter très-bien.
Berlin, 11 novembre 1806
Au maréchal Mortier
Mon Cousin, le roi de Hollande s’en retourne dans son royaume. Vous avez donc le commandement de toutes les troupes. Mon intention est que vous en fassiez quatre divisions, dont deux divisions françaises, une division hollandaise et une division italienne.
La première division française sera composée du 2e d’infanterie légère et des 65e et 72e de ligne.
La deuxième division française sera composée du 4e régiment d’infanterie légère et des 122e et 58e de ligne. Ce dernier régiment sera le 20 novembre à Wesel ; jusqu’à ce qu’il y soit arrivé, vous le remplacerez par le 12e d’infanterie légère, que vous pourrez cependant laisser encore une quinzaine de jours à Cassel , jusqu’à ce y soit relevé par un millier d’hommes, que j’ordonne au maréchal Kellermann de former à Mayence et d’y envoyer.
La division hollandaise sera composée de troupes hollandaises, et la division italienne, des trois régiments italiens.
Je n’ai pas besoin de vous dire que mon intention est que les deux divisions françaises soient toujours réunies. Chacune des divisions doit avoir douze pièces de canon que vous vous occuperez d’organiser en Hanovre. Lorsque le 58e sera arrivé, je retirerai les 12e et le 15e, qui arrivent également le 20 à Wesel, auxquels je donnerai une autre destination.
Envoyez-moi la formation de votre armée sur ces bases. Il vous faut un général de cavalerie française pour commander la cavalerie de votre avant-garde. Vous devez avoir un millier de chevaux hollandais. Il faut aussi se procurer des chevaux en Hanovre et monter quelques escadrons de dragons à pied, que je vous enverrai des dépôts de France.
Berlin, 11 novembre 1806
Au sultan Selim
Très-haut, très-excellent, très-puissant, très-magnanime et invincible Prince, grand Empereur des Musulmans, Sultan Selim, mon très-cher et parfait ami, Dieu veuille augmenter votre gloire et hautesse, avec fin très-heureuse ! Le jour nième où nos ennemis vous redemandaient la Moldavie et la Valachie en vous parlant de mes désastres, je remportais à Iena une mémorable victoire, et je marchais à d’autres triomphes. Les armées de Prusse sont détruites ou prisonnières. Tout le pays est à moi. Je suis à Berlin, à Varsovie. Je poursuis avec 300,000 hommes mes avantages, et je ne ferai la paix que lorsque vous serez rentré en possession de vos principautés par le rétablissement des deux hospodars, Callimachi et Alexandre Suzzo. Reprenez confiance. Les destins ont promis la durée de votre empire; j’ai la mission de le sauver, et je mets en commun avec vous mes victoires. Le moment est venu où la Sublime Porte doit retrouver son énergie et faire marcher ses armées pour couvrir Bender, Choczim , toute la ligne du Dniester. Je sais que les Russesretirent leurs forces de cette frontière ; ils se dirigent sur moi; je les cherche et vais au-devant deux. Ne balancez plus; ils ne vous trompent que par impuissance. Ils se faisaient livrer vos provinces ; la valeur ottomane doit les fermer.
Sur ce, je prie Dieu , très-haut, très-excellent, très-puissant, très- magnanime et invincible Prince, notre très-cher et parfait ami, qu’il augmente les jours de Votre Hautesse et les remplisse de toutes prospérités, avec fin très-heureuse.
Écrit en notre château impérial à Berlin, le 11 novembre 1806.
Votre très-cher et parfait ami,
Napoléon
Berlin, 12 novembre 1806
A M. Gaudin
J’ai reçu le compte que vous me rendez de mes finances. Je vois avec peine que les douanes aillent si mal. Je crains qu’il n’y ait de grands abus du côté d’Anvers, de la Suisse et de l’Italie.
Lorsque la recette de la loterie diminue trop, il faut partir du principe qu’il se glisse des abus et donner l’éveil à l’administration. Je vous charge de bien veiller à ce qu’aucun escroc ne trouve les moyens de jouer à coup sûr. Vous dites que nous perdons là trois ou quatre millions; cela n’est pas très-agréable. Vous comprenez bien que ce n’est pas cinq millions que j’entends retirer de l’impôt du sel au delà des Alpes, mais 7,500,000 francs, avec l’accroissement provenant de la dernière loi.
Quant à la Banque, peut-être ne s’avance-t-elle pas assez, car on ne laisse pas de faire beaucoup d’affaires en France, et l’argent est assez rare; à Lyon, par exemple. Ce serait peut-être le cas d’émettre bientôt la troisième série.
Berlin, 12 novembre 1806
A M. Fouché
Je vous envoie une lettre qui vous aura été, j’imagine, communiquée. Dans tous les cas, faites comme si vous ne l’aviez pas reçue.
Écrivez au gouverneur de Parme que, pour peu qu’il soit mécontent des hommes qui tiennent des propos, il les fasse arrêter et les envoie en France.
J’ai ordonné à M. Cambacérès de vous parler de plusieurs mesures à prendre du côté de l’Eure, des Andelys et des confins de l’Orne; mais c’est surtout les moyens de police qu’il faut employer avec la plus grande activité. Certainement l’arrestation de trois diligences en un mois n’est pas le résultat d’un événement ordinaire ; ceux ne veulent y voir qu’un cas fortuit sont dans l’erreur; il y a là un commencement de combinaison ayant pour but de m’obliger à laisser des troupes dans l’intérieur.
