Correspondance de Napoléon – Juin 1806
Saint-Cloud, 10 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, le général Duhesme se rend de l’armée de Naples à Cività-Vecchia, avec le 4e régiment italien et un régiment de dragons italiens. Mon intention est que ce général soit sous vos ordres et corresponde directement avec vous. Faites-lui passer, par un officier de votre état-major, mes ordres qui sont qu’il prenne possession de Cività-Vecchia, qu’il défende toute communication de cette place et de la côte avec les Anglais, qu’il arrête toutes les marchandises anglaises, qu’il arrête tous consuls et agents anglais et négociants de cet te nation, et qu’il ne souffre pas qu’aucun Anglais demeure sur toute la côte. Il fera arborer mon aigle impériale sur les tours et forts de Cività-Vecchia, en y laissant cependant les armes du Pape. Il vous enverra l’état, que vous me ferez passer, de l’artillerie et des bâtiments existants, et maintiendra tout en bon état. Il nourrira bien ses troupes et les entretiendra aux dépens du pays. Il n’aura aucune correspondance avec la cour de Rome, et ne fera aucune espèce de proclamation ni d’écrits publics. Il fera arrêter tout habitant du pays qui aurait des correspondances avec les Anglais, ainsi que tout individu qui leur aurait servi en qualité de vice-consul ou autre. Vous lui ferez connaître que son commandement s’étend à Ostie et aux frontières du royaume de Naples. S’il y a à Cività-Vecchia une grande quantité de poudre, il en enverra au siége de Gaète; il pourra aussi faire partir quelques pièces de canon pour aider au siége de cette place.
Saint-Cloud, 10 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, j’approuve l’idée de former un camp dans la plaine de Montechiaro, propre à contenir douze bataillons; mon intention est que ce camp soit formé de petites baraques en briques on en pierres sèches, afin qu’il puisse durer longtemps et que toute l’armée puisse y passer trois mois, à tour de rôle, pour s’instruire. Un général commandera le camp et aura sa baraque au milieu. Cela ne laissera pas que d’être une dépense assez considérable; elle devra être supportée par le royaume d’Italie.
Saint-Cloud, 10 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, il n’est pas possible de songer à détruire l’université de Padoue. Trois universités ne sont pas d’ailleurs de trop pour le royaume d’Italie. Elles me paraissent seulement organisées avec trop de luxe. Mais je m’occupe d’un règlement général sur l’instruction publique en France, qui pourra être en grande partie applicable au royaume d’Italie. Je pense que vous devez maintenir l’université de Padoue, en n’y faisant aucune innovation.
Saint-Cloud, 10 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, quand j’ai dit le trésor d’Italie, mon intention n’a pas été de désigner le ministère du trésor d’Italie, mais les moyens extra-ordinaires tirés de Venise et des provinces vénitiennes. Je ne conçois pas comment votre dépense a pu se monter pour quatre mois à 15,900,000 francs, c’est-à-dire à quatre millions par mois. Vous ne vous occupez pas assez de l’administration. Tout coûte trop cher. Il y a cependant des principes qui rendent les dépenses fixes. J’attends au reste l’état des dépenses des quatre premiers mois de l’année que doit envoyer l’ordonnateur; pressez pour que je le reçoive promptement avec la justification de chaque masse. Je doute que les dépenses de l’armée, si elles ont été surveillées et faites avec ordre, aient pu passer 2,500,000 francs par mois. L’ordonnateur demande toujours plus qu’il ne faut; il n’y a point assez d’ordre.
