Compiègne, 2 septembre 1811
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Comte Decrès 9 je désire avoir l’état des corsaires qui existent, avec l’indication du port d’armement, du nombre d’équipages, du nombre de canons et de leur tirant d’eau. On m’assure que j’en ai de très beaux dans la Baltique et à Danzig. Remettez-moi cet état et occupez-vous des moyens d’encourager la course. Je vous envoie copie d’une réclamation des armateurs de Danzig. Je désire que vous me fassiez un rapport là-dessus. Vous devez être le protecteur des corsaires, puisqu’ils font partie de ma marine, dont vous êtes le chef. Veillez à ce que le tribunal des prises ne fasse rien contre mes intentions et contre ma politique, et fixez votre attention particulièrement sur la législation qu’il a suivie depuis le dernier état de la question relativement aux Américains.
Compiègne, 3 septembre 1811.
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, je vous prie de m’envoyer la situation des neuf régiments de chevau-légers. Le 1er régiment doit avoir son major, son 4e escadron et 200 hommes à son dépôt, indépendamment des 200 hommes qu’il reçoit de la réserve. Le 2e doit avoir son 3e et son 4e escadron, et également 3 à 400 hommes que lui fournissent la réserve et les conscriptions. Le 3e doit avoir à son dépôt, à Montmédy, le 3e et le 4e escadron, et au moins 400 hommes avec ce que la réserve doit lui fournir. Le 4e a de même son 4e escadron et 3 à 400 hommes présents. Le 5e doit avoir le 3e et le 4e escadrons avec 3 ou 400 hommes présents à Amiens. Le 6e doit avoir 800 hommes et ses quatre escadrons à Dôle. Le8e doit avoir bientôt 800 hommes ; enfin le 9e étant dans la 32e division, est déjà de 1,000 hommes et se complète en chevaux.
Quand chacun de ces régiments aura-t-il au moins 300 hommes ?
Quand chacun pourra-t-il avoir deux escadrons disponibles, montés, équipés, exercés à la lance ?
Je voudrais avoir pour le 1er février deux escadrons du 1er, du 2e, du 3e, du 4e et du 5e; total, dix escadrons ou 2,000 chevaux, qui formerait une brigade de chevau-légers ; enfin quatre escadrons du 6e régiment et quatre du 8e, ce qui formerait une seconde brigade. Je voudrais donc avoir pour le commencement de février 4,000 lanciers disponibles pour la guerre d’Allemagne, et ce indépendamment du 9e et sans compter le 7e, qui est en Espagne.
Ce qui est très pressant, c’est de m’envoyer d’abord des lances. Si vous n’en aviez pas de faites, on pourrait leur envoyer les 600 qu’avaient les Hollandais. En leur envoyant 100 lances par régiment, cela leur servirait du moins pour l’instruction. Je suppose que ions avez commandé 6,000 de ces lances.
Il faudrait ensuite envoyer à chaque régiment un officier des lanciers polonais pour leur apprendre le maniement de la lance. Il n’y a pas de moment à perdre pour employer ces six mois avec la plus grande activité à former ces sept régiments.
Je désire leur attacher dès à présent deux généraux de brigade intelligents. L’un serait chargé du 6e et du 8e, et il passerait alternativement un mois à Dole et à Sedan pour veiller à l’organisation, à l’instruction et aux remontes de ces régiments. L’autre serait chargé de veiller sur l’instruction et la formation des 1er, 2e, 3e, 4e et 5e et parcourrait successivement leurs dépôts.
Faites-moi un rapport général sur ces régiments.
Compiègne, 3 septembre 1811
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Je vous envoie une lettre du général Berthier sur les travaux de Corse. Faites-moi un rapport là-dessus et faites-moi la demande des fonds nécessaires pour l’arrivée des eaux à la fontaine d’Ajaccio ; il parait qu’il ne faut que 30 à 40,000 francs; c’est un ouvrage très important , ainsi que pour ce qui regarde les salines, dont l’air nuit à la ville. Quant à la route d’Ajaccio à Bastia, la somme paraît encore forte et cela peut se faire en plusieurs années.
Compiègne, 3 septembre 1811
Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris
Monsieur le Comte Mollien, il est convenable que vous fassiez toucher 2,500 francs par mois à l’ancienne reine d’Étrurie, à son couvent à Rome, à compter du jour où elle y est entrée. Il est inutile de citer aucune décision. Donnez ordre seulement au payeur des dépenses diverses de solder cette dépense.
Compiègne, 3 septembre 1811
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg
Mon Cousin, je vois avec la plus grande peine que vous ayez envoyé le 8e régiment de hussards dans l’Ems oriental. Lorsque j’éloigne une troupe de ces lieux pestilentiels, vous avez la simplicité d’y envoyer un de mes meilleurs régiments. Je regarde ce régiment comme perdu. Si vous ne prenez pas plus de soin de placer vos corps dans des lieux sains, vous me ferez ce que vous avez fait à Vienne. J’ai retiré de tous les points de la côte les troupes qui s’y trouvaient. A Flessingue même, qui est si important, je ne laisse que 600 réfractaires ; je préfère m’exposer aux chances de l’ennemi plutôt que de perdre des hommes d’une manière aussi misérable. Vous suivez une direction opposée. Si j’ai fait camper mes troupes dans la bruyère, à Utrecht et ailleurs, je n’ai pas eu d’autres raisons que de les soustraire au mauvais air. Je n’ai laissé sur le Helder qu’un bataillon étranger. Quand je prends tant de soin pour compléter votre armée, qui est si importante, et pour l’organiser et la mettre parfaitement en état, vous l’exposez à être détruite. Rassurez-moi au plus tôt sur le 8e de hussards; hâtez-vous de le rappeler, ainsi que les hommes du 25e et toutes les troupes qui sont parfaitement inutiles.
Compiègne, 3 septembre 1811
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg
Mon Cousin, je reçois votre lettre relative au tripotage de Bourrienne à Hambourg. Il serait important d’avoir des lumières sur ce qu’il a fait. Faites arrêter le juif Gumprecht-Mares, son prête-nom, faites saisir en même temps ses papiers, et tenir cet individu au secret, faites également arrêter quelques autres des principaux agents de Bourrienne, pour éclairer toutes ses menées à Hambourg et connaître les dilapidations qu’il a commises là.
Compiègne, 3 septembre 1811
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg
Mon Cousin, j’attends la situation de votre armée. Je suppose qu’au 1er septembre votre 5e division était formée. A la fin de septembre, des détachements de canonniers partiront des dépôts pour renforcer vos compagnies d’artillerie et les porter à 120 hommes, je suppose que vous continuez à donner des ordres pour que tous les détachements des quatre bataillons du train d’artillerie et des dix régiments de cavalerie, qui sont dans les dépôts, soit hommes, harnais ou chevaux, vous rejoignent. Il est important qu’ils arrivent avant la mauvaise saison. Mon intention est d’augmenter votre cavalerie légère d’une 5e brigade, en vous envoyant le 23e et le 24e de chasseurs qui sont en Hollande. Faites-moi connaître si le pays pourra suffire à cette augmentation de fourrages. J’ai pensé que cette 5e brigade, qui porte à quatorze le nombre de vos régiments de cavalerie légère, vous complétera 12,000 hommes à cheval, qui, passant l’hiver du côté du Mecklenburg et sur l’Elbe, pourraient marcher avec vous au moindre événement sans être obligés de forcer les marches. Mon intention est que dans le courant d’octobre il sera formé à votre corps d’armée une 6e division, composée de quatre bataillons du 11e d’infanterie légère, qui se forme à Wesel et se compose des tirailleurs corses et du Pô et de trois ou quatre bataillons des 127e, 128e et 129e; ce qui portera cette division de treize à seize bataillons. Faites-moi connaître la situation de ces régiments avec la conscription de la 32e division militaire et quand ils pourront former chacun leur 5e bataillon. Cela complétera votre corps d’armée à vingt régiments; ce qui, avec la 7e division, vous formera près de cent dix bataillons. Je suppose que le 9e de chevau-légers sera bientôt à 900 chevaux. Faites-moi connaître les mesures que vous prenez pour que les généraux réunissent leurs brigades et leurs divisions, et en passent l’inspection pour connaître ce qui manque en personnel et en matériel, et surtout les vacances des grades. Il serait bien important que vous pussiez vous-même, dans le courant d’octobre, voir toutes vos divisions, les faire manœuvrer, et vous assurer de leur situation en inspectant leur artillerie, leurs équipages, et en entrant dans tous les détails nécessaires. Envoyez-moi la situation de votre armée au 1er septembre.
Compiègne, 4 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
L’artillerie se divise en trois corps : l’artillerie de marine, l’artillerie de terre, l’artillerie des côtes. L’artillerie de marine est séparée de l’artillerie de terre; c’est une arme différente, qui appartient absolument aux officiers de marine. Il y avait jadis des relations entre l’artillerie de terre et l’artillerie de marine, et je crois qu’on ne pouvait arriver à certains grades qu’en sortant de l’artillerie de terre. Faites-moi un rapport là-dessus; car, l’artillerie de marine ayant bien peu d’occasions de s’instruire sur les détails, ses relations avec l’artillerie de terre sont bien importantes.
Quant à l’artillerie des côtes, il est impossible que cela aille plus mal ; elle est comme séparée de l’artillerie de terre, car les adjudants et inspecteurs des côtes ne sont pas même des officiers d’artillerie. Il est vrai qu’ils sont sous les ordres des directeurs et des sous-directeurs, mais ce nombre de véritables officiers d’artillerie est si petit, qu’il ne peut rien pour le service ni pour l’instruction.
Mon intention est de changer cet ordre de choses en tout ou en partie. Les garde-côtes me coûtent 3 ou 4 millions; mais je calcule qu’ils me coûtent encore 3 ou 4 millions par les bâtiments que laisse prendre ce mauvais service. Je ne gagne rien à avoir de mauvaises troupes, et c’est une économie ridicule que d’avoir un capitaine de milice pour défendre mes côtes contre mon ennemi le plus acharné, parce que ce capitaine ne coûte que 1,200 francs; voilà une économie de 50 louis bien funeste à mon service.
Présentez-moi un projet dont la base soit d’avoir soixante et douze compagnies d’artillerie employées à la garde de mes côtes. Ces soixante et douze compagnies seront six à six, formeront douze bataillons, ayant douze chefs de bataillon et douze adjudants-majors et formeront quatre régiments, ayant ainsi quatre colonels et quatre majors.
Je voudrais donc avoir sur les côtes quatre régiments d’artillerie de ligne, 4 colonels et 4 majors, formant 8 inspecteurs naturels, 12 chefs de bataillon, soixante et douze compagnies, 72 capitaines en second, 144 lieutenants en premier et en second, tous sortant des écoles, instruits et faisant absolument partie de l’artillerie de terre.
