Correspondance de Napoléon Ier – Décembre 1811

Paris, 2 décembre 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, je réponds à l’une de vos lettres du 26 novembre. Si le grand-duché de Varsovie, qui a plus de 4 millions d’habitants, ne peut pas nourrir ses troupes, malgré tous les avantages que je lui fais en favorisant son emprunt, qui lui a déjà rendu plusieurs millions, en nourrissant, soldant et habillant la division qu’il a en Espagne, qui est le quart de son infanterie, je ne puis pas compren­dre comment ce

Je réponds à l’une de vos dernières lettres, du 28 novembre. Les Allemands se plaignent que tous ces bruits d’insurrection de l’Alle­magne sont fomentés par les Français, qui, à force de s’en entretenir et de s’échauffer sur cet objet, finiront par y faire croire. Ils se plai­gnent que vous ayez dit à Rostock que vous sauriez bien empêcher l’Allemagne de devenir une Espagne; que, tant que vous y comman­deriez, on n’oserait rien entreprendre. Ces propos font un mal réel. 11 n’y a rien de commun entre l’Espagne et les provinces d’Allemagne. L’Espagne serait réduite depuis longtemps sans ses 60,000 Anglais, sans ses 1,000 lieues de côtes qui font que nos armées sont partout sur les frontières, et enfin sans les 100 millions que lui a fournis l’Amérique, car l’Angleterre n’est pas en état de lui fournir de l’ar­gent. Mais, comme en Allemagne il n’y a pas d’Amérique, ni la mer, ni une immense quantité de places fortes et 60,000 Anglais, il n’y a rien à craindre, l’Allemand fût-il même aussi oisif, aussi fainéant, aussi assassin, aussi superstitieux, autant livré aux moines que l’est le peuple d’Espagne, où il y avait 300,000 moines. Jugez donc de ce qu’il y a à redouter d’un peuple si sage, si raisonnable, si froid, si tolérant, tellement éloigné de tout excès qu’il n’y a pas d’exemple qu’un homme ait été assassiné en Allemagne pendant la guerre. L’Autriche était bien plus susceptible d’être mise en révolution. Les effets ont prouvé le peu de fondement des craintes qu’on voulait con­cevoir. II est donc très-fâcheux qu’on entretienne les généraux de ces chimères, et qu’on laisse circuler dans le pays des comparaisons qui ne peuvent faire que du mal, sans produire aucun bien. S’il y avait un mouvement en Allemagne, il finirait par être pour nous et contre les petits princes.

Quant à la Westphalie, le peuple de la Hesse, qui est le principal, est bien loin de regretter l’électeur; l’armée est attachée au Roi. Il sera avantageux que vous portiez de votre côté plus d’aménité envers le gouvernement westphalien et envers le Roi ; il vaut mieux concilier qu’aigrir.

Je ne sais pas pourquoi Rapp se mêle de ce qui ne le regarde pas; il n’y a que deux faits dans son rapport : 1° que Kotzebue a fait un pamphlet; 2° que les Anglais en ont fait un autre, qui a pour titre Campagne de Portugal II devait vous rendre compte de ces deux faits et ne pas parler d’autre chose. De quoi va-t-il parler de ce qui se passe en Hongrie, de l’esprit qui anime la Confédération et ces pays, lui qui en est si éloigné ! Qu’il se renferme dans son gouverne­ment, qu’il se mêle de ce qui le concerne et qu’il se borne à me rendre compte de Danzig et des pays environnants. Je vous prie de ne pas me remettre de pareilles rapsodies sous les yeux. Mon temps est trop précieux pour que je le perde à m’occuper de pareilles fa­daises. Vous ne prétendez sans doute pas que je m’instruise de ce qui se passe en Hongrie et en Autriche par des rapports de Danzig, surtout transmis par un homme aussi faible et dont je fais aussi peu de cas, hormis un jour d’affaire, que Rapp; tout cela ne sert qu’à me faire perdre mon temps et à salir mon imagination par des ta­bleaux et des suppositions absurdes. Vous deviez m’envoyer l’extrait, du rapport de Rapp et me dire en deux mots : Le général Rapp me mande qu’un pamphlet, ayant pour titre Campagne du Portugal, est répandu par les Anglais (libelle dont nous avons 1,000 exemplaires), et que Kotzebue en a fait un autre.

Ce que vous devriez recommander au général Rapp, c’est que les généraux ne s’intéressent pas dans les corsaires, et que ces corsaires n’abusent point de cela pour ravager des côtes et commettre des choses injustes qui m’engagent ensuite dans des querelles. Un officier ne doit point figurer dans de pareilles entreprises, surtout un général dont les décisions provisoires ont de l’influence sur la matière.

 

Paris, 3 décembre 1811.

A Madame la comtesse de Montesquiou, gouvernante des enfants de France, à Paris

Madame la Comtesse de Montesquiou, sur le rapport que vous nous avez fait de la satisfaction que vous avez du service de Madame Boubers, sous-gouvernante de nos enfants, et du baron de Canisy, notre écuyer, nous avons accordé à la dame Boubers une dotation de 10,000 francs de rente, et au baron de Canisy un supplément de dotation de 6,000 francs.

 

Paris, 4 décembre 1811.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Si l’on organisait les canonniers de la marine de manière à n’avoir, au lieu de colonel, qu’un simple major à la tête de l’administration des régiments, et qu’on supprimât le grade de colonel, de chef de bataillon et d’adjudant major du bataillon; qu’on n’eût que 2 offi­ciers par compagnie, savoir : sur six compagnies, 3 capitaines, 3 ca­pitaines en second, 3 lieutenants et 3 lieutenants en second, ce qui produirait la suppression de 2 officiers par compagnie; si l’on opé­rait, dis-je, ces changements, quelle serait l’économie en appointe­ments, masse de logement, indemnités de fourrage, de chauffage, etc.? Puisqu’en embarquant 120 canonniers on n’embarque qu’un officier, il parait inutile d’en avoir plus de deux, et cette grande quantité d’of­ficiers supérieurs sans emploi est d’un mauvais effet.

L’instruction des canonniers de la marine est médiocre. Leur poly­gone à Brest, à Lorient, à Toulon, n’est pas organisé d’une manière satisfaisante; ils n’ont point de mortiers de différents calibres; ils ne sont pas suffisamment exercés. Je désire que vous me fassiez un rap­port là-dessus, car j’attache une grande importance à perfectionner le canonnage.

Je désire un rapport, 1° sur le canonnage de mer; nos ennemis nous reprochent de tirer pour démâter, tandis qu’ils visent constam­ment à couler ; 2° sur le tir à boulets creux ; les expériences faites dans tous les temps ont prouvé l’avantage de ces boulets et le résultat satisfaisant qu’on doit s’en promettre pour les vaisseaux ; 3° enfin, sur le mauvais usage qui s’est introduit de dégorger les cartouches au milieu du combat pour diminuer la charge, habitude désastreuse à laquelle les Anglais attribuent le grand nombre d’accidents qui arri­vent à bord de nos vaisseaux.

 

Paris, 4 décembre 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J’ai lu avec intérêt votre rapport sur l’organisation de l’équipage d’artillerie de la nouvelle Grande Armée, composé de cinq cent douze pièces d’artillerie de ligne, de cent soixante et seize pièces d’artillerie de régiment, formant en tout 3,559 voitures d’artillerie et 804 voi­tures de régiment.

Donnez des ordres pour que ce qui est porté dans les états comme appartenant au corps d’observation de l’Elbe et à la réserve de cava­lerie soit dirigé sur Wesel, Monster et Mioden. Je vous autorise à faire rentrer après cela, sous les hangars, les voitures destinées au corps d’observation d’Italie et de l’Océan et à la Garde; bien entendu que vous dirigerez le personnel et les attelages sur les différents points où se trouve le matériel, afin que, dans les huit jours où j’en donnerai l’ordre, les voitures puissent être rechargées sur-le-champ et se mettre sur-le-champ en marche pour leur destination. On aurait aussi l’avantage de revoir les voitures, de sorte qu’elles seraient plus en état lorsqu’il faudrait s’en servir. Il doit y avoir à Vérone assez d’é­glises et de magasins pour remiser tout le train du corps d’observation d’Italie.

J’approuve toutes les dispositions et les mouvements que vous pro­posez pour le 7e bataillon principal et pour le 7e bataillon bis. L’ar­mée d’Italie aura ainsi ses 1,500 chevaux, et le 7e bataillon prin­cipal, complet en hommes, arrivera à Besançon assez à temps pour prendre des chevaux. Dans les évaluations, vous ne portez que pour mémoire la valeur des 600 chevaux que vous cédez au royaume d’Italie; vous portez le déficit à 7,600 chevaux; mais, dans le nom­bre de 19,600 chevaux que vous avez demandés, vous comprenez les 2,200 chevaux italiens; en les ôtant, vous n’aurez donc plus besoin que de 17,400 chevaux; au lieu de 7,600 chevaux, il n’en faudrait donc plus que 5,400. J’ai pris un décret que vous recevrez pour acheter 8,820 chevaux en trois commandes successives.

Le nombre des caissons d’infanterie me parait plus considérable qu’il ne l’a été à aucune époque des campagnes de la Grande Armée. Quelques voitures d’approvisionnement pourraient, si cela était nécessaire, être laissées derrière.

Quant au personnel, je ne pense pas qu’il faille prendre des com­pagnies à Amsterdam ni à Delfzyl : ces compagnies doivent être rui­nées; il faut prendre d’autres compagnies. Ces hommes seront malin­gres et difficilement disponibles de l’année.

Quant aux officiers généraux de l’artillerie, en ayant retiré deux de l’armée de Catalogne, je pense qu’on pourrait aussi retirer le général Bourgeat de l’armée du Midi. Il serait possible que le général Nourry fût disponible. Il faut laisser le général d’Aboville, qui parait nécessaire. La distribution que vous présentez des différents généraux d’artillerie me paraît convenable; en attendant, laissez-les à leur poste, hormis les généraux Pernety, de Gière, Baltus, Martuschewitz, un autre général au lieu du général d’Aboville, et les généraux Lepin et Jouffroy, qui sont nécessaires au corps d’observation de l’Elbe et à la réserve de cavalerie. Laissez les autres en congé, ou servez-vous-en pour le besoin général. Le général Charbonnel pourrait rem­placer le général d’Aboville aîné. Le général d’Arancey pourrait être chargé du détail de l’équipage de siège, sous les ordres du général commandant en chef l’artillerie.

Restent les pontonniers ; proposez-moi un général pour mettre à la tête des ponts, les officiers d’état-major d’artillerie, et les compa­gnies de pontonniers, d’ouvriers, qui seront attachées à l’équipage.

Faites les changements pour les généraux d’artillerie et pour le personnel du corps d’observation de l’Océan, en y mettant des com­pagnies qui n’aient pas été en Hollande cette année. Mettre au parc une ou deux compagnies du 9e car il est bon de laisser en France le plus possible d’anciens Français.

 

Paris, 4 décembre 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Tout ce qui est relatif à l’équipage d’artillerie de la Grande Armée est organisé, hormis le service des ponts ; il faut que ce service soit organisé très-largement. Il faut des pontons à chaque corps d’armée et des moyens pour réparer les ponts; il en faut ensuite à la direction générale des ponts. Mon intention est d’avoir, attelés et suivant l’armée, les bateaux, agrès et matériaux nécessaires pour jeter deux ponts sur la Vistule ; faites-moi connaître combien de chevaux il faut pour cela.

Il y aura au parc d’artillerie un bataillon d’ouvriers de la marine, formé de six compagnies et de 840 hommes, un équipage de marins de 1,200 hommes ; ce qui fera 2,000 marins qui se trouveront atta­chés aux équipages de pont. Il est absolument nécessaire qu’il y ait à la suite de l’équipage de pont les voitures nécessaires pour porter les outils de ces 800 ouvriers.

Le bureau de l’artillerie, avant de me présenter la formation de l’équipage de pont, doit se concerter avec le bureau du génie, afin qu’il n’y ait pas de double emploi et que cela marche d’accord.

Le génie doit pourvoir à ce qu’il y ait le plus possible d’outils à pionniers et les objets nécessaires à la réparation des ponts.

Un bataillon d’ouvriers de la marine de 800 hommes sera attaché au parc du génie; il faut qu’il ait tout ce qui est nécessaire pour jeter promptement un pont sur pilotis.

Un de ces équipages de pont doit exister à Danzig. On m’assure qu’il y en a un à Magdeburg. Si cela est nécessaire, il faut en faire construire un second à Danzig; je suppose qu’on a les ancres et tout ce qui est nécessaire.

Je désire que vous me présentiez le projet de l’équipage de pont en même temps que celui de l’équipage du génie.

 

Paris, 5 décembre 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, écrivez au maréchal Suchet pour vous plaindre de ce que la correspondance de sa femme avec Ai »* Saligny parle de ce qui se passe à son armée; que ces détails ne doivent point se trouver dans la lettre d’une femme, qui ne doit point connaître ni la force des troupes, ni les mouvements qui se font, mais parler de sa santé, et voilà tout.

 

Paris, 5 décembre 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, donnez les ordres nécessaires pour qu’au 10 décembre les frégates la Dorinde et la Pregel, et la corvette l’Aigrette, soient prêtes à partir, sous le commandement du capitaine Bouvet, pour se rendre à Java. Rédigez les instructions de cet officier conformément à ce qu’a décidé le conseil, ce dont vous me rendez compte par votre rapport du 4, et soumettez-les à ma signature.

Vous ferez embarquer sur la frégate la Clorinde : 1° cent vingt hommes du bataillon expéditionnaire de Brest; on prendra de préfé­rence les sergents-majors, sergents, caporaux et caporaux-fourriers se présentant de bonne volonté; on complétera le reste des cent vingt hommes par des soldats sachant lire et écrire et étant le plus en état d’être utiles à la colonie ; 2° un capitaine ou un lieutenant de bonne volonté, pris parmi les officiers des canonnière de la marine, ayant moins de trente-cinq ans, et ayant des services et de la capacité, et quatre sergents ou sergents-majors d’artillerie de marine, hommes de bonne volonté, ayant des services et de l’expérience; 3° un capitaine en second de l’artillerie de terre, un lieutenant et un sous-lieutenant, pris parmi ceux qui se trouvent à Rennes, de bonne volonté ; ce qui fera huit officiers et sous-officiers d’artillerie; 4° un capitaine du génie, avec un lieutenant et un sous-lieutenant; 5° deux lieutenants ou sous-lieutenants d’infanterie, de bonne volonté, pris dans le 3e de ligne ou dans le 20e léger, qui sont à Brest, parmi les officiers les plus capa­bles; 6° un général de brigade, capable de commander l’infanterie de la colonie, et plus habile que celui qui a été envoyé, avec ses deux aides de camp; ce général de brigade sera désigné par le mi­nistre de la guerre ; 7° cinq administrateurs de marine et employés de la trésorerie, jeunes gens propres à tenir les écritures; ces em­ployés seront désignés par vous ou par le préfet maritime de Brest dans l’étendue de son arrondissement.

La frégate la Pregel embarquera le même nombre d’hommes et d’officiers et d’employés ; mais, au lieu de prendre un général de bri­gade , elle prendra deux adjudants et un colonel d’artillerie ; cet officier sera destiné à commander en chef l’artillerie de la colonie. Faites choix d’un officier distingué et capable de remplir cette fonc­tion importante.

Enfin, la corvette l’Aigrette ne prendra que la moitié de ces pas­sagers, et, au lieu d’un colonel, elle prendra un chef de bataillon du génie, homme d’expérience et capable de commander en chef le génie de la colonie.

La Clorinde et la Pregel prendront chacune à bord le chargement suivant : 1,500 fusils, 1,500 pièces de rechange, 100 carabines, 100 paires de pistolets, 150 sabres de cavalerie légère, du cuivre et autres objets de détail utiles à la colonie.

La corvette l’Aigrette ne prendra que la moitié de ce chargement ; ce qui fera 750 fusils, 750 pièces de rechange, etc.

Expédition de Nantes. Une expédition pareille partira de Nantes, composée des frégates l’Ariane et l’Andromaque et du brick le Mameluk.

L’Ariane embarquera à Nantes : 1° soixante hommes pris parmi les sous-officiers et soldats du dépôt d’Angers et soixante hommes choisis, savoir : vingt parmi ce qu’il y a de mieux au dépôt du 121e de ligne, qui est à Blois, et trente dans le 5e bataillon du 122e, qui est à Ven­dôme, et, avec ces hommes, un lieutenant, un sous-lieutenant, quatre sergents et quatre caporaux ; 2e trois officiers et sous-officiers de l’artillerie de terre, et trois officiers et sous-officiers de l’artillerie de marine, pris à Lorient ou à Nantes; 3° trois artistes, de ceux dont le genre de talent peut être le plus utile à la colonie; 4° dix officiers d’administration, que vous désignerez ou qu’on choisira à Nantes.

L’Andromaque embarquera le même nombre d’officiers et d’em­ployés et soixante hommes pris au dépôt d’Angers et soixante autres choisis, savoir : trente dans le dépôt du 26e de ligne, qui est à Napoléon, et trente dans le 7e bataillon du 82e, qui est à la Rochelle.

