Correspondance de Napoléon – Juin 1804
Saint-Cloud, 18 juin 1804
Au maréchal Soult, commandant le camp de Saint-Omer
La demande que vous m’avez faite en faveur du général Ferey a été accordée.
Je vois avec plaisir que les approvisionnements sont en bonne situation, et qu’à mon arrivée tous les bâtiments de transport seront armés de leurs avirons.
Les 24e et 26e d’infanterie légère seront chacun renforcés d’un bataillon d’infanterie légère hors de ligne; et, par les états qui me sont remis, les 29e et 28e de ligne devraient avoir à leur troisième bataillon de quoi se compléter chacun à 800 hommes.
Il y a en partance, au Havre, 160 bâtiments, tant chaloupes canonnières que prames et péniches; au premier temps favorable, j’espère que tous ces bâtiments vous arriveront.
Le procès des conspirateurs a beaucoup excité de bavardages dans la ville de Paris. La sentence plus qu’indulgente qu’a rendue le faible tribunal de la Seine sera exécutée aussitôt que les délais du pourvoi en cassation seront expirés. Quoique j’aie fait grâce à plusieurs individus, il restera une douzaine de brigands qu’il n’est pas possible de gracier et qui devront subir leur sentence. Quant au général Moreau, il n’a pas été condamné à mort, il a eu un jugement flétrissant.
Saint-Cloud, 20 juin 1804
Au maréchal Soult
Mon Cousin, j’ai reçu votre lettre du 29 prairial avec le plan du fort en bois qui y était joint. Avant de consentir à l’établissement de la seconde batterie, il faut d’abord que la première le soit. Faites tracer la batterie par le général Faultrier, et prescrivez-lui de raccourcir les affûts de côte, qui sont beaucoup trop longs, et de mettre le plus de pièces possible, en mettant les pièces à barbette et sur épaulement élevé au moins de cinq pieds, de manière que les hommes y soient à couvert. Cela une fois fait, l’on verra s’il convient d’établir une seconde batterie.
Saint-Cloud, 23 juin 1804
A M. Melzi
Monsieur Vice-président de la République italienne, j’ai reçu votre lettre de Milan du 29 mai; je vous remercie de tous les sentiments que vous m’exprimez; je les mérite par mon constant désir de voir la République italienne prospère et heureuse. Depuis que vous gérez les affaires de la République, son administration s’est considérablement améliorée, et je vous sais gré de l’ordre que vous avez rétabli dans les finances , des dilapidateurs que vous avez éloignés. La République italienne a déjà fait le premier pas dans la carrière des nations, puisque aucune de ses parties ne voudrait retourner en arrière et dans son ancien état.
J’ai lu et médité avec toute l’attention convenable les différentes propositions de la Consulte d’État. Je suis constant dans manière de voir les affaires de la patrie italienne, et ses intérêts se trouvent heureusement pour moi, conformes à tous mes autres intérêts. La République italienne restera indépendante; elle restera une; nous y établirons, comme le désire la Consulte, un ordre de choses plus conforme à l’esprit du siècle où nous vivons et au degré où est la société. Lorsqu’il sera temps, je répondrai à la Consulte. Tous ces objets méritent la plus grande méditation; et, quels que soient les événements de paix, de guerre, d’organisation au milieu desquels je me trouve, chaque chose arrive à son temps. Je me contente donc de vous dire que vos vœux, vos plans, vos désirs ne seront contrariés en rien, et que je mettrai toujours en première ligne, en réglant les affaires de la République italienne, son intérêt, mais son intérêt bien entendu. Si, à la Consulte de Lyon, les esprits légers et superficiels eussent été écoutés, et qu’on eût différemment disposé de la présidence où en serait aujourd’hui la République italienne ? Des projets et des plans s’écrivent en peu d’heures, mais les nations n’apprennent à se conduire qu’avec des années.
Dans votre dépêche, il n’y a que ce qui vous concerne qui ne peut me convenir. Vous êtes engagé dans la lice; il faut désormais que vous mouriez au milieu des honneurs et des embarras du gouvernement des nations.
Saint-Cloud, 23 juin 1804
Au maréchal Jourdan
Monsieur le Maréchal Jourdan, le général Solignac m’a remis votre lettre du 18 prairial. J’ai vu avec plaisir que vous étiez content de la situation et de la discipline de l’armée. Je serai fort aise, dans toutes les circonstances qui se présenteront, de vous donner des preuves de la haute estime que j’ai pour vous, et de la persuasion où je suis de votre attachement inaltérable à la gloire de nos armes, à la patrie et à ma personne.
