Correspondance de Napoléon – Février 1806

Paris, 9 février 1806

Au cardinal Fesch

Mon Cousin, j’ai reçu vos lettres du 31 janvier; j’attends que vous m’appreniez que vous avez pris possession des palais Farnèse de Venise en mon nom. Faites-moi connaître ce que je puis en faire, afin que je n’aie plus à y revenir.

 

Paris, 9 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, l’empereur d’Autriche a fait demander, il y a quelque temps, qu’il lui fut permis de retirer d’un des châteaux du Tyrol des armes qui s’y trouvaient;  j’espère que tout ce qu’il y a de curieux, et surtout l’armure de François Ier, ne lui aura pas été donné ; j’attache surtout une grande importance à conserver cette armure.

 

Paris, 9 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin , je reçois votre lettre du 1er février. Ce qu’il y a de plus simple, pour les affaires de Munich, c’est ce que vous axez fait. Votre note répond à tout.

Quand vous serez d’accord avec M. Otto, je ne vois pas d’inconvénient à ce que vous mettiez en possession les rois de Bavière et de Wurtemberg, et Bade, de ce qui leur revient, excepté lorsqu’il s’agira d’affaires contentieuses qui ne seront pas exprimées dans le traité, lesquelles vous soumettrez à ma décision. Je vous ai écrit d’envoyer l’ordre au maréchal Bernadotte de s’étendre dans les pays où il y a des petits princes. Donnez les ordres pour qu’on guérisse la gale. Du reste on traite avec M. de Haugwitz; dans deux ou trois jours tout sera terminé , et je saurai le parti que j’aurai à prendre.

Je vous autorise à faire partir la division de dragons qui est à Eichstaedt pour Francfort, et à faire passer à Eichstaedt une autre division de dragons. Je vous ai déjà fait connaître que le maréchal Mortier devait se rendre du côté d’Eichstaedt. Il me tarde aussi d’avoir mon armée chez moi ; mais il faut que chaque chose se fasse en son temps.

 

Paris, 9 février 1906

Au prince Joseph

Mon Frère, le capitaine de vaisseau Jacob (Louis-Léon, comte Jacob, 1768-1854, vice-amiral. Il va être nommé par Joseph, en mars, préfet maritime) doit être arrivé à Naples pour commander votre marine. Je fais mettre à sa disposition les frégates et tous les bâtiments légers dont je puis disposer. Le ministre de la marine, qui lui écrit, lui fait part des ordres que je lui ai donnés pour cet objet. J’ai ordonné qu’on vous envoyât un bon comptable pour vous servir de receveur général.

Vous pouvez nommer un Napolitain pour ministre des finances. Nommez ministre de la guerre M. Miot, s’il a votre confiance, comme je le suppose. Je vous enverrai aussi deux ou trois auditeurs, jeunes gens sûrs, et qui pourront vous être utiles.

 

Paris, 9 février 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, s’il y a un ministre de Russie près la cour de Sardaigne, on quelque ministre de Sardaigne à Rome, chassez-les de Rome.

Arrivé à Naples, la première chose que vous devez faire, c’est de conserver les places à tout le monde; immédiatement après, opérer un désarmement général; enfin établir un bon ministre de la police; chasser de Naples tous les étrangers; faire saisir toutes les marchandises anglaises qui se trouveraient dans le royaume, ce qui vous procurera beaucoup de ressources. Faites arrêter les trois ou quatre Toscans qui ont toujours été les plus forcenés agents d’Acton , et dirigez-les sur Fenestrelle, où vous enverrez tous les individus que vous ferez arrêter qui vous embarrasseront .

Surtout ne perdez pas un moment, une heure, pour tâcher d’enlever la Sicile. Beaucoup de choses seront faciles dans ce premier moment qui seront plus difficiles après. J’ai ordonné qu’on fit passer beaucoup de bâtiments à Cività-Vecchia pour de là être envoyés à Naples; mais je crains qu’ils ne tardent à arriver.

Je pense que vous pourrez nommer, si vous le jugez convenable, Saliceti votre ministre de la police. Prenez le titre de gouverneur général, et faites précéder tous vos actes de cette formule :  » Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de l’empire, Empereur des Français, Roi d’Italie : Joseph, grand électeur, gouverneur général des royaumes de Naples et de Sicile, en vertu des pouvoirs qui nous ont été délégués par notre auguste frère et souverain, avons ordonné et ordonnons ce qui suit.  »

Quand vous aurez pris Naples et que tout aura pris une physionomie, je vous ferai connaître mes dispositions pour vous faire reconnaître roi de Naples.

 

Paris, 9 février 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, je reçois votre lettre du 31 janvier. Je vous le répète, concentrez toutes vos forces, de manière qu’elles ne soient pas assez éloignées pour ne pouvoir se réunir dans un jour. Le principal est de prendre Naples. Naples pris, tout tombera, et la province qui n’aurait pas été soumise par deux régiments le sera par une compagnie. Tenez donc le corps du général Lechi à portée de votre centre. Mais, puisque les Anglais et les Russes sont embarqués, il n’y a plus aucun obstacle qui vous arrête. Marchez donc droit sur Naples. Le général Saint-Cyr doit, à l’heure qu’il est, être rendu à votre armée. A peine l’ai-je entrevu à mon lever, que je lui ai donné l’ordre partir. Je n’ai voulu rien entendre de lui. Tenez tout le monde un peu roide.

