Correspondance de Napoléon – Septembre 1800
Paris, 10 septembre 1800
Au citoyen Lucien Bonaparte, ministre de l’intérieur
Je vous prie, Citoyen Ministre, de me remettre la liste de dix meilleurs peintres, de nos dix meilleurs sculpteurs, de nos meilleurs compositeurs de musique, de nos dix meilleurs artistes musiciens, autres que ceux qui jouent sur nos théâtres, de nos meilleurs architectes, ainsi que les noms des artistes dans d’autres genres dont les talents méritent de fixer l’attention publique.
Paris, 10 septembre 1800
Au citoyen Lucien Bonaparte
Le pain a augmenté dans Paris, Citoyen Ministre, et la farine renchéri. L’on se plaint, sur les différentes frontières, de l’exportation des blés. Je vous prie de fixer votre attention sur cet intéressant objet et d’en faire un rapport an Gouvernement. Je vous prie également de lui remettre un tableau de la récolte dans toute la République, département par département.
Paris, 10 septembre 1800
ARRÊTÉ
ARTICLE ler. – Le général Houchard, étant en activité au moment où il a été traduit au tribunal révolutionnaire, est considéré comme mort en activité de service.
ART. 2. – Les dispositions de la loi da 14 fructidor an VI sont applicables à sa veuve.
ART. 3. – Le ministre de la guerre est chargé de l’exécution du présent arrêté, qui ne sera pas imprimé.
Paris, 10 septembre 1800
ARRÊTÉ
ARTICLE 1er. Une escadre de sept vaisseaux de guerre, deux frégates et un brick, approvisionnés pour six mois et demi de vivres et portant 3,000 hommes de débarquement, 6,000 fusils, 1,000 paires de pistolets, 1,000 sabres, 12 pièces de canon de campagne, avec 1,000 coups à tirer par pièce, mettra à la voile da port de Brest, au plus tard dans la seconde décade de vendémiaire, si le temps et les circonstances le permettent.
ART. 2. – Le contre-amiral Ganteaume commandera l’expédition. Le général de division Sahuguet commandera les troupes de débarquement.
ART. 3. -Les 3,000 hommes de débarquement seront composés:
1° De la légion expéditionnaire, forte de 2,300 hommes;
2° De 240 hommes du 19e de chasseurs, qui s’embarqueront avec leurs selles et sans chevaux;
3° De 260 bommes de l’artillerie de terre;
4° De 100 hommes, ouvriers en bois et en fer, pris parmi les ouvriers de l’arsenal de Brest. Le complément jusqu’à 3,000 hommes sera fourni par le général Bernadotte.
ART. 4. -Le citoyen Lescalier, conseiller d’état, s’embarquera sur l’escadre. Le ministre de la marine et des colonies présentera l’état des individus gradés qu’il croira les plus propres à être envoyés à Saint-Domingue.
ART. 5. Lorsque les préparatifs de l’expédition seront tels que l’on pourra, dans les ports, en soupçonner le but, l’embargo sera mis, dans les principaux ports de l’Océan, sur les bâtiments destinés pour les colonies occidentales, afin qu’on n’en puisse pas envoyer la nouvelle à Saint-Domingue.
ART. 6. – Le ministre de la marine et des colonies rédigera les instructions nécessaires pour le contre-amiral Ganteaume, le conseiller d’état Lescalier et le général Sahuguet.
ART. 7. – Le ministre de la marine et des colonies et le ministre de la guerre sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté.
Paris, 13 septembre 1800
Au citoyen Lucien Bonaparte, ministre de l’Intérieur
Les Consuls me chargent, Citoyen Ministre, de vous transmettre la note ci-jointe, remise au Premier Consul par une commission de l’Institut. Ils vous invitent à donner à l’imprimerie de la République l’ordre de s’occuper, sans délai, de l’impression du XIVe volume de la collection des Historiens de France. Cet ouvrage est attendu avec une réelle impatience par les citoyens qui se livrent à l’étude de l’histoire et par ceux qui désireraient qu’au milieu des triomphes la République les heures ajoutassent encore à sa gloire.