Saint-Cloud , 23 juin 1804
Au général Chasseloup-Laubat
Monsieur Chasseloup-Laubat, je vois dans votre lettre du 12 prairial que vous croyez rester. Comment pouvez-vous le croire, quand vous faites une place qui, dans plusieurs siècles, influera encore sur le sort de nos frontières ? Les hommes ne sont grands que par les monuments qu’ils laissent. Achevez Alexandrie; que son tracé et ses constructions aient le moins de défauts possible. Tout ce que vous pouvez désirer après, vous l’obtiendrez.
Saint-Cloud, 23 juin 1804
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, Ministre de la marine, à Lorient on a besoin de cuivre pour doubler l’Algésiras. Prenez des mesures sures pour qu’il parte de Romilly et qu’il arrive en messidor, car cet article retardera ce vaisseau.
Saint-Cloud, 23 juin 1804
Au vice-amiral Ganteaume, commandant l’escadre de l’Océan
Monsieur Ganteaume, Vice-amiral, j’ai reçu votre lettre. Je vois avec plaisir que vous êtes satisfait de la tenue de l’escadre. J’ai recommandé au contre-amiral Missiessy de s’attacher à vous. De votre côté, oubliez d’anciennes préventions qui tiennent à des époques qui ne peuvent plus se renouveler. S’il vous donne lieu d’être satisfait de ses services, je les reconnaîtrai de plus d’une manière. Je vous recommande de ne point souffrir de freluquets dans vos états-majors et surtout à bord de votre vaisseau amiral. Environnez-vous d’hommes de talent et de main, qui aient beaucoup navigué et qui ne s’imaginent point être marins parce qu’ils sont depuis longtemps dans corps de la marine, quoiqu’ils aient passé tout leur temps à terre. L’âme de toutes les armées, et surtout des armées navales, c’est le franc attachement de toutes les parties au chef. Ne souffrez aucune espèce d’intrigues, et ne doutez pas de la confiance que j’ai en vous.
Saint-Cloud, 23 juin 1804
Au contre-amiral Missiessy
Monsieur le Contre-amiral Missiessy, j’ai reçu votre lettre du 19 prairial. J’ai eu lieu d’être satisfait de vos services au Havre. Je jugerai du désir que vous avez de m’être agréable par la conduite que vous tiendrez avec le nouveau commandant de l’escadre de Brest, qui a toute ma confiance. Vous avez des talents : vous serez bientôt à même d’en donner des preuves ; mais cela ne peut avoir lieu qu’en vous réunissant de cœur à votre général. Je ne pers point de vue, aux premières circonstances, de vous donner des preuves d’estime et du cas tout particulier que je fais de vous.
Saint-Cloud, 24 juin 1804
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, Ministre de la marine, faites connaître à l’amiral Bruix que je désire,
1° Qu’il y ait à Étaples une division de chaloupes canonnières , c’est-à-dire 18, et deux divisions complètes de bateaux canonniers, c’est-à-dire 72, ainsi qu’une division de péniches, c’est-à-dire 36; donnez ordre à Daugier de faire entrer à Étaples le nombre de chaloupes nécessaire pour compléter la division; je crois que dans ce moment il y en a déjà six à Étaples;
2° De faire partir de Boulogne une division de péniches, en y comprenant les 4 ou 5 qui y sont déjà, vu que les péniches qui partiront du Havre, qui appartiennent à la Garde, doivent être réunie à Boulogne ;
3° De compléter la division de bateaux canonniers qui est à Étaples, si elle ne l’est pas; d’ailleurs, le capitaine Daugier, en passant devant Étaples, y laissera jusqu’à la concurrence de 36 bateaux, ce qui fera la seconde division.
La Malmaison, 25 juin 1804
NOTE POUR LE GRAND JUGE
Il est convenable que cette nuit tous les individus qui sont condamnés à être détenus, par résultat du procès, partent pour leurs différentes prisons. Il faut envoyer aujourd’hui au Moniteurune note sur la manière dont les lettres de grâce ont été lues au tribunal, et y joindre les discours du président et autres, s’il en a été fait. Cette note devrait être renvoyée, ce soir, au journal, pour ne plus entendre parler de cette affaire.