Les compagnies seraient à 120 hommes; cela ferait donc un effectif de 8,640. Ces 120 hommes serviraient comme tout le reste de l’artillerie, mais ils auraient pour auxiliaires 60 garde-côtes, levés, habillés et payés comme ils le sont aujourd’hui; ce qui ferait 180 hommes par compagnie, dont 60 appartenant à la localité et 120 à l’artillerie. Ces 180 hommes, dirigés par des officiers, sergents et canonniers de 1e classe de l’artillerie de ligne, seraient alors de véritables troupes d’artillerie. On aurait donc alors 8,640 canonniers de ligne, officiers et sous-officiers compris, et 4,320 garde-côtes auxiliaires; ce qui ferait un total de plus de 12,000 hommes. Il est vrai qu’aujourd’hui il y a 16,000 garde-côtes, mais ils ne font le service que de deux jours l’un ; cela ne fait donc en résultat que 8,000 hommes. Ainsi, au lieu de 8,000 hommes, on en aurait plus de 12,000, et au lieu d’officiers et sous-officiers ignorants, ou aurait des officiers et sous-officiers d’élite.
J’imagine qu’il suffirait d’un régiment pour la Hollande et les côtes de Belgique et de France jusqu’à la Seine, d’un régiment pour les côtes de la Seine à la Loire, et d’un régiment pour celles de la Loire à Bayonne; ce qui ferait neuf bataillons.
Un régiment de dix-huit compagnies devrait être suffisant pour toutes les cotes de la Méditerranée.
Il faudrait ajouter à cette institution d’établir dans toutes les places des compagnies de canonniers de gardes nationales, obligés de faire le service et d’accourir au premier coup de canon. On peut en établir ainsi dans les principales villes de Hollande, à Flessingue, à Ostende, à Dunkerque, à Calais, à Boulogne, à Abbeville, à Eu, à Dieppe, à Fécamp, au Havre, à Caen, à Cherbourg, à Granville, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Brest, Quimper, Lorient, Nantes, etc. On peut ainsi se former sur toute la côte soixante ou quatre-vingts compagnies auxquelles on accorderait quelques distinctions et privilèges, et qui auraient l’emploi bien utile de concourir à la défense de la place et de la côte. A Flessingue, avant le siège, cette compagnie a rendu des services.
Enfin les vingt-six compagnies sédentaires pourraient être conservées. On pourrait même en établir de nouvelles dans les pays malsains, tels que dans les marais de la campagne de Rome, dans quelques postes de la Hollande, etc. Il faudrait que chaque régiment pût être changé à volonté. Les auxiliaires resteraient toujours et seraient attachés à la nouvelle compagnie qui arriverait.
Alors la côte serait entièrement gardée par l’artillerie de ligne. Aucun individu sous le titre d’inspecteur et d’adjudant n’existerait plus ; ce seraient les colonels et les majors qui feraient ces fonctions. On pourrait espérer alors un bon service; le corps d’artillerie apporterait dans la défense des côtes le bon esprit et les qualités qui l’ont distingué dans tous les autres services, et ce serait une grande garantie pour la surveillance des côtes que de les voir entourées par des sentinelles attachées à leur service, à la place de ces garde-côtes qui étaient soumis à tous les préjugés de localités et faciles à corrompre. Sous le seul point de vue de la police, ce projet aurait des résultats immenses. Il aurait encore l’avantage d’augmenter le corps d’artillerie, et par là de faire partager le service très étendu de ce corps à un plus grand nombre d’individus. Tel régiment de l’armée qui aurait été fatigué serait envoyé sur les côtes de Normandie et de Bretagne pour y passer trois ans et s’y reposer. Ce service des côtes serait en effet un véritable repos pour ce corps, en comparaison du service de la grande guerre.
A ces précautions il faudrait ajouter celle de faire faire, pour le service des garde-côtes, un ouvrage élémentaire dans lequel on les instruirait sur la construction des batteries, sur le tir à boulets rouges, sur le tir des bombes et de toutes les espèces de munitions, sur la construction des plates-formes, sur le tir des pièces de 24 et de 36, sur les différents angles du tir, et enfin sur les principes de l’artillerie des côtes, tout différents de ceux de l’artillerie de terre. Il faut sur les côtes tirer aussi loin qu’on peut et tirer toujours. Il faut des projectiles qui aillent le plus loin possible. Dans l’artillerie de terre tous ces principes changent, et on estime avec raison que tirer de loin c’est perdre sa poudre.
Ceci me conduit naturellement à quelques changements dans l’organisation des régiments à pied.
Projet d’une nouvelle organisation des régiments d’artillerie à pied. — J’ai neuf régiments d’artillerie à pied, de vingt-deux compagnies chacun. Peut-être serait-il convenable d’avoir douze régiments à pied, chaque régiment de trois bataillons de guerre et d’un bataillon de dépôt. Chaque bataillon serait de six compagnies; ce qui ferait quarante-huit bataillons formant deux cent quatre-vingt-huit compagnie, il y en a aujourd’hui cent quatre-vingt-dix-huit ; ce serait donc une augmentation de quatre-vingt-dix compagnies, dont soixante et douze seraient compagnies de dépôt ; ce qui réduirait l’augmentation à dix-huit compagnies de guerre.
Aujourd’hui il y en a vingt-sept en Allemagne, cinquante-cinq en Espagne et vingt-quatre en Italie, Illyrie el Dalmatie. Il y en a deux cent six employées aux armées ; il y en a quarante-deux dans les dépôts et cinquante sur les côtes de Normandie. Il y en aurait soixante et douze sur les côtes, soixante et douze dans les dépôts, et cent quarante-quatre pour les armées, ce qui ferait trente-huit compagnies et plus qu’il n’y a aujourd’hui pour les armées. Une compagnie pouvait servir 8 pièces de canon, les cent quarante-quatre compagnies des armées pourraient servir 1,152 et même 1,200 pièces. Les six régiments d’artillerie à cheval, formant quarante-trois compagnies, en pourraient servir 250; cela ferait donc 1,400 pièces de canon qu’on pourrait servir en guerre, indépendamment des 300 pièces de canon que serviraient les compagnies de régiment, et qui feraient un total de 1,700 pièces de canon servies aux armées, indépendamment du service des côtes.
Les douze bataillons de dépôt formeraient en outre une réserve qui pourrait fournir au service des places fortes et renforcer les points de la côte qui seraient nécessaires.
La compagnie d’artillerie à pied devant servir 8 pièces, soit de 4, soit de 8, soit de 12, a besoin de 80 canonniers présents, officiers et sous-officiers non compris; ce qui fait donc 100 hommes présents, ce qui suppose un effectif de 120 tout compris. La compagnie de canonniers garde-côtes sera de 120 hommes de la ligne; mais, sur ces 120 hommes, il n’y en aura que 100 de présents. Elle aura en outre 60 auxiliaires ; mais il est probable que sur ces 60 il n’y en aura que 50 présents. Ainsi une compagnie de garde-côtes dont l’effectif sera de 180 hommes n’aura probablement que 150 hommes présents; alors l’effectif de soixante et douze compagnies serait : de la ligne, présents 7,200, effectif 8,640; auxiliaires, présents 3,600, effectif, 4,320; total des présents 10,800, de l’effectif 12,960.
Les douze régiments à pied seront placés de la manière suivante : un à Anvers, un à Douai, un à Rennes, un à Toulouse, un à Grenoble, un à Alexandrie, un à Vérone, un à Besançon, un à Auxonne, un à Strasbourg, un à Metz, un à Mayence.
Les régiments qui seront sur les côtes tiendront toujours leurs 4e bataillons en garnison à Anvers, Rennes, Toulon et Grenoble. De là ces bataillons de dépôt pourront, selon les circonstances, renforcer ces batteries, et se trouveront assez à portée de toutes les côtes.
Je vous prie de me faire un rapport sur ce projet, car il devient fort important de faire cesser les sujets de plainte qui existent depuis six ans et qui sont la suite de tant de pertes.
P. S. Je vous envoie un projet de décret dans lequel j’ai placé les principales dispositions indiquées dans cette lettre. Ce décret n’est qu’une esquisse susceptible de toutes discussions. Vous remarquerez que, dans ce projet, au lieu d’affecter douze bataillons au service des côtes, j’en ai mis seize; ce qui fera quatre-vingt-quatre compagnies au lieu de soixante et douze. Ainsi donc quatre-vingt-quatre compagnies à 120 hommes feront 10,000 canonniers de ligne, et quatre-vingt-quatre compagnies auxiliaires à 60 hommes m’en feront 5,000; total, 15,000 sur les côtes; ce qui me fera une économie de 11,000 garde-côtes et surtout débarrassera de ce grand nombre d’officiers inutiles. Mais ces quatre-vingt-quatre compagnies comprennent tout ce qui est nécessaire pour l’extraordinaire de Boulogne, de Walcheren, de Cadzand, et enfin l’artillerie de ligne qui est aujourd’hui répandue sur la côte. Or il y a aujourd’hui cinquante compagnies sur les côtes, et je n’en mets que douze en sus des soixante et douze qui doivent remplacer les garde-côtes. Peut-être, dans la distribution des emplacements, jugerez-vous convenable d’en mettre six de plus; car il est bon que le service de places comme Boulogne, Ostende, Flessingue, Anvers, Cherbourg, Brest, Toulon, etc., soit compris dans le service de la côte.
Je ne sais pas assez ce que c’est que les canonnières sédentaires pour les comprendre dans le décret. Ce doit être l’objet d’un rapport que vous me ferez. Les compagnies de vétérans qui sont sur les côtes devront être placées de préférence dans les tours, dans les vieux châteaux où le service soit moins actif.
La manière d’exécuter ce décret serait très facile. Il faudrait d’abord former les trois nouveaux régiments en tirant des officiers, sous-officiers et canonniers de tous les régiments; on placerait les nouveaux régiments à Anvers, Rennes et Grenoble. Le régiment qui se trouve aujourd’hui à Anvers et celui qui se trouve à Rennes seraient envoyés à Auxonne et à Besançon ou dans d’autres écoles non occupées. On ferait sur-le-champ fournir à ces trois régiments, et sur les quarante-deux compagnies qui sont dans les dépôts, trente-six compagnies pour les côtes, et l’on prendrait sur les cinquante compagnies qui sont sur les côtes et sur les quarante-deux compagnies qui sont dans les dépôts de quoi fournir les bataillons que les autres régiments doivent fournir pour le service des côtes. Cette opération peut être faite dans les mois de novembre et de décembre; ceci suppose qu’il sera pris, sans délai, des moyens pour fournir les 7 ou 8,000 hommes nécessaires aux nouveaux régiments et pour compléter les cadres des anciens : c’est 12,000 qu’il faut procurer.
Compiègne, 5 septembre 1811
Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris
Monsieur le Comte de Cessac, j’ai reçu votre lettre du 31 août relative aux ordres que vous avez donnés pour l’habillement du régiment de l’île de Ré; les états ne prouvent pas ce qui est dît dans le résumé.
L’état n° 1 porte que 7,000 habits doivent avoir été envoyés à l’île de Ré. On voit bien que les ordres ont été donnés, mais on ne voit pas que ces effets soient partis. On ne voit pas d’où ont été expédiés les effets qui ont dû partir du 2 février au 25 août. On a donné, par exemple, le 14 juin, l’ordre de faire partir 900 habits, 900 vestes, etc ., mais d’où ont-ils été expédiés ? Quand sont-ils partis, et en combien de jours ont-ils dû arriver ? Donner des ordres est la moindre chose, ce qui importe, c’est d’en assurer l’exécution.
L’état n° 2 est plus précis. J’y vois que 3,500 bonnets de fusils sont partis. Les époques de quelques-unes de ces expéditions sont déterminées : 8,000 culottes, 3,000 vestes sont parties de Paris le 1er et le 3 août; pourquoi ne sont-elles pas encore arrivées ?