Saint-Cloud, 11 juin l806
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, il est nécessaire de faire une réponse à la note du ministre de Russie, du 30 mars, que vous remettrez à l’ambassadeur de la Porte qui est ici. Il vous sera facile de démontrer que la Russie ne parle pas comme une puissance amie ou alliée, mais comme une puissance souveraine; que s’il est vrai qu’elle veuille si fort la conservation de l’empire ottoman, pourquoi ne cesse-t-elle pas de secourir les Serviens par des exhortations et de l’argent ? Et si son zèle pour les intérêts de la Porte est tel qu’elle fait un plan de campagne contre la France, qu’elle suppose vouloir attaquer la Porte, que n’envoie-t-elle un corps de 3 à 4,000 homme contre les Serviens ? Cette simple démonstration leur ferait voir qu’il n’ont rien à attendre des Russes et épargnerait beaucoup de sang. Mais la Russie ne prend pas elle-même la peine de masquer se intentions. Est-ce une simple intervention en faveur de paysans ? Mais ne sait-on pas que c’est un acte d’hostilité que de soutenir des sujets en révolte contre leur prince ? La Russie ne devrait-elle pas dire aux Serviens : Si vous êtes prêts à poser les armes, à livrer le chefs qui vous ont égarés, à rentrer dans l’ordre, je vous obtiendrait de la Porte l’oubli du passé ? Au lieu de cela, qu’ose offrir la Russie ? De proclamer l’indépendance de la Servie. C’est là justement le but de la révolte soufflée parmi les Serviens. C’est là le développement du grand plan médité depuis longtemps de pousser ainsi les Ottomans du côté de l’Asie. Si les Grecs de Servie obtenaient ce qu’ont obtenu la Moldavie et la Valachie, l’indépendance, la Moré et les autres parties de l’empire Turc, où il y a une si grande quantité de Grecs, aspireraient au même dessein, et par là, la chute immédiate de l’empire ottoman serait opérée. Ainsi donc la Russie, pou cacher les véritables actes d’hostilité qu’elle commet, a trouvé juste les propositions des Serviens. Encourageant leur révolte, elle ose demander, à la puissance qu’elle appelle son amie et son alliée, son déshonneur et le sacrifice de ses intérêts.
Le reste de la note du ministre de Russie relative à la Valachie prouve aussi bien le ton que prend la Russie envers la Porte. De quel droit la Russie se mêle-t-elle des affaires intérieures de la Valachie ? La Valachie appartient-elle à la Russie ou appartient-elle à la Porte ?
Quant aux prétendues notifications faites à l’Autriche, cela est si absurde qu’il n’y a point d’observation à faire.
Les Serviens et les ennemis de la Porte n’ont aucune intelligence avec la France; elle est trop prudente pour soutenir des rebelles. Si les Serviens s’adressaient à l’empereur des Français, il en instruirait la Porte et ne les écouterait qu’autant qu’ils poseraient les armes, qu’ils livreraient leurs chefs et rétabliraient les choses comme par le passé. Par cette conduite différente des deux puissances, la Porte peut juger où sont ses véritables amis. Faites enfin une note très-détaillée là-dessus, que vous enverrez à M. Ruffin pour qu’il la présente de son côté avec quelques variantes. Faites entrer dans cette note un résumé des nouvelles de Janina. Retracez la conduite des Russes envers les Turcs; appuyez sur les Grecs qui naviguent sous pavillon russe, ce que la France n’a jamais exigé pour elle.
Saint-Cloud, 11 juin 1806
A M. de Talleyrand
Monsieur le Prince de Bénévent, je désire que vous portiez des plaintes très-sérieuses à M. de Lucchesini contre la Gazette de Bayreuth. Vous lui ferez voir l’article ci-joint que je vous envoie, et vous lui déclarerez que je regarderai désormais comme officiel tout ce qui sera imprimé dans cette gazette dans cet esprit. Cette conduite de la cour de Berlin est indécente. Écrivez-en à M. Laforest.
Saint-Cloud , 11 juin 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre du 4 juin. Aussitôt que M. de la Rochefoucauld vous écrira que l’ordre d’évacuer les bouches de Cattaro est réellement parti, et que toutes les précautions sont prises à cet effet, de manière qu’il n’y ait plus de doute que la remise n’en soit faite à un jour fixe, vous pouvez donner l’ordre de laisser passer tous les prisonniers autrichiens, ce qui débarrassera d’autant l’Allemagne.