L’état de situation que vous m’avez envoyé n’est pas clair. Je ne vois pas l’état de situation de la division du général Gardanne, ni sa force. Que M. César Berthier se donne la peine de faire des état en règle, avec l’artillerie, les chevaux, etc. , etc. , et ne m’envoie pas des résumés qui ne disent rien. Les états de situation des armées sont pour moi les livres de littérature les plus agréables de ma bibliothèque, et ceux que je lis avec le plus de plaisir dans mes moments de délassement.

Je vois déjà, dans ceux que vous m’envoyez, des traces du désordre que Masséna met partout ; j’y vois des compagnies qui ne sont pas de l’armée de Naples; cette inattention finira par mettre dans l’administration de l’armée un désordre destructif de l’ordre et de la discipline.

Envoyez-moi des états bien exacts. Je vais m’occuper de vous envoyer de l’artillerie et du personnel ; vous allez avoir beaucoup de places fortes à faire commander.

 

Paris, 10 février 1806

DÉCISION

On fait connaître à l’Empereur la situation actuelle de l’Opéra-Comique, et on demande des secours pour ce théâtre. Renvoyé à M. Auguste Talleyrand. Je donnerai volontiers 100,000 francs d’encouragement au théâtre, mais à condition que les premiers acteurs y rentreront, et qu’il sera digne de son ancienne réputation; sans quoi, je cesserai de lui donner aucun secours.

 

 Paris, 11 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, DICTÉ EN CONSEIL D’ADMINISTRATION

Les différents projets avant pour objet l’embellissement de la ville de Paris, et l’état de situation des travaux ordonnés dans le même but, sont mis sous les yeux de Sa Majesté, qui prescrit les dispositions suivantes :

Le ministre de l’intérieur apportera au conseil relatif à l’administration de la ville de Paris, qui se tiendra jeudi prochain :

1° Un compte rendu de l’exécution des divers décrets pris jusqu’à ce jour pour l’embellissement de la ville , ou des obstacles qui s’y sont opposés;
2° Les plans et projets des opérations à faire sur le terrain des Capucines;
3° Les projets de décrets pour ordonner le prolongement du boulevard sur le terrain de l’Arsenal et l’établissement de la gare, la construction du quai Saint-Paul jusqu’au nouveau pont du Jardin des plantes , la formation d’une place aux abords de ce pont, l’ouverture d’une rue dans la direction de ce pont jusqu’à la rue de Charenton.

Le ministre présentera, avant le mois de mars, un rapport s l’amélioration de la navigation de la Seine, dans l’intérieur de Paris, par le moyen de la suppression de la Samaritaine, de la pompe Notre-Dame et des moulins qui embarrassent le cours de la rivière.

Le ministre présentera à la même époque un rapport sur les démolitions à faire, soit au pont Saint-Michel, soit sur les bords de la rivière pour la découvrir dans les divers points où il y a des inconvénients, pour la sûreté des habitants et pour la facilité des communications, à laisser subsister les constructions existantes. Les projets une fois arrêtés, on pourra fixer pour leur exécution, des délais d’une ou plusieurs années.

 

Paris, 11 février 1806.

A M. Champagny

Monsieur Champagny, il faudrait s’occuper de rédiger l’exposé de la situation de l’empire depuis l’an XII. Vous pouvez suivre les mêmes principes que pour les exposés des années dernières; mais on pourrait rendre celui-ci fort utile en ce qu’il contiendrait des tableaux et différentes notes, soit sur les travaux faits, soit sur les autres objets relatifs à l’intérieur, soit sur l’extérieur.

 

Paris, 11 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je suis fort surpris que l’empereur d’Allemagne a pris possession, pour son frère, de la principauté de Würzburg.

Faites connaître à M. de Liechtenstein que je n’entends pas que des troupes autrichiennes entrent à Würzburg; que je tiens cet prise de possession nulle, et que je la regarderai comme telle tant qu’elle ne sera pas faite par l’électeur de Salzburg; que M. de Hugel, ni aucun ministre autrichien n’ont rien à y faire.

Vous ferez connaître également à M. de Liechtenstein qu’il faut que l’armée autrichienne se mette sur le pied de paix; qu’on dit que les Russes font de nouvelles levées. Vous lui communiquerez également le Moniteur d’aujourd’hui, pour lui faire voir que ce n’étaient ni Gènes ni Lucques qui étaient le motif de la guerre, mais l’indigne corruption des ministres, dont M. de Stadion est le principal agent. Mettez, dans toutes ces communications, des ménagements et de la décence.

