Correspondance de Napoléon – Juillet 1806

Saint-Cloud, 21 juillet 1806, 9 heures du matin

Au roi de Naples

Mon Frère, je reçois votre lettre des 11 et 12 juillet. Vous n’aviez pas encore de nouvelles du général Reynier, et vous n’aviez fait aucun mouvement de Naples. L’art de la guerre, dont tout le monde parle, est un art difficile; vous n’avez pas un homme dans tout votre conseil qui en ait les premières notions.

J’ai conclu ma paix avec la Russie; le traité a été signé le 20 juillet. La Russie ne se mêle point des affaires de l’ancien roi de Naples. Il a été statué qu’elle vous reconnaîtrait sans difficulté, lorsque les événements de la guerre seraient finis, et qu’en attendant son commerce serait accueilli et protégé dans les ports de Naples comme le vôtre le serait dans les ports de Russie; que les Russes resteraient à Corfou, et que les communications seraient libres de part et d’autre.

On négocie toujours avec les Anglais. La Sicile est toujours la pierre d’achoppement. Cependant ils paraissent céder un peu. Mais, par Dieu, avec 36,000 hommes ne laissez pas écraser une de vos divisions ! Puisque vous n’avez pas de nouvelles de Reynier, c’est que sa communication est coupée et que le pays est insurgé.

Je regrette cette grande quantité d’affaires qui me retiennent à Paris. Si j’avais été à Naples, pas un Anglais ne serait débarqué, ou, s’ils avaient débarqué, ils auraient été enveloppés, avant quatre jours, par des forces doubles, et poursuivis par des colonnes de cavalerie; pas un n’aurait échappé. Mais qu’y faire ? Ce résultat aurait été obtenu par des mouvements de brigades en échelons.

Je donne ordre qu’on vous envoie 5.00,000 francs et cent milliers de poudre; mais songez qu’il est bien difficile de vous envoyer cinq ou six millions tournois. Il y a bien des moyens à Naples, mais il faut savoir les en tirer par une administration ferme et vigoureuse.

 

Saint-Cloud, 21 juillet 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j’ai conclu la paix avec la Russie. Cattaro me reste. La cause de l’ancien roi de Naples est abandonnée. La Russie garde Corfou. Ces notions sont pour vous seul; vous pouvez cependant laisser entrevoir que la paix avec la Russie est faite.

Vous avez dû recevoir beaucoup de lettres du ministre des relations extérieures. J’attends, pour vous écrire en détail, de connaître les mouvements de troupes que vous avez faits. Je serais fâché que vous eussiez donné des ordres à des troupes de l’intérieur, mon intention étant que vous en donniez seulement à celles qui sont au delà du Rhin. Instruisez-moi des mouvements que vous avez ordonnés.

 

Saint-Cloud, 21 juillet 1806, 11 heures du matin.

Au prince Eugène

Mon Fils, vous trouverez ci-joint trois lettres que vous expédierez, l’une de Venise, sur un bâtiment parlementaire, par un de vos officiers, avec une petite lettre pour l’amiral russe; la seconde, par un courrier et par terre; vous enverrez la troisième, par un courrier à Ancône, où elle sera également expédiée sur un bâtiment. Comme les lettres sont sous cachets volants, vous y verrez les articles du traité qui vous concernent. Vous donnerez l’ordre au général Marmont de faire occuper les bouches de Cattaro en force; on doit d’ailleurs garder Raguse jusqu’à nouvel ordre. Vous pouvez hasarder d’expédier un brick chargé de poudre, de canons, de biscuit et de vivres, pour que ce brick puisse sur-le-champ entrer à Raguse, et de là à Cattaro, dès l’instant que mes troupes y seront.

Vous donnerez au général Lauriston l’ordre d’occuper les bouches de Cattaro et de rester là. Je n’ai pas besoin de vous réitérer d’envoyer à Cattaro toutes sortes de munitions et une grande quantité de blé. Donnez ordre qu’on arme les forts, qu’on lève la carte du pays, et que les forteresses soient en état de soutenir un siège, s’il le fallait.

Faites tracer par le général Poitevin un fort à la position de Stagno, de manière à avoir vue sur les deux mers et à pouvoir constamment protéger le passage.