Vous ferez mettre sur chacune de ces frégates le même chargement que sur la Clorinde et sur la Pregel; et, indépendamment du cuivre, vous ferez embarquer sur les deux expéditions 20,000 francs en piastres, qui seront remis au capitaine, de sorte que, si les frégates venaient à être prises, cette somme pût passer comme appartenant au capitaine.

Si le brick le Mameluk peut porter des hommes, on mettra à bord une trentaine d’ouvriers pris à Nantes, de ceux qui peuvent être le plus utiles à la colonie.

Les deux expéditions, arrivant, porteront à la colonie un secours de 6,400 fusils, etc.

Le capitaine hollandais Melvill Carnbee commandera l’expédition de Nantes.

Vous ferez préparer la corvette la Coquette, qui est au Passage, pour porter à Batavia quarante hommes, un millier de fusils et une quantité proportionnée de pièces de rechange, de carabines, de sa­bres et de pistolets, du cuivre et des nouvelles. Cette corvette partira après qu’une des deux expéditions sera partie.

Vous aurez soin de faire mettre sur chaque frégate une collection d’une année du Moniteur et des gazettes de Hollande ; réunissez une grande collection de ces dernières, afin que tous les détails de mon voyage soient connus dans la colonie.

 

Paris, 5décembre 1811.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Mon intention est que trois frégates, sous les ordres d’un bon offi­cier et avec de bonnes instructions, partent du port de Toulon, avec douze bâtiments chargés de farine et de riz, pour Barcelone. Il faut que le convoi arrive par un temps décidé, en évitant les côtes de Rosas et en venant plutôt du côté de Tortose; que les frégates s’ap­prochent très-près de Barcelone, de manière à y faire entrer à la pointe du jour les bâtiments du convoi. Donnez sans délai des ordres pour le chargement des vivres. Il est nécessaire qu’avant le 20 dé­cembre ce convoi soit prêt à partir. Envoyez votre ordre par l’esta­fette à Lyon, d’où on le fera passer à Toulon par une estafette parti­culière. Tortose, Tarragone nous appartiennent : ces ports peuvent recevoir des frégates.

Donnez ordre à l’officier qui commande à Cette de faire faire autant d’expéditions qu’il pourra pour Barcelone par le cabotage : il y a des temps et des circonstances où des expéditions faites par des gens accoutumés à ce trajet peuvent réussir.

 

Paris, 5 décembre 1811.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, je reçois votre lettre sur les travaux de Modlin. Puisque la couronne A ne peut pas être achevée cette année, on doit finir la lunette n° 19 et la mettre en état de défense; elle ne se trouve qu’à 300 toises de la flèche n° 27 et à 100 toises de la rivière. L’en­nemi ne pourra donc s’en emparer qu’en y ouvrant la tranchée, et il ne pourra le faire qu’après que son équipage de siège sera arrivé et mis en mesure pour cette opération. Il est fort intéressant d’être maître de ce point n° 19 aussi longtemps qu’il sera possible, puisque par cette position on est maître aussi du pont de la Vistule. Donnez donc des ordres pour que l’ouvrage n° 19, avec un bon blockhaus à la gorge, capable de tenir 100 hommes, soit fait sans délai et armé. Ensuite, le plus tôt possible, on doit finir la couronne A, car il faut, avant tout, s’assurer le pont, puisque c’est le principal but de toute la place de Modlin. On voit par le profil général que la gorge de la place domine de plus de 60 pieds l’ouvrage de Kazun ; il n’est donc pas probable que l’ennemi se loge dans cet ouvrage, sous le feu de tonte la gorge de la place. D’ailleurs, rien n’empêchera d’établir un avant-fossé, large et plein d’eau, qui offre un obstacle à l’assaut qu’on voudrait donner à cette tête de pont.

Je vois avec plaisir que la place est approvisionnée ; elle doit l’être pour six mois. 3 à 4,000 hommes de garnison m’y paraissent suffi­sants, savoir : un régiment entier, deux compagnies de sapeurs, quatre compagnies d’artillerie, un escadron de cavalerie, et enfin une compagnie de dépôt de chaque régiment, ce qui fera 1,500 hom­mes de dépôt; en tout 4,000 hommes. Le service ne doit pas se faire par des gardes qui se relèvent, mais par des bataillons ou compa­gnies qui restent à poste fixe dans les bastions, demi-lunes et contre-gardes ; c’est la méthode turque ; elle est la meilleure pour la défense et la plus économique en hommes. Ainsi, par exemple, on charge­rait un demi-bataillon de la défense de la couronne C; il s’y établi­rait, aurait toujours là la moitié ou le tiers de son monde de service ; le jour, tous ces hommes travailleraient à fortifier le poste qu’ils au­raient à défendre et le mettraient avec empressement dans le meilleur état possible; la nuit, tout le monde serait encore là. L’infanterie fournirait d’ailleurs le nombre d’hommes nécessaire pour servir l’ar­tillerie de cette partie de la place. Vous comprenez les avantages que doit avoir ce service sur la méthode ordinaire, où les postes se re­lèvent toutes les 24 heures; ce qui fait que le soldat s’établit mal et ne porte aucun intérêt à fortifier le poste où il se trouve. Vous devez donc donner pour instruction que, si le siège venait à avoir lieu, on eût à charger de la défense de chaque front un officier et une portion de la garnison qui baraquerait là ; les soldats y resteraient toujours. Comme il y a une grande quantité de bois à Modlin, on laisserait les soldats maîtres de se faire eux-mêmes des blindages, en appuyant le bois contre le talus intérieur du rempart; ce qui fera des baraques faciles à construire, parfaitement à l’abri de la bombe, et dans lesquelles les soldats pourront coucher en cas de bombardement. Les casernes resteront disponibles pour les hôpitaux et la réserve ; par ce moyen , au lieu de 300 travailleurs par jour pour le génie, nombre que l’on voit porté dans le mémoire, il y en aurait par jour 3,000 ; car, hormis les sentinelles et quelques grand’gardes, tout le monde travaillerait; de même, au lieu de 200 servants pour l’artillerie, il y en aurait 3,000; car tout le monde s’exercerait à servir les pièces qui doivent défendre la portion de la place qui leur sera confiée. Donnez donc une instruction en conséquence et redressez toutes ces idées.

Comme le livret de l’artillerie n’était pas joint à l’état, je ne puis juger de sa situation ; mais donnez ordre que les pièces de 24 qui sont inutiles à Varsovie soient envoyées à Modlin ; qu’on ne laisse à Praga que le plus petit nombre de pièces nécessaires, et qu’on arme Modlin de pièces de 24, de 12 et d’obusiers ; qu’on y transporte les cartouches, les armes, etc.; qu’on mette un général pour y com­mander, des officiers du génie, d’artillerie, des commissaires des guerres; enfin, qu’on mette en tout point la place dans le meilleur état de défense, sans attendre au dernier instant.

 

Paris, 6 décembre 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Il est nécessaire de pourvoir d’une manière constante à la défense des frontières de la 10e division militaire, c’est-à-dire des départe­ments des Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne et Hautes-Pyrénées. Il doit y être pourvu par trois moyens:

1° La formation de la garde nationale dans ces quatre départe­ments, conformément aux lois. Remettez-moi, en conséquence, les projets de décrets nécessaires pour cet objet; présentez-moi les nominations des colonels pour les légions et des chefs de bataillon pour les corps. J’enverrai un sénateur qui sera chargé des autres nomina­tions et de l’organisation d’après les bases que j’ordonnerai.

Vous organiserez les corps par sous-préfectures. Cette garde natio­nale ainsi organisée dans ces quatre départements doit, je crois, donner près de 45,000 hommes.

On distribuera 6,000 fusils à toutes les gardes nationales qui sont dans les sous-préfectures limitrophes et à une marche de la frontière.

On les exercera les dimanches, de sorte qu’à chaque événement on puisse avoir 6,000 hommes en armes. Les municipalités des com­munes seront responsables des fusils. Il y aura des dépôts de car­touches, et, au signal d’alarme, les gardes nationales marcheront au secours sous les ordres du général commandant.

2° Chacun de ces quatre départements limitrophes fournira deux bataillons d’élite, à six compagnies de 150 hommes; au total, 900 hommes par bataillon; ce qui fera, pour les quatre départe­ments, un effectif de 7,200 hommes. Ils seront sous les ordres du sénateur, et soldés, habillés, organisés comme ils l’ont été dans le Nord.

Les départements de l’Aude, Tarn, Tarn-et-Garonne et Gers, fourniront chacun un bataillon d’élite, de sorte qu’il y aura en tout douze bataillons d’élite qui, à 900 hommes, feront une masse de 10,800 hommes qui aura toujours 9,000 hommes sous les armes, les départements devant être chargés de les tenir au complet.

Les deux bataillons d’élite des Pyrénées-Orientales seront placés à Mont-Louis et en avant de Perpignan; les deux de l’Ariège, deux de la Haute-Garonne, quatre des quatre départements de 2e ligne, total huit, seront sous les ordres directs du sénateur, à Foix, et seront chargés de la défense de l’Ariège et du val d’Aran ; les deux bataillons des Hautes-Pyrénées seront placés à Venasque, dans le val d’Aran, et sur tout autre point voisin. Il y aura donc sur cette frontière 6,000 hommes, gardes nationales, armés, 10,000 d’élite, en tout 16,000, uniquement chargés de la défense des frontières.

Le troisième moyen est de conserver les bataillons de chasseurs de montagne, composés de conscrits réfractaires, etc. Vous devez avoir l’état de formation et savoir s’ils sont recrutés par la garde nationale ou les conscrits.

Ces mesures mettront ces frontières à l’abri des dévastations ; on n’aura plus à gémir sur les suites des irruptions des bandes espa­gnoles.

Vous pouvez prévenir le sénateur Rampon que je l’ai choisi; et même, si le conseiller d’État Pelet est encore dans ces pays, il pour­rait y rester jusqu’à la fin de l’organisation définitive, dans laquelle il aiderait le sénateur Rampon.

 

Paris, 6 décembre 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je vous renvoie les pièces de la correspondance de Catalogne. Je ne puis rien statuer sur l’armée sans avoir sous les yeux des états de situation. Envoyez-moi ceux de la situation la plus rapprochée, au 1er décembre ou au moins au 15 novembre. Les pertes de l’armée de Catalogne viennent de l’entêtement que l’on a mis à rester à Figuières. Je n’ai cessé de recommander de quitter l’Ampurdan, pays réputé aussi malsain que l’Ile de Walcheren. Cette opiniâtreté fera périr toute l’armée. Quand le siège de Figuières obligeait d’employer sur ce point beaucoup de forces, la présence de l’armée pouvait y être nécessaire ; mais, aussitôt après la prise du fort, il fallait pousser en avant et quitter l’Ampurdan, qui a toujours été funeste aux Français.

Un million a été envoyé pour mettre la solde au courant. J’attends le résultat du convoi que le général Decaen mène à Barcelone.

 

Paris, 6 décembre 1811.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, il résulte de mes différents renseigne­ments que j’ai en France seize millions d’arbres ayant 5 pieds de tour, ou 480 millions de pieds cubes, ou de quoi faire quatre mille huit cents vaisseaux.

Ainsi, avec un seul ordre, je puis, d’ici au mois de février, faire couper dans tout mon empire une quantité de bois suffisante pour faire quatre mille huit cents vaisseaux, et cela sans porter préjudice à mes forêts ; car on ne couperait que des arbres ayant cent cinquante à deux cents ans, et, dès lors, cette coupe ne ferait aucun tort au martelage ordinaire. Si l’on voulait prendre des arbres de 3 pieds de circonférence, comme la marine en emploie aujourd’hui, je pourrais faire deux mille quatre cents vaisseaux de plus, de sorte que j’aurais de quoi construire sept mille deux cents vaisseaux. Et enfin, si l’on voulait employer les bois dont les Hollandais se servent dans les con­structions, ayant moins de 3 pieds de circonférence, j’en aurais une quantité infinie.

Les pays situés sur la Saône, sur le Doubs, sur le Rhône, sur le canal du Languedoc, sur l’Isère, les côtes de la Méditerranée, qui peuvent alimenter le port de Toulon, sont compris, dans le calcul que je viens d’établir, pour un tiers. Je pourrais donc avoir, dans un an, à Toulon assez de bois pour faire deux mille vaisseaux.

En retranchant de ces calculs ce que l’on voudra pour les forêts trop éloignées des rivières, et où l’on pourrait cependant marteler des courbes et quelques bois précieux, si l’on n’y prenait point des bois ordinaires, il résulte toujours qu’il y a en France une immense quantité de bois, et qu’il doit en arriver à Toulon une quantité telle qu’on puisse y construire autant de vaisseaux qu’on peut le désirer.

Les forêts qui peuvent fournir aux chantiers d’Anvers sont celles du Rhin, de la Moselle, de la Meurthe, de la Meuse, de l’Escaut, etc., auxquelles on peut joindre celles de l’Aisne, partie de la conserva­tion forestière de la Seine et de l’Aube, puisque, par le canal de Saint-Quentin, tout cela peut aller à Anvers.

J’ai un travail précis sur la forêt de Compiègne ; il en résulte que, si je voulais couper tous les arbres propres aux constructions, ayant 5 pieds de circonférence, j’aurais de quoi faire vingt vaisseaux, ou plus de deux millions de pieds cubes de bois; qu’en coupant les arbres de 3 pieds de circonférence, j’aurais de quoi faire quarante vaisseaux. Cela est positif : tous les arbres sont comptés et les calculs faits. Ce travail est fait dans le plus grand détail ; il n’y a rien à en rabattre. Ces deux millions de pieds cubes de bois seraient livrés à la marine au bord de l’Aisne et de l’Oise. Or la forêt de Compiègne, qui peut fournir du bois pour la construction de quarante vaisseaux, n’est rien, puisqu’elle n’a que 30,000 arpents. J’attends le même travail sur la forêt de Fontainebleau et les autres forêts de la Couronne, où l’on me garantit un résultat aussi satisfaisant.

Ces aperçus sont les résultats d’observations faites depuis plusieurs années dans les forêts du Domaine et dans celles des communes.

Il est un autre aperçu simple et également satisfaisant. La marine martèle à peu près deux millions de pieds cubes de bois par an ; il n’y a aucune difficulté à lui accorder le martelage dans les bois ré­servés des coupes vendues dans les années 1810, 1809, 1808, 1807 et 1806, ce qui fait cinq ans. Cela lui procurerait dix millions de pieds cubes de bois qu’on peut marteler dans l’année et dans les mêmes lieux où elle fait ses martelages. Or ces dix millions de pieds cubes fourni­raient à la construction de cent vaisseaux de guerre. Avec des précau­tions, la coupe des bois de la réserve peut se faire dans tous les taillis; mais dans les taillis de quatre ans elle peut se faire sans inconvénient.

Résultat. — Il résulte de ce qui vient d’être établi qu’il faut faire une coupe extraordinaire de deux millions de pieds cubes de bois dans le bassin de Toulon et de la Méditerranée, et qu’il faut en faire une de trois millions pour les chantiers de l’Escaut et de la Hollande; que ces coupes ne coûteront autre chose à la marine que de les transporter dans ses ports ; que cette coupe extraordinaire peut être faite dans les limites le plus près des rivières et des ports, et où les exploitations soient à meilleur marché; qu’en conséquence les mar­chés faits en Hollande avec des marchands de bois peuvent être réduits, et qu’on peut avoir cette quantité de bois à 40 ou 50 sols le pied cube; que dès lors le chantier d’Anvers, celui d’Amsterdam et celui de Rotterdam peuvent être alimentés, et que celui de Toulon peut être considérablement augmenté; que l’on aura ainsi sur-le-champ un moyen extraordinaire qui donnera des bois qu’on peut couper cette année et avoir, rendus dans les ports de Toulon et d’An­vers , en assez grande quantité pour construire cinquante vaisseaux ; que l’on peut faire refluer sur Anvers une partie de ce qui était dirigé sur le Havre, moyennant le canal de Saint-Quentin; que, bien loin de demander des bois de construction à l’Allemagne, à la Prusse et aux autres pays, on en a en France plus qu’il ne faut.

Quant à Brest, je n’ai point de renseignements suffisants, vu les circonstances du transport. Je n’aurai ces renseignements que dans quelques jours. Mais, en raisonnant de la même manière, on aura de quoi construire cinq ou six vaisseaux de guerre, ce qui donnera un peu d’activité à ces chantiers.

Le bois étant à peu près inutile à Nantes, on peut diminuer les coupes et laisser reposer les forêts, qu’on retrouvera à la paix.

Il est d’autant plus nécessaire que des mesures soient prises, que les coupes de l’administration ne seront guère que les deux tiers de celles des années précédentes; par conséquent, les marchands de bois de Hollande, qui seront instruits de cela, me vendront le bois plus cher, et j’en aurai une moindre quantité.

Faites-moi un rapport sur ces questions importantes.

 

Paris, 6 décembre 1811.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, je vous renvoie la correspondance d’Espagne ; faites le relevé des distinctions et récompenses demandées, mon intention étant de les accorder.

