La compagnie de réserve de l’Ain 1807-1812
Jérôme Croyet
Docteur en histoire, Archiviste adjoint aux Archives Départementales de l’Ain
Les compagnies de réserves départementales sont créées par Napoléon, à Milan, le 14 mai 1805. Etablies dans chaque département de l’Empire, elles sont sous les ordres d’un capitaine commandant et dépendent directement du préfet. Elles sont chargées de garder militairement la Préfecture, les archives, le dépôt de mendicité et les maisons d’arrêt. Chaque compagnie est rattachée à une légion de Gendarmerie, dont le colonel commandant est tenu de l’inspecter une fois par an. La compagnie de l’Ain dépend de la 21e Légion de Gendarmerie. La Gendarmerie du Département de l’Ain fait partie de la 21e Légion (dont l’état-major est à Dijon) et est formée par la 2e Compagnie du 42e escadron. Chaque Légion, (il y en a 34), est composée de 2 escadrons à deux compagnies. La Légion de Dijon, regroupe le 41e escadron, compagnie de la Haute-Marne et compagnie de la Côte d’Or et le 42e escadron, compagnie de Saône et Loire et compagnie de l’Ain. Cette dernière formée d’hommes sortant de l’armée et assermentés, est chargée en concurrence avec les commissaires de police de la sécurité et de la sûreté des biens et des personnes. D’un recrutement parfois plus politique que méritoire, la Gendarmerie n’en demeure pas moins un corps d’élite, où chaque gendarme doit savoir lire et écrire.
ORGANISATION
La compagnie départementale est composée de conscrits de la réserve à qui l’on promet un service de proximité. Les sous-officiers et les caporaux sont choisis par le préfet. Les officiers sont nommés par l’Empereur sur proposition du ministre de la Guerre. Les officiers commandants la compagnie départementale de réserve de l’Ain sont Pierre Pélissier et Joseph Ganivet. Tous deux sont membres de la Légion d’Honneur. Le premier a servi comme capitaine au 45e Régiment d’Infanterie de Ligne. Il commande la compagnie de réserve de l’Ain à partir de 1807 puis passe dans la gendarmerie d’où il sort en 1822. Le second a été capitaine adjudant major au 62e Régiment d’Infanterie de Ligne. Il prend le commandement de la compagnie de réserve de l’Ain en 1812. Le rôle de l’officier est tout aussi représentatif que militaire. S’il est chargé, avec le quartier-maître, de la comptabilité de la compagnie, il est responsable des marchés, de la discipline et de l’instruction de ses hommes. Mais il est aussi une autorité qu’il convient d’inviter à des réceptions : le 13 août 1812, le préfet Rivet convie Ganivet à assister à la cérémonie en l’honneur de la naissance du roi de Rome, qui a lieue le 15 dans la grande salle de la préfecture.
Si la compagnie de réserve de l’Ain est créée par le décret du 14 mai 1805, elle n’a qu’une organisation fantomatique jusqu’en 1807. En effet, l’effectif théorique de 30 fusiliers est bien en dessous de la réalité. Peut être y a t il tout au plus une quinzaine d’hommes sans officiers. Afin d’obtenir une réelle organisation de la compagnie de réserve départementale, le 11 septembre 1807, le préfet de l’Ain propose à Denié, secrétaire général du ministre de la Guerre, d’élever la compagnie de l’Ain à la 5e classe. En effet, grâce au centime supplémentaire, la préfecture peut faire face aux dépenses occasionnées par la mise en place effective de la compagnie. Le préfet Bossi argue la nécessité qu’a le département d’avoir une force armée dans une ville ouverte et le besoin de fournir des factionnaires pour conduire les conscrits. En effet, si le service ordinaire, de plus en plus important, nécessite l’augmentation de la compagnie de réserve, le peu de fusiliers interdit au préfet de leur délivrer de congés limités par crainte d’interrompre le service déjà bousculé lorsqu’il s’agit de prêter main forte à la gendarmerie. Après examen, la requête de Bossi semble avoir portée ses fruits, puisque dès 1808 les revues indiquent que le nombre de gardes est de 36.