Les régiments qui ont le plus besoin de se refaire sont le 15e d’infanterie légère et le 58e de ligne. Donnez ordre que ces régiments rentrent en France, où ils se dirigeront sur les garnisons définitives qu’ils doivent occuper. Les bureaux de la guerre enverront leur route.
Saint-Cloud, 11 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je reçois l’état de l’ordonnateur. Cet état n’a pas de sens; ce n’est pas ainsi qu’on administre une armée. Selon l’ordonnateur, mon armée d’Italie aurait donc mangé 6,766,000 rations de pain pendant quatre mois, c’est-à-dire 56,000 rations par jour, sans comprendre l’Istrie et la Dalmatie.
Que l’ordonnateur me justifie cet emploi dans l’armée d’Italie. Vous savez très-bien que, y compris l’Istrie et la Dalmatie, je n’ai jamais eu plus de 40,000 hommes de troupes françaises en Italie, que le corps du général Marmont n’a jamais été au delà 14,000 hommes, ce qui ferait donc 54,000 hommes; mais j’ai toujours eu en Dalmatie 12,000 hommes, et en Istrie 5,000. On m’a donc fait payer pour 20,000 hommes de plus. Il faut faire faire le décompte, mois par mois et corps par corps, et mettre de 1’ordre dans l’administration de mon armée d’Italie. On y dilapide; c’est une vieille habitude qu’ont les garde-magasins d’Italie; il est temps enfin que cela finisse.
Quant à la viande, comment est-il possible qu’on ait dépensé 3,747,000 rations ? Il y a longtemps qu’ou ne donne plus de viande. Pour peu que vous réfléchissiez, vous verrez que cela conduira à un résultat absurde. Je dirai la même chose pour les légumes secs, sel, le vin, l’eau-de-vie. Qu’on me fasse le décompte des distributions, corps par corps et mois par mois.
Témoignez mon mécontentement à l’ordonnateur Joubert. Je suis volé de cinquante pour cent, et, dans beaucoup d’objets, de soixante et dix pour cent.
Qu’est-ce à dire que 1,371,000 rations de fourrage ? J’aurais dons eu 19,000 chevaux, sans comprendre les troupes d’Istrie et de Dalmatie ? cela est trop fort. Vous savez très-bien que je n’ai jamais eu plus de 7,000 chevaux. C’est donc encore une dilapidation très considérable. Puisque vous savez cela aussi bien que moi, ordonnez donc qu’on me fasse un décompte des rations, par régiments et par bataillons du train.
Les frais de bureau sont aussi exagérés : 118,000 francs pour quatre mois, cela ferait près de 400,000 francs pour l’année. Cette dépense serait aussi forte pour le royaume d’Italie que pour toute la France.
Les estafettes étaient établies avant le 1er janvier; il ne doit donc point y avoir une dépense de 49,500 francs pour les courriers.
Faites-moi connaître le nom des payeurs de l’Istrie et de la Dalmatie. J’ai ordonné qu’on vous envoyât un commissaire ordonnateur sûr. Annoncez bien que tout sera pesé avec scrupule aux conseils d’administration, et que tout ordonnateur qui aurait dilapidé ou laissé dilapider sera sévèrement puni.
Je désire que vous m’envoyiez l’état des dépenses du ministère de la guerre d’Italie, depuis le 1er janvier, masse par masse, selon le mode de comptabilité française. Si les dépenses sont appuyées sur les revues et sur la connaissance exacte du nombre d’hommes, comment se fait-il que, lorsque j’ai eu un si petit nombre d’hommes italiens, ils me coûtent autant d’argent ?
