Mémoires du capitaine Marcel – Chapitre 8
CHAPITRE 8
Le 11 et le 12 décembre (1), nous entendîmes constamment la canonnade et la fusillade, mais la division ne prit aucune part au combat acharné que les Anglais livrèrent sans succès aux troupes qui nous avaient relevés. Le 12 à minuit, la division prit la route de Bayonne pour revenir au point d’où nous étions partis le 9 pour attaquer il y eut une action assez vive contre les Anglais, mais nous étions bien soutenus par notre artillerie et les Anglais n’eurent aucun avantage; néanmoins le régiment perdit encore 5 officiers et 50 hommes (2).
Le duc de Dalmatie prouvait chaque jour, par ses manœuvres, qu’il était digne de commander à des soldats tels que les nôtres. Ses mouvements, je le veux bien, étaient facilités par Bayonne et les redoutes qu’on avait établies autour de cette place et qui servaient de pivot à toutes ses opérations, mais il faut observer que notre armée diminuait chaque jour par les envois de nos meilleurs soldats pour renforcer la garde; à peine nous restait-il 24 000 combattants, les bons officiers commençaient à manquer, tandis que l’armée anglo-portugaise, forte de 80 000 hommes, pouvait facilement nous déborder partout.
Le régiment passa la nuit dans les faubourgs de Bayonne et, le lendemain, la division alla prendre position sur la rive droite de l’Adour, à deux lieues de l’autre côté de la ville, pour protéger le passage des bateaux qui amenaient à Bayonne les approvisionnements nécessaires à l’armée (3). Nous espérions respirer un peu dans ces postes, mais nous fûmes bien trompés, et jamais nos soldats n’eurent plus de peine que pendant les deux mois que nous occupâmes ces landes. L’ennemi bordait l’autre côté du fleuve; pour lui enlever l’envie de jeter un pont, on avait rompu les digues, ce qui, joint aux pluies continuelles et au reflux de la mer qui est très fort, avait donné à la rivière une largeur de plus d’un quart de lieue du côté que nous occupions. Chaque compagnie du régiment avait une maison, mais, en raison de l’inondation, on n’en pouvait occuper que le premier étage; les convois n’arrivaient pas, les boues étant si profondes que chevaux et mulets y disparaissaient; les soldats devaient aller eux-mêmes chercher les vivres à plus de deux lieues et souvent revenaient sans rien apporter; il fallait alors se contenter de faire griller un épi de blé de Turquie, avec l’espoir d’être plus heureux le lendemain. C’est alors que j’ai appris à apprécier vraiment la patience et le dévouement du soldat français : il était sans paye, sans vivres, sans souliers, presque nu, réduit à la plus affreuse misère, et pourtant pas un n’avait l’idée de déserter; l’honneur seul était quelque chose pour eux et ils oubliaient toutes leurs peines dès qu’ils avaient l’espoir de vaincre l’ennemi.
Le 22 décembre, ma compagnie fut désignée pour aller avec deux compagnies du 76e à l’île de Broc, au milieu de l’Adour (4) ; nous devions relever les troupes qui gardaient cette île et avaient commencé à y élever des retranchements, car sa possession était importante pour la circulation de nos bateaux. Cette île n’est qu’à trois pieds au-dessus du niveau des eaux; elle n’a que trois arpents ait plus et une seule baraque de pécheur servait, à nous abriter; à la marée montante nous avions les pieds mouillés. On était si mal dans ce poste qu’on était relevé tous les trois jours; tous les soirs, à la nuit tombée, 150 travailleurs arrivaient et, toute la nuit, avec la moitié de nos hommes, ils élevaient des retranchements que l’eau emportait pendant le jour : c’était l’ouvrage de Pénélope, mais en sens inverse.
Pendant trois jours, nous ne reçûmes absolument aucun vivre et dûmes manger des épis de maïs que nous fûmes bien heureux de trouver dans le grenier de la baraque; je donnai l’ordre d’en rechercher d’autres, et rien ne saurait dépeindre mon contentement, lorsque des voltigeurs m’apportèrent trois chats qu’ils venaient de découvrir cachés dans la toiture; je m’en saisis avec empressement et deux furent immédiatement grillés et mangés; quant au troisième, qui était vraiment trop maigre, je l’attachai sur une planche avec une feuille de route sur la tête, portant injonction au commissaire des vivres de Bayonne de lui délivrer les rations de vivres qui lui étaient dues depuis huit jours; la planche fut mise à l’eau et abandonnée au courant. Les Anglais, qui étaient sur l’autre bord, avaient suivi nos mouvements avec attention; quand ils virent ce chat voguer sur les flots en miaulant de temps à autre, ils poussèrent de grands éclats de rire.