A l’égard de M. de Montagnac, il faut que vous vous concertiez avec M. Cambacérès et revoir les termes du sénatus-consulte. Je crois être autorisé à révoquer la radiation que j’avais accordée et à le faire remettre sur la liste des émigrés. Mon intention est qu’il soit enfermé dans la citadelle de Fenestrelle. Je mettrai ma décision sur le rapport que vous me ferez et qui serait l’extrait de votre bulletin du 3 novembre. Cet acte de sévérité en contiendra d’autres. Je ne puis que vous blâmer d’avoir fait venir cet homme à Paris. Vous avez la rage d’y rappeler des gens qu’on ne doit pas y souffrir. Il fallait laisser cet homme en surveillance dans son village.
Berlin, 12 novembre 1806
A M. Lemontey (Pierre-Edouard Lemontey, 1762-1826, écrivain.)
L’Empereur désire, Monsieur, que les Éléments de l’histoire de France, par l’abbé Millot, soient continués jusqu’à nos jours. Je lui ai proposé de vous charger de cet ouvrage, et Sa Majesté consent à vous donner cette marque honorable de sa confiance. Je vous invite à la justifier promptement en consacrant tout votre zèle et tous vos talents à cet important travail.
Le ministre de la police, par ordre de l’Empereur.
Berlin, 12 novembre 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, j’ai fait ici, sans exagération, plus de 140,000 prisonniers. Il est probable que la moitié arrivera jusqu’en France : que faire de tant d’hommes ? Il ne faut pas qu’ils me ruinent. Il faut les employer aux travaux publics et les mettre à la disposition des cultivateurs pour les faire travailler. Cela aura d’ailleurs l’avantage qu’il en restera beaucoup en France. Je vous recommande les gens d’armes; ce sont des freluquets et des polissons. N’en laissez pas venir à Paris et placez-les à Dijon, avec ordre de les tenir ferme. Si l’Espagne et la Hollande veulent avoir de ces prisonniers, on peut leur en donner. Écrivez à mon ministre à Madrid pour qu’il en propose au prince de la Paix. S’il en veut 10,000, je les lui enverrai; cela aura l’avantage de peupler l’Espagne, parce que, si ces prisonniers sont bien traités, ils resteront dans le pays. Cependant j’y attache la condition qu’on ne les enverra pas en Amérique travailler aux mines, mais qu’on en fera des soldats en Espagne.
Berlin, 12 novembre 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, je vois avec plaisir que vous portez une attention particulière à l’organisation des régiments suisses. Cela est de la plus grande importance. Écrivez au landamman, écrivez aux colonels, servez-vous beaucoup de M. de Maillardoz; que l’argent surtout ne manque pas. Je compte essentiellement sur ces régiments pour la défense de mes côtes. Le régiment qui est à Avignon gardera les ports de Toulon et de Marseille; celui de Rennes gardera la Bretagne; celui de Lille gardera Boulogne et les côtes. Il faut qu’ils aient chacun 3,000 hommes avant le mois de mai.
Continuez à suivre le travail des réformes avec la plus grande activité. Purgez les cadres de tous les hommes inutiles. Les dépôts des régiments des armées d’Italie et de Naples ont de vieux officiers : donnez-leur leur retraite et remplacez-les par un bon nombre d’élèves de récole militaire de Fontainebleau, sachant bien l’exercice et capables de former les recrues.
Je n’entends point dire que le 5e escadron des régiments de cuirassiers soit formé.
Berlin, 12 novembre 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, il est possible que je demande un sénatus-consulte pour lever la conscription de 1807 au mois de janvier. Concertez-vous avec M. Lacuée pour me présenter, sans délai, un travail. Je lèverai 100,000 hommes; 50,000 de l’armée active et 50,000 de l’armée de réserve. Je voudrais porter mes cadres au grand complet, non à l’ancien complet de guerre, mais à un complet où les compagnies seraient à 140 hommes, tant l’artillerie et les sapeurs que l’infanterie.
Quant à la cavalerie, je voudrais former un 5e escadron comme je l’ai fait pour les carabiniers et les cuirassiers, et porter les régiments de chasseurs et de hussards à 1,000 hommes. Vous sentez que, jusqu’à ce que j’aie fait connaître mes motifs, il faut faire ce travail-là très-secrètement.
Toute la monarchie prussienne est en mon pouvoir. Un comité d’insurrection très-formidable est organisé à Varsovie, et toute la Pologne va se soulever. Vous sentez que, si je prends le parti de soutenir l’insurrection de la Pologne, il sera convenable que je me mette en mesure et que je renforce mon armée.
Il est convenable d’ailleurs que, pour cet été, j’aie plus de forces que je n’en ai en Bretagne et sur les côtes. Celles que j’y ai dans ce moment seront suffisantes, si les cadres sont portés à 140 hommes par compagnie. Je ne suis point en peine de l’armement. Ce n’est point la dépense qui m’effraye, mais c’est la grande quantité d’habillements qu’il faudra. Des vestes et des capotes me paraîtraient suffisantes.