Saint-Cloud, 11 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, le 17 mai, il n’y avait que huit petites pièces de canon dans les îles de Cherso et d’Osero, et point de poudre; cependant voilà quatre mois que je suis maître de ces îles. Cela marche bien lentement; on dort, ou ne prend point de mesures réelles. Il ne suffit pas de donner des ordres, il faut se faire obéir. Il faut envoyer des officiers d’artillerie suivre les envois. Il est cependant bien urgent d’armer les îles de Cherso et d’Osero. Le 8e d’infanterie légère a beaucoup d’hommes sans fusils; cela est bien honteux; ne perdez pas une heure à vous faire rendre compte de cet objet. Comment est-il possible qu’on ait ainsi, dans des postes avancés, des soldats sans fusils ? Les colonels, chefs de bataillon et capitaines sont bien coupables.
Il n’y a pas de canonniers en Dalmatie; envoyez-y une compagnie d’artillerie de mon royaume d’Italie et un capitaine d’artillerie. Vous n’avez point pris les mesures convenables. Envoyez un officier du génie pour réparer la forteresse de Maltempo dans l’île de Veglia.
Envoyez un conseiller d’État comme provéditeur chargé de l’administration générale en Istrie. Envoyez-en un autre pour inspecter l’administration des îles de Cherso, Veglia, Arbe; un autre dans le district de Zara, un autre dans le district de Sebenico, un dans le district de Spalatro, et enfin un dans le district de Macarsca, pour visiter toutes les îles en détail. Ces conseillers d’État se feront rendre compte, 1° de l’administration de la justice; 2° de l’administration des affaires ecclésiastiques et des domaines nationaux; 3° de l’administration des finances et des revenus; enfin du commerce et de la navigation. Ils visiteront toutes les villes, et ne reviendront que lorsque les mémoires qu’ils m’enverront seront bien complets, afin que je puisse donner une organisation à ce pays. Envoyez, avant tout, un provéditeur en Istrie. J’imagine que celui de Dalmatie est parti. Il serait bien inconvenable (sic) qu’il ne le fût pas encore.
Il faut enfin prendre des mesures pour administrer définitivement ce pays. Envoyez en Dalmatie un des principaux et des plus habiles juges de la cour de cassation de Milan , pour voir la manière dont marche la justice.
Faites-moi connaître si l’organisation militaire de la Dalmatie et de I’Istrie est en activité.
Saint-Cloud, 11 juin 1806
Au prince Eugène
Mon Fils, le courrier d’aujourd’hui me porte votre lettre du 6 juin. J’aurais désiré plus de détails. Faites copier les lettres que Lauriston vous écrit, et envoyez-les-moi toujours, car je ne saurais avoir assez de détails sur les affaires militaires. Il est bien nécessaire qu’on prenne des renseignements à l’état-major pour distinguer le personnel qui est sous les ordres du général Lauriston de ce qui est en Dalmatie. En infanterie, les 5e et 23e de ligne doivent y être tout entiers; ils doivent être entièrement armés et faire une force de près de 5,000 hommes. Encore une fois, je m’en prends à vous, si, par les différents renseignements que je reçois, j’apprends qu’il y ait en Dalmatie, en Istrie, dans le royaume d’Italie, dans le Frioul, des soldats qui ne soient pas armés. Indépendamment de ces deux régiments, il doit y avoir en Albanie une compagnie d’artillerie française et une d’artillerie italienne. Faites-y passer une nouvelle compagnie d’artillerie italienne complétée à 100 hommes. Envoyez-y un autre chef de bataillon d’artillerie pris parmi ceux qui sont en Italie, et deux capitaines d’artillerie.
Envoyez-y également un autre chef de bataillon du génie et deux autres capitaines du génie.
Vous comprenez bien pourquoi j’ordonne toutes ces dispositions; c’est pour prendre possession des bouches de Cattaro.
J’ai envoyé le général de division Barbou pour prendre le commandement des bouches de Cattaro. Je vous ai fait connaître qu’il serait sous les ordres du général Lauriston. Le 23e régiment prendra possession des bouches de Cattaro; un chef de bataillon et deux capitaines d’artillerie, un chef de bataillon et deux capitaines du génie, une compagnie d’artillerie française et une compagnie d’artillerie italienne, seront également employés aux bouches de Cattaro.