De fait, avec les campagnes d’Espagne puis de Russie, les compagnies de réserve servent, dès 1808, de réservoirs pour les régiments. La compagnie de l’Ain commence à fournir dès le 4 mars 1808, des hommes pour l’armée. Le premier fusilier à partir rejoint le 4e régiment de cuirassier à Lodi. Ces ponctions dans la compagnie de réserve n’ont lieu qu’en 1808 et 1812 : une quinzaine de fusiliers sont incorporés dans les troupes de ligne. Ils ne sont pas tous versés dans l’infanterie de ligne mais dans des corps prestigieux : 4e régiment de cuirassiers, 3e régiment de hussards (ex Esterhazy), 2e régiment d’artillerie et infanterie de la Garde de Paris. Les hommes incorporés dans ces troupes, partent pour leurs nouveaux corps habillés en fusiliers de la compagnie de réserve de l’Ain. Arrivés à Lodi, Vérone ou Paris, ils donnent au magasin de leur nouvelle unité leur tenue de fusiliers de la compagnie et touchent leur nouvel uniforme. Les tenues de la compagnie de réserve sont alors, suivant les vœux du ministre, renvoyées à la préfecture de l’Ain, à la charge du Gouvernement, par le biais d’un commissionnaire ou d’une entreprise de transport militaire.
Par le décret du 3 janvier 1812, Napoléon autorise les enrôlements volontaires dans les compagnies de réserve des départements. La seule obligation est la taille minimum similaire à celle de l’infanterie. Dès lors le service dans les compagnies de réserve devient aussi intéressant que le service dans les troupes de ligne puisque les frères des enrôlés dans les compagnies de réserve bénéficieront du droit à être placé à la fin du dépôt. Le 15 janvier, le préfet fait passer aux maires des communes de l’Ain une circulaire contenant le décret de l’Empereur. Cet engagement n’est alors valable que jusqu’à complément de la compagnie, hors dans l’Ain, à cette date, seulement 3 places sont vacantes dans la compagnie de réserve. Pour les conscrits de 1812, l’engagement doit se faire avant le tirage au sort. Ils doivent se faire connaître auprès de leur maire, qui fait passer leur dossier à la préfecture. Le 29 août, le préfet de l’Ain fait parvenir une nouvelle circulaire aux maires. En effet, les places vacantes n’ayant toujours pas été pourvues, le préfet afin de les compléter, donne de nouvelles dispositions pour l’engagement de volontaires : ils devront avoir entre 18 et 40 ans. Malgré tout, le 20 novembre, 4 places sont toujours vacantes et le restent sans doute longtemps, car avec l’effort de guerre de 1812, les hommes de la compagnie de réserve n’y reste pas longtemps, les 15 et 18 novembre 1812, deux fusiliers de la compagnie de réserve arrivés le 10 octobre, sont mis en route pour les 7e et 42e Régiments d’Infanterie de Ligne. Le préfet, soucieux de compléter sa compagnie demande aux maires une nouvelle publicité du décret du 3 janvier, en les informant, que les conscrits de 1813 sont admis à s’enrôler. Si les archives ne font plus mention de la compagnie de réserve de l’Ain, en 1814, les membres de la compagnie de réserve de l’Ain participent, dans d’autres unités comme le 96e régiment d’infanterie de ligne [1]Benoît Blochet, né le 22 novembre 1792. Il entre dans la compagnie de réserve de l’Ain le 7 mars 1813 jusqu’au 25 juillet 1813 où il entre au 96e régiment d’infanterie de ligne. Il … Continue reading , à la campagne de France [2]Pierre Louis Grosset, né le 16 août 1793. Il sert dans la compagnie de réserve de l’Ain du 27 août 1813 au 29 septembre 1815. Il fait la campagne de France en 1814. Cordonnier 18 rue de Tolozan … Continue reading . Lors de la première Restauration, le lieutenant Divoley, commandant la compagnie départementale de l’Ain invite le préfet de l’Ain à « délivrer devant la compagnie assemblée et comme un gage de la satisfaction de leurs chefs…quatre brevets de la décorations du Lys pour les sieurs Large, sergent, Morelet, caporal, Néron, caporal et Maison, fusilier de la compagnie départementale » [3]Lettre de Divoley au préfet de l’Ain, A.D. Ain 3R. .
UNIFORME ET ARMEMENT
La tenue de la compagnie de réserve de l’Ain est très belle. Jusqu’en juillet 1808, elle se compose d’un habit bleu ciel distingué en noir par un passepoil au collet et des passepoils des poches en long. Le retroussie est blanc passepoilé de noir et les pattes d’épaule sont blanches passepoilés de noir. Les revers, les parements et pattes de parements sont noirs. Le noir couleur distingue alors la 21e Légion de Gendarmerie. Les boutons sont en laiton [4]Si théoriquement ils comportent le nom du département et le numéro de la légion de la gendarmerie, il arrive que par soucis de simplicité, ils soient remplacés par des boutons à l’aigle en … Continue reading . La doublure est en cadis blanc.