Écrivez au duc de Raguse que, dans le cas où les mouvements de l’ennemi le forceraient à marcher vers le nord, il aurait le comman­dement sur le général Dorsenne; mais la grande affaire dans ce mo­ment, c’est la prise de Valence.

Témoignez au duc de Dalmatie mon mécontentement sur la marche de flanc que le général Girard a faite devant l’ennemi, marche de trois journées et d’autant plus mal combinée que l’ennemi avait toujours la faculté de le couper; il fallait l’appuyer par un fort détachement. Il est malheureux qu’avec une armée de 80,000 hommes on n’ait pas fait les dispositions que commandait la prudence pour éviter de rece­voir un affront par un petit corps de 6,000 Anglais. Dites-lui que je reste dans mon opinion, que toutes les fois qu’on livre une bataille, surtout aux Anglais, il ne faut pas se diviser, il faut réunir ses forces, présenter des masses imposantes : toutes les troupes qu’on laisse en arrière courent le risque d’être battues en détail ou forcées d’aban­donner les postes. Réitérez-lui l’ordre d’approvisionner Badajoz pour un an. Si la prise de l’île de Léon est considérée comme impossible, il faut agir vigoureusement sur Murcie, afin de soulager l’armée de Valence. Dites-lui que j’ai pris un décret relatif à la course. Je n’en­tends pas la faire à mes dépens; cela me jetterait dans des frais tanneuses et ridicules. Écrivez-lui qu’il peut organiser son armée comme il le jugera convenable en six ou sept divisions, en conser­vant toutefois les généraux, chacun suivant son grade et son rang.

J’accorde au duc de Bellune la permission de rentrer en France; mais, comme il pourrait arriver que le duc de Bellune soit engagé dans quelque opération où sa présence serait encore nécessaire, vous adresserez cette permission au duc de Dalmatie, qui la remettra au duc de Bellune en temps opportun.

Le duc de Dalmatie a la plus belle armée du monde, et cependant il ne tient en échec ni le général Hill, ni l’armée de Murcie, qui tout entière a marché au secours de Valence.

Vous rendrez compte au ministre du trésor des 500,000 francs qui se sont trouvés de moins dans le convoi que le général Avice a conduit à l’armée.

 

Paris, le 6 décembre 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Il existe au régiment des Pupilles du drap vert pour deux batail­lons. Ce drap sera conservé et destiné à habiller deux bataillons, ou 1,600 Pupilles de plus de dix-sept ans, forts et vigoureux, que je compte former, dans le courant de janvier, de ce qu’il y a de plus grand dans les bataillons, et dont on pourra se servir à la suite de l’armée.

Ces hommes grandissant auront besoin d’être habillés; alors ils laisseront leurs habits blancs au corps ; on enverra du drap vert et on les habillera sur leur taille. Il faut se servir du drap vert, afin de laisser le blanc aux régiments de grenadiers hollandais.

 

Paris, 9 décembre 1811.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, faites-moi connaître ce que coûterait un pied cube de bois pris dans une des rues de la forêt de Compiègne, comme c’est l’usage, et transporté à la rivière de l’Oise, et déjà, par l’Aisne, jusqu’aux quais d’Anvers.

Faites-moi le même calcul sur le prix d’un pied cube de bois pris à Fontainebleau et conduit, par la Seine, l’Oise et le canal de Saint-Quentin, jusqu’à Anvers.

Faites le même raisonnement en supposant le bois pris à Saint-Germain.

 

Paris, 9 décembre 1811.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, je reçois votre lettre sur les dispositions à faire en cas que les circonstances l’exigent. Je me réserve d’y répondre plus en détail ; mais je vois que déjà vous n’avez pas assez de cavalerie. Il est donc convenable que vous donniez ordre à la brigade composée des 23e et 24e régiments de chasseurs, que commande le général Castex, de se rendre sur l’Elbe, dans le lieu le plus abondant en fourrages. Je fais donner l’ordre par le ministre de la guerre à cette brigade d’être à votre disposition. Faites-lui faire son mouvement par la route où elle puisse donner le moins d’ombrage. Cette brigade portera le nombre de vos régiments de cavalerie légère à dix ; ce qui, avec vos huit régiments de cuirassiers, vous fera dix-huit régiments de cavalerie. Je ferai remplacer le 23e et le 24e de chasseurs à Munster, dans le courant de janvier, par une autre brigade de cava­lerie. Je suppose que vous avez réitéré à vos régiments de cavalerie l’ordre de faire venir des hommes de leurs dépôts, afin que tous les chevaux soient montés et qu’au moment de marcher il n’y ait ni si, ni mais. Rendez responsables le général Bruyère pour la cavalerie légère, les généraux Saint-Germain et Doumerc pour les cuirassiers, si, vingt-quatre heures après en avoir reçu l’ordre, ils ne sont pas en état d’entrer en campagne avec tous leurs chevaux. J’ai nommé le général Doumerc général de division, et je lui ai donné le comman­dement de la division de cuirassiers qui est à Erfurt. Je suppose que ces régiments ont leurs carabines et leurs cartouches à portée, leurs forges de campagne, et que vous leur avez prescrit d’avoir une cer­taine quantité de fers, pour être en état de faire de grandes marches sans s’arrêter. Il faut qu’en cas d’événement vous puissiez vous servir de votre 8e et de votre 9e division. La 8e est déjà réunie à Munster; la 9e le sera dans le courant de janvier.

 

Paris, 3 décembre 1811

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

[1]Cette lettre, écrite à Paris le 3 décembre 1811, est suivie d’un P. S. du 9; on a cru devoir la placer à la date de l’expédition. Ce P. S. est entièrement de la main de … Continue reading

Mon Frère, j’ai appris avec peine l’accident qui vous est arrivé. Il est fort heureux que vous ni la reine n’ayez éprouvé aucun malheur (un violent incendie avait presque totalement détruit le château royal de Cassel.)

9 décembre 1811.

P. S. Faites-moi connaître l’état de vos troupes au 1er décembre, infanterie, cavalerie, artillerie; combien de divisions vous pouvez former et comment elles seraient commandées; tout cela fort secrète­ment. Parlez-moi de votre artillerie, caissons de transport et outils du génie. Combien vous faudrait-il d’hommes pour occuper la Silésie ? Combien en avez-vous de 1807 ? Quelles sont les places à prendre ?

 

Palais des Tuileries, 9 décembre 1811

DÉCRET DE L’ABOLITION DU RÉGIME FÉODAL.

Article 1er. Le régime féodal est aboli dans les départements de l’Ems-Supérieur, des Bouches-du-Weser et des Bouches-de-l’Elbe.

DES EFFETS GÉNÉRAUX DE L’ABOLITION DU RÉGIME FÉODAL.

Art. 2. Toutes distinctions honorifiques, supériorité ou puissance, résultant du régime féodal, sont abolies, sans préjudice des disposi­tions du décret du 26 août 1811.

Art. 3. Sont pareillement abolies les justices seigneuriales. En conséquence, tous les signes extérieurs de justices seigneuriales seront abattus dans les deux mois de la publication du présent décret. Faute aux seigneurs de l’avoir fait dans ce délai, la destruction se fera à la diligence du procureur impérial près le tribunal de première instance et du maire, aux frais de la commune, laquelle profitera des matériaux.

Art. 4. La loi ne reconnaît que des biens allodiaux. En consé­quence, tous les fiefs situés dans l’étendue des trois départements, quelles que soient leur nature et leur dénomination, soit qu’ils rele­vassent précédemment des souverains étrangers, soit que le domaine direct (Lehenherrschaft, Lehenherrlichkeit) en appartienne à des par­ticuliers (Lehenherrn), qu’ils soient fiefs immédiats ou arrière-fiefs, sont convertis en francs-alleux et affranchis de tout devoir et de toute sujétion résultant du lien féodal, de manière que les possesseurs les puissent librement aliéner ou hypothéquer.

Art. 5. Sont pareillement abolis les droits de succession féodale, de quelque nature qu’ils soient.

Néanmoins la succession féodale aura lieu une dernière fois au profit des successibles existant au moment de la publication de la loi westphalienne du 28 mars 1809 pour les pays ci-devant westphaliens, et pour les autres pays faisant partie des trois départements lors de la publication de notre présent décret.

Art. 6. Dans le cas où, à l’ouverture de la succession, celui qui se trouvait appelé à la recueillir féodalement à l’époque de la publi­cation de la loi du 28 mars 1809, ou à celle de la publication du présent décret, suivant la distinction portée à l’article précédent, n’y aurait plus été appelé, le régime féodal subsistant, ou ne l’aurait été que pour une certaine portion, la succession sera réglée allodialement, soit pour le tout, soit pour la portion relativement à laquelle sa vocation aura cessé.

Art. 7. Les droits seigneuriaux et féodaux sont supprimés sans indemnité ou conservés jusqu’au rachat, suivant les distinctions éta­blies ci-après.

DROITS SEIGNEURIAUX ET FÉODAUX SUPPRIMÉS.

Art. 8. Tout servage est supprimé sans indemnité.

ARt. 9. Sont réputés actes de servage :

1° Le droit de contraindre le colon et ses enfants à servir le maître comme domestiques (Gesinde-Zwangrecht) ;

2° Les droits du maître sur l’éducation des enfants du colon, l’obli­gation de rester attaché à telle profession ou à tel sol ;

3°L’obligation de demander au seigneur son consentement pour se marier, et les droits qu’il pouvait exiger au sujet du mariage (Bedingung, Brautkauf, Klauenthaler, etc.);

4° Les droits qui se payaient au seigneur pour pouvoir construire des usines, exercer des professions ou faire des actes qui doivent être libres à tout le monde ;

5° Le serment de fidélité ou de soumission à prêter au maître;

6° L’incapacité d’acquérir en toute propriété, d’aliéner, de dispo­ser entre-vifs ou par acte de dernière volonté, d’ester et défendre en jugement ;

7° Le droit sur une portion de l’hérédité mobilière du colon ou de sa femme, appelé droit mortuaire (Sterbfall, Betthaupt) ;

8° L’usufruit des biens des vassaux, tenanciers ou censitaires pendant leur minorité.

Art. 10. Est également supprimé sans indemnité : le droit qu’avaient les seigneurs de s’approprier les successions des étrangers, des bâ­tards , des personnes décédées sans héritiers, les biens vacants, meu­bles et immeubles, les terres vaines et vagues, les landes, les effets naufragés, sans préjudice tant des droits acquis aux seigneurs qui ont déjà fait acte de propriété que des droits de propriété et d’usage que les seigneurs, les communes ou les particuliers peuvent avoir, en vertu de titres indépendants de la justice seigneuriale.

Art. 11. Le retrait féodal, et généralement tout droit en vertu duquel un seigneur se faisait subroger à l’acquéreur, est aboli sans indemnité.

Art. 12. Sont également supprimés sans indemnité :

Les droits levés sur les personnes, à raison de la résidence, du nombre des bestiaux ou à tout autre titre qui ne tiendrait qu’à la protection et non à une concession de fonds en propriété ou en usage;

Les droits sur les ventes de meubles;

Les droits de pesage, mesurage, inspection, étalage, entrepôt, transport des denrées et marchandises.

Toutefois les bâtiments et halles continueront d’appartenir aux ci-devant seigneurs qui en sont actuellement propriétaires, sauf à la commune à les acheter ou à les louer, et, si elle ne le fait pas, à exiger un tarif des droits d’entrée, d’entrepôt ou de séjour des denrées et marchandises. Les difficultés qui pourraient s’élever à ce sujet seront portées devant les conseils de préfecture, sauf le recours à notre Conseil d’État.

Art. 13. Sont supprimés sans indemnité :

Les droits de péage, passage et autres semblables, sauf la décharge pour les seigneurs des obligations auxquelles ils étaient assujettis à raison de ces droits.

Sont exceptés, quant à présent, ceux de ces droits qui ont été concédés aux seigneurs, soit pour frais de construction de ponts, canaux et autres ouvrages construits sous cette condition, soit pour indemnité de bâtiments et établissements quelconques supprimés pour cause d’utilité publique.

Les droits exceptés par le présent article continueront provisoire­ment d’être perçus, suivant les titres et le tarif de leur création pri­mitive , reconnus et vérifiés par les préfets des lieux où ils se perçoi­vent, jusqu’à ce que, d’après leur avis et sur le rapport de notre ministre de l’intérieur, il ait été par nous statué définitivement à cet égard ; à cet effet, les ci-devant seigneurs, possesseurs desdits droits, seront tenus, dans l’année à compter de la publication du présent décret, de représenter leurs titres aux préfets ; à défaut de quoi les perceptions demeureront suspendues.

Art. 14. Sont pareillement supprimés :

Les droits exclusifs de pêche dans les rivières non navigables ni flottables, et ceux de chasse, lesquels sont réservés aux propriétaires, chacun sur son terrain, sauf à se conformer aux lois et règlements de police ;

Les droits sur les chemins publics, rues et places, et sur les ar­bres y plantés, sans préjudice, tant pour les seigneurs que pour les propriétaires riverains, de la propriété des arbres actuellement exis­tants et par eux plantés ; sauf le droit, soit des propriétaires riverains, soit des communes, de racheter, suivant estimation d’experts, les arbres appartenant au seigneur, à l’effet de quoi celui-ci devra les avertir par affiche, deux mois à l’avance, de l’abatage et de la vente desdits arbres.

Art. 15. Le droit que pouvaient avoir les seigneurs de s’appro­prier tout ou partie des biens des communes et les redevances qu’ils percevaient pour la vaine pâture sont abolis sans indemnité.

Si les seigneurs prouvent avoir concédé des fonds en propriété ou des usages, le fonds concédé ou le droit d’usage continuera d’être assujetti à la redevance primitivement stipulée.

Art. 16. Sont encore supprimés sans indemnité :

Tous droits de banalité, ensemble les sujétions accessoires et les redevances payées à titre d’abonnement.

Sont exceptées les banalités établies au profit d’individus non sei­gneurs, et celles attribuées aux seigneurs en vertu d’une convention par laquelle le seigneur aura fait à la commune quelque avantage autre que celui de tenir en état les moulins, fours et autres objets banaux.

Art. 17. Sont supprimées également sans indemnité :

Les corvées personnelles imposées par la seule raison que les personnes étaient vassales ou habitaient certaines localités (Personalfrohnen) ;

Toutes autres corvées, même réelles, pour lesquelles il ne serait pas prouvé, par titres en bonne forme, qu’elles proviennent d’une concession de fonds ou de droit réel ;

Les corvées, même réelles et appuyées de titres, si elles sont indé­terminées, à défaut des conditions prescrites par l’article 20.

Art. 18. Ne sont point comprises dans la disposition de l’article précédent les corvées communales (Communfrohnen, Gemeinde-frohnen) dues pour le service des communes, et les corvées publi­ques (Burgherren, Landesfrohnen, Landfolge) dues pour le service de l’État, jusqu’à ce qu’autrement il y ait été pourvu, non plus que les battues de chasse imposées aux communes ou aux particuliers pour la destruction d’animaux malfaisants.

Art. 19. Sont réputées indéterminées (ungemessene Dienste) les corvées pour lesquelles l’une des trois choses suivantes n’est pas dé­terminée par le titre de concession ou par les reconnaissances passées aux terriers, savoir : 1° la quantité des travaux; 2° le nombre de jours; 3° l’étendue des fonds pour l’exploitation desquels la corvée est due ; ce qui s’appliquera à toute obligation de travailler et de charrier, même en fait de construction.

Si le nombre des jours est déterminé, mais que le genre de travail ne le soit pas, même par l’usage, les corvéables ne pourront refuser d’employer ces journées au travail qui leur sera demandé, pourvu qu’il soit relatif à la culture ou à l’exploitation des terres.

En cas de contestation sur le genre de travail demandé, il y sera statué par le juge de paix, sauf l’appel.

Art. 20. Le corvéable, employé pour un service public, le jour où il doit travailler pour le ci-devant maître, n’est tenu ni de se faire remplacer, ni de rendre une autre journée, à moins que le service public ne soit exigé de lui à raison d’autres biens que ceux sujets à la corvée particulière.

Art. 21. Si les corvées n’existent que pour le besoin des biens du propriétaire, elles ne peuvent être affermées ni vendues sans ces biens; mais, s’il est permis de s’en servir autrement que pour la culture et l’exploitation desdits biens, elles pourront être affermées et vendues, pourvu que la condition des corvéables n’en devienne pas plus dure.

Art. 22. Les corvées actuellement existantes ne pourront être augmentées. Il est défendu d’en établir de nouvelles, même pour concession de fonds.

Art. 23. L’abolition prononcée ci-dessus comprend également le droit de contraindre les colons par des peines corporelles ou pécu­niaires, sans recourir à la justice, à remplir les obligations non sup­primées ( Dienstzwang), et tous autres droits de ce genre.

Art. 24. Les redevables des droits supprimés ne pourront récla­mer ceux qu’ils auraient déjà acquittés.

Il en sera de même des seigneurs à l’égard des droits qui seraient encore dus.