Je n’ai pas besoin de vous répéter que chaque compagnie d’artillerie doit être portée à 100 hommes.
Comme il y a trop de chasseurs en Dalmatie, envoyez-en un détachement aux bouches de Cattaro, surtout s’ils trouvent là des chevaux pour se monter. Pour mettre moins de retard, vous pouvez y envoyer la compagnie d’artillerie italienne qui est en Dalmatie, ainsi qu’une compagnie d’artillerie française qui est en Istrie. Vous ferez remplacer l’une et l’autre.
Donnez ordre à Ancône qu’on envoie dix milliers de poudre à Raguse; mais recommandez qu’on navigue de manière à éviter les croisières russes; il faut pour cela des marins pratiques.
Vous avez dans l’ancien Milanais des commandants d’armes inutiles : envoyez-en six, mais que ce soit des hommes encore vigoureux, au général Lauriston, qui les emploiera à Stagrio et dans les différentes places des bouches de Cattaro; cela n’accroîtra point la dépense. Il est très-inutile d’avoir des commandants d’armes francais à Crémone et autres places de cette nature; il n’en faut que dans les places de guerre. Au lieu d’envoyer le bataillon brescian à Cherso, dirigez-le sur Raguse, d’où il sera employé aux bouches de Cattaro.
Formez, des dépôts des quatre régiments de mon armée italienne, un bataillon que vous pourrez appeler 3e bataillon du 2e de ligne, que vous porterez à 1,000 hommes, et dirigez-le sur-le-champ sur Raguse, mon intention étant d’avoir aux bouches de Cattaro un régiment francais de quatre bataillons, un bataillon brescian et le 3e bataillon du 2e de ligne.
Levez des hommes en Italie pour compléter le bataillon brescian, de manière à y envoyer promptement 300 hommes de renfort pour le mettre au complet. Ces troupes réunies feront aux bouches de Cattaro un corps de plus de 4,000 hommes italiens et francais.
RÉSUMÉ. Le général Lauriston est gouverneur de l’Albanie et de Raguse. Il correspondra directement avec vous. Il aura sous lui le général Barbou, qui commandera les bouches de Cattaro, deux généraux de brigade, un adjudant commandant, un chef de bataillon d’artillerie et six capitaines d’artillerie francais et italiens, un chef de bataillon et quatre officiers du génie francais ou italiens, deux compagnies d’artillerie française qui seront toujours maintenues à 100 hommes chaque, ainsi que deux compagnies d’artillerie italienne, les 5e et 23e de ligne, que vous aurez soin de maintenir toujours avec le nombre de fusils nécessaire, le bataillon brescian, le 3e bataillon du 2e de ligne italien, 100 hommes tirés des régiment cavalerie qui sont en Dalmatie, un vieux commissaire des guerres de première classe, entendant bien l’administration, trois autres commissaires des guerres et deux adjoints.
Ordonnez au général Lauriston d’avoir les quatre aides de camp que la loi lui accorde. Envoyez-lui les auditeurs que j’avais laissés en Italie; ils lui serviront pour l’administration et pour les missions de confiance. Vous ferez partir pour Raguse un de vos aide camp, qui sera porteur de vos ordres et qui reviendra m’apporter la nouvelle de l’occupation des bouches de Cattaro.
Voyez à prendre des mesures pour compléter le bataillon dalmate qui est à Bergame.
Envoyez au général Lauriston quatre adjoints à l’état-major. Envoyez-lui aussi une compagnie de sapeurs italiens. Faites partir pour Raguse dix milliers de poudre pour Venise, en deux expéditions de cinq milliers chacune, des affûts et quatre pièces de gros calibres. Il faut se servir de bateaux tirant peu d’eau, pour pouvoir esquiver les croisières russes, et cependant assez forts pour ne pas craindre les chaloupes russes.