Vous ferez remarquer au général Lauriston qu’il est dit dans le traité que je reconnais l’indépendance de Raguse; ce qui ne dit pas que je dois l’évacuer, quoique, quand les Monténégrins seront rentrés chez eux et que tout sera rétabli dans l’ordre, je réorganiserai ce pays et l’abandonnerai même, s’il le faut , en conservant la position de Stagno.

Rendez-moi compte en détail de toutes les expéditions de blé, poudre et approvisionnements de toute espèce que vous envoyez à Cattaro.

Vous ferez prendre copie des articles sur les lettres de M. d’Oubril, si que ce sont les mêmes, hormis que vous aurez soin de mettre mon nom avant celui de l’empereur de Russie, et la France partout avant la Russie.

Ne perdez point de vue que sous très-peu de temps les Anglais viendront bloquer Cattaro, et qu’il est important de profiter de ce premier moment pour y expédier 12 ou 15,000 quintaux de grains, une vingtaine de pièces de canon de 18, 24 et 36 approvisionnées, et des mortiers, afin que tout cela se rende promptement à Raguse et se trouve tout porté à Cattaro. Envoyez votre aide-de-camp, officier du génie, visiter les bouches de Cattaro. Il vous en rapportera des plans, profils et tous les renseignements qu’il prendra sur les forteresses et la défense du pays.

Faites connaître au général Marmont que, si les Monténégrins se tiennent sages, je ne veux qu’occuper le pays; mais que, le moindrement qu’ils se comporteront mal, je veux leur donner une bonne leçon.

Ne faites pas partir mes frégates, parce que je ne veux point les exposer; faites partir des bricks, et que, quatre jours après la réception de la présente lettre, toutes vos expéditions soient parties pour Raguse. Si le blé est à meilleur marché à Ancône, faites-y acheter dix mille quintaux de blé que vous ferez partir de là pour Cattaro, sous pavillon francais, mais en donnant pour instructions aux bâtiments de bien éviter les croisières anglaises. Il est très-probable que l’on ne sera pas maître de l’Adriatique plus de quinze jours.

Stagno me paraît le point dominant où il est important que j’établisse des fortifications; il faut qu’elles coupent la presqu’île de Sabioncello, de manière que, moyennant les fortifications établies à l’isthme, cette presqu’île soit tout entière à moi; car, si les ennemis s’emparaient de cette presqu’île, toutes mes communications seraient coupées avec les bouches de Cattaro.

Vous m’enverrez le rapport de l’officier du génie; il pourrait aller par mer. Il rapportera le plan de Raguse, que Lauriston aura eu temps de faire faire ou de recueillir pendant le temps qu’il y aura été.

 

Saint-Cloud, 21 juillet 1806

Au maréchal Brune, commandant en chef le 1er corps de réserve, au camp de Boulogne

J’ai reçu votre lettre du 19 juillet. Je vois avec peine que le secrétaire interprète russe soit débarqué à Calais sans mes ordres. Prendre des mesures pour que cela n’arrive plus. Mon intention est de ne laisser passer que les courriers anglais dirigés à lord Yarmouth et envoyés par lui; mais le passe-port de M. de Starhemberg devait d’autant moins servir à violer la consigne, que cet ambassadeur lui-même se serait présenté qu’il n’eût pas dû être reçu. Prenez des mesures avec le contre-amiral Lacrosse pour que ce principe soit rétabli dans toute sa sévérité.

 

Saint-Cloud, 21 juillet 1806

Au prince Joachim

J’ai donné ordre au ministre de la guerre de vous donner deux mille fusils de modèle autrichien. L’artillerie de la place de Wesel restant à la France, on vous donnera toute l’artillerie dont vous avez besoin. Je donne ordre qu’on vous envoie douze pièces d’artillerie de campagne.

Aussitôt que je pourrai faire revenir les Polonais, je vous les enverrai. Je ne puis vous donner le général Broussier; il est employé dans le Frioul qu’il connaît. Le major Gheiter, les capitaines Gentili et Nlouff, que vous demandez, seront mis à votre disposition.

Vous pouvez proposer quelques jeunes gens qui aient les qualités nécessaires; on les admettra à Fontainebleau. Si le maréchal Soult consent au changement de sénatorerie, je n’y vois pas d’inconvénient. L’orangerie de Bonn pourra vous être accordée; mais cela dépendra de quelques arrangements à faire.