Tous les hommes reçoivent à leur arrivée le même équipement : un chapeau noir avec deux cocardes, un col noir, 2 chemises, une veste, une culotte, une paire de guêtres grises, une paire de guêtres noires, une paire de bas de coton, une paire de bas de laine, deux paires de souliers et un sac de peau. En 1807, le chapeau laisse la place au shako. Après moins d’un an d’existence, le préfet de l’Ain, sans doute désireux d’avoir une belle compagnie, ordonne, le 26 septembre 1807, le renouvellement de l’habillement de la compagnie pour le 1er janvier. Toute fois ce renouvellement n’est que partiel et va de pair avec la mise en place du shako. Durant le 2e trimestre de 1808, ce ne sont que 18 bonnets de police et 16 sacs de peau sur 36 qui sont distribués aux fusiliers de la compagnie. Mais, le préfet de l’Ain pousse plus loin encore l’esthétisme de la compagnie de réserve en imposant aux fusiliers une coupe réglementaire des cheveux. A compter du 1er octobre 1807, tous les hommes de la compagnie de réserve de l’Ain auront la coupe à la Titus.
Si, Napoléon légalise l’utilisation de drap blanc à la place du bleu ciel par décret du 12 juillet 1808, à cause des énormes stocks de drap, dès avril 1808, la compagnie de l’Ain utilise ce type de drap blanc. Chaque homme dispose alors d’une chemise, d’une paire de bas, d’une paire de souliers, de boucles pour les chaussures et les bas, d’un bonnet de police, d’une paire de guêtres noires, d’une paire de guêtre grise et d’un sac de peau. La tenue en drap de laine blanche est alors doublée de toile crue. Le luxe et le prestige de la compagnie départementales voulu par le préfet sont matérialisés par l’utilisation par les fusiliers de boucles pour souliers et pour jarretières, ce que la compagnie du Doubs n’a pas. Les bonnets de police ne sont pas fait dans du drap de récupération mais dans du drap neuf. De plus, les culottes des gardes de l’Ain sont faites en draps alors que la circulaire du 4 février du ministre, stipule qu’elles devraient être faites en tricot. Le prix des fournitures d’habillement d’un garde de la compagnie de l’Ain est de 58 livres 5 sols alors que celui d’un garde du Doubs n’est de 36 livres 06. L’habillement de la compagnie de l’Ain coûte le double de celle de l’Ile et Vilaine.
L’armement d’un fusilier de la compagnie de réserve est alors similaire à celui de son camarade de l’infanterie de ligne : il n’a que le fusil et la baïonnette. Le fusil peut être le modèle 1777 modifié an 9, ou d’anciennes fabrications royales ou révolutionnaires. Le sabre briquet est réservé aux caporaux, fourriers, sergents et sergents majors. Toutefois, le tambour touche aussi un sabre briquet et pas de fusil. L’officier reçoit une épée. La compagnie de réserve de l’Ain ne possède pas de réserve de poudre. Pour le service et ses exercices, elle reçoit annuellement 50 décagrammes de poudres de guerre par homme. Pour obtenir sa poudre, le préfet fait la demande au directeur de l’artillerie de Grenoble qui la renvoie sur le magasin militaire le plus proche. En 1806, il s’agit de celui de Genève. Malgré que les compagnies départementales soient des troupes réglées comme celles de la ligne, la négligence ou le mépris du directeur du dépôt genevois pour des hommes qu’il considère peut être comme des “ loin des balles ” se fait sentir quand, le magasin de Genève ne délivre pas, en 1806, la poudre prévue pour la compagnie de l’Ain, malgré la demande faite en bonne et due forme par le préfet de l’Ain. Ce retard paralyse les exercices de tirs de l’année. L’année suivante, le préfet de l’Ain obtient, le 1er août du ministre de la Guerre, de prendre la poudre nécessaire à la compagnie de réserve de l’Ain au magasin de Lyon. Le 18 août, il demande au chef de bataillon Laval, directeur par intérim de l’artillerie à Grenoble, d’obtenir la poudre des magasins de Lyon.