Art. 25. Lorsque les possesseurs des droits conservés par les arti­cles 10, 12, 13, 14, 15, 16 et 17 ci-dessus ne seront pas en état de représenter le titre primitif, ils pourront y suppléer par deux reconnaissances conformes, énonciatives d’une plus ancienne non contredite par des reconnaissances antérieures, données par la com­munauté des habitants, s’il s’agit des droits généraux, ou par les individus intéressés, si elles concernent les droits particuliers ; pourvu qu’elles soient soutenues d’une possession actuelle, qui remonte sans interruption à quarante ans, à partir de la loi westphalienne du 28 mars 1809 pour les pays ci-devant westphaliens, et, dans les autres parties des trois départements, à courir de la publication du présent décret, et qu’elles rappellent soit les conventions, soit les concessions relatées dans les articles susmentionnés.

Art. 26. Lorsqu’il y aura pour raison d’un même héritage plu­sieurs titres ou reconnaissances, le moins onéreux au tenancier sera préféré, sans avoir égard au plus ou moins d’ancienneté de leurs dates; sauf l’action en blâme ou réformation, de la part du ci-devant seigneur, contre celles desdites reconnaissances qui n’en seront pas encore garanties par la prescription, lorsqu’il n’y aura été partie ni en personne, ni par un fondé de procuration.

Art. 27. Ceux qui auraient acquis de particuliers des droits abolis sans indemnité ne pourront exiger aucune restitution de prix ni dom­mages-intérêts; ceux qui auraient acquis du domaine de l’État n’auront droit qu’à la restitution soit des finances par eux avancées, soit des autres objets ou biens cédés par eux à l’État.

Art. 28. Il sera libre aux fermiers qui ont pris à bail aucuns des mêmes droits, sans mélange d’autres biens ou de droits conservés, de remettre leurs baux; et, dans ce cas, ils ne pourront prétendre d’autre indemnité que la restitution des pots-de-vin et la décharge des loyers ou fermages, au prorata de la non-jouissance causée par la suppression desdits droits. Ceux qui ont pris à bail aucuns droits abolis conjointement avec d’autres biens ou avec des droits rachetables pourront seulement demander une réduction de leurs pots-de-­vin et fermages, proportionnée à la quotité des objets supprimés.

Néanmoins, si cette quotité, fixée d’après les évaluations faites comme il sera dit titre II, chapitre II, forme au moins le dixième du fermage annuel, le fermier sera libre de résilier le bail.

Art. 29. Les preneurs à rente d’aucuns droits abolis pourront, suivant les distinctions de l’article précédent, demander la décharge ou une réduction proportionnelle, relativement aux redevances dont ils sont chargés; mais ils ne pourront rien réclamer sur les deniers d’entrée.

[2]Suit l’énumération des droits à supprimer moyennant rachat, et des dispositions concernant les droits seigneuriaux rachetables, le rachat des redevances et prestations, l’usufruit et la … Continue reading

 

Paris, 10 décembre 1811.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, je vous envoie pour vous seul une lettre du roi de Westphalie, que vous me renverrez. Tirez-en la substance, non sous la forme d’une lettre du Roi, mais comme extrait d’une communication de la cour de Cassel. Vous enverrez cet extrait à mon ministre à Cassel, et vous le chargerez d’avoir des conférences avec les ministres du Roi, pour connaître les faits, ce qui a donné lieu à cette opinion qui paraît être celle du Roi, enfin quel est le remède; si les troupes ne sont pas sûres, à qui en est la faute. Le Roi lève trop de troupes, fait trop de dépenses et change trop souvent son principe d’administration. Mon ministre fera vérifier les faits à Magdeburg, à Hanovre; la France ne tire cependant rien de ces pays. Vous lui recommanderez d’avoir des conférences sérieuses avec les ministres du Roi, de bien asseoir son opinion sur ces différentes questions et de vous la faire connaître.

 

Paris, 10 décembre 1811.

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

On fait beaucoup de plaintes sur l’ingénieur des ponts et chaussées du département du Var. Les gorges d’Ollioules sont impraticables ; la route de Grasse à Draguignan est dans le plus mauvais état, ainsi que celle de Grasse à Cannes. On accuse cet ingénieur non-seule­ment de négligence, mais encore de protéger des entrepreneurs suspects.

 

Paris, 10 décembre 1811.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, comme une grande quantité de troupes va se trouver dans le royaume de Westphalie, il est nécessaire de régler avec le ministre de la guerre de Westphalie ce qui est relatif à ces troupes. Le Roi doit payer et nourrir 12,500 hommes. Il est juste que la dépense de tout ce qu’il nourrira en sus soit prise en compensation sur la solde et l’habillement de cet excédant. Il est juste aussi que les autres dépenses soient réglées sur un pied raisonnable, comme, par exemple, 20 sous par ration de fourrage, 20 sous par journée d’hô­pital pour les hommes qui seront aux hôpitaux du pays ; la ration de pain et de vin à un prix un peu moindre que le prix ordinaire, vu que le soldat est logé chez l’habitant, et que cet argent reste dans le pays. Adressez-vous pour cela à mon ministre à Cassel. Faites-lui connaître que, cette compensation étant juste, il s’occupe de la régler pour l’année 1811. Vous suivrez cette affaire par le canal de mon ministre, et il en résultera une petite convention militaire; cela sera agréable à la cour de Westphalie et aplanira toute difficulté. J’ai voulu exprès vous charger de porter cette douceur, pour que cela vous rapproche de la cour de Westphalie, parce que la désunion n’est bonne à rien.

 

Paris, 12 décembre 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je reçois votre rapport du 9, avec le rapport du directeur d’artil­lerie de la Rochelle, d’où il résulte qu’au 9 mon décret sur les bat­teries de la Gironde et de l’île d’Oléron n’était pas exécuté. Je vois bien des si, des mais, des car dans votre rapport, mais point de canons ni de batteries. Mon décret disait positivement le jour où tout cela devait être exécuté. C’était au bureau de l’artillerie à prendre des mesures pour réussir. Ce n’est pas prendre des mesures que d’écrire à un pauvre directeur de faire. Que voulez-vous qu’il fasse ? Vous manquait-il des canons ? Il fallait me le dire; j’aurais ordonné à la marine de vous en fournir. Vous manquait-il du bois pour les plates-formes ? Il fallait me le dire; j’aurais fait plutôt suspendre les constructions dans les chantiers pour vous fournir le bois qui était nécessaire. Vous manquait-il des bâtiments de transport ? Il fallait le dire ; j’aurais ordonné qu’on mit à votre disposition tous les moyens possibles de transport et jusqu’aux chaloupes des vaisseaux. Vous man­quait-il des hommes, des officiers, et étiez-vous dans l’impossibilité d’en avoir ? Il fallait le dire, et j’aurais ordonné à vingt officiers et à un bataillon de la marine de Rochefort de se rendre à Oléron pour vous aider. Mais je vois que le bureau de l’artillerie se contente de vous présenter des lettres à signer pour le général Camas et pour le direc­teur d’artillerie. Aviez-vous chargé le génie de construire ces batte­ries, et le génie n’avait-il pas les moyens de le faire ? Lui manquait-il des ouvriers ? Il fallait prendre les travailleurs de l’île d’Aix. Enfin, ou le décret était possible ou il était impossible : s’il était impossi­ble, vous deviez le dire; s’il était possible, vous deviez l’exécuter. Certainement l’exécution de ces ordres n’était pas possible sans prendre aucune mesure qui sorte des formes ordinaires. Je vous renvoie votre rapport. Faites réunir les officiers d’artillerie et du génie et prenez des mesures pour en finir. Déjà deux de mes fré­gates sont bloquées dans Maumusson. Des vaisseaux seraient depuis deux mois aux Saumonards, si les batteries étaient armées. Toutes mes opérations maritimes sont arrêtées. Si le général la Riboisière n’avait écrit que des lettres, il n’aurait pas encore armé une seule batterie aux îles d’Hyères.

 

Paris, 12 décembre 1811.

NOTE SUR UN RAPPORT DU MINISTRE DE LA MARINE, RELATIF A TRIESTE.

Il n’est pas question de fortifier Trieste ; Trieste est tellement loin de l’Angleterre, qu’une expédition, ayant des troupes de débarque­ment à bord, ne peut pas être faite de Londres pour incendier un vaisseau; une croisière de deux ou trois vaisseaux, portant 5 on 600 hommes, ne peut pas être aussi forte pour repousser la garnison de Trieste; ce ne serait donc qu’en cas de guerre avec l’Autriche, où l’armée d’Italie serait battue, et les Autrichiens maîtres de cette place; mais les Autrichiens n’auraient pas intérêt à brûler un vais­seau. Cette hypothèse, au reste, est très-éloignée ; mais cela est suf­fisant pour ne pas faire un grand chantier à Trieste, et ne l’est pas assez pour ne pas risquer la construction d’un vaisseau et d’une fré­gate. Pour une frégate, il n’y a pas de grandes dépenses préalables à faire; le ministre donnera donc ordre qu’on mette une frégate sur le chantier. On décidera, à la formation du budget de 1812, s’il convient de construire des vaisseaux.

J’avais le désir d’avoir des vaisseaux partout, parce que je croyais que le bois me manquait en France ; mais aujourd’hui que j’ai d’autres idées et que je suis convaincu qu’on peut construire à Toulon, à Cherbourg, à Rochefort, à Anvers, à Gênes, autant que l’on veut, il me semble qu’il devient moins urgent de profiter des bois de localités éloignées pour disséminer nos ateliers.

 

Paris, 13 décembre 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, j’ai reçu la lettre que vous m’avec écrite en date du 11 ; je n’adhère point à son contenu. Je fais trop de cas de vos services pour vous accorder la demande que vous me faites. Restez au poste où la Providence et ma volonté vous ont appelé; vous avez de la santé pour me servir encore dix ans.

 

Paris, 13 décembre 1811.

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je vous envoie le rapport que me fait l’administration forestière. Il y a un projet de décret que je vous prie de rédiger définitivement, après l’avoir discuté au conseil de la ma­rine, où vous pouvez faire appeler le conseiller d’État Bergon et les autres forestiers, si cela est nécessaire, pour vous donner des ren­seignements. Vous me présenterez un projet pour déterminer la cir­conscription des bassins qui doivent approvisionner les différents ports. La circonstance du canal de Saint-Quentin me porte à désirer qu’une partie des bois du bassin de l’Oise, de l’Aisne et de la Seine soit dirigée sur Anvers. Les besoins de Toulon me portent à désirer que la circonscription de son bassin soit telle que le canal du Centre, la Saône et le canal de Languedoc puissent y conduire des bois. En me remettant ce travail, je désire que vous me présentiez l’état du martelage par département, tel qu’il a été fait pour ces trois der­nières années.

Je suppose que le martelage rend par an à la marine 1,500,000 pieds cubes de bois, savoir : un million provenant des forêts du Do­maine, et le reste, des particuliers. Je crois que les approvisionne­ments par des achats qui ne proviennent point du martelage se mon­tent à 5 ou 600,000 pieds cubes, ce qui dépend, au reste, des circonstances et des années. Ces achats, qui sont fort chers, peuvent désormais n’avoir plus lieu, puisque j’aurai mes propres bois. Je ne compte donc que sur le martelage de 1,500,000 pieds cubes par an. On pourra même le diminuer pour les points où de grands appro­visionnements de bois ne seraient pas nécessaires. Par exemple, pourquoi entasser tant de bois au Havre, tant surtout à Bayonne et à Nantes ? Il sera plus convenable de ne faire que des coupes propor­tionnées aux constructions qu’on veut entreprendre, et de laisser les bois sur pied pour les exploiter au moment de la paix, où leur transport à Brest sera plus facile. Ceci n’est pourtant qu’une idée à approfondir. 1,500,000 pieds cubes par an, c’est à peu près de quoi faire quinze vaisseaux; c’est à peine la moitié de ce dont nous avons besoin, puisque les réparations des escadres, la consommation en petits bâtiments, etc., doit faire monter la consommation à près de 4 millions de pieds cubes. Je suis donc décidé à faire pour 1812, 1813, 1814 et 1815, une coupe extraordinaire de 8 millions de pieds cubes de bois ; ce qui, joint aux 6 millions provenant du mar­telage ordinaire pendant ces quatre années, me fera 14 millions de pieds cubes. En en retranchant 3 millions pour la réparation des escadres et des bâtiments à la mer et pour les autres consommations de bois pendant ces quatre années, c’est-à-dire 750,000 par an, il resterait de quoi faire cent vaisseaux en quatre années, c’est-à-dire vingt-cinq par an.

Dans le bassin du Rhin, de la Meuse et de la Seine, mon intention est de couper pendant ces quatre ans 4 millions de pieds cubes extra­ordinaires, qui se rendraient à Amsterdam, Rotterdam et Anvers, indépendamment du martelage ordinaire ; cette coupe serait faite par parties égales en 1812, 1813, 1814 et 1815.

Dans le bassin de Toulon, pendant ces quatre années, mon inten­tion est de faire une coupe extraordinaire de 2 millions de pieds cubes, à raison de 500,000 pieds cubes par année; ce qui fournira de quoi construire cinq vaisseaux par an, indépendamment des coupes ordinaires. A Brest, mon intention serait de faire arriver un million de pieds cubes, indépendamment des coupes ordinaires, ou 250,000 par an. A Cherbourg, Lorient et Rochefort, je désire faire employer un million de pieds cubes dans ces quatre ans. Cette quantité sera répartie entre ces ports et exploitée dans les forêts les plus voisines, à raison de 250,000 pieds cubes par an. Ces exploitations donne­ront 2 millions de pieds cubes par an, et, dans les quatre années, 8 millions, qui, joints aux 6 millions de la coupe ordinaire, forme­ront un total de 14 millions.

Des commissions extraordinaires seront nommées pour faire ces martelages, en déterminant la nature des bois et le lieu où il faudra les prendre. On les choisira le plus près possible des rivières, afin que le transport en soit plus facile et moins cher.

D’après ces dispositions, mes constructions seront à Amsterdam, Rotterdam et Anvers, conformément à ce que j’ai déjà ordonné ; à Brest, cinq vaisseaux seront mis sur le chantier, de manière qu’on puisse en lancer à l’eau deux par an ; à Toulon, huit vaisseaux seront placés sur les chantiers pour qu’on puisse en mettre à l’eau quatre par an, et ce, indépendamment des frégates de la Méditerranée. Le même travail serait fait pour la Rivière de Gênes, la Toscane et Rome, qui forment le bassin de Gênes. Aussitôt que les cales de ce port auront été construites dans la darse, deux vaisseaux seront mis sur les chantiers, de manière à en lancer au moins un tous les ans. Il est une question que je désire que le conseil de marine retraite, c’est celle de savoir si on peut construire des vaisseaux de ligne dans la Loire. Les épreuves des chameaux qui ont été faites à Venise me confirment de nouveau dans l’opinion où j’ai toujours été que des vaisseaux de 80 pourraient être construits dans la Loire. Je désire que cette question soit examinée à fond, et que toutes les observa­tions faites par les commissaires que j’ai envoyés sur les lieux soient mises sous mes yeux. Enfin, si, comme je le pense, il peut être construit des vaisseaux dans la Loire, on y établira des chantiers pour six vaisseaux, de manière à en lancer trois tous les ans. Si les constructions sur la Loire deviennent possibles, on pourrait alors augmenter de 500,000 pieds cubes par an l’exploitation extraordi­naire pour ce bassin. Je désire que, dans le courant de la semaine prochaine, vous me fassiez un rapport sur cet objet, sur Nantes et sur Gènes.

 

Paris, 13 décembre 1811.

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, je réponds à votre rapport du 27 novembre relativement à l’approvisionnement de Danzig. A dater du 1er janvier 1812, le service sera entièrement pris à mon compte, hormis le logement et casernement, les lits militaires, les bois et lumières, et tout loyer quelconque de fours et de magasins. Il faut régler cette dépense de manière qu’elle ne dépasse pas 500,000 francs par mois. Il faut aussi des règlements un peu à la prussienne, qui taxent les denrées moyennant des payements exacts. Le pain doit être à bien bon marché, puisque le blé n’a aucune valeur à Danzig. Il faut mettre le plus d’ordre possible dans ces dispositions : la jour­née d’hôpitaux ne doit pas dépasser 20 sous. Quant à l’approvision­nement de siège, j’ai pris un décret que vous recevrez et qui règle tout. Sur 2 millions de francs que vous demandez, la somme d’un million vous a déjà été accordée sur le budget du fonds spécial de Danzig pour 1811 ; l’autre million vous sera de même accordé sur le fonds spécial de Danzig pour 1812. J’ai adopté plusieurs de vos bases; mais j’y ai ajouté l’obligation d’avoir des farines. J’ai changé l’article des bois, qui me parait ridicule; j’en ai cependant laissé pour une petite quantité. J’ai supprimé les articles du biscuit et du foin, mais j’ai doublé l’avoine; avec de l’avoine et du son, les chevaux pourront vivre; d’ailleurs on aura toujours le temps de prendre tout le foin de l’Ile de Nogat; il y en a pour des approvisionnements immenses.