 

Saint-Cloud, 21 juillet 1806

Au roi de Hollande

Vous m’écrivez tous les jours pour me chanter misère. Je ne suis pas chargé de payer les dettes de la Hollande; j’en serais chargé que je n’en ai pas les moyens. Voyez votre conseil et arrangez vos affaires avec lui. Si la Hollande renonce à ses colonies, elle peut licencier l’escadre du Texel, désarmer tous les vaisseaux et la flottille; mais tout cela n’a pas de sens. La Hollande est obérée sans doute, mais elle a des ressources. Quelques années de paix vous rétabliront sans doute; mais il faut, en attendant, soutenir ce qui existe. Je me garderai bien d’envoyer à Curaçao le bataillon qui est à Boulogne et de laisser désorganiser votre flottille.

 

Saint-Cloud, 21 juillet 1806

Au roi de Hollande

Je suis mécontent de ce que vous avez fait pour Flessingue. J’ai donné ordre que le lieutenant général Van Guerick n’y fût pas reçu, parce que cette place appartient à la France et à la Hollande, et que vous n’y devez rien faire sans ma participation. Je ne suis pas non plus satisfait que vous veuillez en ôter le général Monnet, qui doit rester à Flessingue, et auquel vous ne devez donner aucun ordre contraire au bien du service. Située à l’embouchure de l’Escaut, indivise par les traités, Flessingue est moitié française et moitié hollandaise.

Vous désorganisez aussi, me dit-on, votre escadre du Texel. Si cela est, je ferai ma paix sans vous faire restituer aucune colonie.

On dit aussi que vous voulez m’envoyer, pour résider près de moi, le général Dumonceau. Il serait étonnant que vous le fissiez sans me consulter. Je ne veux point de généraux hollandais pour ambassadeurs à Paris.

Il ne doit être rien innové à la flottille batave.

 

Saint-Cloud, 21 juillet 1806, 10 heures du soir

Au roi de Naples

Vous pouvez publier la paix avec la Russie, sans en montrer cependant trop de joie, ce qui blesserait le sentiment de notre puissance. Un courrier qui vient de Londres, me fait penser que cette décision de la Russie a fort étonné les Anglais, et qu’ils ne sont loin éloignés de lâcher la Sicile, qui est jusqu’ici le point d’achoppement. Si ces premières données se confirment, vous aurez le plus beau royaume du monde, et j’espère que, par la vigueur que vous mettrez à avoir un bon corps d’armée et une escadre, vous m’aiderez puissamment à être maître de la Méditerranée, but principal et constant de ma politique. Mais il faut pour cela que les peuples payent beaucoup. Naples et la Sicile doivent vous rendre cent millions. Le royaume d’Italie et la France rendent proportionnellement davantage.

Vous devez avoir six vaisseaux, neuf frégates et des bricks, entretenir un corps de 40,000 hommes, soit français, soit de troupes de votre armée. Gardez cependant ces notions secrètes, car il serait possible que cela manquât, et je préfèrerais soutenir dix ans de guerre que de laisser votre royaume incomplet et la possession de la Sicile en contestation.

 

Saint-Cloud, 22 juillet 1806

A M. Champagny

Monsieur Champagny, ayant ordonné, par notre décret du 30 mai dernier, de réunir les plus considérables d’entre les Juifs en assemblée, dans notre honnête ville de Paris, nous avons nommé, par notre décret de ce jour, MM. Molé, Portalis et Pasquier, maîtres des requêtes en notre Conseil d’État, pour nos commissaires près ladite assemblée. Nous désirons que les membres de cette assemblée se réunissent le 26 du présent mois, et ensuite à leur volonté, et qu’ils nomment un président, deux secrétaires et trois scrutateurs pris parmi eux. L’assemblée étant organisée, nos commissaires soumettront à sa discussion les questions que nous joignons à cette lettre. Elle nommera une commission pour préparer le travail et diriger la discussion sur chacune de ces questions. Les Juifs de notre royaume d’Italie ayant demandé la faveur d’être admis dans cette assemblée, nous la leur avons accordée et nous voulons qu’ils y aient entrée à mesure qu’ils arriveront à Paris. Notre but est de concilier la croyance des Juifs avec les devoirs des Français, et de les rendre citoyens utiles, étant résolu de porter remède au mal auquel beaucoup d’entre eux se livrent au détriment de nos sujets.

ANNEXE

QUESTIONS A FAIRE A L’ASSEMBLÉE DES JUIFS

1° Est-il licite aux Juifs d’épouser plusieurs femmes ?