PERSONNEL
Le recrutement de la compagnie de réserve de l’Ain est départemental et vise plus particulièrement des hommes mariés [5]“ Les nommés. . .avaient été tous trois admis dans la compagnie en considération de leur position, mariés et pères de familles ”. Lettre du préfet de l’Ain à Lacué, 7 Avril 1807. … Continue reading . Il se fait au niveau des communes, où les conscrits de réserve se font connaître. Jusqu’en 1807, l’incorporation est soumise au préfet sans de réelle réglementation. Ainsi, le préfet consent à admettre des hommes extérieurs au département et certains, destinés à la Garde Impériale, qui espèrent éviter le combat.
Même si le service n’est pas très astreignant, les gardes de la compagnie de réserve doivent loger à Bourg, et souvent l’autorité préfectorale est plutôt bienveillante à l’égard de ces soldats et permet facilement le remplacement d’hommes mariés par d’anciens soldats de la ligne, plus rompu à la vie militaire [6]Ainsi, le préfet reçoit une demande de remplacement d’un garde marié par un soldat congédié du 22e Régiment d’Infanterie de Ligne. .
Malgré ce traitement de faveur des hommes mariés, le service demeure astreignant pour eux, et certains profitent des largesses de l’administration préfectorale pour se conduire de façon déraisonnable. En 1806, 3 hommes mariés de la compagnie de réserve [7]Joseph Clayet demeurant à Izieu, Jean-Baptiste Demur de Bons et Anthelme Fleury d’Arbignieux. obtiennent des congés temporaires pour se rendre auprès de leur famille. A l’issue de leur permission, les 3 fusiliers ne réintègrent pas la compagnie. L’affaire, si elle ne semble pas ébranler l’administration locale, remonte jusqu’au ministre de la Guerre. Le 29 mars 1807, le directeur général des revues et de la conscription écrit au préfet de l’Ain pour lui demander pourquoi il ne lui a pas fait parvenir les jugements de ces 4 déserteurs. Lacué, sensiblement irrité lui demande alors de régulariser la situation en exigeant d’avoir le signalement des 4 hommes, leur dénonciation et leur jugement éventuel. De plus il s’attarde sur le cas d’un garde, rayé des contrôles sans avoir été prévenu ou informé. La réponse du préfet ne se fait pas attendre. Et dès le 7 avril, il fait savoir à Lacué que, profitant d’ “ une permission pour aller dans leurs foyers prendre des arrangements pour assurer à leurs femmes et à leurs enfants des moyens d’instance pendant la durée de leur service ; ils ne rentrèrent point à l’expiration de la permission ” [8]Lettre du préfet de l’Ain à Lacué, 7 Avril 1807. A.D.Aun 4R1. . Les cas des désertions, si elles semblent fréquentes lors de la mise en place de la compagnie, sont durement et rapidement réprimés par le préfet de l’Ain qui les fait arrêter par la gendarmerie et conduire au 67e Régiment d’Infanterie de Ligne. Généralement les déserteurs quittent la compagnie sans emmener d’effets, ce qui pourrait aggraver leur cas. Les mesures du préfet à l’encontre des déserteurs portent leurs fruits : “ cet exemple a produit les plus heureux effets sur la compagnie, soit pour le maintien de la discipline, soit pour prévenir la désertion ” [9]Lettre du préfet de l’Ain à Lacué, 7 Avril 1807. A.D.Aun 4R1. .
Si les hommes mariés bénéficient d’un traitement de faveur, souvent même au détriment de la réglementation militaire, les fusiliers, d’origine paysanne, bénéficient de plus de compréhension que les conscrits de l’armée de ligne. Pélissier leur délivre de petits congés pour faire les moissons. Mais cette pratique ne dure qu’un temps et le 10 janvier 1808, l’inspecteur aux revues Souilhé semonce le Pélissier en lui annonçant qu’il est le seul habilité à délivrer de tels congés.
La compagnie est alors composée de 30 hommes. Deux tiers sont d’anciens militaires remplaçants et les autres trouvent dans ce service de proximité le moyen d’exercer “ leurs divers professions. . .dans la ville de Bourg ” [10]
Lettre du préfet de l’Ain au Ministre de la Guerre, 2 septembre 1807.
. Tant et si bien, que malgré l’autorisation que reçoit le préfet du ministre de la Guerre d’accorder des congés limités, ce dernier n’en accorde aucuns, faute “ de militaires de la compagnie. . .qui voulurent profiter de l’autorisation ” [11]Lettre du préfet de l’Ain au Ministre de la Guerre, 2 septembre 1807.
