Lettres de Joubert – 17 août 1796
Vérone, le 17 août 1796
… Je ne puis attribuer ce silence sur mes opérations qu’aux raisons qu’à le général Masséna de ne point faire connaître un événement où l’on verrait de sa faute. Nous étions en difficulté sur le poste de Corona: je prétendais que je pouvais être tourné par ma gauche; que nos forces n’y étaient point suffisantes; qu’il fallait, pour me soutenir, avancer la tête d’une autre brigade; je prétendais qu’une demi-brigade que j’avais eu ordre de placer sur ma droite pouvait être coupée sans que je pusse la secourir. Le chef de l’état-major vint pour juger ce différend qui intéressait l’armée, car Corona en était la clé. Il vit que j’avais raison, et il allait rectifier ma position; mais l’ennemi le prévint, et je fus attaqué avant le changement. Tout ce que j’avais prévu est arrivé; c’était ce qu’on disait partout au quartier général; je n’ai donc aucune inquiétude là-dessus; mais Masséna n’a eu intèrêt de ne rendre compte de rien que pour ne pas faire parler davantage; et j’ai raison d’être fâché d’un silence qui fait tort non-seulement à moi, peu m’importerait, mais à toutes mes braves troupes et à des officiers qui se sont distingués. Piqué de voir ma brigade oubliée, j’ai profité de l’ordre du chef de l’état-major de faire un narré historique de mes opérations pour avouer franchement mon mécontentement.