2° Le divorce est-il permis par la religion juive ?

Le divorce est-il valable sans qu’il soit prononcé par les tribunaux et en vertu de lois contradictoires à celles du code français ?

3° Une Juive peut-elle se marier avec un Chrétien, et une Chrétienne avec un Juif ? ou la loi veut-elle que les Juifs ne se marient qu’entre eux ?

4° Aux yeux des Juifs, les Français sont-ils leurs frères, ou sont- ils des étrangers ?

5° Dans l’un et l’autre cas, quels sont les rapports que leur loi leur prescrit avec les Français qui ne sont pas de leur religion ?

6° Les Juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie ? Ont-ils l’obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d’obéir aux lois et de suivre toutes les dispositions du Code civil ?

7° Qui nomme les rabbins ?

8° Quelle juridiction de police exercent les rabbins parmi les Juifs ? Quelle police judiciaire exercent-ils parmi eux ?

9° Ces formes d’élection, cette juridiction de police et judiciaire sont-elles voulues par leurs lois , ou seulement consacrées par l’usage ?

10° Est-il des professions que la loi des Juifs leur défende ?

11° La loi des Juifs leur défend-elle de faire l’usure à leurs frères ?

12° Leur défend-elle ou leur permet-elle de faire l’usure aux étrangers ?

 

Saint-Cloud, 22 juillet 1806

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, la paix a été signée entre la France et la Russie le 20 de ce mois. Il est dit, par un article du traité, que les hostilités cesseront à l’heure même de la signature, et que les prises qui, à partir de ce moment, pourraient être faites, seront rendues. Mon intention est que vous fassiez publier dans tous nos ports que les vaisseaux russes doivent y être considérés comme amis, et que tous les commandants de nos ports, de nos escadres et de nos bâtiments doivent les traiter comme tels.

 

Saint-Cloud, 23 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, il n’y a pas d’inconvénient d’expédier les 300 bons formant trente millions à Marescalchi. Vous pouvez vous servir du retour d’un de mes courriers ou même de l’estafette.

J’ai donné ordre qu’on envoyât à Naples toute la poudre qui est à Parme et à Plaisance; faites partir de Ferrare et de Rimini tout ce que vous avez; si vous n’y voyez pas d’inconvénient, faites-en partir de Venise sur un bâtiment qui ira à Ancône, et, si la navigation n’est pas gênée, on pourra l’envoyer d’Ancône jusqu’à Pescara; en tout, envoyez cent milliers de poudre; autorisez Lemarois à envoyer tout ce qu’il a à Ancône. Je vous ai déjà écrit de faire partir des dépôts de l’armée de Naples tout ce qui appartient à la masse de linge et chaussure. Envoyez également aux corps l’habillement qui serait inutile aux dépôts actuels. Donnez ordre que tout ce qui appartient au 1er régiment suisse et à la légion corse se dirige sur Ancône, et de là sur Naples.

 

Saint-Cloud, 23 juillet 1806

DÉCISION

Le ministre de la marine propose de différer jusqu’au mois de mars 1807 la mise à l’eau de Caroline. Elle doit être lancée le 10 août, mâtée le 10 septembre, et envoyée à Flessingue le 1er octobre.

 

Saint-Cloud, 24 juillet 1806

A M. Gaudin

Je vous envoie le compte du ministre des finances de mon royaume d’Italie. Je vous invite à le faire traduire et à le méditer. Il n’est pas indifférent que vous soyez bien au fait de mes finances dans ce royaume : d’abord la France italienne a les mêmes mœurs, et cet ouvrage peut vous suggérer des vues d’améliorations pour mes finances dans ce pays; en outre, parce qu’il est utile que vous jetiez un coup d’œil sur les finances de ce pays. Je désire que ce compte soit traduit dans vos bureaux, et dans les termes qui me sont familiers. Vous me remettrez ce travail dans les dix jours, ainsi que toutes les observations qu’il vous suggérera.

Je remarque que mon revenu en 1807 sera de cent quarante-deux millions. Ainsi mes départements-au delà des Alpes, qui peuvent être considérés, en population et en richesse comme la moitié de mon royaume d’Italie, devraient me rendre soixante et onze millions de Milan. Il me semble que la poste et la loterie rendent peu de chose et devraient rendre davantage; que, l’imposition foncière étant de soixante-deux millions en Italie, elle devrait être de trente et un millions de Milan pour le Piémont; elle n’est, je crois, que de seize millions de francs.