. Malgré les efforts de l’officier et du préfet, plusieurs fusiliers se plaignent au préfet, début 1808, de leur commandant. Cette plainte est rapidement déboutée par le préfet qui conclue qu’il y a dans le corps “ un esprit d’insubordination et de malveillance qu’il est indispensable d’étouffer dès son principe ” [12]Lettre du préfet de l’Ain au lieutenant Pélissié, 17 mars 1808. A.D. Ain 4R1.
. Le préfet agit vite et fort. Le 17 mars il demande l’incarcération à Bicêtre, durant 8 jours, du fusilier Textor et la mise en salle de discipline durant 3 jours des autres signataires de ce “ complot ” [13]Lettre du préfet de l’Ain au lieutenant Pélissié, 17 mars 1808. A.D. Ain 4R1.
.
La compagnie de réserve de l’Ain est régulièrement passée en revue. En effet, deux fois par an, le colonel de gendarmerie se rend à Bourg afin de vérifier les troupes et de clore la comptabilité qui est envoyée à l’inspecteur aux revues à Besançon. La première revue à lieu en avril 1807. Dès 1808, le ministre prévient le préfet de l’Ain que les revues de la compagnie de réserve auront lieu aux mois d’avril et de septembre de chaque année.
FONCTIONS
Le service de la compagnie de réserve de l’Ain est essentiellement de 1805 à 1811 d’ordre statique ; planton aux portes de la préfecture et de la prison, peut être même à la mairie. Néanmoins lors de grands évènements, les hommes de la compagnie de réserve sont mobilisés par les autorités civiles. Le 10 avril 1812, l’adjoint au maire de la ville de Bourg, Picquet, demande à Ganivet de mettre à la disposition du corps municipal la compagnie de réserve, afin de l’accompagner, à 8 heures et demie du matin, jusqu’à la cérémonie religieuse en l’honneur de la fête patronale de la ville. De même, le 12 octobre, c’est au tour du préfet de mobiliser la compagnie afin qu’elle accompagne, le 17, le cortège des autorités de la préfecture à l’église paroissiale pour assister à une messe d’action de grâce pour les victoires françaises sur les russes.
Dès 1807, les fusiliers de la compagnie départementale sont requis, par le préfet ou par le capitaine commandant la gendarmerie départementale, pour accompagner les réfractaires et les conscrits du petit dépôt des réfractaires de Bourg, à Lons le Saunier ou à Grenoble. Ces détachements comprennent généralement une dizaine de gardes armés et un sous-officier. En 1812, ces missions s’amplifient au détriment du service ordinaire.
En 1811 et 1812, les convois de conscrits et de réfractaires sont réguliers. Ils sont de 1 à 2 par mois. Généralement le commandant de la compagnie de réserve est prévenu par le préfet la veille pour le lendemain. Il indique le nombre de gardes nécessaire et l’heure à laquelle ils doivent être prêt [14]Les hommes requis pour accompagner les conscrits et les réfractaires doivent être prêt entre 6 et 7 heures du matin. . En 1811, 5 voyages effectués de janvier à mars mobilisent 58 fusiliers et coûtent 50 francs 40. En 1812, 9 voyages sont effectués de mars à novembre pour un total de 521 conscrits réfractaires. Ils mobilisent en moyenne 15 gardes, soit un garde pour 4 conscrits réfractaires. Le 3 avril1812, ce sont tous les hommes de la compagnie qui sont mis à disposition pour accompagner un convoi de 126 réfractaires.
En 1811 et 1812, les convois de prisonniers ennemis font parties des prérogatives de la compagnie de réserve. Celle-ci intervient en renfort de la gendarmerie. Les prisonniers de guerre ennemis sont essentiellement convoyés de Bourg à Pierre-Châtel. A partir de 1812, l’escorte des prisonniers russes est laissée aux cavaliers du 7e régiment de dragons, dont le dépôt est à Bourg.
Il arrive aussi que la compagnie de réserve soit mobilisée pour un tout autre type de convoi : le 24 mars1812, le capitaine commandant la gendarmerie départementale demande 10 fusiliers pour se joindre aux gendarmes afin d’escorter 93 forçats venant de Tarascon, jusqu’à St Amour ; le 27 octobre1812, le commandant militaire de l’Ain demande 4 hommes pour renforcer la gendarmerie dans l’escorte de condamnés au bagne.