État n° 3, je vois que 800 habits destinés au 29e d’infanterie légère ont dû être confectionnés par les soins de l’ordonnateur de l’administration militaire ; mais comment veut-on que l’ordonnateur fasse pour faire confectionner des habits ? N’était-il pas plus simple d’en charger le conseil d’administration ou de les faire confectionner à Bordeaux, où il existe un grand atelier ? Et comment croire que l’ordonnateur ne manquera de rien dans tous les détails d’une confection ? Rien n’est moins satisfaisant que ce tableau. Avec de pareilles indications, je ne puis rien faire suivre; et, si l’on n’a pas d’autres renseignements dans vos bureaux, je ne suis pas étonné que mes troupes ne soient point habillées. Le fait est que le 28 août ce dépôt était dans le plus pitoyable état. Si vous m’aviez envoyé des rapports que je pusse faire vérifier, j’aurais envoyé sur les lieux un officier d’ordonnance. Mais avec des états si obscurs que voulez-vous qu’on fasse ?
Le régiment de la Méditerranée, en Corse, est tout nu; à Wesel, les hommes sont déjà arrivés, et pas un habit, pas une chemise, pas une paire de souliers. Cependant je vous avais dit de faire un envoi direct de Paris. Cela influe beaucoup sur mon service, parce que, si ces conscrits attendent à Wesel, ils déserteront. Donnez-moi des états précis sur l’exécution des ordres pour Wesel et Strasbourg; que je sache la quantité d’effets expédiés, le lieu et le jour du départ, et la route qu’on leur a fait prendre, afin que je puisse faire faire même une vérification des chemises. Je crains toujours que le bureau de l’habillement ne soit pas en des mains assez fortes, et que dans ce bureau beaucoup de choses ne s’embrouillent. Un ordonnateur a toujours moins de moyens qu’un corps pour faire confectionner, parce que, indépendamment du nombre des agents qu’un conseil d’administration a à sa disposition pour surveiller une confection (agents qui ne coûtent rien), ce conseil a des ouvriers plus ou moins habiles, de sorte que le prix qui peut suffire à un conseil d’administration ne peut suffire à un ordonnateur. Celui-ci doit tout surveiller, mais non pas faire; car il est seul, sans agent pour le seconder. Dans une armée même on ne peut pas dire qu’un ordonnateur fasse faire du pain et des habits, car il a ses agents pour les vivres et l’habillement. Il passe des marchés pour la manutention, les fournitures, les transports; il surveille tout et ne fait rien directement. Que peut faire l’ordonnateur de la 12e division, sans garde-magasin, sans contrôleur, sans ouvriers ? Passer un marché avec un tailleur; mais qui le vérifiera ? C’est exiger d’un homme ce qui ne lui est pas possible, et il le fera mal. Votre prédécesseur avait agi de même; rien ne se faisait à Bordeaux ou se faisait mal. J’y ai établi un conseil d’administration, des gardes-magasins, des directeurs, etc. Les conseils d’administration pourraient faire confectionner; les conseils des bataillons qui sont à l’île de Ré et enfin le conseil du dépôt peuvent le faire sous la surveillance des ordonnateurs, qui seront chargés de la vérification et d’ordonnancer les dépenses.
Compiègne, 5 septembre 1811
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg
Mon Cousin, je reçois l’état de situation du 12e bataillon d’équipages. Je suis fort surpris de voir qu’il n’a pas le nombre de caissons prescrit. Je donne ordre que les 25 caissons restés à Strasbourg le rejoignent le plus tôt possible; de sorte que vous aurez à votre corps d’armée 250 caissons en bon état, outre les 100 caissons de régiment; ce qui vous fera 350 caissons, c’est-à-dire la valeur de 4 caissons par 1,000 hommes. Il faut actuellement avoir soin de faire servir très légèrement ces caissons, afin de tenir les chevaux gras et en bon état, et qu’au moment d’entrer en campagne vous puissiez les trouver capables d’un bon service. Si, au contraire, vous les écrasez, au lieu de 350 caissons, vous n’en aurez pas la moitié quand vous entrerez en campagne. Prenez des mesures là-dessus. Votre service n’a rien de pressé; il peut se faire par les moyens du pays et aussi par vos transports; mais il ne faut faire faire à vos chevaux que la moitié de ce qu’ils peuvent faire.
Je vous ai parlé aussi des outils du génie; il ne faut laisser rien faire avec ces outils, sans quoi vous ne trouverez ni outils ni caissons lorsque vous entrerez en campagne. Ces outils ne sont pas pour être employés en temps de paix ; ils ne doivent servir que devant l’ennemi. Les officiers du génie ne savent pas cela. Je désire que vous le leur appreniez. Faites-leur comprendre qu’il est contre les principes et leur arme d’employer un seul outil attelé ailleurs qu’aux ouvrages des champs de bataille.
Compiègne, 6 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je désire avoir les plans des travaux qu’on fait au cap de Grave et autres points de la côte. Je crains que mes intentions ne sont pas remplies et que je n’aie lieu d’être mécontent. Envoyez-moi cela ; que je sois tranquille sur les contre-coups qui arriveraient par les boulets qui des tours retomberaient sur les batteries. J’ai observé ces inconvénients aux batteries de Balaguier et de l’Éguillette, à Toulon: ce qui me fit préférer alors de faire construire des batteries en terre et perdre vingt-quatre heures, tant celles en pierre m’ont paru inabordables.
Compiègne, 6 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
L’ennemi ayant évacué la rade d’Hyères, ce sera une nouvelle raison pour le général la Riboisière d’activer la prise de possession de l’île du Levant et la construction des batteries et de la tour que j’ai ordonnées dans cette île.
Je compte que le colonel Donnadieu, qui a le commandement de Port-Cros, aura sous ses ordres le 5e bataillon du 22e léger, complété à 500 hommes par des conscrits réfractaires, et deux bataillons du régiment de la Méditerranée; ce qui lui fera 2,000 hommes pour la défense de Port-Cros et de l’île du Levant. J’espère qu’il fera travailler avec la plus grande activité pour mettre les batteries en état.
Le général que j’ai nommé à Porquerolles aura un bataillon du régiment de la Méditerranée. Le 4e bataillon du 22e léger suivra sa destination.
Faites-moi connaître si les petits bataillons des 8e et 18e légers et 23e de ligne, forts de 1,300 hommes, qui sont dans l’île Sainte-Marguerite , pourront partir au 20 septembre, habillés et en bon état, pour se rendre, par Gênes et le col de Tende, en Illyrie rejoindre les deux bataillons de guerre que ces régiments ont dans ce pays.
Ecrivez aux préfets des départements du Var et des Bouches-du-Rhône de requérir des ouvriers d’artillerie et du génie pour les fortifications des îles d’Hyères. Chargez les directeurs de l’artillerie et du génie de faire monter des ateliers en grand pour la construction des batteries et la mise en état de ces importantes îles, et de s’occuper du rétablissement du château de Giens, qui défend la pointe de cette presqu’île.
Compiègne, 6 septembre 1811
Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris
Un rapport que je reçois de Turin me fait connaître que l’habillement du régiment d’Illyrie est dans le plus mauvais état On me mande que les habits n’ont pu être mis en service parce qu’ils sont trop petits, trop courts, trop étroits, mal cousus, mal faits, mal teints; que beaucoup de boutonnières ne sont faites que par un simple coup de ciseaux; que le devant des habits n’a que six pouces de hauteur ; qu’au lieu d’un galon de fil blanc pour arrêter l’épaulette, on n’a mis qu’une simple bordure de toile; que les manches et le dos des vestes ne sont pas doublés; que les capotes sont tellement étroite que, loin de pouvoir être portées sur l’habit, elles gênent les mouvements des hommes qui n’ont pas même de gilet dessous; beaucoup de ces capotes sont de mauvais drap ; que les pantalons sont également de mauvaise qualité, trop courts et trop étroits, etc. Je désire que vous me fassiez un rapport sur tout cela.
Ce régiment me coûte beaucoup d’argent, et je ne puis pas m’en servir. Il est actuellement à Turin; quand pourrai-je l’employer ?
Compiègne, 6 septembre 1811
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
En mouillant dans la rade d’Hyères, l’ennemi ne pouvait avoir d’autre but que d’empêcher des troupes de se porter sur Figuières. Je vois des traces de cela dans les journaux officiels anglais, où l’on dit que les divisions françaises sont retournées du Languedoc sur Toulon. Cet événement est fort heureux, parce qu’il aura fixé l’attention sur ce point important.
Les bombardes avec un mortier à plaque peuvent tirer les bombes à 2,000 toises. Or ces bombardes peuvent se placer facilement à 400 toises des batteries. De la batterie des Mèdes à un point quelconque de la rade il n’y a que 400 toises. De l’île de Bagaud au cap des Mèdes la portée n’est que de 4,000 toises. A Brégançon il n’y a encore que 4,000 toises. Ainsi une bombarde qui mouillerait à 400 toises de Brégançon et une qui mouillerait à 400 toises de Port-Cros ne seraient éloignées que de 3,200 toises. Il faudrait donc avoir trois stations de bombardes : une mouillant à Port-Cros et se plaçant en avant sous la protection des batteries de Port-Cros ; une à Porquerolles, et une troisième pour se porter du côté du continent, soit sous la protection des batteries de Giens, de Brégançon, soit des autres batteries de la plage, selon la position des bâtiments ennemis. Mais je suis persuadé que, lorsque les nouvelles batteries seront établies, que l’on aura instruit les canonniers et que le système sera bien établi, tous les obus tirés par des pièces de 36 et les bombes des mortiers placés sur des bombardes iront sur tous les points de la rade.
Demandez au général Émeriau de vous faire connaître de quelle manière il entend mouiller ses canonnières et bombardes pour nuire à l’ennemi. Il me semble qu’il en faudrait au moins dix. La rade de l’île d’Hyères est un beau théâtre pour exercer nos jeunes matelots. En donnant ordre pour occuper les trois îles, il faudrait qu’on eût des stations fixes, aux mouillages de Porquerolles et de Port-Cros, de bombardes et bâtiments légers. Vous connaissez mes raisonnements, qu’un bâtiment ne peut être à l’abri des mortiers et pièces de 36 dans aucun point de la rade d’Hyères.
Écrivez au général Émeriau pour qu’on ancre un bateau sur le point le plus éloigné de terre où l’on ait reconnu qu’un bâtiment puisse mouiller, et que l’on tire de toutes les batteries sur ce bateau pour être sûr qu’il n’est pas à l’abri des bombes et des obus. On tiendra des procès-verbaux de ces expériences, lesquels seront déposés dans les bureaux de la préfecture maritime et dans les bureaux d’artillerie des trois îles. Écrivez en même temps au général la Riboisière sur cet objet, afin de me dispenser d’écrire au ministre de la guerre et pour que ces bâtiments soient parfaitement en état.
Dans un port comme Toulon, on doit toujours avoir une trentaine de canonnières, une douzaine de brûlots et une douzaine de bombardes; et, comme nous ne pouvons avoir une marine qu’en employant beaucoup de jeunes gens, on atteindra le double but de former ces matelots et de défendre la rade.