 

Paris, 11 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, le général Marmont, avec son corps d’armée, est sous vos ordres. Mon intention est que vous ne changiez pas la destination de l’infanterie. Le général Marmont doit avoir son quartier général à Udine. Tout son corps doit être réparti entre les différentes villes du Frioul, Palmanova, etc. L’artillerie et la cavalerie peuvent être placées entre le Tagliamento et la Piave, hormis ce qu’il sera nécessaire de cantonner le long de l’Isonzo , et les deux régiments de cavalerie du corps du général Marmont ne sont pas trop pour cet objet. Il y a le long de l’Isonzo des villages appartenant aux Autrichiens; il y en a même qui avoisinent Passariano. Mon intention bien positive est qu’il ne puisse y avoir aucune troupe autrichienne, aucun soldat ni officier ne doit passer l’Isonzo. Faites prendre possession de ces villages avant qu’aucune troupe autrichienne arrive; je n’entends rien céder, et je vous rends responsables, vous et le général Marmont, si quelques troupes y passent sous ce prétexte. Ce serait une source de chicane qu’on aurait là. Si l’on réclame, dites que j’en ai donné l’ordre, et que je m’en entendrai avec l’empereur. En attendant, tenez dans ces villages des détachements de cavalerie française , et ne les évacuez pas. Répondez-moi positivement que vous avez reçu ma lettre et que les détachements ont pris poste ; faites-moi passer l’état des villages sur lesquels l’Autriche a des prétentions. Quant à Monfalcone, je n’ai pas besoin de vous dire que vous devez y tenir des détachements de cavalerie et au moins un bataillon. Le général Marmont doit conserver le commandement de son corps d’armée; c’est un corps d’observation que mon intention est de laisser réuni jusqu’à nouvel ordre. J’ai nommé le colonel d’Anthouard général de brigade d’artillerie.

 

Paris, 11 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous trouverez ci-joint le budget de ma Maison royale d’Italie arrêté. Mon intention est que vous vous y conformiez en tout et pour tout. Si vous administrez bien ce fonds et que vous vous fassiez rendre compte de sa situation mois par mois, vous aurez 4 ou 500,000 francs à votre disposition à la fin de l’année; mais, si vous n’établissez pas une bonne et sage économie, ce fonds ne vous suffira pas.

 

Paris, 11 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j’ai signé ce matin le décret sur l’impôt de l’enregistrement, tel que l’a présenté le ministre des finances. M. Aldini (Antonio Aldini, 1755-1826) va vous l’expédier. J’ai également signé des dispositions relatives aux pensions hypothéquées sur l’économat. J’ai demandé à M. Aldini des renseignements précis sur tous les objets relatifs au budget de 1806, pour connaître positivement les affaires de mon royaume d’Italie, et le compte en détail de mon ministre des finances.

 

Paris, 12 février 1806

A M. Champagny

Aperçu de ce qu’on pourrait faire du Panthéon :

1° Le rendre à sa destination première et en faire une église. Le maître-autel serait dédié à sainte Geneviève. Un chanoine de Paris y ferait les fonctions du culte dans les cérémonies qui seront désignées. Il serait assisté par d’autres chanoines.

2° Placer dans cette église les tombeaux qui sont aujourd’hui au Muséum des monuments français; les y ranger, comme aux Augustins, par ordre de siècles. Ils sortent des temples; il serait convenable de les y faire enfin rentrer. Il y a là une sorte de profanation qui afflige les gens religieux. Ils attireraient, d’ailleurs, les curieux vers ce monument, le plus beau de la capitale. L’inauguration de l’église serait faite, le jour des Morts, par le chanoine, par un service solennel pour ceux dont les tombeaux y auraient été replacés.

3° Consacrer cette église à la sépulture des sénateurs, des grands officiers de la Légion d’honneur et des généraux et autres fonctionnaires publics ayant bien servi l’État.

Dans le même décret qui établirait ces dispositions, on déclarerait l’église de Saint-Denis sépulture des Empereurs. On ordonnerait que trois autels expiatoires y fussent dressés en mémoire des trois races dont les mânes ont été dispersés.

Le ministre de l’intérieur est invité à se concerter avec le ministre des cultes pour la rédaction de ces projets.

 

Paris, 12 février 1806

DÉCISION

Le ministre de l’intérieur soumet à l’Empereur le vœu de l’Institut national pour l’érection d’une statue de Sa Majesté dans le nouveau local de ses séances. Sa Majesté accepte. Le ministre répondra que Sa Majesté, étant de l’Institut, en connaissant et en appréciant les membres, veut bien en agréer leur hommage.

 

Paris, 12 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC

Sa Majesté désire savoir :

1° Pourquoi on ne présente rien de consommé sur les valeurs des salines;
2° Pourquoi on porte en entier, dans les recettes extérieures, la contribution du royaume d’Italie, tandis qu’il est presque certain que les mois de vendémiaire, brumaire, frimaire, janvier et février ont été consommés;
3° Si le subside espagnol est véritablement disponible, et s’il n’est pas entré en recette en l’an XII pour l’an XIII;
4° Si , dans l’évaluation des revenus, les bois sont portés à leur valeur. Cette colonne est à revoir.