Le 24 décembre, vert minuit, une barque qui s’était détachée je ne sais où, fut entraînée par le courant jusqu’auprès d’une sentinelle anglaise; cet homme, croyant que nous débarquions, donna l’alarme et la fusillade commença; comme tous les coups arrivaient sur notre poste, nous crûmes aussi que nous étions attaqués et nous nous mîmes en défense (5). Il pleuvait à verse, la nuit était obscure et le vent soufflait si fort que, sur vingt fusils, quatre ne partaient pas, l’étincelle étant enlevée de suite. Si jamais je me suis trouvé embarrassé, c’est bien dans cette occasion : je n’avais pas l’ordre de me retirer et, l’aurais-je voulu, que je ne l’aurais pu, car quelques soldats du 76e s’étaient emparés de la barque, sans être vus, au moment où le feu avait commencé, et avaient gagné le bord. Tout reposait sur moi. J’aurais été moins inquiet si je n’avais eu avec moi que des soldats du régiment, mais j’entendais, et j’en étais honteux, des soldats du 76e qui disaient qu’il fallait se rendre et qu’on ne serait pas plus malheureux auprès des Anglais; je dus montrer les grosses dents et j’encourageai en même temps mes braves voltigeurs à soutenir jusqu’à la mort l’honneur et la gloire du 69e, notre beau et bien-aimé régiment. J’envoyai mon lieutenant, M. Frédure, avec vingt hommes au bout de l’île où était un endroit facile pour débarquer et j’allai moi-même à l’autre bout en poster un pareil nombre, présumant qu’on pourrait faire une fausse attaque d’un côté et arriver par l’autre; je prescrivis aussi que, si l’ennemi forçait un de ces points, on se retirât sur la maison que nous avions crénelée et où on se défendrait jusqu’à la mort. La marée montante était si forte que l’île fut entièrement submergée; la digue sur laquelle je marchais avec mes hommes était tellement étroite que je glissai et tombai à l’eau; heureusement je savais nager. J’ai vu à ce moment ce que valaient mes vieux voltigeurs : plusieurs étaient en faction avec de l’eau par-dessus les genoux et ils me disaient : « Mon capitaine, soyez tranquille, à la lueur de l’eau nous verrons bien s’il arrive quelque barque et, si nous ne sommes pas tués, tout ce qui débarquera sera passé à la baïonnette et jeté à la rivière. » Je les entendais se dire entre eux : « Camarades, secondons nos officiers. Ne sommes-nous pas Français et soldats du 69e régiment! » Et je comprenais comment, avec de pareils hommes, l’Empereur avait pu imposer sa volonté à toute l’Europe.
Je laissai mon sous-lieutenant avec les vingt hommes et revins au poste central; le feu de l’ennemi continuait toujours, mais je vis que c’était une fausse attaque et je défendis que l’on ripostât à sa fusillade, la lueur des coups pouvant indiquer nos emplacements et faire blesser bien du monde. Ne craignant plus de me mouiller, car j’étais tombé dans plus de trente pieds d’eau, je marchais partout à travers l’île pour visiter mes sentinelles et je constatais que la plus exacte surveillance se faisait partout : j’étais malheureux, mais bien fier de trouver un tel courage et une telle résolution chez des hommes accablés de fatigue, mourant de faim et n’ayant d’autre espoir que de recevoir des blessures ou la mort. Certes il y avait dans l’armée de braves et solides régiments, mais je doute qu’il y en ait jamais eu, même dans la garde, de supérieurs au 69e. Vers 2 heures après minuit, tout rentra dans le calme.
Le général Fririon, logé avec les officiers du 1er bataillon dans une maison au bord de l’eau, eut ses fenêtres cassées par les balles et envoya son planton demander si l’île était rendue : « Dites au général, répondis-je, qu’il eût dû s’informer avant si le capitaine et ses voltigeurs étaient tués. » Je n’avais éprouvé qu’une seule perte, celle de mes bottes que j’avais quittées, lorsqu’elles avaient été remplies d’eau, pour pouvoir marcher plus facilement dans l’île et qu’un soldat laissa tomber dans l’Adour. A la pointe du jour, je rassemblai ma compagnie et témoignai à mes chers voltigeurs toute ma reconnaissance et toute ma fierté. Je demandai par écrit au chef de bataillon qui commandait le régiment, le grade de sergent pour plusieurs caporaux et celui de caporal pour plusieurs voltigeurs qui s’étaient si brillamment conduits; et j’obtins que les grades vacants dans ma compagnie fussent occupés par ces mêmes hommes, faveur difficile à obtenir : le caporal Lainé fut proposé pour la croix d’honneur qui lui fut donnée par la suite. Deux jours après nous fûmes relevés et je croyais en être quitte, mais la tragédie avait encore un acte.
Le 1er janvier 1814, vers 7 heures du matin, le capitaine adjudant-major Gugliéry vint me souhaiter la bonne année et me dit que les Anglais venaient de demander au commandant de l’île de Broc à parlementer, mais que ce dernier, leur ayant répondu de s’adresser à Bayonne, ils venaient de braquer sur l’île deux pièces d’artillerie en menaçant de faire feu si la garnison ne partait pas immédiatement (6). Comme Gugliéry sortait, le canon se fit entendre : j’allai au bord de l’eau et un caporal, qui était dans l’île, me cria que les compagnies allaient manquer de cartouches. Je fus de suite prévenir le capitaine Fournier qui commandait provisoirement le 3e bataillon; il en fit réunir promptement un bon nombre, mais on ne trouvait personne pour les porter dans des barques, les bateliers s’étant sauvés au premier coup de canon; je me proposai alors pour aller dans l’île avec deux paysans de bonne volonté qui voulurent bien se charger de diriger la barque. A peine eûmes-nous quitté le bord que l’ennemi dirigea ses coups sur notre bateau : malgré tout, nous continuâmes, mais, à peine accostions-nous, que les 150 travailleurs sans armes vinrent se jeter en foule sur la barque pour être ramenés sur l’autre bord; le malheur voulut qu’un boulet vint taper en plein dans cette foule, cassa la cuisse à un homme, en blessa cinq autres et endommagea le bateau. Je parvins à mettre de l’ordre dans cette foule désordonnée que je fis repasser en trois fois, puis j’allai remettre les cartouches et transmettre les ordres au commandant de l’île : dans le court trajet que j’avais à faire pour arriver aux soldats qui se battaient, je reçus trois feux de peloton et jamais les balles n’étaient tombées autour de moi avec pareille abondance; en m’en retournant, mêmes honneurs dont je me serais bien passé. Lorsque je fus revenu sur notre rive, tous mes voltigeurs accoururent pour me féliciter et me présentèrent l’eau-de-vie qu’on venait de leur distribuer (7). Peu de temps après, les Anglais furent pris en flanc par des bateaux armés de canons que montaient des marins français (8) et leur feu se ralentit considérablement. A ce moment, le commandant Guingret et mon camarade Gugliéry vinrent me demander des détails sur mon petit voyage dans l’île : je n’avais pas ouvert la bouche pour m’expliquer que je reçus une balle qui me traversa l’épaule et vint se loger sous l’aisselle, où elle se trouva si bien qu’elle y est toujours. Cette bonne étrenne, dont me gratifièrent messieurs les Anglais, me sembla de bon augure et je me dis qu’après avoir été exposé comme je venais de l’être le jour du 1er janvier, je ne serais sûrement pas tué dans l’année. Le voltigeur Jacquin, un compatriote, me conduisit à un quart de lieue en arrière, au logement du 2e bataillon, où je fus pansé par le chirurgien-major et bien soigné : dix jours après, lorsque le régiment se mit en route pour aller en avant de Bidache, je le suivis, quoique ma blessure ne fût point fermée, et je continuai de commander ma compagnie. Croyez bien que je quittai sans regret l’île de Broc et que je m’en rappelle encore souvent.