Compiègne, 7 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je suis surpris que le général Donzelot, malgré les ordres réitérés que je lui donne de renvoyer les Albanais, continue à vouloir les garder. Ces hommes me coûtent immensément pour la solde et la nourriture dans un pays si difficile à approvisionner; et non seulement ils ne seraient pas utiles, mais, si les Anglais venaient à débarquer, ils déserteraient et compromettraient la place. Je vois avec peine qu’il en ait augmenté le nombre, et par là accru les dangers de la place. Réitérez-lui l’ordre de profiter du retour des frégates pour les renvoyer en Italie, où ils seront fort utiles. Il ne faut à Corfou que des hommes sûrs. Le séjour de ces hommes a le double inconvénient de l’affamer et de compromettre la sûreté de la place.
Compiègne, 7 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Dans votre lettre du 6 août je vois plusieurs questions relatives au général Villaret-Joyeuse. Vous devez lui répondre que sa place n’est pas nouvelle, que tout se trouve réglé, que le vice-roi est à la fois chef du gouvernement italien et général en chef de l’armée française; que, du reste, Venise est gouvernée par un système constitutionnel auquel il n’est dérogé qu’en cas de guerre ou de siège.
Compagnie, 7 septembre 1811
A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris.
Faites-moi un rapport sur les différentes branches des finances du département de la Lippe.
Je vous envoie un mémoire d’un aide de camp que j’ai envoyé dans la Lippe. Vous verrez ce qu’il dit des domaines. Je pense qu’il faudrait traiter avec le grand-duc de Berg. Mon intention n’a jamais été de lui laisser tous les domaines. Je n’ai pas entendu lui laisser les remparts de Munster, ce qui serait ridicule. Envoyez-moi un rapport et un projet de décret. L’inspecteur de l’enregistrement doit être arrivé. Tout ce qui est forêts, domaines, etc., doit m’appartenir. S’il y a lieu à indemniser le grand-duc de Berg, on l’indemnisera par des rentes.
Compiègne, 8 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
J’ai lu avec intérêt la lettre du général O’Connor, que je vous renvoie. Cette correspondance avec l’Irlande me parait fort importante à établir. Demandez des renseignements sur l’esprit actuel, car je ne suis pas éloigné d’y envoyer 6,000 chevaux et 30,000 hommes.
Compiègne, 8 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je reçois et lis avec attention le travail que vous m’avez remis sur les compagnies garde-côtes. Ces renseignements m’ont paru fort satisfaisants. Vous proposez de conserver cinquante compagnies garde-côtes et de créer trente-six nouvelles compagnies d’artillerie. Il n’est aucun doute que les cinquante compagnies garde-côtes ne vaudront jamais des compagnies d’artillerie, tant par la composition des officiers et sous-officiers que par celle des soldats. Mais, dit-on, il faut 450 officiers, et l’on ne peut en fournir que 140. Je ne puis pas admettre cette objection. Dans un pays comme la France, j’aurai non seulement 400 officiers, mais 4,000, si je veux les payer. Cette objection serait bonne en Russie. Les 450 officiers ne pourront pas être fournis cette année, parce qu’il faut un an d’école, mais on pourra les avoir l’année prochaine. Toute objection cesse en n’employant que 140 officiers cette année, et l’on emploiera l’année prochaine 1 40 autres. Dans les dix-huit points que l’on présente, La Havre, la Hague, Ostende, Dunkerque, Saint-Malo, Lorient, Nantes, l’embouchure de la Loire, Marseille, le golfe Juan, Fréjus, Livourne et Gènes ne sont point compris; tous ces points sont cependant importants.
Je ne puis donc pas admettre en principe que nos côtes doivent être confiées à des mains malhabiles. N’admettant point la raison du manque d’officiers, que je puis avoir en tel nombre que je veux, l’objection tombe sur les hommes : la conscription y pourvoira, et, pour la première formation, je ferai un appel pour les conscriptions antérieures par un sénatus-consulte ; ce qui soulagera les côtes de l’entretien des garde-côtes et donnera une nouvelle garantie à tout l’Empire.
La seconde objection est que cela est trop coûteux; mais, en supprimant cinquante compagnies garde-côtes, j’économiserai 1,500,000 francs; en formant trente-six compagnies de plus d’artillerie, je ne crois pas que ce soit une dépense de plus de 2 millions. Ce serait donc 600,000 francs de plus. Mais qu’est-ce qu’une dépense de 2 millions, de 3 millions de plus pour un objet de si grande importance ? Quel est le caboteur qui ne me payerait pas un droit qui me rendrait le triple, pour être efficacement protégé ? Mais, sans établir de nouveaux droits, l’inhabileté des garde-côtes coûte à mes marins 2 ou 3 millions par an et à mon commerce des sommes plus considérables. Il ne faut pas croire que les plaintes des officiers d’artillerie soient vraies; ils disent toujours qu’il y a trop de canons. Le fait est qu’il n’y en a point assez. La supériorité de l’ennemi est telle, qu’à tous les caps, sur toutes les plages, mon cabotage a besoin de trouver protection. Il faut beaucoup de batteries et en bon état, et de pièces de campagne. Il faut que les affûts soient en bon état, qu’on sache employer les bombes, donner une direction à la pièce, vérifier si l’on a de bonne poudre, se servir de pièces de campagne pour porter sur la plage à 12 et à 1500 toises de la batterie. Sont-ce des compagnies garde-côtes qui pourront jamais faire ce service ? On n’entend que des inepties : nos boulets ne portent pas, nos bouchons sont mauvais, notre poudre est détestable. En conséquence, mes bâtiments sont pris dans toutes mes rades. Ce qu’il y a de plus vrai dans tout cela, c’est que les adjudants des côtes sont ignorants, que les directeurs et sous-directeurs d’artillerie sont peu nombreux, vieux, dépourvus de matériel, et sont de peu d’utilité.
Les affûts sont faits de manière qu’on ne peut pas donner à la pièce le degré nécessaire pour tirer loin. A qui la faute ? Au capitaine d’artillerie, qui, par un coup de rabot qu’il fait donner par les ouvriers de sa compagnie, peut remédier à cet inconvénient.
La poudre est mauvaise, cela est possible; mais la faute à qui est-elle ? Au capitaine d’artillerie, qui doit la vérifier tous les mois, en prenant une poignée dans chaque gargousse pour s’assurer quelle est bonne; car dans ces lieux la poudre peut se détériorer d’un mois à l’autre. Sont-ce des officiers de garde-côtes qui peuvent faire ces vérifications ? Sera-ce de malheureux inspecteurs de garde-côtes que l’on dédaigne qui auront la main assez forte pour obliger le directeur à changer la poudre ?
Les plates-formes s’abîment, soit de mortier, soit de canon, les affûts se cassent, les épaulements sont écroulés par le canon ennemi, est-ce une compagnie composée de paysans, qui n’a point d’artificiers, pas d’ouvriers, qui n’a aucune des connaissances nécessaires qui pourra remédier à tout cela ? Non ; ils tirent quelques coups de canons et après cela cessent leur feu. Je ne veux point de compagnies garde-côtes. Je veux que des colonels, des colonels en second, des chefs de bataillon, des capitaines de la ligne, me répondent de mes côtes, que, le service venant à être mal fait, soit par défaut d’affûts, soit par mauvaise qualité de la poudre, soit par toute autre raison, ils en soient responsables. On coupe la tête à un officier d’artillerie qui donne des cartouches qui ne sont pas de calibre : on doit condamner à mort l’officier qui, placé sur la côte, laisse périr dans sa main les que je lui ai confiées pour défendre le territoire et protéger les propriétés de l’État ou du citoyen. Est-ce donc à de misérables officiers garde-côtes que je puis imposer cette responsabilité ?
Le corps de l’artillerie doit me répondre de mes côtes.
Les généraux d’artillerie, connaissant la valeur des différents officiers, pourront les placer et les déplacer.
Je persiste donc dans mon projet de créer trois nouveaux régiments d’artillerie. Vingt bataillons de six compagnies, formant cent vingt compagnies, seront employés sur mes côtes et dans mes places de guerre maritimes. Il y sera pourvu par soixante et douze compagnies de nouvelle création et par quarante-huit compagnies prises sur l’ancienne artillerie. Chaque compagnie étant de 120 hommes, cela me fera 14,400 hommes; cent vingt compagnies auxiliaires, formées, comme les compagnies de garde-côtes actuelles, de 60 hommes, feront 7,200 hommes; dix-huit compagnies de canonniers vétérans formeront 2,200 hommes; j’aurai donc 24,000 canonniers sur mes côtes.
J’estime qu’il est nécessaire d’avoir quatre ou cinq généraux de brigade d’artillerie chargés de l’inspection des côtes, de donner des ordres aux directeurs ou sous-directeurs d’artillerie des côtes, de demeurer dans un point central, et qui seront responsables du service de la côte. Deux de ces généraux paraissent nécessaires dans la Méditerranée et trois dans l’Océan. Ils doivent avoir sous leurs ordres un colonel, deux colonels en second, ce qui fera dix officiers supérieurs, et chaque officier supérieur aura deux chefs de bataillon, ce qui fera vingt chefs de bataillon. Ainsi mes côtes seront divisées en cinq grands arrondissements, en dix districts et en vingt arrondissements de bataillon.
Un général de brigade aura donc dans sa direction la valeur de quatre bataillons, c’est-à-dire 2,400 hommes avec un colonel, un colonel en second et deux chefs de bataillon. Le colonel et le colonel en second auront toujours un adjudant sous-lieutenant. Le général aura ses deux aides de camp. Le général aura de plus sous ses ordres un directeur et deux sous-directeurs chargés du matériel. Ces directeurs et sous-directeurs devront lui obéir, mais en rendant compte sur-le-champ au ministre de tous les mouvements. Indépendamment de ce, tous les ans, des généraux de division feront l’inspection des côtes. Ainsi, cinq généraux de brigade, 10 aides de camp, 5 colonels, 10 colonels en second, 5 adjudants, 20 chefs de bataillon, 20 adjudants sous-officiers, 120 capitaines, 120 capitaines en second, 240 lieutenants, et le nombre de directeurs et sous-directeurs nécessaire, formant 555 officiers, seront sur mes côtes. Si vous joignez 600 sergents-majors ou sergents, vous voyez que j’aurai l,200 officiers ou sous-officiers; ce qui, en supposant 6,000 pièces de canon sur mes côtes, fera un officier ou sous-officier pour 5 pièce de canon ; et, comme sur ce nombre de pièces il y en a une grande quantité (comme à Flessingue, à Cadzand, à Ostende, etc., où il y a plusieurs batteries) qui ne peuvent être employées qu’en cas d’attaque offensive, il s’ensuivra que je pourrai avoir un officier et un sergent à toutes les batteries de côte, n’ayant d’autre but que de protéger simplement le cabotage.
Le chef de bataillon, le colonel, à plus forte raison le général, pourront faire marcher la compagnie d’un point sur un autre, les mouvements de l’ennemi et le besoin.
Dans chaque bataillon, on destinera plus spécialement une compagnie au service de la bombe, comme dans Flessingue, Brest et Toulon, où l’on aura plusieurs compagnies, et, dans chaque batterie, des officiers et sous-officiers et quelques pointeurs serait plus spécialement chargés du service des mortiers.
Il faut d’abord faire un règlement sur toutes ces bases, et surtout avoir bien soin qu’une compagnie d’artillerie ait ses ouvriers, ses artificiers et tout ce qui est nécessaire pour son service.