Pour connaître ensuite la situation précise du trésor public, il faudrait mentionner la portion du service de février qui se trouve faite par des valeurs sorties au ler de ce mois. Cela s’applique, par exemple, à la solde, dont la payement se fait d’avance. En déduisant de la somme des payements faits d’avance les sommes dues au 1er février sur les ordonnances délivrées par les ministres dans les quatre mois précédents, on aurait pour résultat une somme due par le trésor. La soustraction de cette dernière somme sur la somme totale des objets restant disponibles pour 1806 donnerait la somme réelle à appliquer au service des onze autres mois de l’année.

 

Paris, 12 février 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre rend compte à l’Empereur de la demande du prince Eugène pour qu’il soit envoyé en Italie des fusils d’infanterie et de dragons, des pistolets, des sabres de dragons et de chasseurs. Répondre que les fusils français ne peuvent pas armer les Italiens. Il faut faire en Italie comme faisaient le roi de Sardaigne, l’État de Venise, le duc de Modène, et encourager la fabrication d’armes ; qu’à l’armée française même on refuse des fusils neufs et l’on ne donne que des fusils réparés; que les fusils que l’on envoie en Italie sont les fusils corrigés du modèle de 1777; qu’ils sont extrêmement précieux, et que les dispositions sont sans exception.

Le ministre écrira aux officiers d’artillerie que ces dispositions sont sur leur responsabilité.

 

Paris, 12 février 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre prie l’Empereur de faire connaître ses intention sur le dépôt d’armes demandé  pour Ancône par le général Dulauloy, et sur le nombre d’armes à réunir à ce dépôt. On en trouvera dans le royaume de Naples.

Ordonner qu’on ne fasse pas sortir de fusils du royaume d’Italie et de la France, sans mon ordre.

Sa Majesté autorise de faire passer 2,000 fusils sur Ancône.

Le ministre ordonnera au général Dulauloy, aussitôt arrivé à Naples, de rassembler des armuriers.

Tous les conscrits s’armeront au fort Barraux. Écrire en conséquence. Ceux qui ne l’auront pas été au fort Barraux le seront à Plaisance.

Le ministre fera faire une vérification de tous les fusils qui doivent être en Italie, afin de s’assurer qu’ils s’y trouvent.

 

Paris, 12 février 1806

DÉCISION

Le ministre directeur de l’administration de la guerre soumet à l’Empereur une réclamation du landamman de la Suisse, pour que les Suisses, habitants du canton de Thurgovie , qui possèdent des propriétés foncières sur la rive droite du Rhin, ne soient pas, comme des sujets autrichiens, assujettis à l’imposition de guerre mise sur le pays. S’il y avait dans ce pays des propriétaires français, ils seraient soumis à l’imposition, qui n’est pas personnelle, mais qui porte sur la propriété.

 

Paris, 12 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DES CULTES

On peut, en rappelant la nécessité de consacrer les époques solennelles et de diminuer cependant le nombre de fêtes qui distraient le peuple de ses travaux, proposer deux fêtes :

1° Pour le 15 août, celle de saint Napoléon, qui consacrerait à la fois l’époque de la naissance de l’Empereur et celle de la ratification du Concordat : à cette fête se joindraient les actions de grâce pour la prospérité de l’Empire; on chercherait à donner à la procession, qui continuerait à se faire ce jour là, un caractère propre á effacer les anciens souvenirs;

2° Le premier dimanche qui suivra le jour correspondant au 11 frimaire, on célébrerait en même temps les succès de la Grande Armée et l’époque du couronnement; dans les discours que ferait un membre du clergé, on parlerait particulièrement des citoyens de la commune qui seraient morts à la bataille d’Austerlitz.

 

Paris, 13 février 1806

OBSERVATIONS ET DÉCISIONS RELATIVES AU BUDGET DE LA VILLE DE PARIS

Un budget se compose de la recette et de la dépense : l’une mérite autant d’attention que l’autre. S’il s’agissait de la simple comptabilité d’un payeur, un état sommaire de la recette ne serait pas même suffisant : or il s’agit ici d’un ordonnateur et d’un administrateur, d’une administration et d’une comptabilité. Il y a un résultat moral à tirer de l’examen de la recette comme de celui de la dépense. Ce résultat doit être, par exemple, quant à l’octroi, que cette branche capitale de recette a été bien ou mal administrée : elle l’a été bien, si elle a beaucoup rendu et peu coûté; elle l’a été mal, si elle a peu rendu et coûté beaucoup. Il convient donc de donner un bordereau détaillé de la recette de l’octroi depuis l’an VIII. Il faut mentionner dans ce tableau et dans des colonnes distinctes la recette brute de chaque année, les frais de perception de chaque année, le produit net de chaque année. Dans les années où le tarif a changé, il faut avoir soin d’établir pour la recette brute deux colonnes : 1e colonne, ce qu’aurait été la recette d’après l’ancien tarif; 2e colonne, l’augmentation produite par le nouveau tarif. Il ne faut point oublier le compte de caisse, et il faut y joindre l’historique de l’entrée en caisse, mois par mois.

La ville de Paris fera distribuer, cet hiver, une somme de 150,000 francs pour secours à domicile et autres secours à donner aux indigents. Cette somme, jointe à pareilles sommes qui seront payées par la police et par la cassette de Sa Majesté, portera à 450,000 francs les secours extraordinaires à distribuer, cette saison, aux pauvres.