Les chasseurs d’Orient seront sous les ordres du général Lauriston. Comme il y a 18 officiers dans ce corps, il se formera en six compagnies, chacune de 100 hommes; elles se recruteront en Albanie; on peut ainsi avoir 600 hommes.
Dirigez sur l’Albanie un chef d’ouvriers avec 10 ouvriers, français ou italiens, munis de leurs outils.
Donnez ordre au général Lauriston d’armer à Raguse quelques bâtiments pour pouvoir servir dans l’intérieur des bouches de Cattaro.
Ordonnez au général Molitor de se concerter avec le général Lauriston pour reprendre l’île de Curzola. Les Russes ne tenteront pas de s’y maintenir, si l’on occupe l’extrémité de la presqu’île de Sabioncello.
Enfin il est nécessaire que vous leviez en Italie des conscrits que vous recrutiez vos dépôts. Faites que le plus tôt possible vos quatre régiments italiens soient au grand complet de guerre; aucun d’eux n’est à 2,000 hommes. Recrutez également votre artillerie; l’artillerie italienne va bien mal; vous ne recrutez aucun homme.
L’auditeur Abrial peut renvoyer sa femme à Paris, et lui, rendre se en Albanie, où il sera utile au général Lauriston pour les affaires de justice.
Saint-Cloud, 11 juin 1806
Au roi de Naples
Mon Frère, les détails qui me reviennent sur l’affaire du 15 mai prouvent que l’on ne fait pas devant cette place l’ombre de service; que le général Lacour n’a pas la première idée de la conduite d’une place assiégée. Il n’y a pas d’exemple que l’on mette des Corses, c’est-à-dire des troupes neuves, à la tranchée. Mon intention est que vous les ôtiez de Gaète, et vous les envoyiez dans la Calabre, où ils seront plus utiles. On ne peut faire faire un siège par des troupes plus maladroites et moins propres que celles-là.
Saint-Cloud, 12 juin 1806
DÉCISION
Le général Menou, commandant général des départements au delà des Alpes, fait connaître que le curé de la Spinetta a été mis en état d’arrestation pour avoir servi de receleur au brigand Maino; qu’un chanoine, frère de ce curé, est prévenu de complicité, et qu’un troisième ecclésiastique vient d’être arrêté pour avoir fait assaillir, blesser et dépouiller trois gendarmes. Le général demande s’il y a des formes particulières de procédure contre les ecclésiastiques. | Renvoyé au ministre de la police, pour que, sans aucun égard pour les prêtres, on porte au contraire dans la procédure plus de sévérité et de rapidité. Si le frère du curé est prévenu, quoique moine, il faut le faire arrêter. Le ministre écrira dans ce sens au général Menou. |
DÉCISION
François Hernandez et Gabriel de Madrid, religieux de Terre-Sainte, appellent l’attention de l’Empereur sur leur malheureuse situation. Ils supplient l’Empereur de protéger la religion catholique dans la Syrie et dans la Palestine, et de les faire réintégrer dans leurs anciens privilèges. | Renvoyé au ministre des relations extérieures, pour parler cela à l’ambassadeur de la Porte et lui recommander les religieux de Terre-Sainte. |
Saint-Cloud, 12 juin 1806
Au général Lemarois
Monsieur le Général Lemarois, je reçois votre lettre du 3 juin. J’aurais préféré qu’au lieu de laisser passer le cardinal Ruffo vous l’eussiez arrêté et envoyé à Paris. Dorénavant, si pareil cas se représentait, retenez l’individu et demandez-moi des ordres. J’apprends avec plaisir que vous avez mis un terme à la désertion du bataillon de la Tour d’Auvergne. Si le vice-consul d’Autriche à Sinigaglia donne asile aux déserteurs, faites faire des recherches chez lui.
Le général Lauriston est entré à Raguse; tâchez de lui envoyer dix milliers de poudre sur des barques légères, qui auront soin d’éviter les croisières russes. Envoyez au roi de Naples les Polonais et les Corses, s’il les demande. Ayez des postes à Pescara et des patrouilles qui parcourent sans cesse la côte. Il ne doit pas vous être difficile d’armer quelques barques légères pour croiser du côté de la Dalmatie et de l’Albanie, qui va m’être remise, et me rapporter des nouvelles.