Le régiment resta près d’un mois dans les environs de Bidache, puis alla occuper Astingues, bourg autrefois fortifié mais autour duquel il ne restait plus que des vestiges de murs (9) : on y avait cependant élevé quelques retranchements, mais ils ne pouvaient guère nous être utiles; tous les jours, les habitants nous rendaient un compte exact de ce que faisaient les Anglais et leurs rapports étaient plus utiles que vingt reconnaissances. Le 22 février, les officiers du régiment résolurent de fêter carnaval : un joyeux pique-nique devait nous réunir et nous étions disposés à faire honneur au repas lorsque, vers 3 heures de l’après-midi, nous fûmes avertis qu’une colonne anglaise d’environ 3 000 hommes venait occuper des mamelons près de la ville (10). On peut affirmer que, s’ils nous eussent attaqués, les retranchements eussent été emportés car nous ne pouvions les garder tous, étant donné leur étendue et le faible effectif de nos régiments; si encore nous n’eussions compté dans nos rangs que de vieux soldats aguerris, mais les compagnies du centre avaient reçu chacune une quarantaine de conscrits, si jeunes et si faibles qu’ils ne pouvaient mettre leur fusil en joue. Notre position était d’autant moins agréable que, derrière Astingues par où nous devions nous retirer, coulait un gave (11) large et profond qu’on ne pouvait passer qu’en bateau : nous pouvions donc être sûrs, si nous étions un peu pressés, de boire plus que nous n’aurions soif. Cependant la nuit arriva et alors nous fûmes certains d’être tranquilles jusqu’au lendemain, les Anglais ne se dérangeant jamais la nuit : notre pique-nique eut donc lieu et, à l’exception des officiers de garde, tous les autres v assistèrent. Vers 2 heures du matin, un planton vint nie dire que ma compagnie était désignée pour rester dans la place dont je devais prendre le commandement et que j’allais occuper jusqu’à nouvel ordre. Je fis observer que ce n’était pas mon tour de marcher, mais je vis à la réplique du chef de bataillon Guingret, qui commandait le régiment, qu’il désirait que je restasse parce que les voltigeurs du 2e bataillon, à qui c’était le tour de marcher, n’avaient pas de capitaine : je restai donc jusqu’à ce que le régiment eût franchi le gave, puis nous passâmes à notre tour, sans être inquiétés, pour marcher sur Peyrehorade et de là sur Orthez où nous prîmes position pour défendre le passage du gave de Pau.
Le 28 février au matin, l’on prit les armes de bonne heure et l’armée se rangea pour être passée en revue sur ses positions par le duc de Dalmatie. Au moment où il passait devant notre division, le maréchal Soult nous annonça que l’Empereur avait battu complètement les alliés à Montereau et que notre armée avait réoccupé Troyes : cette nouvelle fut accueillie par des cris de joie et, comme nous ne présumions pas que nous aurions ce jour-là une affaire des plus chaudes, nos divisions restèrent placées provisoirement comme elles l’étaient et les officiers du régiment se mirent à jouer la goutte du matin aux petits palets. Celui qui nous eût dit que, dans une heure, plus de quinze d’entre nous allaient cesser d’exister, n’eût pas été cru sûrement. Nous étions bien occupés à jouer et à rire lorsqu’une violente fusillade éclata soudain du côté des voltigeurs du 39e qui étaient à l’avancée et les colonnes ennemies débouchèrent de tous côtés (12). Il faut croire que le duc de Dalmatie en savait plus long que nous sur les mouvements des Anglais, car nos troupes furent placées en un instant de manière à leur faire face; il n’y eut pour ainsi dire point de prélude, toutes les colonnes commencèrent en même temps l’attaque. Notre artillerie faisait décharge sur décharge, sans interruption, et éclaircissait les masses anglaises et portugaises, mais celles-ci avançaient malgré leurs pertes et nous perdions beaucoup de monde par l’effet de leurs boulets creux. J’eus 20 hommes hors de combat en un instant, le commandant du 2e bataillon fut tué, le général Maucune dangereusement blessé; les officiers supérieurs et les autres furent atteints en si grand nombre que le chef de bataillon qui nous restait commandait la brigade et un capitaine le régiment; je commandais moi-même le 3e bataillon. Au bout de trois heures de combat, nous allâmes nous placer derrière le 36e, qui, par sa ténacité et son bon ordre, pouvait rivaliser avec les meilleurs régiments de l’armée. A 3 heures et demie du soir, rien n’était encore décidé, l’ennemi tantôt avançait, tantôt reculait. Des corps nombreux cherchaient à nous manœuvrer et nous étions exposés à être chargés par eux à l’improviste : pour plus de sûreté, l’ordre venait d’être donné à notre aigle de se porter sur les derrières avec une section, lorsque le maréchal Soult, voyant ce mouvement, saisit l’aigle et alla la planter à 100 toises devant notre régiment, vis-à-vis d’une masse d’infanterie anglaise; alors, sans commandement, d’un mouvement général et spontané, toits les officiers et soldats coururent se ranger autour de leur drapeau avec des acclamations qui montaient jusqu’au ciel et des cris de « Vive le 69e! » La division ennemie, croyant qu’on la chargeait à la baïonnette, se rejeta en arrière.