Ces prérogatives montent parfois à la tête de certains fusiliers qui s’agrègent des droits de police judiciaire [15]Il est à noter que malgré l’exemplarité qui doit être sienne, la Gendarmerie départementale fait aussi parfois des dérogations à cet esprit, notament quand les gendarmes Duchesne et … Continue reading . Au début du mois de mars 1812, un fusilier arrête de sa propre autorité les pères de deux conscrits et les conduits en maison de détention à Bourg. Cette affaire ne reste pas sans conséquences et le 8 mars1812, le préfet, mis au courant, demande des renseignements cette arrestation et prend des sanctions.
Au mois d’octobre 1812, le commandant de la compagnie de réserve reçoit de nouvelles fonctions. Désormais, les hommes de la compagnie de réserve doivent veiller à empêcher la vente d’effets militaires par les soldats français mais aussi par les prisonniers de guerre. En effet, suite au renouvellement de l’instruction du ministre directeur de l’administration de la guerre sur la vente illégale des effets militaires par les soldats et prisonniers de guerre, le commandant militaire de l’Ain, demande au commandant de la compagnie de réserve de prendre des mesures pour empêcher de pareils acte
FINANCEMENT
Le préfet de l’Ain, qui dispose à partir de 1807 de revenus suffisant pour mettre en place une réelle compagnie de réserve, cherche à faire de ce corps de garde un corps de prestige, à travers lequel, l’opulence du département devra transpirer. Pour cela le préfet n’hésite pas à fermer les yeux sur des dépenses inconsidérées. Les dépenses de la compagnie de l’Ain sont vérifiées par le préfet et la comptabilité de la compagnie est soumise au contrôle d’un inspecteur aux revues de la région militaire. C’est lors de l’inspection de la compagnie par le colonel de la gendarmerie commandant la gendarmerie régionale, que la comptabilité est close. La compagnie de réserve de l’Ain est casernée à Bourg. Ses vivres sont fournis par des artisans locaux. C’est le commandant de la compagnie qui passe les marchés de fourniture. Si, durant la période de 1807 à 1809, où les subsistances sont rares et chères, les marchés passés pour le pain sont basés sur une taxe mise en place à la mairie. Devant la nécessité de nourrir les hommes de la compagnie de réserve le préfet ne discute pas les prix et accepte le marché fait par le commandant. Mais le 27 juillet 1807, le ministre de l’Intérieur annonce au préfet de l’Ain, que les dépenses des compagnies de réserve seront prises en charge par le ministre de la Guerre ou par le département. Désormais le préfet n’est plus chargé que de vérifier les marchés passés par le commandant de la compagnie.
Afin de financer la compagnie départementale, un 20e des revenus des villes est affecté, par le préfet, aux dépenses de la compagnie. Sur l’année 1811, le prélèvement sur Bourg se monte à 1739 livres 06. Pour la même année, le prélèvement sur Pont de Vaux est de 582 livres 46. En 1812, le revenu provenant du 20e étant suffisant, le préfet reverse, le 4 mars 1813, 1441 francs 03 dans la caisse des enfants trouvés pour l’exercice de 1810.
Les frais hospitaliers des hommes de la compagnie de réserve sont pris en charge par cette dernière. Pour le 4e trimestre de 1811, la compagnie dépense 52 francs 32 pour un garde à l’hôpital.
LA COMPTABILITE SELON PELISSIER :
Luxe et opacité
L’inspecteur aux revues Souilhé prévient le conseil d’administration de la compagnie de réserve de l’Ain, le 8 janvier, de préparer une vérification de la comptabilité de 1807. Le 17, Souilhé le fait savoir à Pélissier. D’abord prévue en septembre 1806, la première inspection de la compagnie de l’Ain est reportée en avril 1807. C’est le 21 janvier 1807, que l’inspecteur en chef aux revues prévient le préfet, de ce changement de date. Cette inspection clos la comptabilité pour l’année écoulée. Le 21 mars 1808, Souilhé annonce qu’il manque 3 expéditions, pour 1806 et 1807, des relevés sommaires de comptabilité. Informé, le conseil d’administration met rapidement la main sur ces relevés et les fait parvenir à Souilhé. Mais dans la précipitation, de les retrouver ou de la faire, ceux-ci ne sont pas conformes au modèle, ce dont s’aperçoit sans difficulté l’inspecteur aux revues et le 30 il renvoie au conseil d’administration de la compagnie, les relevés sommaires pour les refaire.