Paris, 13 septembre 1800
Au citoyen Carnot, ministre de la guerre
Écrivez par le télégraphe à Strasbourg qu’on envoie un courrier au général Moreau, pour lui porter la dépêche ci-après :
Le courrier qu’on attendait de Vienne est de retour; il ne porte aucune réponse positive. Cela prouve que la cour de Vienne gagner l’hiver. Faites connaître au général autrichien que vous êtes obligé de recommencer les hostilités, parce que Sa Majesté Impériale a refusé de ratifier les préliminaires de paix signés à Paris par M. le comte de Saint-Julien; que, si cependant il consent à nous rendre sans délai les places d’Ingolstadt, Ulm et Philippsburg, vous accorderez une prolongation de suspension d’armes d’un mois. La saison est courte, les moments sont précieux.
Répondez à M. de Lehrbach qu’un courrier de Paris lui portera incessamment les passe-ports dont il parait avoir besoin; qu’en attendant il est maître, s’il le juge à propos, de rester où il se trouve ou de se rendre à Munich.
Le principe da Gouvernement, puisqu’on veut le tromper, est: négocier et se battre.
Paris, 14 septembre 1800
Au général Bernadotte, commandant en chef l’armée de l’ouest
Le Premier Consul me charge de vous adresser, Citoyen Général, plusieurs exemplaires du journal officiel dans lequel ont été publiés les articles préliminaires de paix convenus et signés à Paris entre le Gouvernement et M. le comte de Saint-Julien, envoyé de l’Empereur; vous les trouverez ci-joints. Son intention est que l’armée entière connaisse ces articles, afin qu’elle y voie une nouvelle preuve de la généreuse modération du Gouvernement de la République française, comme de l’orgueilleuse obstination de ses ennemis, et que son indignation ajoute une nouvelle énergie à tous les moyens que lui donnent ses victoires, sa position et son courage, pour faire retomber tous les maux de la guerre sur ceux qui refusent la paix.
Paris, 15 septembre 1800
Au citoyen Carnot, ministre de la guerre
J’ai l’honneur, Citoyen Ministre, de vous transmettre, de la part du Premier Consul, une pétition de l’épouse da citoyen Protain, architecte, assassiné au Caire en défendant le général Kleber. Le Premier Consul vous invite à faire payer à cette citoyenne, sur le million assigné à l’armée d’Égypte, le secours de 300 francs par mois qu’elle sollicite. (Jean Constant Protain, 1769-1837. En fait, il ne fut que blessé, le 14 juin 1800. Il a donné ses dessins pour la Description de l’Égypte)
Paris, 15 septembre 1800
Au citoyen Talleyrand, ministre des Relations extérieures
Je vous prie, Citoyen Ministre, d’écrire au citoyen Semonville que j’ai été très fâché d’apprendre que les 7e et 22e régiments de chasseurs manquaient des objets les plus indispensables; qu’il fasse auprès du Gouvernement batave toutes les démarches nécessaires pour que ces deux régiments soient, dans le plus court délai, mis en état d’autres campagnes.
Lettres à Talleyrand
Paris, 21 septembre 1800
Au citoyen Carnot.
Je vous prie, Citoyen Ministre, d’expédier un courrier extraordinaire aux généraux Brune et Macdonald.
Vous ferez connaître an général Macdonald qu’il faut qu’il franchisse tous les obstacles pour être arrivé le 10 vendémiaire à Botzen et faire aussitôt des détachements sur Trente;
Au général Brune, qu’il faut qu’il concentre toutes ses forces sur la rive gauche du Pô. Un très-petit nombre d’Italiens et de Français est suffisant sur la rive droite. C’est dans le carré compris entre le lac de Garda et Borghetto et la Chiese que doit se donner la première action qui décidera de la campagne, si l’ennemi veut prendre l’offensive. I1 faut donc qu’il réunisse les cinq sixièmes de son armée le long de la Chiese, occupant Donato, Castiglione et Montechiaro.