Vers 4 heures, l’ordre arriva d’exécuter un mouvement rétrograde : je fus d’arrière-garde et plaçai mes voltigeurs en tirailleurs. Quelques instants après, les hussards anglais apparurent avec de l’artillerie légère, mais ils furent tellement chagrinés par nos balles qu’ils se retirèrent, laissant leurs canons tirer sur nous. Quelques soldats du 39e, croyant que nous allions être chargés, jetèrent leurs armes et leur équipement pour se sauver plus vite : mon indignation fut profonde et j’ordonnai à mes voltigeurs de tirer sur ces lâches. Avec mon lieutenant, nous ramassâmes plus de quinze fusils que nous déchargions sur les artilleurs ennemis qui nous répondaient à coups de canon. Enfin la nuit arriva : je rejoignis la division qui alla bivouaquer à deux lieues d’Aires. Deux divisions et tous les dragons étaient partis pour aller renforcer l’armée de l’Empereur et notre armée était réduite à six divisions (13).
Le 2 mars, le bataillon était de garde avancée il fut attaqué et nous perdîmes quelques soldats; le capitaine Schimpt fut tué et le capitaine Lhuillier reçut une balle qui lui traversa les deux joues au-dessous des yeux et le rendit aveugle (14). L’affaire fut plus chaude du côté où commandait le général Harispe (15) car, de midi à 7 heures du soir, l’ennemi s’acharna en vain à enlever quelques vieilles fortifications que nous avions occupées. D’ailleurs les Anglais, tant à cette journée qu’à celle d’Orthez, perdirent 6 000 hommes, tandis que nous n’en eûmes que 3 000 hors de combat. Chaque jour l’ennemi éprouvait des pertes, car le maréchal Soult ne quittait jamais une position avantageuse sans y attendre les Anglais et leur faire faire 10 ou 12 lieues tandis que nous en faisions 2. Aussi Wellington s’arrêta plusieurs jours quand nous fûmes à Valance-sur-Baïse, dans le Gers.
Ce repos nous fut utile, car nous étions accablés de fatigue et pouvions enfin avoir des vivres et du vin en abondance dans ce beau pays. Néanmoins il se passa là une fâcheuse affaire, à laquelle je fus mêlé bien malgré moi. Deux habitants s’étaient plaints d’avoir été victimes des maraudeurs : deux d’entre eux furent reconnus et je reçus l’ordre du général Drouet d’Erlon d’instruire l’affaire et d’en être rapporteur. Je me pressais peu, car ces malheureux n’avaient volé qu’un chaudron et qu’une serviette et je redoutais le sort qui les attendait; mais le général me fit venir, m’apostropha vivement et donna l’ordre de juger sur le tambour. Les pièces à conviction furent trouvées sur les coupables, reconnues par les plaignants, et les deux soldats condamnés à mort et fusillés; le procès n’avait pas duré deux heures. Quelle pitié de voir ainsi faire haïr la justice par excès de sévérité!
Les bourgeois qui avaient porté plainte, croyaient que la peine ne serait que de quelques jours de prison, ce qui eût été raisonnable; quand ils surent la vérité, ils en eurent un chagrin mortel, et jamais plus depuis nous ne reçûmes de plaintes pour vol ou pillage.
Vers le milieu de mars, le maréchal Soult fut informé que l’ennemi voulait nous couper la grande route de Tarbes et s’était porté vers Vic-de-Bigorre (16). Nous partîmes le 18 mars, à 2 heures du matin, fîmes 8 lieues sans faire de halte et, vers 9 heures du matin, le régiment entra dans Vic où quelques cavaliers anglais s’étaient déjà présentés. Le maréchal recommanda à la division de tenir seulement deux heures, car ce temps lui suffirait pour faire filer artillerie et bagages. Nous allâmes nous embusquer au nord de la ville derrière des murs bas et des arbres qui, dans ce pays, servent d’échalas aux vignes : les colonnes ennemies, obligées de traverser une plaine découverte pour venir à nous, ne perdaient pas une balle de celles que nous leur envoyions et nos feux de pelotons faisaient des trous dans leurs bataillons. Les habitants avaient distribué du vin à nos soldats, aussi nous n’en étions plus maîtres et ils voulaient constamment sortir de leurs embuscades pour courir à la baïonnette; quand, vers 5 heures du soir, nous reçûmes l’ordre de nous retirer, je fus obligé de menacer plusieurs voltigeurs de la prison pour les faire partir, tant ils se battaient avec rage. L’adjudant-major Gugliéry, qui venait, pour la troisième fois, me porter l’ordre de la retraite, reçut une balle dans le talon et le régiment n’eut que quelques hommes blessés : les Anglais laissèrent plus de 1 200 des leurs sur le terrain.