A-t-on fait donner l’ordre à l’architecte Spin de s’éloigner de Paris ? Cela me paraît convenable, et, dans ce cas, qu’on le fasse partir dès demain. Il faut veiller à ce qu’aucun des individus compromis dans la conspiration et ayant logé les brigands ne reste à Paris, et les mettre sous la surveillance de la gendarmerie à quarante lieues de Paris et des côtes. Il faut faire partir cette nuit Léridan, la fille Hizay et les autres personnes condamnées à deux ans de prison. On peut laisser Rolland à Paris, à l’Abbaye, cet individu n’ayant point eu de relations avec les fauteurs de la guerre civile et n’étant mêlé dans cette affaire que par ses rapports avec Pichegru, qui n’existe plus.
La Malmaison, 25 juin 1804
Au contre-amiral Ver Huell, commandant la flottille batave
J’ai reçu votre lettre du ……. J’approuve que vous fassiez passer les transports par les canaux de l’intérieur, et même les bateaux canonniers. Mais il faut prendre des mesures pour que la Hollande nous fournisse des matelots ; il est impossible de s’en procurer en France ; et des bateaux sans matelots ne seraient d’aucune utilité. Il faut prendre des mesures le plus promptement possible, car le temps approche où nous pourrons commencer sérieusement à agir.
La Malmaison, 25 juin 1804
Au vice-amiral Decrès
Monsieur Decrès, Ministre de la marine, donnez ordre que les corvettes canonnières impériales partent de Saint-Malo et du Havre, prennent un armement provisoire de pièces de 12 ou autres, et se rendent à Boulogne, où elles trouveront des pièces de 24 légères pour leur armement; elles porteront leurs affûts. Le conseiller Forfait, au Havre, dit qu’il restera 150 bâtiments après le départ de la grande division du capitaine Daugier. Je désirerais qu’il fit partir de suite la division du capitaine de frégate Lecolier, qui doit être complète en équipages, puisqu’elle n’est au Havre qu’en relâche ; et qu’il fit partir aussi de suite toutes les caïques ; je désire les trouver à Boulogne à mon arrivée.
Il me semble que j’ai déjà fait dire que, s’il n’y avait pas de pièces, on les armerait à Boulogne.
Je vois qu’il y a à Dunkerque des chaloupes canonnières et des bateaux canonniers. Donnez ordre que ces bâtiments se rendent à Boulogne, et que les transports d’Ostende et de Dunkerque partent pour Calais.
Saint-Cloud, 26 juin 1804
Au maréchal Davout, commandant le camp de Bruges
Mon Cousin, je vois par votre note du 9 prairial que vous ne pensez pas pouvoir fournir des garnisons sur toute la flottille batave, si vous en fournissez aux corvettes de pêche. Je désire donc que vous ne conserviez sur les 81 corvettes de pêche que 10 hommes par bâtiment, que vous ferez fournir par une brigade de la division qui est à Dunkerque, et que vous vous serviez d’une autre brigade pour fournir des garnisons à la première moitié de la troisième partie de la flottille batave. Lorsque je saurai que celle-ci est prête à partir, j’enverrai des ordres ultérieurs pour pourvoir à ses garnisons. Vous voudrez donc bien faire partir de Dunkerque des détachements pour 25 chaloupes ou bateaux canonniers. Lorsque ceux-ci seront prêts, vous en ferez partir pour les 25 autres. L’air de Flessingue est très malsain; je désire donc qu’il y ait le moins de garnison française possible.
Saint-Cloud, 27 juin 1804
DÉCISION
Le ministre du trésor public fait un rapport sur les inconvénients qui résulteraient de l’usage d’accorder aux mêmes individus des pensions à des titres différents, sur diverses caisses, comme sur les fonds des ministères, sur les invalides de la marine et sur les fonds du trésor public. Il propose d’établir qu’à l’avenir l’impétrant justifiera qu’il n’a ni traitement, ni autre pension. | Il ne sera fait aucun rapport en demande de pension, tant sur la caisse des invalides que sur toute autre caisse, qu’à la charge, par les pétitionnaires, de justifier, par un certificat du directeur des pensions, qu’ils ne jouissent d’aucune autre pension sur le trésor, sans préjudice des autres dispositions relatives aux pensions. |