Dans cette situation, le 10 vendémiaire, le mouvement du général Macdonald commencera à inquiéter l’ennemi, et alors il faudra présenter pour passer le Mincio entre Peschiera et Borghetto. Le Mincio est si étroit, que deux ponts seront bientôt construits.
I1 doit laisser très-peu de monde dans la Valteline, et laisser corps d’observation assez fort à Rocca-d’Anfo et à Lodrone; ce qui inquiétera l’ennemi pour Riva et Trente.
Donnez l’ordre aux grenadiers et aux bataillons de la 104e, sont à Lyon, de se rendre à marches forcées à Coire, pour y prendre les ordres du général Macdonald.
Recommandez au courrier que vous détacherez au général Brune de faire grande diligence, car, d’après les renseignements que j’ai reçus, je crains qu’il n’y ait déjà de mauvaises dispositions de faites.
Recommandez aux généraux de vous tenir un peu plus au fait de leurs plans et dispositions.
Paris, 23 septembre 1800
Aux fonctionnaires publics, envoyés des départements
Les préliminaires de paix ont été signés à Paris le 9 thermidor entre le citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures, et le comte de Saint-Julien, et ratifiés vingt-quatre heures après par les Consuls.
Le citoyen Duroc a été chargé de les porter à Vienne. Les intrigues de la faction ennemie de la paix, qui paraît encore y jouir de quelque crédit, ont porté l’Empereur à refuser de les ratifier. Ce refus était motivé sur une note du roi d’Angleterre, qui demandait qu’on admît ses envoyés au congrès de Lunéville, conjointement avec les plénipotentiaires de l’Empereur.
Dés lors le Gouvernement s’est trouvé obligé de rompre l’armistice pour ne pas perdre le reste de l’automne en vains pourparlers.
Le général Moreau a eu ordre de communiquer au général ennemi les préliminaires tels qu’ils ont été imprimés dans le journal officiel et de lui faire connaître que s’ils n’étaient pas ratifiés dans les vingt-quatre heures, ou que si S. M. l’Empereur avait encore besoin d’explications ultérieures, elle devait remettre à l’armée française les trois places d’Ulm, d’Ingolstadt et de Philippsburg, sinon que les hostilités recommenceraient.
Le Gouvernement a aussi fait connaître au roi d’Angleterre qu’il ne verrait aucun inconvénient à admettre ses envoyés au congrès de Lunéville, s’il consentait à une trêve maritime qui offrit à la France le même avantage qu’offre à l’Empereur la continuation de la trêve continentale.
Le Gouvernement réunit à l’instant même, par le télégraphe, la nouvelle que ” S. M. l’Empereur s’est porté lui-même à son armée » sur l’Inn, a consenti à livrer les trois places d’Ulm, d’Ingolstadt et de Philippsburg, qui sont aujourd’hui occupées par les troupes de la République; et que M. de Lehrbach, muni des pouvoirs nécessaires de S. M. l’Empereur, est au quartier général d’Alt-OElting, avec l’ordre de se rendre à Lunéville. ”
Les difficultés qu’ont dû présenter naturellement les conditions d’une trêve maritime entraîneront encore quelques retards; mais si les deux Gouvernements ne s’accordent pas sur les conditions de ladite trêve, alors la France et S. M. l’Empereur traiteront séparément, pour une paix particulière, sur les bases des préliminaires, et si, ce que l’on ne saurait penser, le parti de l’Angleterre parvient à influencer encore les ministres de Vienne, les troupes de la République ne redouteront ni les neiges, ni la rigueur des saisons, et pousseront la guerre, pendant l’hiver, à toute outrance, sans laisser le temps aux ennemis de former de nouvelles armées.
Ainsi les principes du Gouvernement sont: extrême modération dans les conditions, mais ferme résolution de pacifier promptement le continent.
Les mesures les plus vigoureuses sont prises pour seconder, dans cet objet essentiel, la volonté du peuple français.
Tel est tout le secret de la politique de son Gouvernement.