On portera au budget de 1806 une somme de 500,000 francs pour le pavé des endroits dont il est le plus urgent de s’occuper, tels que la rue de Castiglione, qui va des Tuileries à la place Vendôme; l’allée de Beauvau, et l’allée des Veuves, aux Champs-Elysées.

On portera également une somme de 400,000 francs pour exécuter, sans aucun délai, le prolongement du boulevard, la construction du quai du Mail et de la communication du pont du Jardin des plantes, les places qui doivent être à l’entrée de ce pont, et le percement de la rue qui conduira du pont à la rue Saint-Antoine.

  1. Lacuée fera un projet pour le remplacement de la garde municipale par une augmentation des compagnies de réserve et par un corps de gendarmes appelés des départements.

Les conseillers d’État présents au conseil examineront la proposition de mettre le pavé à la charge de la ville de Paris, en lui affectant une somme de 400,000 francs sur le produit de la taxe de circulation qui se perçoit aux barrières. Ils proposeront des vues sur le mode à prendre pour l’apurement successif de la comptabilité de la ville de Paris.

Tous ces objets seront présentés dans le conseil de jeudi prochain. Le ministre de l’intérieur présentera ses vues, 1° sur rétablissement d’un passage à travers les nouvelles cours de l’Institut, pour la communication directe de la rue Mazarine avec le pont des Arts; 2° sur les modifications à faire au plan arrêté pour le marché des Jacobins; 3° sur l’élargissement de la place des Trois-Maries, à l’entrée du Pont-Neuf, et de la nouvelle place à l’entrée du Pont-au-Change; 4° sur le dégagement du portail de Saint-Gervais, pour rendre plus facile la communication directe des quais à la rue Saint-Antoine.

 

Paris, 13 février 1806

A S. S. le Pape

Très-saint Père, j’ai reçu la lettre de Votre Sainteté, du 29 janvier. Je partage toute sa peine; je conçois qu’elle doit avoir des embarras. Elle peut tout éviter en marchant dans une route droite, et en n’entrant pas dans le dédale de la politique et des considérations pour des puissances qui, sous le point de vue de la religion, sont hérétiques et hors de l’Église, et, sous celui de la politique, sont éloignées de ses États, incapables de la protéger, et ne peuvent lui faire que du mal. Toute l’Italie sera soumise sous ma loi. Je ne toucherai rien à l’indépendance du Saint-Siège; je lui ferai même payer les dépenses que lui occasionneraient les mouvements de mon armée; mais nos conditions doivent être que Votre Sainteté aura pour moi, dans le temporel, les mêmes égards que je lui porte pour le spirituel, et qu’elle cessera des ménagements inutiles envers des hérétiques ennemis de l’Église, et envers des puissances qui ne peuvent lui faire aucun bien. Votre Sainteté est souveraine de Rome, mais j’en suis l’empereur. Tous mes ennemis doivent être les siens. Il n’est donc pas convenable qu’aucun agent du roi de Sardaigne, aucun Anglais, Russe ni Suédois réside à Rome ou dans vos États, ni qu’aucun bâtiment appartenant à ces puissances entre dans vos  ports.

Comme chef de notre religion, j’aurai toujours pour Votre Sainteté la déférence filiale que je lui ai montrée dans toutes les circonstances, mais je suis comptable envers Dieu, qui a bien voulu se servir de mon bras pour rétablir la religion. Et comment puis-je, sans gémir, la voir compromise par les lenteurs de la cour de Rome ? On ne finit rien, et pour des intérêts mondains, pour de vaines prérogatives de la tiare, on laisse périr des âmes, le vrai fondement de la religion. Ils en répondront devant Dieu, ceux qui laissent l’Allemagne dans l’anarchie, ils en répondront devant Dieu, ceux qui retardent l’expédition des bulles de mes évêques et qui livrent mes diocèse à l’anarchie. Il faut six mois pour que les évêques puissent entrer en exercice, et cela peut être fait en huit jours. Quant aux affaires d’Italie, j’ai tout fait pour les évêques; j’ai consolidé les intérêts de l’Église; je n’ai touché en rien au spirituel. Ce que j’ai fait à Milan, je le ferai à Naples, et partout où mon pouvoir s’étendra. Je ne refuse pas d’accepter le concours d’hommes doués d’un vrai zèle pour la religion et de m’entendre avec eux; mais si, à Rome, on passe les journées à ne rien faire et dans une coupable inertie, moi que Dieu a commis, après de si grands bouleversements, pour veiller au maintien de la religion, je ne puis devenir, je ne puis rester indifférent à tout ce qui peut nuire au bien et au salut de mes peuples.