Une fois l’organisation arrêtée, on verra s’il convient de ne former d’abord qu’un seul régiment et successivement les autres, mais, pour que déjà soixante-quatre compagnies sont employées sur les côtes, qu’il y en a une cinquantaine aux dépôts dont on peut tirer vingt-quatre compagnies, qui feraient cent quatre compagnies, on serait bien près du but. Aussi ai-je regardé que l’opération préalable était de recruter toute l’artillerie actuelle, ce qui était l’objet de mon dernier décret.
Faites-moi un travail conformément à ces principes. Ne mettez aucune époque. Dans un décret ultérieur, je déterminerai l’époque de la formation de chaque régiment et l’époque successive où les compagnies garde-côtes cesseront d’exister. Quant aux compagnies sédentaires, il n’y a point de difficulté qu’on les oublie et qu’on remette à prendre un parti sur elles.
Le nombre des garde-côtes étant de 12,000, le nombre des auxiliaires étant de 6 à 7,000, ce sera un soulagement important pour les côtes. Grande partie des sergents seront conservés; les officiers seuls ne le seront pas. S’ils sortent de l’artillerie, on les mettra dans les compagnies de vétérans; mais, s’ils sont sortis de l’artillerie, c’est qu’ils étaient vieux et peu capables : on pourra les employer comme garde-batteries ou bien leur donner leur retraite.
Dès l’année prochaine mes escadres commenceront à évoluer. Il est donc nécessaire que mes côtes soient défendues par de bons officiers, animés par des sentiments d’honneur et ayant de l’activité, les talents et les connaissances qu’exige cette arme, si grossière en apparence, mais si délicate et si subtile en réalité.
Quant au moyen de recrutement, il faudra s’en occuper sérieusement. Il importe pour cela que l’école de Saint-Cyr soit complétée et maintenue à 800 élèves; je pourrai donc en tirer alors les sujets nécessaires. Il faut qu’une batterie soit établie à l’école de la Flèche, avec un officier et quelques sergents. Enfin je ne m’oppose pas à ce que l’artillerie prenne de l’école polytechnique ce qui sera inutile au génie de terre et aux ponts et chaussées.
Ma Garde ne pourrait-elle pas fournir un certain nombre de bons officiers ? Il faut 1,410 officiers. J’ai besoin de 500 de plus; c’est donc un tiers en sus, ce qui donnera de l’avancement à ce corps, qui en a besoin. Quant au nombre de 600 officiers à tirer des sous-officiers, c’est trop. Un sous-officier d’artillerie ne devrait devenir officier que par une action d’éclat ou après huit ans de service de sous-officier; ce qui supposerait dix ou douze ans de service. Avoir des sous-officiers qui n’aient que huit ans de service depuis leur entrée comme soldats est une chose très pernicieuse.
Compiègne, 9 septembre 1811
NOTE DICTEE EN CONSEIL DU COMMERCE.
Le droit des neutres est qu’un bâtiment innocent ne peut jamais être pris, dans quelque lieu qu’il aille.
Par exemple, un bâtiment part de New-York; ses papiers sont pour Brest, il n’a que des marchandises dont l’entrée est permise; il ne voulait donc que faire le commerce et non la guerre. La place se trouve assiégée, mais il l’ignorait ; la croisière peut l’empêcher d’entrer, mais non le prendre.
Les Anglais ont suppléé à cela par la notification du blocus; aussi une note du ministère prévient les étrangers et les consuls que telle place est bloquée ; dès lors tout bâtiment qui y va est censé coupable, c’est contre cela que nous nous récrions.
Les droits des neutres sont établis par le traité d’Utrecht ; ils consistent en ce que le pavillon couvre la marchandise. Un pavillon neutre peut naviguer d’un port ennemi à un port ennemi, ou du port ennemi à un port ami ; il peut même faire le cabotage, mais il ne peut porter des marchandises prohibées. Il pourrait porter des draps de Carcassonne, à Alger ou à Anvers sans qu’on eût rien à dire.
Ce n’est pas que, les Anglais méconnaissant les droits des neutres, on ne pût très bien, en bonne justice, prendre un bâtiment qui méchamment va à Cadix assiégé et y porte des vivres ; mais ce serait décider une question qu’il nous convient de laisser en suspens.
Compiègne, 10 septembre 1811
Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris
Monsieur le Comte de Cessac, je reçois votre nouveau rapport sur les dépôts de Strasbourg et de Wesel. En vérité, je ne conçois pas que vous ne répondiez pas plus clairement. Il y avait le 7 septembre 1,200 conscrits à Wesel, et pas une chemise, ni une paire de souliers, ni un habit n’étaient arrivés. Cependant du 3 août, date de mon ordre, au 7 septembre il y a trente-quatre jours. Comment les chemises de Mayence et de Strasbourg, comment les effets de Strasbourg et même ceux de Paris n’étaient-ils pas encore parvenus à leur destination ? Vous m’annoncez divers convois et vous assurez qu’il y aura 800 habits à Wesel au 15 septembre; mais cela sera bien insuffisant pour habiller 15 à 1800 conscrits qui s’y trouveront à cette époque. Vous ne me faites point part d’une manière assez précise des dispositions que vous avez faites, de manière que je ne puis ni les surveiller ni ordonner des mesures en conséquence. Vous annoncez que les chemises et les effets de petit équipement sont expédiés de Strasbourg et de Mayence; mais, s’ils n’étaient pas arrivés le 7 septembre, comment puis-je croire qu’ils arriveront jamais ?
Je me plains moins de ce que mes troupes ne sont point habillées, de ce qu’on suit une fausse direction, que du désordre qui règne dans le bureau de l’habillement, de manière qu’on ne me fait pas connaître l’état des choses. Je désire que tous les renseignements sur cet objet important me soient apportés par le chef de division de l’habillement, qui partira jeudi dans la nuit pour arriver vendredi dans la matinée chez le ministre secrétaire d’État. Il devra se pourvoir de tous ses registres et amener avec lui un ou deux commis, si cela est nécessaire. Il faut que je connaisse la situation de cette partie essentielle du service.
Compiègne, 10 septembre 1811
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Comte Decrès, je vous renvoie vos instructions pour les commandants des frégates l’Incorruptible et la Pénélope. Je vous envoie également les deux lettres signées de moi pour ces deux officiers et une pour l’officier commandant les frégates la Pomone, la Pauline et la flûte la Persane.
Vous demanderez au ministre de la guerre un ordre pour que le commandant de l’île d’Elbe fasse embarquer 300 conscrits du 6e ou du 14e léger à bord de l’expédition partie de Gènes, s’il y a suffisamment de conscrits habillés, et, dans le cas contraire, pour qu’il fasse compléter les cadres de deux compagnies du 7e bataillon du 14e léger par 300 conscrits disponibles du bataillon du régiment de la Méditerranée, qui se trouve dans l’île.
L’expédition de Toulon embarquera 300 conscrits du régiment de la Méditerranée qui est à Toulon.
Les deux expéditions de Gènes et de Toulon porteront ainsi 600 hommes; dans leur second voyage, elles porteront chacune 300 hommes du 14e léger et du 6e de ligne. Ce sera donc 1,200 hommes que ces deux expéditions auront portés.
Recommandez aux capitaines d’embarquer d’abord les vivres et de ne prendre les hommes qu’autant que cela ne gênerait point le transport des vivres.
Il est nécessaire que pour leur second voyage vous donniez de nouvelles instructions à Porto-Ferrajo, pour qu’on tienne prêt dans ce port de quoi compléter leurs vivres.
La première expédition de Trieste doit être, comme je l’ai déjà décidé, composée d’une frégate, de la Corcyre et du brick le Simplon; la seconde, d’une frégate, du Diomède et d’un transport; et la troisième, des frégates la Pomone, la Pauline et de la flûte la Persane.
La Thémis et la Corcyre resteront à poste fixe à Corfou.
Réitérez l’ordre aux commandants des frégates la Flore et la Danaé de partir de Raguse.
Compiègne, 10 septembre 1811
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Présentez à ma signature les instructions pour les deux frégates qui de Dunkerque doivent se rendre dans l’Escaut, et pour les frégates qui de Rochefort doivent se rendre dans la Gironde.
Faites-moi connaître la destination que doivent avoir l’Ariane, qui est à Nantes, et l’Andromaque. Si l’on a de bonnes nouvelles de Batavia, on mettrait à bord de ces deux frégates autant d’hommes qu’elles en pourront porter. Si, au contraire, on a des nouvelles douteuses de cette colonie, on les fera partir avec le matériel qui peut être utile à Batavia et avec 30 hommes propres à faire des officiers et des sous-officiers. Après cela on ordonnera aux frégates d’aller en croisière sur les côtes du côté de Montevideo, et, selon les nouvelles qu’elles apprendraient, elles se dirigeront sur Batavia; ou, si Batavia était pris, elles iront croiser à volonté et opérer leur retour comme elles l’entendront. Si Batavia n’est pas pris, outre le secours que donneront par elles-mêmes ces frégates, elles y déchargeront le matériel dont elles auront été chargées et qui leur servira de lest.
Compiègne, 11 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je vous envoie le plan de Modlin avec les notes qui font connaître où en sont les travaux de cette place au 28 août. Je désirerais que le comité me traçât les redoutes A, B et C, de manière qu’elles flanquassent les branches des couronnes. Ces ouvrages, se trouvant ainsi à 100 et 150 toises des plates-formes, pourraient être entoures d’un chemin couvert; et même l’assiégé pourrait faire des ouvrages autour, pour opposer des obstacles au moment où la couronne serait prise. Faites-moi connaître quelles sont les objections qu’on a contre ce projet et ce qui a empêché les officiers du génie de le concevoir.
Je désire que les plans de Modlin et les plans sur Thorn, Zamosc et Danzig me soient apportés par l’officier que le prince d’Eckmühl a envoyé parcourir ces places en dernier lieu, afin que j’en puisse causer avec lui.
Compiègne, 11 septembre 1811
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg
Mon Cousin, faites-moi connaître la quantité de poudre et le nombre de pièces, de boulets et de munitions de toute espèce que le grand-duché de Varsovie a envoyés à Danzig, avec le lieu où tout cela a été mis en dépôt. Demandez qu’on vous envoie des officiers d’artillerie et du génie avec les plans de Modlin, Zamosc et Thorn , et qu’on vous fasse connaître quand ces places pourront recevoir l’artillerie. Faites-moi connaître quelle est la quantité d’artillerie hors de service qui se trouve à Danzig.
Compiègne, 12 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, j’ai lu avec attention votre rapport sur l’ordre que j’avais donné de s’assurer de la presqu’île Cépet, de Toulon ; elle a 2,000 toises de long. Le comité propose de placer sur un point culminant une redoute modèle n° 2, qui coûterait 300,000 francs, pour caserner 2 ou 300 hommes, qui se porteraient sur les batteries de la Caraque, de Saint-Mandrier, du Puits, de Mord’huy et du cap Cépet. Faites faire le tracé de cette redoute sur un grand plant avec des cotes de nivellement et avec la distance de chaque batterie et leur élévation. La mitraille de cette redoute pourra-t-elle donner dans ces batteries ?