Vous verrez que les douanes n’ont rendu en 1805 que huit millions. Quelle différence avec ce que le Piémont m’a rendu cette année ! Que le sel en 1805, rien que dans l’ancien royaume d’Italie, et non compris Venise, a rendu 14,700,000 francs.

Il serait aussi convenable d’adopter pour le Piémont de ces sels de Cervia qui paraissent meilleur marché.

 

Saint-Cloud, 24 juillet 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, j’ai reçu votre lettre du 14 à onze heures du soir. Vous pouvez employer le général Saint-Cyr comme il vous plaira, ou le renvoyer, à votre volonté. Il faudrait que l’ennemi fût bien fou pour faire des tentatives sur Naples. Comment, avec 36,000 hommes, vous vous êtes réduit à la défensive devant 8,000 Anglais, et vous leur abandonnez les deux tiers de votre royaume ! Il n’y a pas dans votre conseil deux idées militaires. Ce serait vous affliger inutilement que de vous dire tout ce que je pense. J’espère qu’à l’heure qu’il est vous avez Gaète.

Vous ne m’annoncez pas que vous faites des mouvements sur la Calabre pour dégager les généraux Verdier et Reynier; mais je me fie, pour le salut de ces deux généraux, sur la lenteur et la malhabileté (sic)des Anglais sur terre.

 

Saint-Cloud, 24 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je ne comprends pas pourquoi Dandolo dépense tant d’argent; il faut qu’il économise. Faites régler ses dépenses par le Conseil d’État; il ne doit pas être payé plus qu’un préfet de Bologne.

Faites pour Bodoni tout qui conviendra. Quant à le faire chevalier de la Couronne de fer, c’est une autre chose.

 

Saint-Cloud, 24 juillet 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, M. de la Rochefoucauld donne des passe-ports à tout le monde, entre autres à des officiers autrichiens, pour venir demander du service en France: Enjoignez-lui d’être plus circonspect, et de ne point donner de passe-ports à des personnes qui ne viennent point pour des raisons déterminées, avant de connaître mes intentions.

 

Saint-Cloud, 24 juillet 1806

Au prince Électoral de Bade

J’ai reçu votre lettre du 17 juillet; j’apprends toujours avec un nouveau plaisir de vos nouvelles et de celles du vieil Électeur. Je vois avec plaisir que sa santé se rétablit. Aimez Stéphanie, et occupez-vous, pendant le temps que vous n’êtes encore chargé de rien, à apprendre ce qu’il faut pour gouverner avec gloire et mériter l’amour de vos sujets. Vous voyez par ces conseils toute la tendresse que je vous porte.

 

Saint-Cloud, 25 juillet 1806

A la princesse Stéphanie de Bade

Ma Fille, je vois avec plaisir que vous vous plaisez à Carlsruhe, et que tout le monde cherche à vous plaire. Aimez le vieil Électeur, parce qu’il est votre père, et parce qu’il est un des princes les plus respectables de son temps, dont l’amitié ne s’est jamais démentie pour moi. Soyez aimable pour ses enfants du second lit, parce que c’est une manière de lui être agréable. Soyez bien pour la comtesse. Je sais combien vous aimez votre mari; mettez tout votre esprit à lui plaire.

 

Saint-Cloud, 25 juillet 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, si vous n’avez point d’argent pour le million d’indemnités que je veux accorder aux cantons de la Bavière qui ont le plus souffert, vous pouvez tirer sur le trésor public pour cette somme.

Si le roi de Bavière n’a point donné l’Ordre du Lion au général Verdière, il fera bien de ne pas le lui donner. S’il ne déclare pas qu’il n’accordera de décorations qu’à ceux pour qui je les lui demanderai, ils l’ennuieront tous.

Je suis fort surpris que M. de la Rochefoucauld donne ainsi des passe-ports à des officiers autrichiens; témoignez-lui-en mon mécontentement.

 

Saint-Cloud, 25 juillet 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, j’approuve les forts A et B de Boulogne. Je n’adopte point l’ouvrage C pour le-moment, sans me refuser à le faire construire un jour. Je préfère, cette année, faire l’ouvrage 11 en fortification permanente, c’est-à-dire appuyer une ligne composée des ouvrages 15, 14 et 13 par un fort avec escarpe et contrescarpe, bien fermé à la gorge.