Face aux erreurs et aux cafouillages comptables de la compagnie, Souilhé prévient le conseil d’administration, le 1er août 1808, qu’il arrivera à Bourg le 31 août afin de vérifier la comptabilité. Mais à la surprise de tous, Souilhé arrive à Bourg le 3 août, et vérifie la comptabilité de la compagnie. Celle-ci lui paraît suspecte. En effet, le sous-inspecteur est alors étonné de ne pas trouver les écritures au courant sur les registres. L’absence de Pélissier ce jour-là, laisse Souilhé dans le doute. Incapable de faire son travail, Souilhé retourne à Besançon et demande à Pélissier de lui envoyer les registres et les pièces comptables afin de pouvoir arrêter l’exercice du 2e trimestre. A la réception des pièces, il se rend compte du prix exorbitants des fournitures faîtes à la compagnie dans l’Ain. Le mètre de drap blanc est à 11 livres 50 et les guêtres noires coûtent 8 livres pièces, alors que les prix fixés par le ministre sont de 8 livres 70 le mètre de drap et 3 livres 25 la paire de guêtres noires. Souilhé fait observer à Pélissier, que les bonnets de police devraient “ être fait au moyen de l’économie sur les draps ” [16]Lettre de Souilhé à Pélissier, 13 août 1808, A.D. Ain 4R1. et qu’étant donné le prix exorbitant des achats faits sur la masse, il doit rejeter 886 livres 94 des dépenses faites. Souilhé demande à Pélissier de faire réintégrer cette somme dans la caisse de la compagnie. Encore Souilhé n’a pas enfoncé Pélissier : “ Ce n’est que par condescendance. . . que j’ai réduit ce rejet selon les prix des achats faits par les corps stationnés dans la 6e division. . .Le rejet eut été plus considérable si je n’eusse alloué la dépense que d’après les prix fixés par son excellence le ministre ” [17]Lettre de Souilhé à Pélissier, 13 août 1808, A.D. Ain 4R1. , écrit-il au lieutenant bressan. Le 31 octobre, Souilhé écrit au quartier maître de la compagnie pour le remercier de son bon accueil à Bourg. Une relation de confiance unie les deux hommes.
GANIVET LE BIEN COMPTANT
Le 26 mars 1812 le sous inspecteur aux revues Peliter écrit à Ganivet, commandant de la compagnie de réserve de l’Ain, qu’il ne viendra pas à Bourg pour clore la comptabilité de 1811. Il ne veut, en effet, pas gêner le travail de la compagnie, qu’il doit savoir surchargée. Il demande au quartier maître de la compagnie de venir à Dijon avec les registres. Le 22 avril, Ganivet apprend par le préfet, que c’est la revue du colonel de la 21e légion de Gendarmerie, qui aura lieu le 25, qui clora la comptabilité. Alors que le colonel Grézard est attendu à Bourg le 24 pour faire la revue le lendemain, ce dernier, à peine arrivé à Bourg passe le jour même la compagnie en revue, à la plus grande surprise du préfet et de Ganivet. Grézard inspecte le casernement, passe en revue les uniformes et s’inquiète des aptitudes militaires des fusiliers. S’il trouve un bon ordre dans les finances, il regrette le manque d’instruction des fusiliers. Ganivet lui explique alors qu’étant donné le petit nombre d’hommes et le service dont elle est chargée, il n’a guère de possibilité d’instruire sa compagnie. Au cours de l’inspection, Grézard constate que l’habillement est en très mauvais état. En effet, après la période de luxe de Pélissier, Ganivet a-t-il voulu réduire les dépenses afin de ne pas trop attirer l’attention sur lui ? De retour à Dijon il adresse un compte rendu au duc de Feltre, ministre de la Guerre. Ce dernier, dans une lettre adressée au préfet, le 15 juillet, fait part de la situation satisfaisante dans laquelle se trouve la compagnie de réserve du département. Il encourage Ganivet à instruire ses hommes et à confectionner les prochains uniformes dans un drap de première qualité. Le ministre “ satisfait de la situation ” [18]Lettre du ministre de la Guerre au préfet de l’Ain, 25 juillet 1812. A.D. Ain 4R1. , demande au préfet d’en témoigner à Ganivet. 5 fusiliers sont congédiés de la compagnie et renvoyés dans leurs foyers [19]Il s’agit des gardes Gambien, Laurent, Brunet, Larue et Pigeon .