Le régiment bivouaqua à une demi-lieue de là et, aussitôt la soupe mangée, partit pour Tarbes que l’on atteignit à la pointe du jour et de là en route directement sur Toulouse où nous arrivâmes le 20 mars.
Le 69e n’avait pas eu de colonel depuis la mort de M. Guinand: le 20 mars, arriva M. Monneret qui était à l’état-major du maréchal et qui possédait la bravoure, l’instruction, la politesse, la bienveillance qui sont les qualités du vrai chef; officiers et soldats retrouvèrent en lui l’ami et le père qu’ils avaient perdu quand le général Fririon quitta le régiment.
Je pus enfin m’occuper de mes vieux compagnons qui faisaient leur service avec tant de zèle et d’activité, et je pus remplacer par des souliers les espadrilles en peau de bœuf dont la plupart étaient chaussés.
Des retranchements commençaient à s’élever autour du faubourg Saint-Cyprien : le régiment vint aider à l’achèvement de ces travaux qui étaient en état lorsque l’ennemi parut (17). Une attaque le convainquit qu’il ne pourrait jamais que s’emparer du faubourg et, qu’une fois le pont sur la Garonne coupé, il ne pourrait plus arriver en ville; il fut donc évident qu’il chercherait à passer la Garonne pour attaquer plus avantageusement par les routes de Montauban et d’Alby. Le maréchal Soult fit repasser le fleuve à presque toute l’armée et, pour être informé rapidement des mouvements des Anglais et du point de passage qu’ils choisiraient, il étendit les troupes à plus de 2 lieues en dessus et en dessous de Toulouse, et nous bivouaquâmes, malgré la pluie, tout le long de la rivière.
Le 7 avril, Wellington fit la tentative de passer la Garonne près de la route de Villefranche, à 2 lieues au-dessus de Toulouse, mais cette manœuvre ne trompa point le maréchal, qui n’envoya là que les divisions les plus rapprochées pour faire face si le passage était réel (18). Mais le passage n’était que simulé, et le maréchal fit construire sur trois élévations entre les routes de Montauban et d’Alby des redoutes si bien placées, qu’elles balayaient la plaine et se commandaient l’une l’autre. Elles furent élevées le jour même.
Dans la nuit du 8 avril, le bruit des voitures de bagages et de l’artillerie nous fit soupçonner que l’ennemi effectuait le passage de la Garonne : il la passait en effet à 2 lieues au-dessous de Toulouse.
Le 9, le duc de Dalmatie vint lui-même assigner à chaque division et à chaque régiment les postes que l’on devait défendre jusqu’à la mort. Les ponts sur le canal du Midi étaient retranchés, garnis d’artillerie et défendus par tous les vieux soldats de l’armée; derrière le canal et sur les vieux remparts de la ville étaient 10 000 conscrits, destinés seulement à figurer et à faire nombre; chaque redoute reçut une garnison de 3 000 hommes. Comme il n’y avait que la Garonne pour séparer nos sentinelles de celles de l’ennemi, les Anglais avaient appris à nos soldats la prise de Paris (19); dans la ville même, des ennemis de l’Empereur avaient donné aux soldats des pamphlets les excitant à déserter : rien ne put les ébranler. Le maréchal Soult ignorait la capitulation de Paris et cela a été prouvé (20) ; lord Wellington en avait connaissance puisqu’il l’avait annoncé à ses soldats; il n’aurait pas, par conséquent, dû nous attaquer : mais il croyait venir facilement à bout de notre armée, entrer dans Toulouse, prendre tous nos bagages et nos canons et terminer ainsi glorieusement la campagne.