L’ennemi attaquera-t-il ce fort ? Il le trouvera appuyé de toute la force de la ligne et essuiera les feux de flanc du fort B, et cheminera dans un rentrant de 600 toises. Attaquera-t-il le fort B ? C’est ce que je désire; car, lorsqu’il l’aura pris, il n’aura rien, et les forts A et 11, éloignés l’un de l’autre de 6 à 700 toises, seront deux points forts qui protégeront toute ma ligne. S’il veut marcher le long de la mer, il faudra encore qu’il prenne l’ouvrage A, et c’est encore ce que je désire. S’il veut, au contraire, cheminer sur l’ouvrage 11, cet ouvrage opposera toute sa résistance. L’ouvrage A ne laissera pas de servir, soit pour favoriser les sorties, soit par quelques feux de flanc; mais enfin tout ce qu’on peut avec si peu de dépense, c’est d’obliger l’ennemi à perdre huit jours pour prendre l’ouvrage B et dix jours pour prendre l’ouvrage 11 : on compte dans ce temps les préparatifs. Au bout de ce temps, la France doit avoir offert des moyens de dégager Boulogne.

Dans la situation des ouvrages A, B, C, l’ouvrage C pris, tout est pris, parce que je n’évalue que pour peu de chose l’ouvrage 11 en terre, sans eau dans les fossés. Je préfère donc décidément travailler cette année à l’ouvrage 11. Si le génie peut trouver le moyen que, cet ouvrage 11 pris, il y ait encore derrière des retranchements en terre de la nature de l’ouvrage 12, qui se flanquent entre eux et qui offriront encore des moyens de retarder l’ennemi, je le trouve très-bien. L’ouvrage D a un but, soutenir le fort la Crèche. Les ouvrages E, F paraissent trop en avant. On désirerait que l’ouvrage E se trouvât tout au plus à 300 toises de l’ouvrage 3, ce qui lui permettrait de voir dans le ravin. Il serait alors à 500 toises de la haute ville et à 500 toises de l’ouvrage D, qui le protégerait. L’ouvrage F parait aussi fort éloigné; ne serait-il pas bien placé dans l’ouvrage 4, qui n’est guère qu’à 400 toises de la haute ville ? Il se trouverait à moins de 400 toises de l’ouvrage E dans sa nouvelle position; donc il serait encore protégé.

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Comme on a sans doute le projet d’occuper l’ouvrage 4, ce ne sera pas du travail perdu; rien n’empêchera qu’un jour on occupe le point F, si Boulogne prend plus d’importance.

 

Saint-Cloud, 26 juillet 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je ne vois pas d’inconvénient à construire, dans le fossé de la demi-lune 40 de la citadelle d’Anvers, un mur pour clore l’arsenal. En cas d’attaque, ce mur serait aisément démoli.

 

Saint-Cloud, 26 juillet 1806

A M. Portalis, ministre des cultes

Monsieur Portalis, mon intention est d’organiser sans délai les neuf séminaires métropolitains. A défaut de ceux-ci, chaque évêque en forme à sa guise, et le nombre en est d’ailleurs insuffisant. L’éducation des ecclésiastiques destinés à remplacer le grand nombre de vieillards actuellement consacrés au culte doit fixer toute ma sollicitude. Je désire que les séminaires métropolitains soient organisés en grand , de manière à former neuf grandes écoles de théologie qui, si elles ne rendent pas les séminaires diocésains inutiles, dominent au moins sur eux et influent sur l’instruction qui y sera donnée. Dans un rapport que vous me présenterez mercredi sur cet objet, vous me ferez connaître le nombre des prêtres nécessaires pour le culte, le nombre des remplacements probables pour chaque année, et celui des élèves qui recevront l’instruction dans les séminaires. Votre rapport sera rédigé de manière qu’il puisse être imprimé. Vous y exposerez l’importance d’avoir des prêtres instruits et attachés, les maux que produisent la mauvaise théologie et les controverses sur cette matière. Vous en induirez la nécessité d’une instruction saine et uniforme. Vous appuierez dans vos développements sur les principes de l’Église gallicane.

Mon intention étant aussi que le catéchisme paraisse sans délai, et qu’il soit distribué avant le 10 du mois d’août, je désire que vous m’en présentiez mercredi le premier exemplaire.