Quant aux Sablettes, il est nécessaire de m’en bien faire connaître la position par un pareil dessin. Cela sera discuté dans les conseils de novembre. Tout ce qui regarde Toulon est d’une si haute importance qu’il faut s’en occuper avec soin. La batterie du cap Brun n’est pas fermée à la gorge. Une petite tour sur cette hauteur serait nécessaire. Faites-en faire le projet.
Compiègne, 12 septembre 1811
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Comte Decrès, avant peu nous aurons de grands événements sur l’Escaut. Les travaux de la guerre vont avec la grande activité. J’ai fait placer plus de soixante mortiers et cent quarante pièces de 36 sur tous les fronts de mer; il y en a autant sur le côté de Cadzand; la marine seule ne fait rien, ne prépare rien, ne prévoit rien pour la défense de l’Escaut et de Flessingue ; cependant, elle peut beaucoup.
Je vous engage à étudier sérieusement la note que j’ai dictée et prendre avec vos officiers les mesures convenables. Boulogne n’a pas été brûlé, grâce à la ligne d’embossage; sans elle tout aurait été incendié. Il faut préparer des bombardes, des brûlots, des chaloupes, pour former la flottille destinée à défendre Flessingue; il faut construire des prames; enfin il faut que des officiers de marine, des capitaines de port et autres reçoivent leurs instructions, et sachent les positions que doit occuper la ligne d’embossage, dans différents cas, et les manœuvres qu’ils doivent exécuter. Il n’y a aucune espèce de doute que, l’écluse de Flessingue étant terminée, je diviserai mon escadre en deux portions : l’une sera maîtresse de remonter sur Bath et Anvers, en cas d’évènements extraordinaires; j’imposerai à l’autre de s’enfermer dans Flessingue et de suivre son sort. Ces vaisseaux, en bonne saison, se tiendront en avant de Flessingue, se tiendront appuyés à la flottille. Je sens aussi le besoin d’augmenter cet appui par des prames, portant une forte artillerie. Je désire que vous étudiiez toutes ces idées et que vous me fassiez un rapport sur le parti à prendre. Mon escadre, forte de plus de trente vaisseaux n’a rien à craindre sur ses derrières, il lui reste à n’avoir plus à redouter, mouillée en avant de Flessingue, une escadre supérieure. Dans ce cas, elle peut souhaiter de voir ses ailes appuyées par des prames, comme sa tête de pont éclairée par une flottille.
Compiègne, 12 septembre 1811
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Comte Decrès, on m’annonce que la frégate américaine la Constitution, est armée de 54 canons et a 420 hommes d’équipage. Chargez les officiers que j’ai à Cherbourg de voir cette frégate et de vous rendre compte de la disposition de ces 54 canons, pourquoi il y a 420 hommes d’équipage, et si cette frégate est plus forte que l’Iphigénie.
Compiègne, 12 septembre 1811
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Comte Decrès, vous me devez beaucoup de réponses; je vous prie de me les apporter au travail de dimanche. Vous devez me faire des rapports sur ce qui est relatif aux différentes corvettes à faire monter en Corse par des gens du pays et sur beaucoup d’autres dispositions.
Compiègne, 12 septembre 1811
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg
Mon Cousin, il y a à Cuxhaven quatre ou cinq batteries; elles ne pourraient point être défendues contre un débarquement. Il faudrait choisir le point le plus favorable pour défendre le mouillage de l’Elbe et y projeter un pentagone; de sorte que 4 ou 500 hommes pussent y soutenir un siège de douze ou quinze jours de tranchée ouverte; ce qui mettrait à l’abri de toute insulte la flottille et l’embouchure de l’Elbe. Si l’on pouvait protéger ce fort par des inondations, il deviendrait plus fort; on l’augmenterait successivement, de manière à avoir là par la suite une place très forte. L’ennemi ne pourra s’emparer de ce point qu’en y faisant un débarquement de 2,000 hommes; mais ces 2,000 hommes ne pourront pas espérer de s’y maintenir longtemps, parce qu’il y aura toujours dans les environs des forces supérieures prêtes à se rassembler. L’ennemi ne peut donc tenter cette opération qu’avec un corps de 7 à 8,000 hommes; alors elle devient trop importante. Si le terrain est bien choisi et l’inondation bien tendue, cette expédition, même avec 15 ou 20,000 hommes, mettra vingt ou trente jours à prendre cette place. II faut donc avoir un plan de l’Elbe et de ses sondes, en bien connaître les passes et les détails, pour pouvoir bien choisir le point le plus favorable pour l’établissement d’une place de cette nature. On ne conservera alors dans les batteries actuelles que des obusiers et des pièces de 12 de campagne, pour pouvoir les faire rentrer facilement dans la place; alors rien ne tenterait l’ennemi. Il faut choisir un pareil emplacement pour défendre le Weser et un autre pour la Jahde. Le Weser est plus important que la Jahde, mais il l’est moins que l’Elbe. Ces trois places, ainsi situées à l’embouchure des rivières, forment le véritable système à établir sur ces côtes; de sorte que la division qui les défendra, aura une brigade sur l’Elbe, une brigade sur le Weser et une autre sur la Jahde, et occupant par ses avant-gardes ces trois forts, serait très bien disposée pour la protection de ces côtes. Ainsi je demande trois projets pour trois forts placés comme je viens de l’expliquer. Les mémoires, les projets, les devis seront appuyés sur des plans, des cartes, des sondes et des nivellements. Une grande place de dépôt sur l’Elbe n’en est pas moins nécessaire; mais c’est une question d’une tout autre importance et qui ne peut empêcher d’avoir, au lieu de batteries, trois forts qui mettront 1,000 hommes et trois batteries à l’abri de toute insulte, qui protégeront la navigation et les débouchés. Il faut que vous chargiez de ce travail le général du génie.
Compiègne, 12 septembre 1811
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg
Mon Cousin, je reçois votre lettre. Le ministre de la guerre a l’ordre d’envoyer aucun ordre de mouvement à vos officiers. Tout doit vous être d’abord adressé ; vous seul devez savoir ce qu’il y a à faire, puisque vous commandez une armée et non pas une division. J’approuve donc la mesure que vous avez prise de retenir les officiers désignés pour des grades supérieurs jusqu’à ce qu’ils soient remplacés.
Compiègne, 13 septembre 1811
A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Bassano, communiquez à M. d’Angelo cette copie de la lettre du ministre de Russie à Naples, pour lui faire voir où en sont les choses, et qu’il est temps que le roi finisse ce scandale (par décret du 14 juin 1811, le roi de Naples imposait aux Français employés dans les services civils de son royaume l’obligation de se faire naturaliser Napolitains, sous peine d’être considérés comme démissionnaires. Le motif et les conséquences de cette mesure excitaient une vive émotion, et les ministres étrangers accrédités à Naples s’étaient empressés d’en informer leurs cours.) Envoyez-en aussi quelque extrait à M. Durand, qui ne met pas dans tout cela l’activité et le zèle que j’aurais droit d’attendre.
Compiègne, 14 septembre 1811
Au capitaine Christin, officier d’ordonnance de l’Empereur, en mission
Vous trouverez ci-joint un plan de la Gironde et un rapport du bureau du dépôt de la marine sur cette rivière. Vous irez reconnaître cette rivière depuis l’embouchure jusqu’à Bordeaux. Vous visiterez la jetée et le port de Royan, les travaux faits et ceux à faire, ainsi que l’autre port dont il est question dans le mémoire (le port de Saint-Palais). Vous reconnaîtrez avec soin les deux rades de Jau et de Talmont et la possibilité qu’il y aurait à y mettre des vaisseaux à l’abri.
Vous verrez les batteries qui sont à la Pointe-de-Grave et au fort de Royan. Le maître des requêtes Fain vous remettra un relevé des ordres donnés pour la défense de ces côtes et l’armement de ces batteries.
Vous vous rendrez en droite ligne à Rochefort; vous m’enverrez de là un mémoire. De là vous irez à Oléron voir la batterie des Saumonards et prendrez connaissance de ce qui est relatif à la défense de cette rade. Vous visiterez Maumusson, Arvert et ce qui est relatif à la défense de ce point important.
Votre mission terminée, vous irez visiter les travaux des îles d’Oléron et d’Aix. Vous verrez les troupes qui sont dans ces îles, et vous m’enverrez un rapport sur leur habillement, instruction, santé, et sur les dispositions qu’elles montrent, enfin sur tout ce qui peut intéresser dans ces corps.
Compiègne, 14 septembre 1811
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg
Mon Cousin, j’ai expédié aujourd’hui un courrier pour Berlin. J’ai donné ordre au comte Saint-Marsan que, si la Prusse ne cesse point les travaux de fortification et d’approvisionnement des places de Spandau, de Kolberg et tous ses mouvements d’armement, il ait à quitter Berlin.
Mon intention est qu’aussitôt que le comte Saint-Marsan aurait quitté Berlin, ce dont il ne manquera pas de vous instruire, vous vous portiez de votre personne sur cette capitale avec votre armée. Vous auriez soin de renforcer la division du général Dessaix à Stettin de plusieurs brigades de cavalerie et d’une division d’infanterie. Afin qu’elle soit assez forte pour détruire le pont que les Prussiens ont sur l’Oder et intercepter le passage de ce fleuve.
Vous préviendriez dans ce cas le roi de Westphalie, qui réunirait ses troupes à Magdebourg. Vous écririez en Saxe pour que les troupes saxonnes soient réunies à Glogau. Vous écririez à Dresde et à Varsovie (pour ce qui regarde l’armée du Grand-Duché) pour qu’on interdit le passage de la Vistule à toutes troupes, charrois, munitions, etc., pour qu’on désarmât et fit prisonnières toutes les troupes qu’on trouverait, et qu’on prit tous les canons et tous les trains. Je n’ai pas besoin de vous dire que vous devez prévenir à Stettin, à Glogau, à Küstrin, à Danzig, de se tenir sur ses gardes. Prenez vos mesures d’avance pour que je n’aie pas sur ma ligne d’étapes des hommes isolés, des convois ou autre chose qui seraient sacrifiés. Si je perd un homme ou un caisson, j’aurai lieu de vous en témoigner mon mécontentement. Tout doit être groupé dans les places fortes et massé.
Ma résolution est si fortement exprimée, que j’espère que la Prusse sentira son impuissance et la folie de ses prétentions, et que le comte Saint-Marsan ne partira pas. Mon intention est d’ailleurs que vous ne fassiez aucun préparatif qui puisse menacer. Vos troupes doivent être sur l’alerte et avoir leurs quatre jours de vivres sous prétexte d’une revue. Si vous entrez en Prusse, il ne faut faire aucune proclamation, ne rien dire, mais tout prendre et désarmer, et surtout faire observer une bonne discipline. Il faudrait, dans ce cas, tâcher de surprendre Spandau.
Compiègne, 14 septembre 1811
Au capitaine Christin, officier d’ordonnance de l’Empereur, en mission
Vous trouverez ci-joint un plan de la Gironde et un rapport du bureau du dépôt de la marine sur cette rivière. Vous irez reconnaître cette rivière depuis l’embouchure jusqu’à Bordeaux. Vous visiterez la jetée et le port de Royan, les travaux faits et ceux à faire, ainsi que l’autre port dont il est question dans le mémoire (le port de Saint-Palais). Vous reconnaîtrez avec soin les deux rades de Jau et de Talmont et la possibilité qu’il y aurait à y mettre des vaisseaux à l’abri.