Le 10 avril, à 5 heures du matin, Wellington somma la ville de se rendre : il reçut la réponse qu’il méritait. Il fit alors lire à ses soldats une proclamation dans laquelle il leur annonçait qu’ils seraient à Toulouse à 10 heures du matin et, après une ample distribution de rhum, il déploya ses forces à 6 heures du matin et attaqua sur tous les points en même temps (21). Aux ponts de Matabiau et des Minimes, les colonnes anglaises furent reçues par de telles décharges que la confusion se mit dans leurs rangs et qu’il eu fut fait un vrai massacre par nos soldats; mais revenons aux redoutes derrière lesquelles la division se trouvait en réserve, vers le signal du Calvinet. La première redoute, dans laquelle se tenait le maréchal Soult, fut attaquée par 8 000 Portugais et Espagnols dont les pantalons blancs donnaient de beaux points de mire; ils n’arrivèrent pas à moitié chemin, une grande partie fut couchée par terre et l’autre s’enfuit. De nouvelles colonnes vinrent les remplacer et eurent le même sort : elles eussent été anéanties si nous avions eu de bons canonniers, mais nos artilleurs, trop jeunes, pointaient mal, et souvent les soldats d’infanterie étaient obligés de les aider dans leur service. Enfin une dernière masse, composée cette fois d’Anglais et de Portugais, arriva presque sur la redoute mais, à vingt pas des retranchements, se trouvait un chemin large et profond qu’on ne pouvait apercevoir qu’en arrivant dessus. Les bords de ce chemin étaient tellement à pic que l’ennemi fut arrêté, cherchant des endroits faciles pour y descendre : que l’on juge du ravage fait dans cette masse par le feu continuel de 3 000 hommes tirant d’aussi près. Une déroute affreuse éclata soudain parmi ces Anglais, et ils tournèrent le dos : notre division s’élança à la poursuite jusqu’au canal. Nous n’étions plus maîtres de nos soldats, tous voulaient passer l’eau pour, disaient-ils, « en tuer tout leur content ». Aussi animé qu’eux, je traversai le canal sur une poutre qui n’avait pas 9 pouces de largeur, et je me mis à pointer tant que je pus au milieu des fuyards. Le capitaine Rose du régiment courut sur un porte-drapeau anglais; il allait l’atteindre, lorsqu’une balle lui traversa les deux cuisses et le renversa dans les trèfles et les luzernes où nous combattions. Je fus laissé, avec ma compagnie et les voltigeurs du 2e bataillon, au bord du canal pour surveiller de ce côté, et le régiment alla reprendre sa place en réserve. Vers les 4 heures, j’aperçus plusieurs officiers généraux ennemis qui cherchaient à s’approcher pour reconnaître les emplacements de nos troupes : je choisis plusieurs de mes bons tireurs et fis ajuster deux de ces cavaliers qui furent démontés à l’instant. La fusillade des Anglais, de l’autre côté du canal, me coûta deux voltigeurs blessés, et une balle me passa si près du coude droit qu’elle emporta l’habit et la chemise; mais je n’eus que le bras engourdi pendant un petit instant.
Vers 7 heures du soir, Wellington, furieux de n’avoir pu déjeuner en ville comme il l’avait promis, fit avancer toutes ses réserves et les dirigea sur un monticule près de la troisième redoute. Ses têtes de colonne, arrivant par un passage étroit, furent mises en désordre, mais le trop d’ardeur est parfois nuisible : le général Taupin (22), voyant cette confusion, voulut achever la déroute et s’engagea à la tête des grenadiers de sa division dans ce même passage : ne pouvant présenter qu’un petit front, il fut culbuté, une compagnie renversant l’autre et comme, sur ces entrefaites, il fut tué, les Anglais profitèrent de ce désordre et s’emparèrent des hauteurs dominant les redoutes. A 9 heures du soir, il fallut les évacuer.
Notre armée ne perdit que 2 300 hommes dans cette journée et encore y en avait-il 1 500 qui n’avaient que des blessures légères et qui reprirent leur service quatre jours après. Les Anglais et les alliés laissèrent 18 000 hommes sur le terrain dont 8 000 morts. Le 11, nous restâmes en position devant Toulouse (23). Je fus envoyé en parlementaire dans l’après-midi, pour demander à enlever les blessés restés sur le terrain parmi les morts; un capitaine anglais s’approcha de moi et m’offrit la goutte : il me dit qu’il était bien regrettable que les Anglais et les Français fussent en guerre, et comme je lui demandais si le bal allait recommencer, il me répondit : « Je ne pense pas car hier il a fait extrêmement beaucoup chaud. » Il me faut signaler aussi la conduite patriotique des habitants de Toulouse qui venaient chercher nos blessés, les emportaient, leur prodiguaient des soins; plusieurs dames apportaient des biscuits, du bon vin, des liqueurs et les voitures de maîtres servaient au transport des hommes dans les hôpitaux (24).
Le 12, à une heure du matin, l’armée quitta Toulouse et prit la route du Bas-Languedoc : la division formait l’arrière-garde ; près de Villefranche, nous vîmes paraître la cavalerie anglaise, mais elle se montra peu entreprenante et quelques coups de canon suffirent à l’éloigner. Le 13 avril, l’armée prit position près de Castelnaudary; nous étions tous bien décidés à nous battre et à recevoir comme il le fallait l’attaque de l’armée anglaise. Le 15 avril, nous apprîmes l’abdication de l’Empereur. Les troupes du maréchal Suchet, rentrant d’Espagne, vinrent se joindre à nous et beaucoup d’officiers nous exprimèrent leurs regrets de n’avoir pas combattu à Toulouse : il est bien certain que si nous avions eu ces 14 000 hommes, la grande armée de lord Wellington aurait été obligée de repasser la Garonne.
Des cantonnements provisoires furent alors assignés à toute l’armée : le régiment occupa successivement Lavaur, Rabastens et Alby. Nous fûmes reçus partout avec la magnificence dont se piquent presque tous les habitants de ce beau pays, et, pendant trois mois, ce ne furent que bals et parties de plaisir en compagnie de femmes charmantes et spirituelles. A Lavaur, le régiment fut passé en revue par le duc d’Angoulême dont la figure amusa beaucoup nos soldats, prompts à s’égayer. Le 7 juin, le 69e quitta Rabastens pour se rendre à Metz où le général Molitor devait procéder à la réorganisation. Nous traversâmes la France et ce furent les derniers beaux jours de notre brave régiment où tout le monde se connaissait, s’estimait pour les fatigues et les dangers supportés courageusement en commun. Le général Molitor ne suivit que trop ponctuellement les ordres du roi Louis XVIII; il plaça tous les officiers par rang d’ancienneté : plusieurs d’entre eux, qui n’avaient jamais quitté les dépôts, voyant qu’on ne devait plusse battre, demandèrent à continuer de servir, de sorte que beaucoup de jeunes officiers braves et méritants furent renvoyés chez eux. A mon avis, c’était trahir les intérêts du roi, car il eût mieux valu se débarrasser de tous ceux qui étaient fatigués et n’user du privilège de l’ancienneté qu’à mérite égal. Il ne fallait que 24 capitaines dans le régiment et j’étais le vingt-cinquième par rang d’ancienneté : ni le général Fririon, ni le colonel Monneret ne purent rien obtenir du général Molitor, esclave aveugle des ordres, et il me fallut en prendre mon parti. La carrière militaire me plaisait beaucoup et ce fut avec douleur que je dis adieu au 69e et à mes anciens chefs.