Saint-Cloud, 12 juin 1806
A M. Lebrun
J’ai vu avec peine votre lettre du 10 juin. Ma confiance en est toujours la même, rien ne peut l’altérer. Je n’ai eu lieu que d’être satisfait de votre mission à Gênes.
Saint-Cloud, 13 juin 1806
Au maréchal Berthier
Mon Cousin, le général Marmont demande des sommes immenses pour sa solde; voilà 1,100,000 francs que le trésor d’Italie pour son armée; cela commence à me paraître fort extraordinaire. Chargez un inspecteur aux revues de la Grande Armée de se rendre à Udine, d’inspecter en détail la comptabilité de chaque corps et de bien établir ce qu’ils ont touché depuis le 1er vendémiaire en Italie, en Allemagne, et ce qui leur revient. Faites faire par le payeur général l’extrait de tout ce que ce corps a dû toucher.
Saint-Cloud, 12 juin 1806
DÉCISION
Les habitants de la commune de Marly prient l’Empereur de donner des ordres pour que l’on ne continue pas les démolitions déjà commencées dans le domaine de Marly. | Renvoyé au ministre de la police, pour faire suspendre ces démolitions, contraires au vœu des habitants. Cet acquéreur a assez gagné, sans pousser plus loin le scandale de démolir pour avoir des pierres. |
Saint-Cloud, 13 juin.1806
Au prince Eugène
Mon Fils, je vous ai déjà ordonné de prendre des mesures pour que les Bignani versassent au trésor les 8 ou 900,000 francs qu’ils ont dans les mains; faites-leur intimer cet ordre par le grand juge, et faites donner quittance par le payeur de l’armée. C’est une faiblesse impardonnable que d’en agir autrement. Les bons viendront lorsque l’argent sera versé. Le général Marmont dépense prodigieusement pour sa solde; cela commence à devenir extraordinaire. J’ai ordonné qu’on fit une vérification scrupuleuse de cette comptabilité. Toutes vos évaluations de dépenses sont exagérées de trente pour cent: 2,300,000 francs sont portés pour votre solde; il ne faut pas plus de 1,600,000 francs. Tâchez de rendre au payeur les 300,000 francs qu’il a avancés pour le corps du général Marmont. Vous pouvez les affecter sur le produit des mines d’Idria. Il ne faut point, si cela est possible, qu’ils figurent dans les 2,500,000 francs du mois de mai, parce que ces fonds ont leur destination pour les dépenses de ce mois-là, et que cela embrouillerait notre comptabilité à Paris.
Saint-Cloud, 13 juin 1806
A la princesse Élisa
Ma Sœur, puisque l’archevêque de Lucques ne finit pas, faites-lui connaître qu’au moindre manquement dont il se rendra coupable vous le chasserez du pays et le renverrez à Rome; et ne manquez pas de le faire. Défendez-lui d’avoir aucune communication avec la cour de Rome, et prenez des mesures pour qu’aucune correspondance adressée de Rome à l’archevêque ou à son clergé n’arrive dans le pays sans que vous l’ayez lue. Ordonnez que le bref du Pape ne pourra être lu nulle part sans une permission émanée de votre Conseil d’État, conformément à ce qui se pratique en France et dans tous les pays. Enfin, si cela était nécessaire, il faut faire venir un bataillon français, faire arrêter le premier séditieux, et faire des exemples.
Saint-Cloud, 13 juin 1806
Au roi de Naples
Mon Frère, j’ai reçu votre lettre du 4 juin. Vous me dites que vous avez envoyé en France des commissaires des guerres qui ont commis des dilapidations à Cosenza et à Civitella. Vous auriez bien pu les faire arrêter. Ce n’est pas avec cette mollesse qu’on gouverne. Envoyez-moi leurs noms, afin que je les fasse arrêter avant qu’ils passent les Alpes.