Vous verrez les batteries qui sont à la Pointe-de-Grave et au fort de Royan. Le maître des requêtes Fain vous remettra un relevé des ordres donnés pour la défense de ces côtes et l’armement de ces batteries.
Vous vous rendrez en droite ligne à Rochefort; vous m’enverrez de là un mémoire. De là vous irez à Oléron voir la batterie des Saumonards et prendrez connaissance de ce qui est relatif à la défense de cette rade. Vous visiterez Maumusson, Arvert et ce qui est relatif à la défense de ce point important.
Votre mission terminée, vous irez visiter les travaux des îles d’Oléron et d’Aix. Vous verrez les troupes qui sont dans ces îles, et vous m’enverrez un rapport sur leur habillement, instruction, santé, et sur les dispositions qu’elles montrent, enfin sur tout ce qui peut intéresser dans ces corps.
Compiègne, 16 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Vous verrez par le décret de ce jour, qui règle un fonds spécial pour Danzig, et les places de l’Oder que j’ai accordé un fonds de 800,000 francs pour l’artillerie à Danzig. Il est convenable que vous me présentiez un décret pour la distribution de ces 800,000 francs. Danzig étant notre grand dépôt pour toute la guerre du Nord, il est convenable d’y avoir une grande quantité d’outils, de sacs à terre, et d’affûts. Il faut des affûts de place en grand nombre pour la place: mais il en faut aussi pour les équipages de siège. Un petit arsenal de construction avec une bonne compagnie d’ouvriers d’artillerie français, que l’on pourrait même augmenter d’ouvriers de la marine, me parait très nécessaire à Danzig, afin que tout le matériel puisse y être réparé. Il conviendrait même peut-être d’établir à Danzig une petite fonderie où l’on put couler des canons de bronze et des mortiers. Cette fonderie et ces établissements nous seraient d’une grande utilité dans cette position. Il faudrait également y établir une poudrière.
Compiègne, 16 septembre 1811
Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris
Monsieur le Comte de Cessac, vous verrez par le décret de ce jour, qui règle un fonds spécial pour Danzig et les places de l’Oder, que j’ai laissé un fonds de 200,000 francs pour construction de chariots à Danzig. Je désire que vous ordonniez sur-le-champ qu’on établisse un atelier de construction à Danzig, où le bois est abondant, et que vous fassiez construire 100 chariots, soit sur le modèle de ceux que j’ai adoptés, qui portent 4 à 5 milliers, soit sur tout autre modèle qui serait plus propre à la guerre de Pologne. Il serait convenable d’avoir à cet effet un atelier et des ouvriers à Danzig, et que, tout en construisant ces charrettes, on puisse aussi y réparer les fourgons; qu’enfin on put avoir là un centre de réparation et de construction qui eût les moyens de pourvoir à tous les besoins de l’armée. Présentez-moi un projet d’organisation de cet établissement.
Compiègne, 18 septembre 1811
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Monsieur le Comte Montalivet, je vous renvoie votre rapport et les différentes pièces qui y sont jointes sur les centimes affectés aux dépenses variables et fixes des départements. Je n’approuve aucun des projets que vous me présentez. Quand le cadastre sera terminé, je m’occuperai de la contribution foncière, je changerai les centimes fixes, variables, etc. D’ici à ce temps il n’y a rien à faire. Je n’approuve pas que les frais d’abonnement des préfets et sous-préfets qui se montent à 7 millions, les dépenses des enfants trouvés, qui se montent à 4 millions, celles des prisons, qui se montent à 8 millions, soient ôtés des dépenses variables. Je n’approuve pas non plus votre dernier système, qui est de prendre sur les villes 1,700.000 francs et un demi-centime sur les 4 centimes réservés pour les 1,200,000 francs de déficit qui restent à couvrir. Je désire que vous me présentiez un projet de décret pour régler les centimes des dépenses fixes et variables pour 1811, comme ils l’ont été pour 1810. Il y aura un déficit; ce déficit sera ajouté à celui de 1810 et l’on prendra une mesure commune pour suppléer au déficit de 5 à 6 raillions qui existera. Je désire que vous me présentiez ce décret dans la semaine. Ayant réglé le système de l’année 1811, je désire que vous me remettiez un travail ayant pour objet de régler d’une manière plus solennelle l’année 1812.
Voici les bases du travail pour l’année 1812 (je désire que ce travail me soit présenté en septembre, afin qu’il puisse être envoyé avant la première quinzaine d’octobre) : les dépenses fixes et variables se montent à 48 ou 49 millions; je pense que cette évaluation n’est pas portée assez haut. Les tribunaux sont mal partout ; les prisons sont insuffisantes; les enfants trouvés manquent même d’établissements dans plusieurs endroits. Porter à 51 millions les dépenses fixes et variables ne serait pas trop. Une diminution peut être faite sur les dépenses de préfectures : quelques petites préfectures ont un abonnement trop fort pour leurs frais de loyer, d’entretien et autres menues dépenses. Il faudrait faire revoir cela avec soin, pour comparer ces préfectures aux autres et mettre de l’uniformité où il n’y en a point. Faites quatre ou cinq rangs de préfectures, si vous le jugez à propos; je ne m’y oppose point. La quotité des dépenses de loyer, d’entretien, etc., classera les préfectures dans ces cinq ordres; même chose pour les sous-préfectures. On trouvera ainsi moyen d’économiser au moins 1 million.
Il y aura toujours un déficit de 3, 4 ou 5 millions. Il faut y pourvoir en formant dans chaque département un fonds commun départemental, qui se composera du produit de la retenue pour la garde départementale et de 6 ou 8 centimes sur les octrois et revenus des villes; cela formera un fonds de 4 à 6 millions. Vous verrez à combien se montera le produit par département, et il y aura alors moyen de renforcer la caisse des dépenses départementales. En me faisant connaître ce que les 17 centimes rendent dans chaque département, vous y ajouterez ce que produit la retenue pour les compagnies de réserve et ce que produiraient les 6 ou 8 centimes de retenue sur tous les revenus des communes. Il sera encore facile de se procurer 1 ou 2 millions, en mettant à la charge des grandes villes les dépenses des cours impériales, tant pour le logement que pour les menus frais et dépenses de toute nature. Les cours impériales sont toutes dans de grandes villes qui ont de gros revenus et qui tirent avantage du séjour de ces cours souveraines. Vous pouvez, dans plusieurs grandes communes, mettre les enfants trouvés des villes à la charge de ces villes ; ce sera un moyen de se procurer des ressources.
S’il était des départements qui, malgré la retenue de 6 ou 8 centimes sur les revenus des communes, malgré la mise aux frais des communes de la cour impériale, malgré l’abandon des 17 centimes, sans qu’on leur en attribuât de fixes, ne pussent cependant pourvoir à leurs dépenses variables, cela serait évidemment une exception et ne tomberait pas sur plus de quatre ou cinq départements. Il y serait pourvu en augmentant les centimes fixes des départements qui seraient les plus riches, de sorte que le trésor serait couvert de ses dépenses. Ce serait un fonds dont la perception serait inaperçue. Refaites votre travail sur ces bases et remettez-le-moi au plus tôt, avec un projet de décret.
Compiègne, 18 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je vous renvoie votre correspondance de Catalogne. J’avais retardé de signer le décret de réunion pour avoir l’opinion du général qui commande dans cette province. Il parait qu’il y voit plus d’inconvénients que d’avantages. Cela étant, le décret n’étant pas encore pris, je retarderai encore, car ces sortes de mesures ne doivent être prises que lorsqu’elles ont un but d’utilité.
Il n’est pas possible, dans le décret de réunion de la Catalogne, de faire une exception pour la conscription. Des prétextes ne manqueront pas pour tenir le peuple en insurrection, tant qu’on ne sera pas les plus forts. Écrivez au duc de Tarente que je désire qu’il fasse connaître quand il jugera que le temps est arrivé.
Compiègne, 20 septembre 1811
INSTRUCTION POUR LE CAPITAINE GOURGAUD, OFFICIER D’ORDONNANCE DE L’EMPEREUR, A BOULOGNE
L’officier d’ordonnance Gourgaud se rendra à Ambleteuse avec 10 chevau-légers et 10 chasseurs de la Garde. Un officier commandera ce détachement.
Il passera la nuit à la Tour d’Ambleteuse. J’ai donné ordre que trois pièces de 12, trois obusiers, une compagnie de voltigeurs, et une d’artillerie de renfort se rendissent sur ce point.
Du moment qu’il y aura quelque chose de nouveau, il enverra un chasseur pour m’en prévenir. Il me rendra compte toutes les heures de la situation de la croisière et de la ligne d’embossage. Il se rendra à bord de l’amiral et de la bombarde, ainsi que de la canonnière, pour savoir celles qui ont lancé des obus avec des obusiers de 8 pouces, et combien de coups a tirés la bombarde. Il aura soin de se porter avec la batterie mobile à l’endroit où se tirerait un coup de canon.
Boulogne, 20 septembre 1811
Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la garde impériale, à Paris
Mon Cousin, allez souvent voir le roi de Rome; voyez Mme de Montesquiou, et prenez toutes les mesures pour veiller à sa sûreté. Informez Mme de Montesquiou qu’en cas d’événement c’est à vous qu’elle doit s’adresser et vous qu’elle doit prévenir.
Boulogne, 22 septembre 1811
Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris
J’ai trouvé les 4e, 19e et 46e régiments, qui sont au camp de Boulogne, assez bien habillés. Les draps qui leur ont été fournis cette année sont supérieurs à ceux des autres années. Les corps se plaignent, en général, que l’administration de la guerre leur fournit tout, tels que shakos, gibernes, etc., ce qui a l’inconvénient qu’ils payent ces objets cher et qu’ils sont moins bons. J’ai vu des shakos qui sont trop étroits. Tous préfèrent que l’administration de la guerre ne leur fournisse que les draps, comme cela se faisait il y a deux ans, et leur passe le reste sur la masse d’habillement. Ils trouvent trop forte la réduction faite pour l’évaluation des habits. J’ai vu que des régiments avaient eu pour les anciens soldats plus d’habits qu’il ne leur en revenait.
Tous les militaires croient que l’administration de la guerre se charge de beaucoup trop de détails, et que cela est plus nuisible que utile; que tout devrait se réduire à leur fournir le drap : cela paraît sage.
Le 5e régiment de chevau-légers a 500 hommes, des lances et point de chevaux. Il a 150 conscrits qui ne sont pas habillés; il n’a pas encore commencé son nouvel uniforme. Vous l’avez autorisé à acheter 400 chevaux; mais il n’a pas pu trouver de fournisseurs. Le fournisseur qu’il avait précédemment est ruiné. Ce régiment se plaint de ce qu’il y a deux réceptions, l’une provisoire et l’autre définitive ; que la réception définitive vient un mois ou six semaines après la réception provisoire, et que, par une des clauses du marché, tout fournisseur est obligé de reprendre son cheval si, lors de la revue définitive, il n’est pas accepté, et même le fourrage que le cheval a consommé. Il n’y a point d’avantage à imposer des conditions onéreuses aux fournisseurs. Il parait juste, lorsqu’un cheval a été gardé dans les cinq jours de son arrivée au corps, de le recevoir définitivement.