Aux jeunes gens qui veulent embrasser le métier des armes, je souhaite un régiment comme le 69e et des soldats comme ceux que j’eus l’honneur de commander; je leur souhaite aussi comme chefs des Fririon, des Monneret, pour apprendre à conduire les hommes, faire leur devoir sans ostentation et servir la France comme doivent le faire des militaires dignes de ce nom.
NOTES
(1) Le maréchal Soult avait renoncé à défendre le passage de la Nive et voulait concentrer ses forces dans le camp retranché de Bayonne. Les 11 et 12 décembre eurent lieu des combats assez vifs mais sans grande importance au point de vue général. Le 13 décembre se livra le sanglant combat près de Saint-Pierre d’Irrube; nous dûmes abandonner toute la rive gauche de l’Adour depuis Saint-Pierre d’Irrube jusqu’à l’embouchure de la Bidouze. Ce combat nous coûta près de 5 000 hommes.
(2) Les combats des 9, 10, 11, 12 et 13 décembre nous coûtèrent une perte totale de 5 914 hommes, dont 4 600 blessés.
(3) Dès le 14 décembre, la 1re division reçoit l’ordre de se porter sur la rive droite de l’Adour pour en surveiller les points de passage et en protéger la navigation… Un poste avancé qu’elle établit à Urt sur la rive gauche est forcé de se replier le 16 (Girod de l’Ain, Vie militaire du général Foy, p. 233).
(4) La 1re division occupe les îles de Holhariague, de Broc et de Bérens. Le 20 décembre, deux compagnies du 6e léger placées dans l’île de Holhariague sont obligées de l’abandonner, l’ennemi ayant amené du canon sur le plateau de la Honce qui la domine complètement. (Girod de l’Ain, Vie militaire du général Foy, p. 234.)
Les avant-postes des deux armées se tiraillent tous les jours au sujet de la navigation (Pello, Mémoire sur la campagne de l’armée des Pyrénées, p. 92).
(5) Après l’évacuation de l’île de Holhariague par le 6e léger, l’ennemi fit diverses tentatives pour enlever les îles de Broc et de Bérens qui sont plus rapprochées de la rive droite que de la rive gauche; nos troupes s’y maintenaient mais devaient se mettre à couvert (J.-B. Dumas, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 321).
(6) Le 1er janvier 1814, l’ennemi renouvela ses tentatives sur les îles de Broc et de Bérens. (J.-B. Dumas, Neuf Mois de campagne…, p. 321-322).
« … Cette attaque est repoussée victorieusement le 1er janvier 1814. » (Girod de l’Ain, Vie militaire du général Foy, p. 234.)
(7) Marcel fut de nouveau cité pour cette action d’éclat suivant de près celle du 10 décembre 1813. Ce fut sa seconde blessure grave, qui, comme la première, ne l’empêcha nullement de rester à son poste et de continuer la campagne.
(8) Soult avait fait équiper et armer une flottille de vingt chaloupes canonnières, qui furent placées sous les ordres du capitaine de frégate Depoge, avec mission de protéger la navigation de l’Adour. (J. Pello, Mémoire sur la campagne de l’armée française dite des Pyrénées, p. 165.)
(9) Astingues ou Hastingues, sur la rive gauche du gave de Pau, était une tête de pont fortifiée. (J.-B. Dumas, Neuf Mois de campagne…, p. 342.)
(10) Les Anglais avaient tenté, le 18 février, d’enlever de vive force le passage du gave d’Oloron à Sauveterre-de-Béarn, mais avaient été repoussés par une charge brillante du 119e de ligne.
» … Le 23 février, Béresford portait ses troupes en avant. Le bataillon du 69e se retirait à l’approche de la division Walcker » (Ibidem, p. 355.)
(11) Le gave de Pau.
(12) « … Il entrait dans le système du maréchal Soult de s’opposer pied à pied à l’invasion de l’ennemi, sans être décidé à donner ou à recevoir la bataille; il espérait que la présence de ses troupes réunies en imposerait aux Anglais. Il ordonna à l’armée de se masser pendant la nuit sur les hauteurs de la route de Dax, mais en continuant d’occuper Orthez.
« … Le 28, avant le jour, la 1re division s’est rapprochée de 400 toises de la route de Dax, la 2e division est massée derrière… Vers 10 heures du matin le feu commence aux environs de Saint-Boës… La 3e division anglaise s’établit sur le même contrefort et de plain-pied avec la 1re… 4 pièces d’artillerie se mettent en batterie… l’infanterie se masse pour l’attaque… L’artillerie anglaise faisait beaucoup de mal… La 1re division remontait jusqu’à la route de Dax et reculait au delà. (Girod de l’Ain, Vie militaire du général Foy, p. 238.) – Cf. J.-B. Dumas, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 368, 411-412. – L’armée française perdit 539 tués dont 28 officiers; 3052 blessés dont 99 officiers ; 1339 prisonniers dont 23 officiers.