Très-saint Père, je sais que Votre Sainteté veut le bien; mais elle est environnée d’hommes qui ne le veulent pas, qui ont de mauvais principes, et qui, au lieu de travailler dans ces moments critiques à remédier aux maux qui se sont introduits, ne travaillent qu’à les aggraver. Si Votre Sainteté voulait se souvenir de ce que je lui ai dit à Paris, la religion de l’Allemagne serait organisée et non dans le mauvais état où elle est. Dans ce pays et en Italie, tout se serait fait de concert avec Votre Sainteté et convenablement. Mais je ne puis laisser languir un an ce qui doit être fait en quinze jours. Ce n’est pas en dormant que j’ai porté si haut l’état du clergé, la publicité du culte et réorganisé la religion en France, de telle sorte qu’il n’est pas de pays où elle fasse tant de bien, où elle soit plus respectée et où elle jouisse de plus de considération. Ceux qui parlent à Votre Sainteté un autre langage la trompent, et sont ses ennemis; ils attireront des malheurs qui finiront par leur être funestes.

Sur ce, je prie Dieu, Très-saint Père, qu’il vous conserve longues années au régime et au gouvernement de notre mère Sainte Église.

Votre dévot fils,

Napoléon.

 

Paris, 13 février 1806

Au cardinal Fesch

Je ne suis point content de votre conduite. Vous ne montrez aucune fermeté pour mon service. Vous voudrez bien requérir l’expulsion des États du Pape de tous les Anglais, Russes et Suédois, et de toutes les personnes attachées à la cour de Sardaigne. Il est fort ridicule qu’on ait voulu maintenir M. Jackson à Rome; s’il y est encore, requérez-en l’arrestation : c’est un agent des Russes. Aucun bâtiment suédois, anglais ni russe ne doit entrer dans les États du Pape; sans quoi je les ferai confisquer. Je n’entends plus que la cour de Rome se mêle de politique. Je protégerai ses États contre tout le monde. Il est inutile qu’elle ait tant de ménagements pour les ennemis de la religion. Faites expédier les bulles pour mes évêques. On met un mois pour faire un travail de vingt-quatre heures. Ce n’est pas là de la religion. En Allemagne, il n’y a qu’un cri contre la cour de Rome. Sa conduite est révoltante, et cette partie si importante de la chrétienté est dans l’anarchie. Je donne ordre au prince Joseph de vous prêter main-forte, et je vous rends responsable de l’exécution de ces deux points : 1° l’expulsion des Anglais, Russes, Suédois et Sardes de Rome et de l’État romain; 2° l’interdiction des ports aux navires de ces puissances. Dites bien que j’ai les yeux ouverts; que je ne suis trompé qu’autant que je le veux bien; que je suis Charlemagne, l’épée de l’Église, leur empereur; que je dois être traité de même; qu’ils ne doivent pas savoir s’il y a un empire de Russie. Je fais connaître au Pape mes intentions en peu de mots. S’il n’y acquiesce pas, je le réduirai à la même condition qu’il était avant Charlemagne.

 

Paris, 13 février 1806

A M. de Bouillé

Monsieur de Bouillé, Adjoint à l’état-major de Naples, vous visiterez avec attention la nouvelle route que j’ai fait faire au mont Cenis. J’avais ordonné qu’on établit des casernes au bas de la montagne à Lans-le-Bourg; vous remarquerez si l’on a fait quelques dispositions pour cet objet, et, dès votre arrivée à Turin, vous m’enverrez un rapport sur la situation du mont Cenis. Vous visiterez la citadelle de Turin; vous verrez le général Menou, et vous vous ferez remettre l’état de tous les conscrits qui ont passé les Alpes depuis le ler vendémiaire : ce sera l’objet de votre deuxième dépêche de Turin. Vous irez à Alexandrie; vous y verrez la situation des travaux : ce sera l’objet de votre troisième rapport. Vous vous rendrez à Parme auprès du général Junot; vous y resterez assez de temps pour me faire connaître ce qui sera venu à votre connaissance sur la tranquillité de ce pays; vous irez à Plaisance voir ce qu’on fait à la citadelle. Cette mission étant toute de confiance, vous n’aurez été que pour votre instruction et sans ostentation. Vous vous informerez où il y
aura des 3e et 4e bataillons qui ont reçu des conscrits, s’il y a quoi les habiller. Vous prendrez votre route par Ancône, et me direz ce que vous aurez appris sur votre route depuis Plaisance jusque-là; ce qui s’y trouve. De là vous vous rendrez en hâte au quartier général de Naples.

 

Paris, 14 février 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, je donne ordre au cardinal Fesch de requérir l’éloignement des Russes, des Anglais, des Suédois et des Sardes, de Rome et des États du Pape. Prêtez-lui main-forte, si cela est nécessaire; car mon intention est de les chasser de l’Italie. Il est ridicule que, dans ces derniers temps, le Saint-Siège ait voulu garder Jackson à Rome.

J’espère que vous êtes à Naples à l’heure qu’il est. Cela tarde trop longtemps; il est temps enfin que cela finisse. Quant à votre plan de campagne, votre marche sur Naples n’a point d’inconvénient dans l’état actuel des choses, où les Anglais et les Russes sont partis. Ce serait différent si leur armée était égale à la vôtre. Votre armée est trop disséminée; elle doit toujours marcher de manière à pouvoir se réunir en un seul jour sur un champ de bataille. Avec 15,000 hommes, je voudrais battre vos 36,000, et être partout supérieur le jour d’une bataille; mais la disposition de votre armée n’a point d’inconvénient dans l’état où sont les choses. Il me tarde d’apprendre que vous êtes à Naples.