Vous verrez dans mon décret que j’ai porté sous le titre de ma­gasins de réserve 50,000 quintaux métriques de blé froment et 50,000 quintaux de seigle, faisant un total de 100,000 quintaux métriques, que le général Rapp devra se procurer dans les premiers moments du siège, en mettant la main sur pareille quantité, qui se trouvera facilement dans les magasins de la ville; enfin j’ai porté également pour ces magasins de réserve 2,000 quintaux métriques de légumes, que le général Rapp se procurera dans l’ile de Nogat, et 2,000 quintaux métriques de riz, pour lesquels j’ai fait un fonds de 120,000 francs.

P. S. Pour l’approvisionnement extraordinaire de 3 millions de bouteilles de vin et de 500,000 pintes d’eau-de-vie de France, vous me ferez un rapport particulier sur les moyens de se procurer à Danzig cette ressource pour l’armée, soit en faisant venir ces quan­tités de Bordeaux et de la Charente par des licences anglaises, soit en les transportant pendant l’hiver par Lubeck et la Baltique.

 

Paris, 14 décembre 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Le matériel du génie de la Grande Armée se compose de la 1e com­pagnie du train qui est actuellement à Hambourg, de la 5e qui est à Metz, et de la 6e qui est à Bayonne; ce qui fera 4 à 500 hommes, 150 voitures et 7 à 800 chevaux ; il se compose également des caissons attachés aux différentes compagnies de sapeurs et de mineurs, ce qui doit être au moins l’objet d’une cinquantaine de voitures ; il y aurait donc au moins 200 voitures pour le matériel du génie. Les trois compagnies ont 3 caissons de mineurs, 3 voitures de pétards, 3 sonnettes, 3 nacelles et 21 voitures chargées de cordages, d’ancres, de clameaux et autres objets nécessaires à la réparation des ponts ; je ne parle pas des 21,000 outils attelés. Cela étant, le parc du génie me parait avoir suffisamment, et il n’y a aucun besoin de lui orga­niser un équipage particulier pour les ponts, si ce n’est pour tout ce qui est relatif au bataillon des ouvriers de la marine. Ce serait donc 6 caissons chargés d’outils d’arts nécessaires auxdits bataillons. Puisqu’on a 3 sonnettes avec les trois compagnies, quel besoin y a-t-il d’en avoir 4 nouvelles ? Puisqu’on a 21 voitures chargées de cordages, cinquenelles et agrès pour les ponts, pourquoi y ajouter 4 chariots ? Puisqu’on a 6 voitures chargées de nacelles avec les compagnies, pourquoi y ajouter 4 chariots ?

En général, l’équipage de pont proposé par le génie me parait inutile ; les équipages suffisent, mais je ne m’oppose pas à ce qu’il soit formé une demi-compagnie avec le dépôt qui est à Metz, et que cette compagnie soit chargée de servir 6 caissons avec les outils né­cessaires au bataillon de la marine et 4 voitures portant 2 grandes sonnettes qui seront affectées an service de la marine.

Faites-moi un rapport qui me fasse connaître de quelle espèce de sonnette sont chargées les trois compagnies, et enfin de quelle autre espèce de sonnette on voudrait charger les 2 voitures qui suivent les ouvriers de la marine.

Un état général du matériel qui existera à l’armée d’Allemagne me fera mieux connaître la situation des choses et me mettra à même de prendre un parti définitif. Il est nécessaire d’y ajouter la portion de matériel dont j’ai ordonné le dépôt à Danzig, outils à pion­niers, etc. Il serait bon d’y avoir quelques grosses sonnettes et un approvisionnement de pilote garnis en fer dont on peut se servir pour construire un pont sur pilotis, soit sur la Vistule, soit sur le Niémen. Le transport se fait par eau et d’une manière extrêmement facile dans tons ces pays.

Il serait du moins très-important d’avoir à Danzig, soit les fers nécessaires pour mettre au bout des pilots, soit des clavettes, clous et ce qui serait nécessaire pour un grand pont sur pilotis ; de sorte qu’en les ayant en magasin à Danzig on pût les transporter où il serait utile.

Il est nécessaire qu’il y ait à Danzig un approvisionnement d’outils pour les mineurs et les ouvriers de la marine, et pour les rempla­cements, s’il venait à s’en perdre. Danzig doit être la grande place de dépôt. Tout doit être là, et il faut qu’on n’ait rien à demander en France.

Faites-moi un rapport général sur le matériel du génie de la Grande Année. Ainsi le matériel du génie consistera dans les caissons des mineurs, des sapeurs, dans les 150 caissons des trois compa­gnies, dans un approvisionnement d’outils à pionniers emmanchés, dans un approvisionnement de pilots tout façonnés, dans un appro­visionnement de madriers suffisant pour construire un pont sur pilotis sur la Vistule, dans tous les fers nécessaires pour construire un autre pont sur pilotis, dans les cordages, nacelles et rechan­ges de toute espèce, soit outils d’art et autres objets nécessaires au génie, qui existeront en dépôt dans la place de Danzig.

Il faut dresser l’état des chargements du génie. Il ne faut pas oublier des flambeaux, des lanternes pour la nuit, en bonne quan­tité, pour éclairer les travailleurs.

 

Paris, 14 décembre 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J’ai lu avec attention votre travail sur les équipages de pont, du 12 décembre.

On propose d’augmenter de 600 chevaux la commande des batail­lons du train pour les chevaux nécessaires au 7e. Si vous vendez au royaume d’Italie les 600 chevaux du 7e principal, le royaume d’Italie vous les payera ; et alors je mettrai un approuvé à la cession de ces chevaux, et l’argent en provenant vous servira à l’achat des 600 che­vaux qui vous manquent. Je ne signerai donc pas le décret que vous m’avez présenté. Les fonds nécessaires vous seront donnés sur le service de janvier; si vous en avez un besoin pressant, le ministre du trésor vous en fera l’avance sur ce qui vous sera donné en janvier.

Vous n’avez pas compris mes intentions sur la réserve de la Garde. Je n’ai pas prétendu que la Garde avançât l’argent nécessaire pour l’achat des chevaux du 4e et du 7e principal, mais que les chevaux qu’on doit acheter pour le 7e et le 4e principal, lesquels doivent ser­vir avec la Garde, seraient achetés et reçus par le général Sorbier, qui a un intérêt à acheter de bons chevaux, puisque ces bataillons doivent servir avec la Garde. C’est d’ailleurs un effet de ma confiance en ce général. Il sera donc nécessaire que le 7e principal vienne à la Fère, où il recevra ses chevaux; le 4e principal pourra les recevoir à Metz.

La réserve de cavalerie doit être servie par le 11e bataillon. Je pense que ce bataillon doit se mettre en marche sans délai, afin de relever, à Erfurt et à Hanovre, les chevaux des quatre compagnies qui sont à l’artillerie de la réserve de cavalerie et qui appartiennent aux quatre bataillons destinés au corps d’observation de l’Elbe. Le dépôt et les hommes à pied de ce bataillon pourront se rendre à Düsseldorf, et l’on fera les achats de chevaux que doit avoir ce bataillon, dans le duché de Berg.

Par ce moyen, la remonte sera plus facile, et ces chevaux seront tous rendus où se trouvent les régiments de cuirassiers, à Cologne et à Bonn.

Il est toutefois nécessaire que les attelages actuels qui sont aux deux divisions de cuirassiers à Cologne, et à Bonn, y restent jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par les chevaux du 11e bataillon, de sorte que, si avant que la remonte fût faite j’ordonnais le départ de ces deux divisions, on n’en éprouvât aucun embarras ni retard.

Vous portez à l’équipage de pont cent soixante et dix chariots à munitions; il me semble que cela n’est point l’usage. Formez-moi donc cet équipage selon les règles. Dans l’équipage de pont il doit y avoir deux grandes sonnettes, si nécessaires pour consolider un pont de bateaux.

Il est nécessaire que les deux équipages de pont existent entiers à Danzig. Il faut avoir de plus à Danzig les cordages, ancres, fers et tous les objets nécessaires pour un troisième équipage, de sorte que, selon les circonstances, je ferai atteler les trois équipages, ou je ferai conduire l’un par les transports de réquisition et les deux autres par ceux de l’armée. Vous observez très-bien que l’on trouve partout des bateaux et du bois; et, avec la quantité d’ouvriers que je mène, cela sera promptement établi. Ainsi l’organisation de ce troisième équipage ne nécessitera que les cordages, les ancres, les fers et trois nacelles pour ramasser les bateaux. Faites-moi connaître combien il faudra de voitures pour cet équipage.

Je viens actuellement au détail. L’équipage est de cent soixante et dix bateaux ; il en manque cinq ; que vous voulez prendre à Strasbourg. Ordonnez que ces cinq bateaux soient confectionnés à Danzig; je ne veux rien prendre à Strasbourg; et, comme cent soixante et dix sont un nombre court, faites-en construire à Danzig trente-cinq nouveaux, ce qui fera deux cents bateaux. On aura donc amplement les deux équipages.

Ordonnez qu’au lieu de six haquets qui manquent vingt soient con­fectionnés à Danzig, de sorte qu’avec les dix qui existent cela fera trente haquets de rechange.

Faites faire quinze nacelles, qui, avec les dix qui existent, feront vingt-cinq.

Vous voyez que mon intention est de ne rien tirer de Strasbourg, ni de Vérone; tout doit se trouver à Danzig.

Vous portez cent soixante et dix chariots, ce qui me paraît trop considérable; toutefois mettez en construction à Danzig le nombre qui est nécessaire, et faites-moi connaître la différence de prix d’un chariot construit à Strasbourg à celui d’un chariot construit à Danzig. Faites-moi connaître également si l’on ne pourrait pas se procurer à Danzig les quinze caissons d’outils et les douze forges qui manquent, et si l’on pourrait, d’ici au mois de mars, les faire construire à Danzig.

Je dis la même chose pour les cordages, clous, ancres, fers, etc., mais il faut que tout soit fait à Danzig au 1er mars. On a donc trois mois pleins pour se procurer ce qui manque.

Mon équipage de pont consistera : en deux grands ponts sur la Vistule avec tous les agrès et objets nécessaires, en un pont en cor­dages, ancres et fers, et, outre cela, en quatre avant-gardes de pont, dont une à chaque corps et une à la Garde.

Je suppose que les officiers d’état-major que vous placerez aux équipages de pont ont déjà servi dans les ponts.

Vous me proposez le général Camas pour commander les ponts : cet officier a-t-il de l’expérience dans cette partie ?

 

Paris, 14 décembre 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je vous envoie un rapport sur le casernement de Münster. Comme les couvents vont être supprimés, il y aura de la place. Il est néces­saire qu’il y ait du logement pour 8,000 hommes d’infanterie et 6,000 hommes de cavalerie, un bel hôpital et une grande manuten­tion. Donnez les ordres les plus positifs pour qu’on prenne possession de ce casernement et qu’on le pourvoie de lits militaires.

 

Paris, 15 décembre 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, à Vienne j’ai fait jeter sur un bras du Danube de 100 toises de large un pont d’une seule pièce. Je désire que, dans les équipages de pont que je fais former à Danzig, les officiers d’artillerie disposent les pièces de manière qu’on puisse en une heure de temps dresser le pont et le mettre à l’eau d’une pièce. Il est convenable, pour le succès de ces dispositions, que le détail en soit arrêté ici par les officiers d’artillerie. Il a fallu plusieurs jours à Vienne pour cette opération, parce que rien n’était préparé; mais si les madriers, les poutrelles, les fers étaient disposés à l’avance, je pense qu’on pourrait le faire en moins de quelques heures. Il restera ensuite à connaître si ce pont ne pourrait pas être jeté également sur une rivière de 200 toises, sur le Rhin, par exemple; je suis porté pour l’affirmative. Je désire que cette question soit discutée par les officiers d’artillerie, et qu’ensuite l’essai de ce procédé soit fait sur le Rhin ; mais ces épreuves doivent être cachées, et il ne faut pas que les étrangers puissent s’en apercevoir. Ce serait un grand pas de fait si, en se mettant à l’abri d’une île ou d’une rivière qui débouche dans le fleuve, on pouvait préparer un pont et ensuite le lancer et, par la force du courant, l’abattre de manière à jeter en six minutes un pont sur une grande rivière. Je suis porté à penser que les épreuves que l’on ferait à Strasbourg seraient satisfaisantes.

 

Paris, 15 décembre 1811.

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Le colonel du 23e de chasseurs est nommé depuis plusieurs mois. Il n’avait pas encore rejoint au 29 novembre. Faites-moi un rapport. Ce corps a besoin de son colonel.

 

Paris, 16 décembre 1811

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, M. de Nesselrode va arriver bientôt; cela me porte à faire rendre sur-le-champ le sénatus-consulte pour la levée de la conscription. Je tiendrai demain un conseil privé pour que ce sénatus-consulte soit rendu dans la semaine et qu’on ne puisse pas l’attribuer à l’arrivée de ce négociateur.

Dans la même intention, je désire qu’une communication soit faite aux princes de la Confédération sur la nécessité de remonter leur cavalerie et de préparer leur contingent. Vous écrirez à ce sujet une circulaire à mes ministres et chargés d’affaires, lesquels en cause­ront avec les princes et avec leurs ministres. Ils prétexteront la levée que font les Russes de 4 hommes sur 500, la grande quantité de troupes qu’ils ont sur la frontière, et le parti décidé où l’on parait être en Russie de faire la guerre, leurs chargés d’affaires demanderont la situation des troupes, le lieu le plus rapproché de l’Oder où elles pourront être réunies, et de combien de jours à l’avance il faudra que la réquisition soit faite.

C’est surtout aux petits princes qu’il est nécessaire de donner cet avis. Il faut leur demander de préparer leur contingent pour former la 3e division.

Nassau a son contingent en Espagne, Würzburg n’a plus rien en Espagne, il peut donc fournir le régiment ici. La Saxe ducale peut également fournir le régiment n°4. La Lippe, Anhalt, Schwarzburg, Reuss et Waldeck peuvent s’occuper de la formation de la 3e brigade; il en est de même du contingent du prince Primat.

Faites-moi un rapport qui me fasse connaître comment étaient organisés ces régiments lors de la campagne d’Autriche, ce que doit fournir chaque prince, ce qu’il a en Espagne et ce qu’il doit fournir ici.

 

Paris, 16 décembre 1811.

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

On m’assure que la nourriture est très-mauvaise dans les lycées de Paris. Les jeunes gens se plaignent qu’on y vit très-mal, et d’y avoir surtout de la très mauvaise viande. Allez à l’improviste dans quelques-uns de ces lycées et assurez-vous de la vérité de ces dits.

 

Paris, 16 décembre 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Donnez ordre que, toutes les fois que les régiments des Pupilles marcheront, ils ne fassent qu’une demi-étape, à moins d’ordres contraires, et qu’ils aient un séjour tous les quatre jours de marche. Prévenez de cela vos bureaux et les chefs de ce corps.

 

Paris, 16 décembre 1611

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la garde impériale, à Pars

Mon Cousin, il faut préparer la Garde pour entrer en campagne.

Faîtes-moi un rapport d’abord sur la cavalerie; tout ce qui est eu Espagne me rejoindra. Faites-moi connaître quelle sera la situation de ma cavalerie, en indiquant le complet de chaque régiment et l’effectif actuel, hommes et chevaux, et ce qui manque pour entrer en campagne.

Je désire que mes chevau-légers aient chacun moitié des carabines. Faites-moi un rapport sur la gendarmerie d’élite, en indiquant les lieux où elle se trouve et combien d’hommes je pourrai en avoir en campagne.

Pour l’infanterie, mon intention est d’avoir, 1e division : six régiments de voltigeurs, un régiment de garde nationale de la Garde, formant quatorze bataillons ou 10,000 hommes; 2e division : six régiments de tirailleurs auxquels on joindra les conscrits de la garde italienne, ce qui fera quatorze bataillons ou 10,000 hommes; 3e di­vision : les deux régiments de fusiliers, les deux de chasseurs, le régiment de flanqueurs, formant dix bataillons ou 8,000 hommes; 4e division : les trois régiments de grenadiers, les deux bataillons de vélites royaux, deux bataillons de ligne italiens, formant dix batail­lons ou 8,000 hommes. La force des quatre divisions réunies serait de 36,000 hommes.

La 1e division sera desservie par la 1e compagnie de conscrits canonniers, servant huit pièces de 4; la 2e division aura la 2e com­pagnie, servant huit pièces de 4; la 3e et la 4e division auront les 3e et 4e compagnies, servant chacune huit pièces de 4.

Indépendamment de cela, les trois compagnies régimentaires ita­liennes serviront dix-huit pièces de canon, lesquelles seront atta­chées, savoir : à la 4e division, douze pièces, et à la 2e division, six pièces.

La 1e division aura une batterie d’artillerie à pied servant huit pièces; et une à cheval servant six pièces. La 2e, la 3e et la 4e divi­sion auront le même nombre de pièces. Ainsi la 1e division aura vingt-deux pièces, la 2e division vingt-huit, la 3e division vingt-deux ; la 4e division trente-quatre; ce qui fera cent six pièces. Les quatre batteries d’artillerie à cheval de la Garde servant vingt-quatre pièces de canon, les six compagnies à pied de la vieille Garde servant qua­rante-huit pièces, deux batteries de réserve de la ligne, à pied, ser­vant seize pièces de 12, une compagnie d’artillerie à cheval de la garde italienne servant six pièces, et une à pied servant huit pièces, formeront cent deux pièces d’artillerie de réserve, attachées à la ca­valerie de la Garde et à la réserve de l’armée.