(13) Les troupes étaient parties le 22 janvier de Peyrehorade pour Paris, en poste par voitures, pour faire triple étape par jour. Elles se composaient de la 7e division (général Leval 5 400 hommes) et de la 9e division (général Boyer, 5 600 hommes), soit les 10e, 16e et 17e légers, les 3e, 8e, 15e, 28e, 101e, 120e et 122e de ligne : la division de dragons de Treilhard partit aussi, soit les 4e, 5e, 12e, 14e, 16e, 17e, 21e, 26e et 27e dragons. L’effectif total était de 14 435 hommes.
(14) Cette affaire est connue sous le nom de combat de Cazères. Le général Hill refoula nos troupes sur Aires. La lutte fut rude, les troupes portugaises se débandèrent à un certain moment.
(15) Harispe (le comte Jean-Isidore), né à Saint-Étienne (Basses-Pyrénées), en 1768, colonel au 16e léger en 1802, général de brigade en 1807, général de division en 1810, comte en 1813. Blessé grièvement et amputé du pied à la bataille de Toulouse où il resta aux mains de l’ennemi (Tables du Temple de la gloire, t. XXVI, p. 3).
(16) Ce mouvement avait pour but d’occuper l’ennemi pendant que le reste de l’armée marchait sur Tarbes. (Pellot, Mémoire sur la campagne de l’armée des Pyrénées, p. 130.)
« La 1e division, en ligne à l’est et à l’ouest de la route de Maubourguet, occupait Baloc et s’établissait à 3 kilomètres environ au nord de Vic-de-Bigorre… quatre pièces étaient mises en batterie.. A 2 heures du soir, le combat s’engageait sérieusement avec les troupes de Picton… le comte d’Erlon prenait position derrière Vic-de-Bigorre à 4 heures du soir… et se retirait sur Pujo et bivouaquait autour du village » (J.-B, Dumas, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 533 et suiv.).
(17) « … Le maréchal Soult acceptait la bataille à Toulouse sur le terrain qu’il avait choisi et préparé d’avance. Il avait réussi à gagner plus de quinze jours sur son adversaire, il les avait bien employés en mettant à contribution toutes les ressources de la grande ville et de son arsenal. (J.-B. Dumas, Neuf Mois de campagne…, p. 552-553.)
(18) Il y eut des tentatives de passage de la Garonne en amont et en aval de Toulouse; Wellington avait même poussé une division vers Grenade, mais les eaux étaient hautes, le fleuve était sujet à des crues subites et Wellington craignait de voir une partie de son armée rester subitement isolée sur la rive droite et risquer d’être détruite par toutes les forces du maréchal Soult.
Il y eut une de ces tentatives le 4 avril, jour de l’abdication de l’empereur Napoléon.
(19) « Dès le 7 au soir, le bruit circulait à Toulouse que les armées étrangères étaient entrées dans notre capitale » (J. Pellot, op. cit., p. 144.)
(20) Soult n’eut connaissance de l’abdication que le 13 avril, par le colonel Saint-Simon; mais ce ne fut que le 17 qu’il en fut régulièrement informé par le gouvernement et par le major-général de l’Empereur. (J.-B. Dumas, Neuf Mois de campagne…, p. 553, note 4.)
(21) « Le 10, vers 6 heures du matin, l’armée ennemie s’ébranla sur tous les points. Sur la rive gauche de la Garonne, le général Hill s’avança contre l’enceinte extérieure de Saint-Cyprien… sur la rive droite le général Picton se forma près de l’embouchure du canal, attaqua les Français vers 7 heures et les repoussa jusqu’à la tête du Pont-Jumeau, où tous ses efforts furent contenus par deux bataillons de la brigade Berlier… Sur sa gauche, Wellington éprouva un grave échec : les Espagnols perdirent plus de mille hommes… Le général Hill finit par chasser de la première enceinte du faubourg Saint-Cyprien les postes laissés par Reille en se retirant sur la seconde… Picton attaqua de nouveau le pont Jumeau et fut repoussé avec une perte énorme. Les Anglais veulent brusquer l’attaque et sont écrasés à coups de pierre dans les fossés. Vers midi, l’action ne laissait que peu d’espérance de succès à l’armée alliée. Soult prescrivit à la division Taupin de marcher à la rencontre de Beresford, mais cette division est écrasée et Beresford réunit ses divisions sur le plateau, y amène de l’artillerie et attaque en flanc les redoutes du Calvinet… Ces redoutes emportées, Beresford marche sur celles de la Pujade… et les enlève vers 7 heures… Les alliés s’arrêtent après ce dernier effort et n’osent refouler l’armée française dans le canal… Maître encore du faubourg Saint-Étienne, Soult avait sa retraite assurée » (Victoires et Conquêtes des Français, t. XXIII, p. 351 et passim).
(22) Taupin, colonel du 103e en 1805. Général de brigade en 1807, général de division en 1813. Tué à la bataille de Toulouse.
(23) Le 11 avril, Wellington ne s’occupe que des moyens de se maintenir sur les collines qui dominent la ville; Soult ordonne la retraite sur Castelnaudary… Le 12 au matin, il ne reste dans Toulouse que 1 500 blessés ou malades qu’on n’aurait pu transporter sans danger… Wellington entra dans Toulouse le 12 avril à 10 heures du matin (Victoires et Conquêtes des Français, t. XXIII, p. 351 et passim).
(24) » …Toutes les maisons de Toulouse étaient autant d’hospices ouverts aux malheureux blessés : les femmes, les vieillards attendris allaient au-devant des brancards… » (J. Pellot, op. cit., p. 157.)