 

Paris, 14 février 1806

A M. Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je vois dans votre bulletin du 13 février, article Deux-Sèvres, que les demoiselles La Rochajaquelain, Gibot et autres donnent refuge à des prêtres dissidents. Donnez des ordres pour qu’elles soient envoyées en exil dans les villes du Dauiphiné, comme Vienne, et que diligence soit faîte pour arrêter ces prêtres.

(Lecestre)

 

Paris, 14 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, DICTÉE EN CONSEIL D’ADMINISTRATION

Le ministre de l’intérieur examinera s’il ne conviendrait pas de faire rentrer la ville de Paris dans la possession des magasins de Corbeil.

Si, dans l’espace de huit jours, le magasin de 300,000 quintaux de l’approvisionnement de Paris n’est pas complété, il le sera, sans aucun délai, aux frais du sieur Vanlerberghe. Les magasins doivent contenir, au 1er mars, la totalité de l’approvisionnement; et, de ce moment à la récolte, le ministre n’en laissera plus rien sortir.

 

Paris, 14 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j’apprends que des bataillons autrichiens sont entrés à Würzburg. Vous voudrez bien faire connaître sur-le-champ à M. de Liechtenstein que je ne veux point de troupes autrichiennes à Würzburg. L’Électeur formera ses premières troupes dans la Westphalie; sans cela Würzburg deviendra ce qu’était la Souabe. Les troupes autrichiennes ne doivent pas sortir de leurs limites. Vous expédierez un courrier au général Andréossy pour lui ordonner de s’en expliquer clairement. Il faut parler haut; il est temps que l’Autriche me laisse tranquille et reste chez elle. Vous ferez connaître au prince Liechtenstein mon mécontentement à l’occasion de la publication des pièces des traités conclus avec l’Angleterre, où M. de Stadion joue un si mauvais rôle. Cela n’est point propre à me donner de la confiance pour les relations futures. Si les troupes autrichiennes s’obstinent à rester à Würzburg, vous les ferez enlever, et vous direz à M. de Liechtenstein que vous en avez reçu l’ordre; je ne veux point de troupes autrichiennes au delà de leurs limites héréditaires.

Faites sur cet objet une note officielle, dont vous m’enverrez copie pour être déposée aux archives, dans laquelle vous établirez pour principe que je n’entends point que les troupes autrichiennes passent jamais leurs frontières.

Vous donnerez ordre au maréchal Bernadotte d’occuper Anspach avec son corps d’armée. Vous donnerez le même ordre au maréchal Mortier, qui sera sous ses ordres. Il prendra possession du pays au nom du roi de Bavière. Il fera connaître par une proclamation qu’en conséquence d’un traité conclu entre la France et la Prusse, S. M. Prussienne a consenti à céder Anspach au roi de Bavière, et que l’occupation de ce pays doit être faite par les troupes françaises au même moment que les troupes prussiennes occuperont le Hanovre; que, les Prussiens occupant cet électorat, il a ordre de son souverain de procéder à l’occupation d’Anspach; que ses troupes y maintiendront une bonne discipline, et que les revenus et ressources du pays seront mis en séquestre pour l’entretien des troupes qui l’occuperont pendant le temps qui sera jugé nécessaire. Avant de publier cette proclamation, le maréchal Bernadotte fera marcher ses divisions, entrera dans le pays d’Anspach et en occupera tous les points. Il fera connaître au commandant des troupes prussiennes qu’elles doivent se retirer; qu’il doit en avoir reçu l’ordre, puisque les Prussiens sont en Hanovre.

Du reste, vous recommanderez au maréchal Bernadotte d’y mettre toutes les formes, de parler avec un grand éloge du roi de Prusse, et de faire tous les compliments usités en ces circonstances. Il ne correspondra pas avec le roi de Bavière, ni avec ses ministres. Il prendra toutes les mesures nécessaires pour pourvoir à la nourriture et à l’entretien de ses troupes, et les cantonnera là jusqu’à nouvel ordre. Comme son corps d’armée est trop considérable pour pouvoir vivre dans le pays d’Anspach, il pourra s’étendre sur le territoire des petits princes voisins, sans cependant toucher à Bayreuth. Je n’ai pas besoin de dire qu’il doit rester sur ses gardes et avoir l’œil ouvert sur les mouvements des Prussiens, s’il y en avait à portée de lui.

Indépendamment du corps du maréchal Mortier, le maréchal Bernadotte aura sous ses ordres une division de dragons et une division de grosse cavalerie. Quand vous le jugerez convenable, vous donnerez ordre au maréchal Davout de se porter sur Eichstaedt, pour appuyer le maréchal Bernadotte et s’étendre derrière lui. Vous donnerez ordre à la division de dragons qui est arrivée à Augsbourg de se rendre à Francfort, où elle sera sous les ordres du maréchal Augereau.

Quand le jour de rigueur d’évacuer Salzburg sera arrivé, et pas un jour avant, vous ferez filer le maréchal Ney sur Augsbourg, où il attendra de nouveaux ordres.