La Garde aura donc deux cent huit pièces de canon, savoir : trente-deux pièces servies par les compagnies de conscrits de la Garde et dix-huit servies par les compagnies régimentaires italiennes, quatorze servies par la garde italienne, dont une batterie à cheval, vingt-quatre à cheval servies par la Garde, quarante-huit pièces à pied servies par la Garde, vingt-quatre à cheval servies par la ligne, trente-deux à pied servies par la ligne, seize de la batterie de réserve; total, deux cent huit pièces.

Artillerie française. — Cent vingt-huit pièces d’artillerie à pied, quarante-huit pièces d’artillerie à cheval; total, cent soixante et seize pièces françaises.

Artillerie italienne. — Dix-huit pièces servies par les compagnies régimentaires italiennes, six pièces servies par l’artillerie à cheval, huit pièces servies par l’artillerie à pied; total, trente-deux pièces italiennes.

Total général, deux cent huit bouches à feu.

J’écris au général Sorbier pour l’artillerie. Concertez-vous avec le général commandant le génie pour ce qui regarde le génie. Il faut une compagnie de sapeurs à chaque division, avec des outils attelés. Il faut que la Garde ait une compagnie de pontonniers avec un petit équipage de pont.

Qu’est-ce que la Garde a en équipages militaires, en faisant reve­nir tout ce qui est en Espagne ? Faites-moi un rapport sur cette organisation.

La 1e division a besoin de 4 caissons d’ambulance, de 28 caissons de transports militaires, ce qui, avec les forges, caissons pour les papiers, etc., fera une quarantaine de voitures. Les autres divisions ont besoin du même nombre de voitures; ce qui fera 160 voitures pour la Garde. Mais ces 160 voitures ne porteraient du pain que pour quatre jours, en supposant par jour 40,000 rations, il faudrait avoir des moyens de porter 400,000 rations, ou 100 voitures de plus. Ce serait donc environ 300 caissons qu’il faudrait à la Garde. Organisez cela en détail.

Faites aussi l’organisation de l’administration : commissaires des guerres, chirurgiens, vivriers, etc., enfin tout ce qu’il faut pour la compléter.

Quant à la cavalerie, il faut la censer formée de deux divisions, puisque je n’aurai pas loin de 6,000 chevaux, en y comprenant les 600 chevaux de la garde italienne, et parce qu’il est possible que les six régiments de lanciers et partie des italiens soient-souvent détachés.

 

Paris. 16 décembre 1811.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe

Mon Cousin, vous avez dans l’arrondissement de la 32e division militaire deux équipages de matelots de la flottille qui doivent former 1,600 hommes. Mon intention est qu’en cas de guerre un de ces bataillons, bien armé et bien équipé, marche avec votre corps d’ar­mée et soit attaché à Danzig à l’équipage de pont. Faites-moi connaître lequel des deux bataillons est préférable pour ce service, et ce qu’il y a à faire pour son équipement.

 

Paris, 16 décembre 1811.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je ne sais si je vous ai mandé qu’il était nécessaire que vos troupes eussent une paire de souliers aux pieds, deux paires dans le sac et une ou deux paires dans les caissons ; c’est aux régiments à s’en procurer. Par ce moyen, on peut espérer qu’ils arriveront sur la Vistule avec deux paires, de souliers dans le sac et une paire aux pieds.

 

Paris, 16 décembre 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, voici l’organisation que je désirerais donner au corps d’observation d’Italie.

La 1e division du corps d’observation d’Italie se réunira à Trente et à Bolzano. Elle sera composée (je fixerai le jour) de deux batail­lons du 8e d’infanterie légère, de quatre bataillons du 84e, de quatre bataillons du 92e, de quatre bataillons du 106e et de deux bataillons croates; total, seize bataillons. Cette division portera le n° 13, ayant décidé de donner un numéro général à toutes les divisions de la Grande Armée.

La 2e division sera composée de deux bataillons du 18e léger, de quatre bataillons du 9e, de quatre bataillons du 35e, de quatre ba­taillons du 53e et de deux bataillons espagnols; total, seize batail­lons. Cette division sera la 14e division.

La 3e division, qui sera la 15e, sera composée de seize bataillons italiens et dalmates.

Ces trois divisions présenteront une force de 38,000 hommes.

On laisserait en Italie les régiments suivants :

Régiments français. —22e d’infanterie légère, six bataillons ; 6e de ligne, trois; 14e léger, trois ; 112e de ligne, cinq; 13e, cinq; 23e, deux; les 5e bataillons des six régiments français composant les 13e et 14e divisions, six bataillons; 10e de ligne, deux bataillons; 20e, deux; 7e, un; 12e, un; 1er léger, deux; 3e, un; 67e de ligne, un; régiment illyrien, un; 52e de ligne, cinq; 102e, deux : ce qui ferait en deçà des Alpes quarante-huit bataillons français, formant 30,000 hommes d’infanterie, lesquels seront complétés par la levée de la conscription qui va être faite, celle de 1812.

Étrangers. — Régiments suisses, deux bataillons; la Tour d’Auvergne, quatre; Isembourg, quatre; régiment étranger, un; total, onze bataillons, 8,000 hommes, avec les Italiens et les Saxons près de 50,000.

Régiments italiens. — Les 4e bataillons qui restent. Rédigez-moi cet état en règle.

Pour la cavalerie, on formera une 9e compagnie à chaque régi­ment, qu’on laisserait en Italie avec les hommes malades et éclopés, et qu’on remonterait de manière à avoir en trois mois 1 ,500 chevaux.

La garde royale serait composée comme elle l’est et sera destinée à se joindre à la Garde impériale.

Chaque division du corps d’observation d’Italie sera composée de trois brigades. Les deux divisions françaises étant ainsi organisées, faites-moi connaître ce qui manquera à leur complet pour que chaque bataillon ait 800 hommes sous les armes à son départ. Le 18e léger, les Croates, les Espagnols et le 8e léger sont portés au grand com­plet. Je suppose qu’il manque aux six autres régiments français 600 hommes à chaque régiment pour être au complet de 3,000 hom­mes, ce qui ferait 3,600 hommes; je donnerai des ordres pour qu’on vous les fournisse, aussitôt que vous m’en aurez envoyé l’état. On pourra prendre ces hommes dans les deux bataillons du 2e régiment de la Méditerranée, forte de 1,600 hommes. Les bataillons du 1er ré­giment de la Méditerranée qui sont en Corse et à l’ile d’Elbe pourront fournir 3,000 hommes.

Six régiments à quatre bataillons font vingt-quatre bataillons. On pourrait avoir les mêmes vingt-quatre bataillons en prenant huit régiments à trois bataillons, et l’on pourrait ajouter ainsi le 112e et le 13e de ligne; mais ce qui resterait en Italie serait beaucoup plus faible, car il vaut mieux garder le 112e et le 13e qu’on peut facile­ment augmenter d’un bataillon que d’avoir huit 4e bataillons qui seront le rebut des corps et qui n’offriront aucune ressource en Italie ; au lieu qu’en gardant en Italie le 13e et le 112e, si les Anglais atta­quaient Naples, Venise, la Toscane ou Gênes, on pourrait réunir sur-le-champ une quarantaine de bataillons d’élite, français, italiens et étrangers, indépendamment d’une quarantaine de 5e bataillon pour tenir garnison et occuper le pays.

Je vais lever la conscription de 1812, et mon intention est de compléter par cette levée tous les 4e et 5e bataillons, et de la laisser tout entière en Italie et en France pour la garde du pays.

On formerait en Piémont une division active d’au moins 6,000 hom­mes, trois dans le royaume d’Italie, une du côté de l’Isonzo et une du côté des Apennins, chacune de 6,000 hommes, une sur les fron­tières de Naples, de 6,000 hommes, de manière qu’indépendamment des 5e bataillons qui seraient renfermés dans les places de Palmanova, de Mantoue, de Peschiera, d’Ancône, on aurait cinq ou six divisions actives, commandées par des généraux de division et de brigade, qu’on pourrait réunir promptement sur le point qui serait menacé.

Tracez-moi le projet d’organisation de ces corps, en me faisant connaître les lieux où on les placerait et ce que le royaume d’Italie pourrait fournir. Le corps de l’Isonzo serait principalement destiné à surveiller Palmanova, Venise, Trieste et la Dalmatie ; il serait natu­rellement bien placé du côté d’Udine. Un autre corps serait chargé de surveiller Ancône, Gênes, Livourne, Rome; ce corps serait natu­rellement bien placé à Bologne. Le corps qui serait chargé de sur­veiller Naples, Rome, Ancône et Livourne, serait naturellement bien placé du côté de Rome; le roi de Naples, qui a une armée de 24,000 hommes, pourrait le seconder puissamment. On pourrait avoir en six jours 6,000 hommes, en douze jours 18,000 hommes, et en vingt ou vingt-cinq jours 30,000 hommes réunis sur le point qui serait attaqué. C’est ce qui vous portera sans doute à penser qu’il est nécessaire de laisser en Italie quatre ou cinq bons régiments. Si vous avez besoin de renseignements, vous pouvez les demander à Borghèse. L’Italie, étant une, doit être comprise dans une même organisation. Le moindre mouvement qui se ferait sentir dans une partie serait senti dans l’autre ; il faut donc la contenir partout.

Quant à l’artillerie, les dix régiments auront chacun deux pièces, ce qui fera vingt. Les deux divisions françaises auront une batterie à cheval et une batterie à pied, total vingt-huit pièces. Les dragons auront deux batteries d’artillerie légère, douze pièces. Indépendam­ment de cela, il y aura une réserve qui sera de deux batteries d’ar­tillerie à pied, chacune de six pièces de 12 et de deux obusiers prus­siens ou licornes, seize pièces ; total, 76 bouchés à feu, dont 56 seu­lement servies par l’artillerie de ligne. Le 7e bataillon bis, qui doit se trouver au grand complet, suffira aisément au service de ces pièces.

L’artillerie italienne sera composée de dix à douze pièces de régi­ment, de quatorze pièces d’artillerie de ligne, d’une batterie de ré­serve de six pièces de 12 et de deux obusiers, et d’une batterie d’artillerie légère de six pièces pour la cavalerie ; total, trente-huit pièces de canon, et, en ôtant les dix pièces de régiment, vingt-huit pièces de canon. Enfin la Garde royale aura ses dix-huit pièces d’ar­tillerie servies par les compagnies régimentaires et quatorze servies par les compagnies d’artillerie, de la Garde à cheval et à pied; total, 32 bouches à feu.

Les dix-huit pièces régimentaires seront de 4 ou de 3.

Il est nécessaire d’avoir des sapeurs et des outils attelés. Faites-moi connaître si du 1er au 10 janvier les trois divisions du corps d’observation pourront être réunies , la 1e à Trente et à Bolzano, la 2e à Brescia et la 3e à Vérone, et la cavalerie aux environs, avec toute l’artillerie bien attelée, double approvisionnement de caissons, compagnies du train du génie et au moins 6,000 outils attelés, afin qu’en février ce corps puisse se mettre en campagne.

Le 9e bataillon des équipages militaires qui est à Plaisance, dont vous enverrez passer la revue, et les caissons italiens pourront porter tout ce qui est nécessaire. Il sera nécessaire que ce corps marche par division, de manière à arriver rapidement sur Ratisbonne. Je n’ai pas besoin de vous dire que ces ordres devront s’exécuter avec le plus de mystère possible, et qu’il faut que les gazettes ne parlent pas et ne donnent aucune alerte.

La cavalerie légère sera composée, savoir : 1e brigade, le 6e de hussards et le 8e de chasseurs; 2e brigade, le 6e et le 25e de chas­seurs; 3e brigade, le 9e et le 19e de chasseurs; 4e brigade, le 2e et le 3e régiment de chasseurs italiens.

Je crois que le 4e de chasseurs est déjà parti de Turin. Ces quatre brigades prendront les numéros généraux; la 1e brigade sera la 10e, la 2e sera la 11e, la 3e sera la 12e, et la 4e sera la 13e.

Chaque brigade partira forte de 1,200 chevaux, hormis la brigade italienne, qui sera de 1,600; mais les autres brigades ne tarderont pas à recevoir des dépôts 400 chevaux. Chaque régiment de cava­lerie laissera les cadres de la 9e compagnie bien complets et 50 che­vaux, lesquels seront promptement quadruplés. Présentez-moi des généraux de cavalerie pour commander ces brigades.

Je n’ai point même communiqué cela au ministre de la guerre. Rédigez-moi ce travail en règle; mettez-y les officiers, les compagnies d’artillerie, du génie, les caissons et tous les autres détails parfaite­ment en état. Faites-moi connaître aussi ce qui manque, en détail, à chaque corps ; je vous donnerai alors des ordres pour l’exécution.

 

Paris, 17 décembre 1811

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, je reçois votre lettre du 13 décembre. Je ne vois pas dans les états qui l’accompagnent l’organisation de l’artillerie, du génie, des équipages et caissons de toute espèce de votre armée. Je n’y vois pas les caissons d’ambulance, les caissons de transports mi­litaires pour les vivres. Votre armée a besoin d’avoir une quantité de voitures nécessaires pour porter dix jours de vivres. Je ne vois pas non plus l’organisation du corps que vous voulez laisser à Cassel pour garder le pays, réprimer les insurrections et se porter où il serait nécessaire.

Le général Morio est tout à fait incapable de commander votre corps d’armée. Il faut le garder auprès de vous comme grand maréchal ou comme aide de camp, ou bien le charger de commander le génie de votre armée. Ces 16,000 hommes, commandés par ce géné­ral, ne seraient d’aucune valeur. Je ne vois pas non plus d’homme capable de commander la cavalerie et sachant bien se tirer d’une charge.

Enfin votre corps a besoin, pour entrer en campagne, d’être muni de tout le matériel nécessaire à cet effet. Il est nécessaire qu’il ait des sapeurs et des outils pour pouvoir se retrancher. Comme il paraît que la Prusse sera avec moi en cas de guerre, votre corps d’armée, s’il doit être employé au-delà de la Vistule, doit être complètement organisé et muni de tout. Pour faire la grande guerre, vous ne pou­vez pas avoir moins de quarante pièces de canon et de 250 voitures, c’est-à-dire 1,200 chevaux d’artillerie.

Si vous devez vous absenter de la Westphalie, qui est-ce qui gou­vernera le pays pendant votre absence ? Quelles forces lui laisseriez-vous pour le contenir ?

 

Paris, 18 décembre 1811

Au général comte Dumas, directeur des revues et de la conscription militaire

Monsieur le Comte Dumas, je destine la plus grande partie de la conscription que je vais lever à compléter les 4e et 5e bataillons, afin de pouvoir occuper le camp de Boulogne, la Hollande et les côtes de la 32e division militaire, Cherbourg, Brest, et de retirer de ces points les troupes de ligne que j’y ai.

Je suis dans l’intention de garder spécialement la Hollande et Ham­bourg par des 4e bataillons. Je voudrais avoir rendus dans le courant de février à Harlem et à la Haye au moins quatre 4e bataillons formant 3,000 hommes, les cadres complets et bien composés, les conscrits habillés et se formant là, afin de retirer le 18e de ligne, que, sans cela, je serais obligé d’y laisser.

Je voudrais avoir rendus à Boulogne pour la même époque huit 4e bataillons, pour en retirer les troupes que j’y ai, et quatre ou cinq bataillons à Brest.

Je désire donc que la levée soit activée dans les 1e, 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 26e, 25e, 24e, 16e, 18e, 15e, 14e et 13e divisions militaires; ces pays étant les plus près de Paris, on peut gagner beaucoup de temps et réduire les délais à moitié.

Par ce moyen, les côtes opposées à l’Angleterre seront suffisam­ment garnies pour que je puisse en retirer les troupes qui y sont au­jourd’hui. Dans le courant de mars et d’avril, le tout se renforcera et se formera pour mettre les choses dans la situation convenable.

Les principes généraux doivent être observés dans la répartition des conscrits, c’est-à-dire que les cadres destinés à rester en Italie ne doivent point recevoir d’Italiens ni d’hommes au-delà des Alpes, mais des Dauphinois, des Provençaux, des Languedociens, des Lyon­nais. Nous avons d’ailleurs quinze ou vingt jours devant nous pour dresser les éléments de la répartition de la circonscription. Le prin­cipal est que les délais soient avancés pour les divisions que j’ai citées.

 

Palis des Tuileries, 18 décembre 1811

NOTE DICTÉE EN CONSEIL DES MINISTRES.

La conscription a été établie sur les côtes : il en est résulté que l’inscription maritime en a enlevé quelques hommes. On en conclut que tout individu qui était inscrit sur les matricules de l’inscription ne devait rien à la conscription, parce qu’il était censé appartenir déjà à une armée et être sur un vaisseau.

