Lettres de Joubert – 4 septembre 1796
Brescia, le 4 septembre 1796
(N.B. Joubert vient de perdre sa soeur Charlotte).
En effet, il semble que cette année les malheurs ne finissent pas dans notre famille, et avec ces chagrins domestiques joignez toutes les inquiétudes mortelles de mon état. A chaque heure répondre de la vie de plusieurs milliers d’hommes, hasarder à propos la vie de ses soldats pour la leur sauver, ne négliger aucune précaution pour se défendre des embuscades et des surprises de nuit; voir dans cette lutte continuelle succomber ses amis, ses connaissances, par les blessures ou les maladies, il y a là de quoi tourmenter un homme. Et moi qui ne sens rien faiblement, je m’affecte d’autant plus profondément que dans notre état il faut avoir l’art de cacher aux autres ses affections particulières. Il faut paraître confiant quand on est inquiet, dur envers le soldat, quand souvent il n’inspire que de la pitié; il faut enfin avoir un visage qui ne soit point le miroir de son coeur.