Lors du enouvellement du marché de fourniture du pain pour 1812, Ganivet renouvelle le précédent contrat de fourniture de pain, le 29 juin, au même tarif. Hors entre temps, les marchés passés doivent être soumis à l’approbation du ministre. Informé du renouvellement du marché du pain selon le tarif prohibitif de 1807, le préfet fait savoir, le 22 juillet, sa crainte que le ministre refuse d’approuver le marché de pain de la compagnie de l’Ain, trouvant que le commandant aurait pu obtenir des rabais. Afin de ne pas rendre caduque les accords passés entre le commandant de la compagnie et le boulanger, le préfet de l’Ain, en refusant de soumettre le marché à l’approbation du ministre, couvre les dépenses excessives de la compagnie
La comptabilité économe de Ganivet porte ses fruits, et le 11 septembre 1812, sur les 1739 livres 06 prélevées sur les revenus de la ville de Bourg pour les dépenses de la compagnie de réserve, seules 1519 livres 61 ont été utilisé.
CONCLUSION
La compagnie de réserve de l’Ain, composé d’hommes soldés à la manière des troupes de ligne, mais sous la juridiction de la Gendarmerie, préfigure en quelque sorte la Garde Républicaine ou les compagnies de circulation de la Police des grandes villes de France. Comme elles, la compagnie de réserve était chargée de rendre les honneurs aux personnalités, de surveiller les édifices publics et de prêter main forte aux forces de l’ordre. Page d’histoire militaire départementale, l’étude des compagnies de réserve permet de plonger au cœur de l’histoire militaire du 1er Empire sans pour cela se rendre dans les gros dépôts d’archives parisiens. Locale, l’étude des compagnies départementales permet aux lecteurs de se plonger dans l’histoire quotidienne d’une région et de rattacher cette dernière aux grands évènements de l’histoire.
References[+]
↑1 | Benoît Blochet, né le 22 novembre 1792. Il entre dans la compagnie de réserve de l’Ain le 7 mars 1813 jusqu’au 25 juillet 1813 où il entre au 96e régiment d’infanterie de ligne. Il fait la campagne de saxe de 1813 et de France de 1814. Rappelé en 1815, il combat à en Belgique. Forgeron demeurant 7 rue de l’Osserie à Lyon en 1857, il reçoit la médaille de Ste Hélène. |
---|---|
↑2 | Pierre Louis Grosset, né le 16 août 1793. Il sert dans la compagnie de réserve de l’Ain du 27 août 1813 au 29 septembre 1815. Il fait la campagne de France en 1814. Cordonnier 18 rue de Tolozan en 1857, il reçoit la médaille de Ste Hélène. |
↑3 | Lettre de Divoley au préfet de l’Ain, A.D. Ain 3R. |
↑4 | Si théoriquement ils comportent le nom du département et le numéro de la légion de la gendarmerie, il arrive que par soucis de simplicité, ils soient remplacés par des boutons à l’aigle en laiton. |
↑5 | “ Les nommés. . .avaient été tous trois admis dans la compagnie en considération de leur position, mariés et pères de familles ”. Lettre du préfet de l’Ain à Lacué, 7 Avril 1807. A.D.Aun 4R1. |
↑6 | Ainsi, le préfet reçoit une demande de remplacement d’un garde marié par un soldat congédié du 22e Régiment d’Infanterie de Ligne. |
↑7 | Joseph Clayet demeurant à Izieu, Jean-Baptiste Demur de Bons et Anthelme Fleury d’Arbignieux. |
↑8, ↑9 | Lettre du préfet de l’Ain à Lacué, 7 Avril 1807. A.D.Aun 4R1. |
↑10 |
Lettre du préfet de l’Ain au Ministre de la Guerre, 2 septembre 1807. |
↑11 | Lettre du préfet de l’Ain au Ministre de la Guerre, 2 septembre 1807. |
↑12, ↑13 | Lettre du préfet de l’Ain au lieutenant Pélissié, 17 mars 1808. A.D. Ain 4R1. |
↑14 | Les hommes requis pour accompagner les conscrits et les réfractaires doivent être prêt entre 6 et 7 heures du matin. |
↑15 | Il est à noter que malgré l’exemplarité qui doit être sienne, la Gendarmerie départementale fait aussi parfois des dérogations à cet esprit, notament quand les gendarmes Duchesne et Gandemaire de Bourg sont arrêtés, en l’an 13, pour tapage nocturne avec des Chasseurs de la Garde. |
↑16, ↑17 | Lettre de Souilhé à Pélissier, 13 août 1808, A.D. Ain 4R1. |
↑18 | Lettre du ministre de la Guerre au préfet de l’Ain, 25 juillet 1812. A.D. Ain 4R1. |
↑19 | Il s’agit des gardes Gambien, Laurent, Brunet, Larue et Pigeon |