Mais aujourd’hui le système est changé; les cantons littoraux ne sont plus soumis à la conscription de terre, mais à celle de mer. Il en résulte que tout individu, même faisant partie de l’inscription maritime, est sujet à la conscription, à moins que, par l’effet de l’inscription, il ne se trouve à bord d’un vaisseau, auquel cas il se trouve dans la même position que le conscrit de terre qui s’engage volontairement une année avant la conscription. Un marin qui a commencé par être mousse et qui se trouve, soit volontairement, soit par l’effet de l’inscription, sur un vaisseau, n’est pas passible de la conscription. Mais aucun individu ne peut s’y soustraire en disant qu’il est requis par les syndics et qu’il va se rendre à bord.

Cette matière est donc susceptible d’être décidée pour l’organisa­tion de l’armée de mer par les mêmes principes que pour l’armée de terre. Un homme qui est à bord est comme un conscrit engagé volontairement.

S’ensuivra-t-il de ce qu’un individu a tiré à la conscription et qu’il n’est pas tombé au sort qu’il a rempli tout ce qu’il doit à la marine ? Non. Cet individu de seize à vingt ans, s’il est désigné par le sort, deviendra matelot; s’il ne l’est pas, s’il veut être homme de terre, perruquier, menuisier, on n’aura rien à lui dire, et il ne sera pas porté sur l’inscription. Mais, s’il continue de se livrer à la navi­gation, il est inscrit, car on ne permet la pêche, le cabotage qu’aux inscrits ; et, par le résultat de l’inscription, il est à la disposition de la marine, qui prend parmi les inscrits un tiers, un quart, selon ses besoins. Il faut donc que le ministre de la marine présente un décret qui ordonne, pour le passé, que tous les conscrits qui n’ont pas com­paru au tirage parce qu’ils étaient inscrits aient à rejoindre les ports, sous peine d’être traités comme réfractaires. Cette opération fera un grand plaisir à toute la côte, et, si les états de ces individus étaient dressés, on y trouverait d’énormes abus et des preuves que les syndics ont trafiqué de leur signature pour soustraire beaucoup d’individus.

Quant à la Hollande, il n’est pas douteux qu’il faut y établir l’in­scription comme en France. L’abonnement qui a été fait n’est qu’une manière d’arriver à un autre ordre de choses. La Hollande peut four­nir 20,000 matelots, qui, s’ils ne sont pas à nous, seront à l’ennemi.

Ce serait être bien insouciant, si on avait une escadre prête à partir du Texel, de se faire faute des matelots qui sont à bord des vaisseaux du commerce hollandais. Mais pour cette année ce n’est pas la question.

La conscription est due par un homme, non parce qu’il est marin, mais parce qu’il est Français et qu’il a vingt ans; l’inscription est due, non parce qu’il est Français, mais parce qu’il pratique la mer.

 

Paris, 19 décembre 1811.

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, je désire que vous écriviez confiden­tiellement à mon ministre Bignon, à Varsovie, pour lui demander s’il serait possible de faire dans le Grand-Duché une levée de 3,000 che­vaux de chasseurs, hussards et chevau-légers, en les payant argent comptant. Il faudrait que les chevaux eussent soixante mois révolus; on les prendrait à six et à sept ans.

Demandez également à mon ministre à Stuttgart s’il y aurait moyen de se procurer dans le Wurtemberg un millier ou deux de chevaux de chasseurs et hussards, ayant plus de soixante mois. On les pren­drait à six et où sept ans. On les payerait argent comptant.

Écrivez à mon ministre à Cassel pour savoir si l’on pourrait ache­ter en Hanovre et en Westphalie deux milliers de chevaux de la taille de chasseurs, ayant comme les autres soixante mois révolus, et qu’on payerait en argent comptant.

Écrivez dans le même sens confidentiellement à mon ministre Otto, à Vienne, et parlez ici au prince Schwarzenberg. Demandez-lui s’il serait possible de faire acheter en Autriche 3 ou 4,000 chevaux de cavalerie légère qu’on payerait comptant, ayant les qualités requises.

 

Paris, 19 décembre 1811

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Monsieur le Comte Montalivet, je désirerais des renseignements sur ce que peut fournir la France en chevaux de remonte, surtout pour la cavalerie légère. J’en ai besoin, et il paraît que les fournis­seurs ont beaucoup de peine à s’en procurer. En 1811, j’ai demandé 25,000 chevaux, je n’ai pu en avoir que 18,000. Faites-moi con­naître l’état des chevaux existants et quelle est sur cet objet l’opinion des inspecteurs des haras, ainsi que des personnes qui suivent cette partie de l’administration.

 

Paris, 19 décembre 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, ce n’est plus la même main qui dirige la formation de mes états de situation. Ceux que j’ai sous les yeux ne contiennent que des fautes; il faut qu’il y ait une désorganisation dans ce bureau.

Dans l’état de situation par ordre numérique on porte que le 4e bataillon du 8e léger est à l’île Sainte-Marguerite, et dans le livret par division militaire on porte qu’il est à Porquerolles.

Dans le livret par ordre numérique on porte que le 4e bataillon du 18e léger partira de Turin le 21 décembre, et dans l’état par division militaire on le porte comme partant d’Antibes.

Dans le même état par ordre numérique je vois que le 2e régiment de la Méditerranée a envoyé ses 1er et 2e bataillons sur Palmanova et Mantoue, et que, de plus, il a envoyé un détachement de 500 hommes qui est en route sur Mantoue. Je ne sais ce que cela veut dire.

Au 6e de ligne, on suppose que le 4e bataillon, qui est à Rome, formera le dépôt; ce qui n’est pas exact.

Je vois qu’à l’article du 7e de ligne, du 42e et autres, on porte le 4e bataillon comme incorporé dans les premiers. Que sont devenus les cadres et qui a donné l’ordre de cette incorporation ?

Dans ce même état de situation par ordre numérique on n’a pas mis la note des conscrits que chaque corps a à recevoir, ni de ceux qu’il a reçus.

Je désire que vous me remettiez un nouvel état où toutes ces fautes soient réparées.

 

Paris, 19 décembre 1811

Au général comte Dumas, directeur des revues et de la conscription militaire, à Paris

Présentez demain au Conseil d’État le décret pour la levée de la conscription et la répartition entre les départements. Faîtes-le impri­mer cette nuit. Envoyez vos circulaires dans la journée du 20, afin que les jours nécessaires comptent à dater du 20 décembre.

 

Paris, 19 décembre 1811.

A M. Barbier, bibliothécaire de l’Empereur, à Paris

Je prie M. Barbier de m’envoyer pour Sa Majesté quelques bons ouvrages les plus propres à faire connaître la topographie de la Russie et surtout de la Lithuanie, sous le rapport des marais, rivières, bois, chemins, etc.

Sa Majesté désire avoir aussi ce que nous avons en français de plus détaillé sur la campagne de Charles XII en Pologne et en Russie. Quelques ouvrages sur des opérations militaires dans cette partie seraient également utiles.

 

Paris, 19 décembre 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, vous devez à l’heure qu’il est avoir reçu 60 voitures du nouveau modèle des transports militaires ; faites-moi connaître si vous en avez été content. Ne pourrait-on pas en faire construire une centaine à Hambourg et à Lubeck ? En les faisant confectionner sur les lieux, combien me coûteraient-elles ? On devrait les avoir à meil­leur marché qu’en France, et elles seraient toutes rendues. J’en fais construire cent à Danzig. J’en fais construire à Sampigny autant qu’on peut en construire.

 

Paris, 20 décembre 1811

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, écrivez en chiffre au baron Bignon que, si la guerre avait lieu, mon intention est de l’attacher à mon quartier général et de le mettre à la tête de la police secrète compre­nant l’espionnage dans l’armée ennemie, la traduction des lettres et pièces interceptées, les rapports des prisonniers, etc.; qu’il est donc nécessaire que, dès aujourd’hui, il monte une bonne organisation de police secrète ; qu’il faudrait qu’il eût deux Polonais parlant bien la langue russe, militaires, ayant fait la guerre, intelligents, et dans lesquels on pût avoir confiance, connaissant l’un la Lithuanie, l’autre la Volhynie, la Podolie et l’Ukraine, et un troisième parlant allemand et connaissant bien la Livonie et la Courlande. Ces trois officiers seront chargés d’interroger les prisonniers. Ils devraient parler par­faitement le polonais, le russe et l’allemand. Ils auront sous leurs ordres une douzaine d’agents bien choisis, lesquels seront payés sui­vant les renseignements qu’ils donneront. Ils devraient également être en état de donner des éclaircissements sur les endroits où passerait l’armée.

Je désire que le sieur Bignon s’occupe sans délai de cette grande organisation. En commençant cette organisation, les trois agents de correspondance devront avoir des agents sur les routes de Pétersbourg à Vilna, de Pétersbourg à Riga, de Riga à Memel, sur les routes de Kiev, et sur les trois routes qui, de Bucharest, conduisent à Saint-Pétersbourg , à Moscou et à Grodno ; en envoyer à Riga, à Dunabourg, à Pinsk dans les marais, à Grodno, et donner l’état de situation des fortifications jour par jour. Si les renseignements sont satisfaisants, je ne regretterai pas une dépense de 12,000 francs par mois. Pen­dant la guerre, les récompenses pour ceux qui donneront des avis utiles à temps seront indéterminées. Il y a parmi les Polonais des hommes qui connaissent les fortifications et qui peuvent, de ces dif­férentes places, bien indiquer l’état où elles se trouvent.

 

Paris, 20 décembre 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Je vous envoie une lettre sur des refus. Y a-t-il quelque chose à faire contre les fournisseurs qui fournissent des draps inférieurs aux échantillons ? Car enfin ces refus ne laissent pas que de retarder la formation de l’armée.

 

Paris, 20 décembre 1811.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, je vois par votre état de situation que vous avez à la 1e division 1,600 malades aux hôpitaux, 600 aux infirmeries régimentaires ou à la chambre, total 2,200 malades; à la 2e division, 2,000; à la 3e division, 1,500; à la4e division, 1,900; à la 5e di­vision, 2,500; total pour l’infanterie, 10,100 malades.

Vous avez, sans compter les Espagnols, soixante et dix-neuf ba­taillons qui, à 900 hommes chacun, devraient faire 71,000 hommes. Il manque au complet 3,400 hommes; vous avez 10,000 malades, il faut donc ôter 13,000 hommes. Ces soixante et dix-neuf bataillons ne forment pas 58 à 60,000 hommes sous les armes devant l’ennemi. Je suppose que votre état, étant du 1er décembre, éprouvera une grande amélioration au 1er janvier et une plus grande encore au 1er février. De mon côté, je donne ordre qu’on vous envoie des cadres pour compléter l’effectif. Vous ne devez pas avoir en ce moment 750 hommes par bataillon prêts à marcher; je désire beaucoup que votre situation au 1er février soit telle, que chaque bataillon ait 800 hommes sous les armes, que chaque régiment ait 4,000 hom­mes, officiers compris, et que vous ayez 64,000 hommes d’infan­terie à présenter à l’ennemi. Le 15e léger a 200 hommes à vous envoyer de son dépôt à Paris ; le 33e léger en a 600 ; d’autres dépôts en ont plus ou moins. Comme je n’ai pas trouvé les bataillons de l’île de Ré mentionnés dans votre état de situation au nombre des bataillons que vous avez distribués, je présume qu’ils n’étaient pas encore incorporés au 1er décembre; cela doit faire encore la valeur de 3,000 hommes. Faites-moi bien connaître votre situation au 15 dé­cembre, et, par un second état, votre situation au 1er janvier.

 

Paris, 20 décembre 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, je vois dans l’état de situation de votre armée au 1er décembre que le 9e régiment de lanciers polonais n’a que 472 hom­mes. Je ne conçois pas que, lorsque je fais acheter les chevaux à mes frais et que le Grand-Duché n’a à fournir que les hommes, ce régi­ment ne soit pas à 1,000 hommes et à 1,000 chevaux. Pressez donc le complètement de ce régiment.

Je vois également que vos cadres ne sont pas complets. Attendez-vous encore quelque chose des dépôts de Strasbourg et de Wesel, et de l’ile de Ré et de Belle-Ile ?

 

Paris, 21 décembre 1811

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Doc de Bassano, je vous prie de faire des recherches et de me donner les éclaircissements que vous avez sur cette diffé­rence (entre un livret de l’armée russe et un état remis par le prince Poniatowski).

 

Paris, 21 décembre 1811

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la garde impériale, à Pars

Mon Cousin, je réponds à votre travail sur l’administration de la Garde. Je m’en tiens à l’organisation du 24 août. 1 ordonnateur, 6 commissaires des guerres et 3 adjoints, en tout 10, me paraissent suffisants. Un commissaire des guerres ou un adjoint sera attaché à chaque division. La cavalerie comptera pour deux divisions. 48 offi­ciers de santé me paraissent suffisants. 302 employés et ouvriers d’administration me paraissent également suffisants. Mais il est néces­saire d’en maintenir le nombre au complet, et à cet effet vous devez donner ordre qu’aussitôt que la Garde sera partie on ait à former de nouveau une compagnie de 100 ouvriers, composée principalement de boulangers, pour recruter les compagnies actives. On les fera rejoindre ensuite par détachements de 50 hommes. Le bataillon des équipages militaires a six compagnies, 17 officiers, 771 hommes et 1,200 chevaux; il sert 30 fourgons et 12 forges des corps, 28 am­bulances, 52 fourgons des vivres; 120 voitures du nouveau modèle, 6 forges, 4 prolonges, total 252 voitures; ce qui me parait suffisant. La distribution en sera faite, pour les fourgons d’administration, à raison de 5 fourgons par division et 10 en réserve pour la cavalerie; pour les fourgons d’ambulance, à raison de 5 par division et de 8 pour la cavalerie ; pour les caissons de vivres ancien modèle t à raison de 14 pour les deux premières divisions, el de 12 pour les deux der­nières, et sans y comprendre les fourgons de la garde italienne. Je vois qu’il ne manque pour tout cela que 229 chevaux, en y compre­nant les 200 chevaux qui sont en Espagne, que les voitures d’ambu­lance, 120 voitures de nouvelle construction et 6 fourgons. Je prends un décret pour l’objet le plus important, qui est l’achat des chevaux.

Je ne compte pas les chevaux qui reviennent d’Espagne, et, par con­séquent, j’ordonne l’achat de 400 chevaux.

Quant aux voitures qui manquent, je pense qu’on les confec­tionne. Veillez à ce qu’au 30 janvier les chevaux, les harnais, les voitures, les hommes, tout soit prêt à partir. Faites-moi connaître où se font les 120 voitures. Moyennant ce, la Garde pourra porter à sa suite sur les 120 voitures de nouveau modèle 480,000 rations, sur les fourgons 45,000, total 525,000; ce qui fera des vivres pour 50,000 hommes pendant dix jours. En outre, le 7e bataillon des équipages militaires sera sous les ordres de l’ordonnateur de la Garde et organisé comme les autres équipages de la Garde, à 252 voitures, portant un million de rations de biscuit, ce qui fera, pour 50,000 hommes pendant vingt jours, 1,525,000 rations. La Garde aura donc des vivres pour 50,000 hommes pendant trente jours, indé­pendamment de ce que les fourgons et autres voitures attachées aux corps porteront. Je juge cet approvisionnement nécessaire, parce que la Garde marche la dernière.

Le ministre de l’administration de la guerre tiendra à la disposi­tion de l’ordonnateur de la Garde l’argent nécessaire pour mettre en état le 7e bataillon. L’ordonnateur veillera à ce que les remontes de ce 7e bataillon soient faites, à ce que les voitures soient en bon état et le bataillon bien organisé, il en ira passer la revue à Metz, car il est inutile que le bataillon vienne à Paris. Vous-même, ayez l’œil sur l’organisation de ce bataillon.

 

Paris, 21 décembre 1811

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la garde impériale, à Pars

Mon Cousin, je vois par votre travail que l’effectif de la cavalerie de la Garde est de 6,450, et qu’il manque 400 hommes au complet. J’ai pris un décret pour que les régiments ci-après, savoir, le 1er, le 2e, le 3e, le 4e et le 10e de hussards, les 10e, 13e, 14e, 15e, 22e, 20e, 27e, 29e et 30e de chasseurs, fournissent chacun 10 hommes ayant les qualités requises; ce qui fera 140 hommes. Ces hommes seront pris aux dépôts, et, s’il ne se trouve pas aux dépôts de ces régiments le nombre d’hommes demandé ayant les qualités requises, le surplus, ayant ces qualités, sera tiré des escadrons de guerre qui sont en Espagne. Les vingt régiments de dragons qui sont en Espagne fourniront chacun 10 hommes; ce qui fera 200 hommes. Les seize régi­ments de cuirassiers et carabiniers fourniront chacun 6 hommes; ce qui fera 96 hommes. Quant aux 60 hommes qui manquent au 2e ré­giment de chevau-légers, les vélites les compléteront. Moyennant ce, la cavalerie de la Garde sera complète, c’est-à-dire portée à 6,800 hommes.