Envoyez-moi aussi les noms des officiers corses qui étaient service des Anglais. Vous me dites qu’ils ont quitté la Corse depuis peu; ils sont donc coupables de rébellion. Dans ce cas, faites-les arrêter et envoyez-les à Fenestrelle. Écrivez-en au prince Eugène, au général Junot à Parme, et au général Menou à Turin. Il serait extraordinaire que mes sujets eussent le droit de prendre du service chez mes ennemis et en fussent quittes pour y renoncer lorsqu’il leur plaira.
Il ne suffit pas de faire des plaintes contre le général Lechi, il faudrait savoir quelle espèce de plaintes. La reine de Naples se plaignait aussi beaucoup de lui sans raison.
Dans tous les actes de votre administration qui me reviennent, il y a trop de mollesse; il faut plus de vigueur que cela.
La proclamation que les Anglais envoient aux noirs est toute simple; ce n’était pas devant Gaète qu’il fallait mettre les noirs.
Saint-Cloud, 14 juin 1806
A M. Champagny
Témoignez mon mécontentement au préfet de Rouen. Il a montré beaucoup trop de faiblesse dans la scène qui a eu lieu au théâtre le 30 mai. Écrivez-lui qu’il fasse assembler sa compagnie de réserve et donne aux soldats le courage militaire. On ne doit pas lever la main sur eux. Si c’eût été un vieux corps, je l’aurais licencié. Il n’appartient pas à une vingtaine de polissons d’insulter les soldats. Qu’on fasse arrêter sur-le-camp dix des principaux coupables.
Saint-Cloud, 14 juin 1806
Au général Dejean
Monsieur Dejean, on me remettait jadis un extrait de la correspondance des généraux, qui me tenait au courant de tout ce qui se passait; aujourd’hui on ne me remet plus rien, de sorte que je ne sais pas même si j’ai une armée de Naples. Cependant le roi de Naples m’informe qu’on rend de son armée des comptes très-précis au ministre de la guerre.
Saint-Cloud, 14 juin 1806
Au vice-amiral Decrès
Beaucoup de renseignements qui me parviennent d’Angleterre me font penser que les Anglais ont le projet d’attaquer la Martinique. Ce qu’ils apprendront dans le mois prochain et dans le mois d’août sera pour eux une nouvelle raison; il est donc urgent de s’occuper des moyens de faire passer des secours à cette colonie. La prise de la Martinique serait le plus grand échec que nous pussions recevoir dans le moment actuel. Nous pouvons secourir la Martinique de deux manières : secours direct et secours par diversion. Une diversion ne peut être faite que par les escadres de Rochefort et de Brest. Nous n’avons aucun renseignement sur le Brésil, et tout nous porte à penser que ce serait une forte expédition. Au mois d’octobre, on pourrait y faire transporter 500 hommes par les deux frégates de Cherbourg, la Vénus et le Département-de-la-Manche.Mais ce qui me paraîtrait important serait de faire partir 5 ou 600 hommes pour cette colonie, au plus tard à la fin d’août, en les faisant arriver avant l’expédition anglaise, qui probablement partira pour cette époque, si elle doit partir. La frégate la Comète et le brick l’Oreste, qui sont au Passage, pourront être destinés à cela. Il faut faire réparer la Comète au Passage, sans la faire venir à Rochefort.
Il faudrait aussi tâcher, s’il était possible, de faire sortir de Cad et de Brest des bâtiments portant quelques centaines d’hommes. Les détachements seraient fournis à Cadix par les garnisons des vaisseaux. Il me semble qu’une expédition qui part de Cadix se trouve déjà avoir fait quinze jours de chemin. Je ne pense pas que les Anglais bloquent ce port avec assez de rigidité pour que quelques bâtiments ne puissent pas en sortir.
Vous sentez toute l’importance de secourir la Martinique. Faite moi un rapport sur les moyens d’arriver à ce but.