La cause de l’impossibilité qu’il y a à trouver des chevaux est donc bien connue : c’est que les conditions auxquelles on soumet les fournisseurs ne sont pas admissibles. Les fournisseurs eux-mêmes sont obligés de traiter avec des cultivateurs qu’ils ne peuvent pas soumettre à une double réception. Ce qui me parait le plus naturel serait d’avoir un point central en Normandie, dans les Ardennes, selon le point où se feraient les marchés. Là, un comité, composé de deux majors et des officiers de cavalerie ayant votre confiance, présiderait aux réceptions. Le mode actuel ne satisfait pas à mes besoins et n’est pas juste.
Breskens, 24 septembre 1811
ORDRE.
Pendant notre absence, les ministres qui auront des dépêches à faire parvenir par la voie du télégraphe les adresseront à notre cousin le prince archichancelier, qui, après en avoir pris connaissance, est autorisé à en ordonner la transmission.
Breskens, 24 septembre l811
Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris
Je ne vois que des abus dans les licences de la police:
2,800,000 francs sont entrés avec ces licences à Dunkerque;
500,000 francs sont entrés à Ostende; il est entré pour des sommes
plus considérables à Boulogne. Cependant vous n’avez pas fait exporter une égale quantité de marchandises. B… , banqueroutier, homme déshonoré dans toute la Belgique, a une de ces licences. Il doit revenir avec une cargaison de deux ou trois millions. La réputation de l’administration et la vôtre sont compromises, lorsqu’on voit des hommes aussi méprisés environnés de votre confiance. Mon intention est qu’il soit mis promptement un terme à ce brigandage. Présentez-moi un projet de décret pour rapporter les licences de la police et y mettre un terme. Voir dans ce crédit de l’administration la partie la plus méprisée et la plus honteuse de la société, ou donner lieu de croire que l’Empereur est dupé par ses ministres et que ses ministres sont sans moralité, est un mal si grand, que rien ne peut le compenser.
A bord du Charlemagne, en rade de Flessingue, 25 septembre 1811.
Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant l’armée d’Allemagne, à Hambourg
Mon Cousin, l’organisation de votre division polonaise n’avance guère ; je ne vois pas que les régiments polonais aient leurs 4e bataillons. Quand est-ce qu’il vous sera possible d’avoir au complet ces douze bataillons ? Ont-ils leur artillerie ? Vous devez avoir reçu des ordres pour la formation de la 6e division.
Je réunis au camp d’Utrecht une division de cuirassiers de quatre régiments et deux régiments de cavalerie légère. Je compte, après la revue, envoyer hiverner cette brigade de cavalerie légère et cette division de grosse cavalerie à Munster et dans le département de la Lippe. Par ce moyen, cela sera en ligne avec votre corps ; ce3 qui fera avec vos régiments de cavalerie huit régiments de cavalerie légère et dix de grosse cavalerie; total, dix-huit régiments, qui devraient vous former cet hiver 14 ou 15,000 hommes de cavalerie. La division de cuirassiers aura à Munster ses douze pièces d’artillerie.
A bord du Charlemagne, en rade de Flessingue, 25 septembre 1811
Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris
Mon Cousin, je suis depuis deux jours à bord du Charlemagne. Nous avons été trente-six heures sans communiquer avec la terre, parce qu’un coup de vent de l’équinoxe s’est fait sentir. Cela ne m’a pas empêché de bien manger et de bien dormir. La mer était forte et houleuse; cependant la rade est fort bonne. Le temps devenant meilleur, je compte demain faire manœuvrer l’escadre.
Faites mettre la note ci-jointe dans le Moniteur [1]Voir le Moniteur du 29 septembre 1811 .
Flessingue, 26 septembre 1811
Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris
Vous avez eu tort d’écrire à mon ministre en Suisse pour surveiller le comte de Gottorp [2]Gustave IV, ex-roi de Suède, détrôné le 13 mars 1809 ; vous deviez vous adresser au ministre des relations extérieures. Mes ministres à l’étranger reçoivent des instructions par le ministre des relations extérieures; les vôtres sont contraires. Cette marche n’est pas régulière. Mes agents ne doivent s’occuper en rien du comte de Gottorp ni s’en mêler; voilà mon ordre. Ce fou ne peut être l’objet d’aucune surveillance.
Flessingue, 28 septembre 1811
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je vois dans une lettre du général Dejean qu’il est surpris de ce que les vaisseaux tirent plus loin que nos batteries de côte. C’est pourtant une raison bien simple : l’affût marin tire sa pièce à 17 degrés ; il y en a qui vont jusqu’à 25 degrés, l’affût de côte de M. de Gribeauval ne tire qu’à 5 degrés et demi; de là une différence immense. Les arrangements que l’on a faits aux affûts de côte ne tirent jusqu’à présent que sur 12 degrés et demi; c’est encore une grande différence. Tant que l’artillerie ne voudra pas donner des ordres précis pour tirer dans les grandes batteries sous l’angle de 30 à 40 degrés, on aura beaucoup de craintes, et l’ennemi mouillera dans des lieux où il ne mouillerait pas sans cela.
Anvers, 30 septembre 1811
Au prince Cambacérès, à Paris
Mon Cousin, je suis arrivé à Anvers aujourd’hui à une heure du matin, fort content de mon escadre, de sa tenue, de son esprit et de ses manœuvres. Je compte rester ici aujourd’hui et demain. Ainsi, voilà la première partie de mon voyage terminée.
Anvers, 30 septembre 1811
A Madame la comtesse de Montesquiou, gouvernante de la Maison des Enfants de France, à Paris
Madame la Comtesse de Montesquiou, j’ai vu avec plaisir, par vos différentes lettres la bonne santé du Roi. Puisque vous n’avez pas été à Meudon, je suppose que c’est que le rapport de la Faculté y aura été contraire. Il me parait cependant bien extraordinaire que cette maison si bien située ne soit pas saine. Je désire que la Faculté, peut-être trop soigneuse, n’aille pas contre son but, et que l’on forme de bonne heure la constitution du Roi par un régime solide. Au reste, je m’en rapporte avec confiance sur cela à vous, Madame.
Anvers, 30 septembre 1811
Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, à Paris
Monsieur le comte Bigot de Préameneu, je vous envoie l’original du bref du Pape. Gardez-le, sans le communiquer à qui que ce soit jusqu’à mon retour. Mon ministre secrétaire d’Etat vous a fait connaître mes intentions pour le renvoi des évêques dans leurs diocèses, afin de ne pas attendre la saison où des vieillards ne sauraient passer les Alpes sans de graves inconvénients.
Je vous ai également fait mander d’écrire aux évêques députés à Savone de revenir, en apportant avec eux l’institution de tous les évêques nommés aux sièges vacants. Je désire qu’ils se trouvent à Paris à mon arrivée, afin de voir le parti qu’il y aura à prendre.
Il me semble que le meilleur serait celui-ci : regarder le bref comme non avenu (puisqu’il est adressé aux évêques, cela ne me concerne pas), et publier comme loi de l’État le premier décret du concile national, par lequel il se déclare compétent, et le second, en ordonnant leur insertion au Bulletin des lois pour les rendre obligatoires. Quant au bref, il serait envoyé aux évêques pour leur gouverne, sans lui donner aucune publicité.
Cependant un bref ne peut pas être envoyé sans avoir été enregistré au Conseil d’Etat. Il faut donc que le Conseil enregistre celui-ci. Il fera, s’il y a lieu, les réserves nécessaires pour conserver les privilèges de l’Église gallicane. Mais puisque le Pape, au lieu de ratifier purement et simplement le décret du concile, a fait un bref comme il l’a voulu, il me semble que je dois y ajouter ce qui me convient. Ainsi je publie un décret, rendu en Conseil d’État, où sera rapporté, mot pour mot, le décret du concile, dans lequel on ne fera point mention qu’il doit être soumis au Pape. Quant à l’enquête à faire par le métropolitain pour s’assurer des bonnes mœurs et de la foi de l’évêque à instituer, on dira que cette enquête sera faite par le métropolitain, mais qu’il ne pourra point l’envoyer à la cour pontificale, et que, s’il en résultait que l’individu n’eût point la foi ou les caractères nécessaires, le métropolitain en ferait son rapport au ministre des cultes; qu’enfin, si le métropolitain, sans avoir rien à objecter contre l’individu, se refusait au bout de six mois à donner l’institution, sous prétexte de défenses secrètes ou par tout autre motif, il serait traduit devant les tribunaux comme rebelle aux lois de l’État et de l’Église , comme voulant mettre le désordre dans la société, en inquiétant les consciences des citoyens, et condamné à la perte de ses fonctions épiscopales, à la privation des droits de citoyen et à la réclusion pour sa vie. Sans ce moyen on ne sera sur de rien; car les papes, par des lettres secrètes, défendront de donner l’institution aux évêques nommés.
Il est aussi convenable que ces maximes s’étendent à tous les pays réunis à l’Empire, et que le Pape, par aucun acte patent ou secret, ne puisse ni priver le métropolitain de son droit, ni le dispenser de l’obligation de conférer l’institution.
Il est convenable que vous m’écriviez sur ce projet ; surtout il faut le tenir secret et gagner du temps jusqu’à mon arrivée. J’attends que le Pape fasse des démarches ultérieures. Vous pourrez cependant montrer le bref à la commission, après lui avoir fait jurer le secret, afin qu’elle puisse faire des recherches et préparer le travail.
Je pense qu’il est convenable de dire dans le considérant que le Pape a refusé deux fois de donner l’institution canonique aux évêques, ainsi qu’il l’avait fait en Allemagne, ce qui y a fait périr l’épiscopat, que nous étions résolu de revenir au droit commun de l’Église, qui accorde ce droit aux métropolitains et aux synodes provinciaux; mais que les prélats de notre Empire, réunis en concile national, avaient pris le décret suivant, nous avons voulu, par amour pour la paix et dans l’espérance que ce décret mettrait un terme aux prétentions de la cour pontificale de détruire l’épiscopat pour gouverner les diocèses par des vicaires apostoliques, ordonner la publication de ce décret du concile et son exécution comme loi de l’État ; de là toutes les modifications et précautions prises pour maintenir les dispositions de ce décret.
Il faudrait aussi finir par déclarer que, si jamais, pour quelque cause que ce puisse être, le décret ne produisait pas ce résultat efficace d’assurer le remplacement des évêques dans l’espace d’un an, nous entendons rentrer dans le droit commun de l’Église, tel qu’il était avant l’existence du Concordat.
Voilà les idées principales sur lesquelles vous aurez à faire rédiger le projet.
Anvers, 30 septembre 1811
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon Fils, il y a beaucoup de voleurs et de brigands qui assassinent sur la route de Bologne à Florence et sur celle de Rome. Je vous charge spécialement d’écrire au général Miollis et à la grande-duchesse, et de réunir deux colonnes mobiles, l’une du côté d’Ancône et l’autre dans les Apennins, du côté de Bologne. Ces colonnes mobiles seront composées de trois compagnies de voltigeurs et de quelques piquets de cavalerie légère; elles seront commandées par un officier supérieur, et il y aura avec elles deux commissions militaires pour juger et faire fusiller sur-le-champ les bandits qu’on prendra. Le général Miollis enverra également deux colonnes mobiles, composées de trois compagnies de voltigeurs, l’une du côté de Macérata et l’autre du côté de la Toscane. La grande-duchesse en fera autant de son côté, et leurs opérations se combineront de manière à détruire tous les brigands.