 

Saint-Cloud, 26 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, depuis plusieurs jours je ne reçois point de vos nouvelles. Le général Lemarois m’envoie une lettre du général Lauriston qui m’apprend qu’il n’est plus bloqué; qu’il a battu les Monténégrins et fait sa jonction avec le général Molitor; mais il ne me donne point les détails de ces affaires.

Je vous ai déjà fait connaître que le général Marmont commandait le général Lauriston et les bouches de Cattaro. Recommandez-lui bien d’étriller les Monténégrins s’il en trouve l’occasion, mais d’une manière sûre et dont ces brigands puissent se souvenir; il faut qu’il soit sévère envers les habitants des Bouches qui ont pris les armes contre nous, et qu’il les châtie d’importance.

Donnez ordre aux généraux Lemarois et Duhesme, par des courriers extraordinaires, d’être attentifs aux mouvements de Naples, où il paraît qu’une insurrection considérable a eu lieu dans la Calabre. Recommandez à Lemarois de bien centraliser ses troupes et de se mettre à même de se porter dans l’occasion à Pescara, au secours de cette place si elle était menacée. Il doit donner l’ordre au général Tisson de se tenir sur les confins du royaume de Naples, du côté de
Pescara, avec une bonne colonne de son monde.

Si la mer est libre de Venise à Ancône, faites-y passer de la poudre et des cartouches. Une soixantaine de milliers de poudre paraîtrait nécessaire. En général, tenez-vous alerte sur tous les mouvements de Naples. Organisez sur-le-champ huit pièces d’artillerie attelées et bien servies, et dirigez-les sur Rimini, pour pouvoir servir à une colonne de 4 ou 5,000 hommes des dépôts de l’armée de Naples, s’il devient nécessaire de les faire marcher sur Naples.

 

Saint-Cloud, 26 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous avez écrit au général Marmont que les troupes du général Lauriston ne sont pas sous ses ordres. Cela n’a pas de sens. J’ai fait de la Dalmatie et de l’Albanie une armée. Toutes les troupes qui sont en Dalmatie, à Raguse, aux bouches de Cattaro, sont sous les ordres du général en chef.

 

Saint-Cloud, 26 juillet 1806

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre du 17. Je vois que vous dirigez toutes vos opérations de guerre à contre-pied. Je ne puis concevoir qu’ayant autour de vous tant de personnes qui ont l’expérience de la guerre, il y en ait si peu qui puissent vous donner un bon conseil. Vous avez une armée telle que non-seulement vous pouvez faire le siége de Gaète et garder Naples, mais encore repousser tout débarquement et reconquérir la Calabre. Mais tout cela n’a point de mouvement ni de vie, point d’organisation ni de direction. Jusqu’à cette heure vous prenez le mauvais parti. Mais j’ai tort de vous affliger. Je vous avais prévenu de ne pas trop écouter Dumas , qui n’a aucune, habitude de la guerre. Il paraît que personne ne sait où sont vos troupe, qu’elles sont disséminées partout, et en force nulle part. Le général Reynier a mal fait ses dispositions de bataille et n’a pas su diriger 6,000 hommes contre l’ennemi. Mais depuis il a été abandonné d’une manière affligeante; qu’est-ce qu’il deviendra n’ayant pas même contenu le chef-lieu de la province ? Quant à moi, tout ce qui arrive en Calabre ne m’étonne pas; il y a longtemps que je connais ce genre d’esprit, la politique que vous suivez avec les peuples de Naples est l »inverse de la politique à suivre avec les peuples conquis.

Marchez donc en force. Ne disséminez donc point vos troupes. J’imagine que vous avez armé tous les châteaux de Naples. Que va dire cette garde nationale de Naples ? C’est s’appuyer sur un roseau, si ce n’est pas donner une arme à ses ennemis. Oh ! que vous connaissez peu les hommes ! Prenez donc enfin un parti vigoureux et tenez vos troupes dans vos mains, en échelons, de manière à pouvoir réunir 18,000 hommes sur un point et écraser vos ennemis. Je ne vois dans votre lettre aucune réunion de forces; tout cela ne paraît pas clair.

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La Sicile, à ce qu’il parait, est accordée et n’est plus un obstacle. Il serait possible qu’avant dix jours tout cela fût à vous.