Le maréchal Soult occupera avec son corps d’armée les villes suivantes jusqu’à nouvel ordre, savoir : une division à Braunau, une division à Passau, et une Landshut. Ayez soin que toute l’artillerie soit évacuée.

Parlez au roi de Bavière pour qu’il y ait dans le Tyrol, principalement du côté de Salzburg, une grande quantité de ses troupes, surtout dans le premier moment. Si vous le jugez nécessaire, vous pourrez y placer une brigade du corps du maréchal Soult.

  1. de Haugwitz a signé hier un autre traité; nous verrons si les Prussiens seront plus fidèles à celui-ci qu’à celui de Vienne; il faut donc se tenir en mesure.

Ayez soin que tous les détachements qui sont à Augsbourg et à Ulm rejoignent leurs corps. Faites-moi connaître le jour où le maréchal Bernadotte prendra possession d’Anspach, où le maréchal Mortier sera derrière lui pour le soutenir, où le maréchal Davout sera à Eichstaedt, et où le maréchal Ney se dirigera sur Augsbourg. Voici mes dispositions pour la cavalerie de la réserve : une division de dragons et une de grosse cavalerie avec le corps du maréchal Bernadotte; une division de dragons, celle qui a été à Augsbourg, avec le corps du maréchal Augereau; une division de dragons et une de grosse cavalerie avec le corps du maréchal Soult; l’autre division de dragons à Augsbourg.

Donnez ordre au général Oudinot de se rendre avec ses grenadiers à Strasbourg. Vous ferez connaître au maréchal Kellermann que mon intention est qu’il donne 150 des plus beaux hommes des 3,000 conscrits habillés du dépôt général à chacun des bataillons du général Oudinot.

Je vous ai écrit de faire remplacer le général Caffarelli, dans le commandement de sa division, par le général Morand, et le général Loison par le général Marchand.

Tenez-vous-en strictement aux ordres que je vous donne; exécutez ponctuellement vos instructions; que tout le monde se tienne sur ses gardes et reste à son poste; moi seul, je sais ce que je dois faire. Si le ministre de Prusse vient vous voir à Munich et vous parle de l’occupation d’Anspach, répondez-lui que c’est par mon ordre : les Prussiens n’ont-ils pas occupé le Hanovre ? Du reste, dites beaucoup de belles paroles pour la Prusse. J’apprends avec déplaisir que votre santé est mauvaise; mais nous nous verrons bientôt; il me tarde autant qu’à vous que vous reveniez; mais vous voyez comme je suis maîtrisé par les circonstances.

Voyez le roi de Bavière et remettez-lui la lettre ci-jointe, mais quarante-huit heures après que les ordres seront partis pour le maréchal Bernadotte. Vous causerez avec lui, vous lui direz que l’ordre pour l’occupation d’Anspach est parti, qu’il ne faut rien dire; que, quant à la prise de possession par les troupes françaises, il ne doit se mêler de rien, afin de ne pas irriter majeurement (sic) la Prusse; que le traité de Vienne n’a été ratifié par le roi de Prusse qu’avec beaucoup de changements que je n’ai pas approuvés; que j’ai en conséquence malmené M. de Haugwitz; qu’un autre traité a été signé hier par M. de Haugwitz; qu’on ne sait point s’il en sera de celui-ci de même que du premier; mais que, puisque les Prussiens sont entrés en Hanovre avant que rien fût fini, je prends possession d’Anspach; que ces messieurs prétendaient occuper le Hanovre et ne nous livrer Anspach que lorsque les Anglais consentiraient sans doute à la perte du Hanovre, c’est-à-dire jamais; qu’on ne va pas manquer à Anspach de s’adresser à lui lorsque les troupes françaises y entreront; mais qu’il doit dire qu’il va répondre, qu’il va m’en écrire, et des choses vagues.

 

Paris, 14 février 1806

Au roi de Bavière

Monsieur mon Frère et Cousin, le maréchal Berthier vous fera connaître les ordres que j’ai donnés pour l’occupation d’Anspach. Le roi de Prusse a été assez mal conseillé pour ne ratifier le traité de Vienne qu’avec des conditions, des mais, des si et des car.

  1. Laforest, mon ministre, n’a accepté l’échange des ratifications que sous mon approbation. Je ne l’ai pas approuvé, et, dès ce moment, ce traité est devenu nul. Cependant l’armée prussienne a occupé le Hanovre. J’ai, en conséquence, ordonné qu’on occupât Anspach.

La Prusse avait la prétention de prendre possession du Hanovre et de ne nous donner ni Anspach ni Clèves. M. de Haugwitz a signé hier un traité dans lequel il est stipulé qu’Anspach sera occupé par les troupes françaises le même jour que le Hanovre le sera par les troupes prussiennes; et, comme elles sont entrées en Hanovre, je suis donc autorisé à faire occuper Anspach. Les Prussiens voulaient les villes hanséatiques. Je leur ai fait connaître catégoriquement que je n’y consentirais jamais, à moins qu’ils ne cédassent Bayreuth à la Bavière, et je prévois qu’un jour ou l’autre cela finira de cette manière. J’attache quelque prix à jeter la Prusse dans le Nord.

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Cette lettre est pour vous seul.