Il manque 543 chevaux ; j’ai pris un décret qui ordonne de se les procurer, savoir : 188 pour les chasseurs à cheval, 65 pour les mameluks, 176 pour les dragons, 79 pour les grenadiers à cheval, 22 pour la gendarmerie d’élite et 13 pour le 2e régiment de chevau-légers. Donnez des ordres pour que cette remonte ait lieu sans délai ; mais veillez à ce qu’on ne prenne que des chevaux ayant jeté leur gourme et qui aient soixante mois, révolus au 1er février. 4,057 hom­mes sont présents, 332 sont détachés en France et rejoindront; 1,200 sont en Espagne et rejoindront ; je compte donc qu’avec les 500 hom­mes qui vont être fournis cela fera 6,000 hommes de cavalerie en campagne ou soixante escadrons. Passez vous-même des revues pour vous assurer pourquoi il y a 440 hommes et 400 chevaux non dispo­nibles. Il est important qu’au 1er février j’aie ces 6,000 hommes prêts à marcher.

 

Paris, 21 décembre 1811

Au maréchal Bessières, duc d’Istrie, commandant la garde impériale, à Pars

Mon Cousin, j’ai reçu votre travail sur le génie de la Garde. J’ai décidé que la ligne fournirait trois compagnies de sapeurs avec leurs outils, 3 capitaines, 3 lieutenants et 3 sous-lieutenants; que la compagnie de sapeurs de la Garde ferait le service près de la 4e divi­sion , ainsi que 2 officiers supérieurs du génie de la Garde ; cette compagnie aura ses outils comme les autres compagnies de la Garde. Ces compagnies seront sous les ordres des autres commandants de la Garde. Par conséquent, il n’y aura rien à changer à l’organisation actuelle.

 

Paris, 21 décembre 1811

Au général Caulaincourt, duc de Vicence, Grand Écuyer, à Paris

Vous ferez payer 20,000 francs à chacun de mes officiers d’ordon­nance , afin qu’ils puissent s’équiper et avoir tout ce que les règle­ments leur prescrivent d’avoir.

 

Paris, 23 décembre 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, donnez l’ordre de rentrer en France aux deux com­pagnies d’artillerie à cheval de la Garde, aux deux compagnies d’ar­tillerie à pied de la Garde, aux ouvriers d’artillerie de la Garde et aux soldats du train de la Garde.

L’armée du Nord n’aura désormais que l’artillerie suivante, savoir : une batterie d’artillerie à cheval servie par la compagnie d’artillerie à cheval que doit fournir l’armée de Portugal : six pièces ; deux bat­teries d’artillerie à pied servies par les 8e et 17e compagnies du 6e régi­ment d’artillerie à pied, qui étaient destinées à la réserve de l’armée d’Espagne, composées chacune de six pièces de 6 et de deux obusiers : seize pièces; total, vingt-deux pièces. Ainsi l’armée du Nord aura six obusiers et seize pièces de 6 ; ce qui, avec les deux pièces du bataillon de Neuchâtel, fera vingt-quatre pièces.

Vous donnerez l’ordre que le 34e léger et le 130e forment leurs compagnies d’artillerie. Il sera donné à chacune deux pièces de 4; ce qui portera les pièces d’artillerie de l’armée du Nord à vingt-huit.

Quant au train, vous donnerez ordre que les 4e, 5e et 6e compa­gnies du 10e bataillon principal, formant près de 300 hommes et 450 chevaux bien harnachés et en bon état, partent pour se rendre à Burgos. Voyez le bureau d’artillerie au ministère de la guerre pour savoir où ces trois compagnies devraient prendre le matériel d’artil­lerie, comme il est dit ci-dessus.

L’artillerie de la Garde se rendra à Vitoria, et, aussitôt que les 450 chevaux des trois compagnies du 10e bataillon principal du train seront arrivés à Vitoria, l’artillerie de la Garde se rendra en France. Avant de partir, la Garde cédera cependant autant de chevaux et de matériel qu’il en faut pour compléter les trois compagnies du 10e bataillon principal, qui a 450 chevaux et qui peut, je crois, en servir 550. Ce sera donc 100 chevaux que la Garde lui cédera.

Avant que la 4e, la 5e et la 6e compagnie du 10e principal par­tent, vous donnerez ordre que les 72 hommes de ce bataillon qui sont au dépôt de Toulouse y soient incorporés.

 

Paris, 24 décembre 1811.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, vous trouverez ci-jointe une lettre que j’envoie au ministre de la guerre. Comme le ministre mettra cinq ou six jours à expédier l’ordre qui y est contenu, je désire que vous l’envoyiez dès ce soir par l’estafette, afin que les cadres des 4e régiments de tirail­leurs et de voltigeurs arrivent le plus tôt possible.

 

Paris, 24 décembre 1811.

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, je reçois votre lettre sur la distribution d’un onzième convoi de fonds. Je ne vois pas d’inconvénient à envoyer à l’armée de Portugal 500,000 francs ; à l’armée du Centre, 200,000 francs ; au Roi, 500,000 francs; à Santona, 200,000; total, 1,400,000 francs, dont 750,000 francs en argent et 650,000 francs en traites.

Préparez un douzième convoi qui sera pris sur les fonds et au compte de 1811, que je destine à solder entièrement les escadrons de gendarmerie de la Navarre, de la Biscaye et de Burgos, égale­ment tout ce qui est à Santander, tel que le 130e régiment.

 

Paris, 24 décembre 1811

Au général Durosnel, aide de camp de l’empereur, à Paris

Je vous prie de m’envoyer des notes sur les dix-sept généraux de brigade de cavalerie, dont les noms suivent : Beurmann, Burthe, Corbineau, Dejean, Delort, d’Oullembourg, Ferrière [3]qui a été au service de Hollande , Konopka, Margaron, Mouriez, Ornano, Queunot, Saint-Geniès, Dornès, Guitton, Quinette et Reynaud.

Quels sont les quatre meilleurs à employer dans la cavalerie légère et les plus propres à faire le service d’avant-postes, et ceux à em­ployer dans la cavalerie de ligne ?

 

Paris, 24 décembre 1811.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, je lis avec attention votre lettre du 19 décembre. Voici comme je désire que les choses soient réglées. Votre ordonna­teur vous fera un rapport, qui établira que, pendant tant de jours, tant de mille hommes et tant de chevaux, au-delà du nombre fixé par les conventions, ont été à la charge de la Westphalie ; que ce nombre d’hommes et de chevaux a dû coûter tant à la Westphalie, et vous diminuerez sur chaque objet 25 pour 100 du prix où les choses sont dans la 32e division militaire, pour équivaloir à l’argent qui sort de chez moi; ainsi la ration de fourrage sera de moins de 20 sous, la journée d’hôpital de moins de 20 sous. On pourra aussi compter la fourniture des draps. On fera entrer en compensation la nourriture des troupes westphaliennes qui sont à Danzig. La conclu­sion de ce rapport sera que telle quantité de troupes a occasionné à la Westphalie tant de dépense, sans parler de la solde. Vous com­muniquerez ce résultat à mon ministre, et vous lui écrirez que, vu le rapport de l’intendant de l’armée, l’intention de Sa Majesté étant de faire une chose avantageuse à la Westphalie, vous donnez ordre que la solde du surplus des troupes qui étaient à la charge du Roi soit payée jusqu’à due concurrence, et que vous priez le Roi d’acquit­ter le reste. Le Roi acquittera ou n’acquittera pas, puisque la note de mon ministre au ministre westphalien ne sera que confidentielle, et qu’elle ne fera pas connaître la raison, mais se bornera à dire qu’une somme de tant a été envoyée pour payer la solde de 12,500 hommes et qu’il reste dû tant pour aligner la solde. Par ce moyen, cela ne fera pas règle pour les autres princes de la Confédération ni pour la Westphalie, qui, lorsqu’elle recevra une plus grande quantité de troupes, ne sera pas effrayée ; et ainsi vous aurez fait solder les troupes qui sont en Westphalie.

 

Paris, 25 décembre 1811

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, je vous envoie des pièces fort im­portantes sur le sieur Bourrienne. Je vous prie de me faire un rap­port et de garder pour vous ces pièces, car cela demande le plus grand secret. Tout me porte à penser que cet individu a des intrigues suivies à Londres. Apportez-moi cette affaire jeudi.

 

Paris, 25 décembre 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Il sera formé douze brigades de cavalerie légère française et une brigade de cavalerie italienne. Ces brigades seront organisées et por­teront les numéros suivants :

lre brigade, 2e chasseurs, 9e de cavalerie légère polonais, qui est à ma solde à Danzig, général de brigade, Pajol.

Réitérez les ordres pour que le 9e polonais soit complété à 1,000 hommes et à 1,000 chevaux à mes frais, en prenant les che­vaux et les hommes en Pologne.

2e brigade, 1e et 3e de chasseurs ; général de brigade, Bordesoulle.

3e brigade, 7e de hussards et 9e de chevau-légers ; général de bri­gade , Jacquinot.

4e brigade, 8e de hussards et 7e de chasseurs; général de brigade, Piré.

5e brigade, 23e et 24e de chasseurs; général de brigade, Castex.

6e brigade, 7e et 20e de chasseurs et 8e de chevau-légers; général de brigade, Corbineau.

7e brigade, les 11e et 12e de chasseurs; général de brigade, Saint-Geniès.

8e brigade, 5e et 9e de hussards; général de brigade, Burthe.

9e brigade, 11e de hussards et 6e de chevau-légers; général de brigade, Mouriez.

10e brigade, 6e et 25e de chasseurs; général de brigade, Gérard.

11e brigade, 6e de hussards et 8e de chasseurs; général de bri­gade, Gauthrin.

12e brigade, 9e et 19e de chasseurs ; général de brigade, Ferrière.

13e brigade, 2e et 3e régiments de chasseurs italiens; général de brigade italien, Villata.

Les cinq premières brigades font partie du corps d’observation de l’Elbe; elles doivent compléter leur remonte en Allemagne, sous l’inspection des généraux de division et de brigade.

Les généraux Corbineau, Saint-Génies, Burthe et Mouriez, rece­vront l’ordre d’aller passer la revue des régiments de leur brigade, de recevoir les chevaux, et prendront toutes les mesures nécessaires pour que ces régiments puissent entrer en campagne le plus forts que possible en février. Ils verront le ministre de l’administration de la guerre pour prendre ses instructions. Ils séjourneront alternativement à l’un et à l’autre régiment. Un général de brigade sera envoyé dans la 6e division militaire pour présider à la remonte et à l’organisation des 4e escadrons de cavalerie légère et de dragons dont les régiments sont en Italie.

 

Paris, 25 décembre 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Les cuirassiers seront organisés de la manière suivante :

La 1e division, commandée par le général Saint-Germain, sera composée du 2e, du 3e et du 9e de cuirassiers. Chaque régiment for­mera une brigade, étant de huit escadrons. Il y aura trois généraux de brigade, savoir : Bessières, Brunot et Queunot.

La 5e division sera composée du 12e, du 6e et du 11e de cuiras­siers. Il y aura 1 général de division et 3 généraux de brigade; ces derniers seront les généraux Reynaud, Quinette et Dejean.

La 2e division de cuirassiers sera composée du 5e régiment, du 10e et du 8e régiment. Les généraux de brigade Beaumont, Richter et Dornès seront employés dans cette division.

La 3e division sera commandée par le général Doumerc ; elle sera composée du 4e, du 7e et du 14e régiment de cuirassiers. Les géné­raux de brigade Berkheim, Lhéritier et d’Oullembourg seront em­ployés dans cette division.

La 4e division sera composée du 1er, du 2e régiment de carabiniers et du 1er de cuirassiers. Les généraux de brigade Schwarz et Paultre seront employés dans cette division. Vous donnerez en conséquence l’ordre à ces généraux d’être rendus pour le 1er février au quartier général de leur division.

Vous donnerez ordre au prince d’Eckmühl de former la 5e division, et à cet effet vous ordonnerez au 6e et au 11e régiment de cuirassiers de partir d’Erfurt pour se rendre en Hanovre. Cette 5e division se for­mera dans le Hanovre et dans le Mecklenburg. Douze pièces d’artil­lerie légère seront attachées à cette division.

Comme les compagnies d’artillerie légère pourraient manquer, on prendra une de celles du corps d’observation de l’Océan et une de celles du corps de l’Elbe, qu’on remplacera par une compagnie à pied.

Le 1er régiment de lanciers sera attaché à la 1e division de cui­rassiers; le 2e régiment à la 2e division; le 3e régiment à la 3e divi­sion ; le 4e régiment à la 4e division, et le 5e régiment à la 5e divi­sion. Chaque régiment de lanciers fournira trois escadrons complétés à près de 800 hommes et de 800 chevaux. Vous me ferez connaître si au 1er février vous pourrez faire partir un escadron de 250 hom­mes bien habillés et bien équipés pour les divisions de cuirassiers; si au 1er mars le 2e escadron peut partir, et le 3e escadron au 15 avril. En supposant que chaque régiment de cuirassiers soit à 900 chevaux au 1er mars, l’augmentation de 800 chevau-légers por­tera la force de la division à 3,500 chevaux.

Vous ferez une ordonnance sur le service des chevau-légers avec les cuirassiers. Sous aucun prétexte, les cuirassiers ne pourront être donnés en ordonnances. Ce service sera fait par les lanciers; les généraux mêmes se serviront de lanciers. Le service de correspon­dance, d’escorte, celui de tirailleurs, sera fait par les lanciers.

Quand les cuirassiers chargent des colonnes d’infanterie, les che­vau-légers doivent être placés sur les derrières ou sur les flancs, pour passer dans les intervalles des régiments et tomber sur l’infanterie lorsqu’elle est en déroute, ou, si l’on a affaire à la cavalerie, sur la cavalerie et la poursuivre l’épée dans les reins.

 

Paris, 25 décembre 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je juge convenable de changer la for­mation de la 6e division du corps d’observation de l’Elbe, qui n’était encore formée que sur le papier. En conséquence, cette division sera composée de quinze bataillons, savoir : de quatre bataillons du 24e léger, qui partiront de Paris le 16 janvier, de quatre bataillons du 19e de ligne, qui partiront de Boulogne le 15 janvier, de quatre bataillons du 56e qui partiront le 20 janvier, et trois bataillons du 128e. Deux bataillons seront fournis sur-le-champ; le troisième bataillon partira aussitôt que possible.

La 6e division se réunira le 1er janvier à Osnabrück avec son artil­lerie, génie, administration, etc. Le général Legrand la commandera; il sera rendu à Osnabrück le 1er février. Les généraux de brigade Albert et Maison seront employés dans cette division. Vous consul­terez le général Legrand pour nommer le troisième général de brigade et l’adjudant commandant nécessaire à la division, laquelle sera composée de trois brigades.

Dès le 1er janvier, le général Legrand prendra le commandement, les chefs de corps lui adresseront leurs demandes, et il travaillera avec vous et avec le ministre de l’administration de la guerre pour la formation et l’organisation de sa division.

Les quatre bataillons du 24e léger seront à 800 hommes présents sous les armes au 1er février, à Osnabrück. Il lui manque, je crois, pour être à ce complet 600 hommes. Présentez-moi un projet pour détacher des 5e bataillons d’infanterie légère dont les régiments sont en Espagne les nommes disponibles pour former les 600 hommes nécessaires pour recruter ce régiment; les 21e, 28e, 27e, 17e, 25e, 6e, 2e, 4e, 12e, 16e, 23e, etc., pourront fournir ces 600 hommes. Choisissez dans chaque dépôt ce qu’on peut en tirer.

La 8a division sera composée de dix-sept bataillons, savoir : qua­tre bataillons du 11e régiment d’infanterie légère, cinq bataillons du 2e régiment de ligne, cinq bataillons du 37e et trois bataillons du 124e. Elle se réunira à Munster et à Wesel. Le général de division Verdier en aura le commandement; il sera rendu à Munster le 1er fé­vrier. Le général de brigade Viviès sera employé dans cette division ; il sera nommé deux autres généraux de brigade et un adjudant com­mandant. Cette division aura trois brigades comme la 6e division ; le général Verdier en prendra le commandement au 1er janvier.

La 9e division sera composée de dix-sept bataillons, savoir : deux bataillons croates qui partiront le 2 janvier de Paris, bien habillés et bien équipés, douze bataillons suisses et trois bataillons du 123e.

Chaque régiment suisse fournira d’abord deux bataillons avec une compagnie d’artillerie, chaque bataillon complété à 840 hommes, et, aussitôt que les recrues arriveront, chaque régiment formera son 3e bataillon. Les bataillons qui de Cherbourg se rendent à Paris, ceux qui sont à Paris, partiront de Paris le 15 janvier. Donnez ordre à leurs dépôts d’envoyer à Paris ce qu’ils ont disponible; faites-y venir spécialement la compagnie d’artillerie qui est à Marseille. Les deux bataillons qui se rendent à Besançon s’embarqueront à Stras­bourg sur le Rhin pour passer à Wesel.

Les deux bataillons du 123e qui sont à Boulogne partiront le 15 janvier; ils se rendront à Saint-Omer où est leur dépôt; ils y séjourneront cinq ou six jours ; ils prendront tous les hommes dispo­nibles pour compléter les deux premiers bataillons à 1,600 hommes; après quoi, ils se rendront à Nimègue. Le 4e bataillon qui est à Magdeburg fera partie de ce régiment ; il restera à Magdeburg jusqu’à nouvel ordre.

Le général Belliard aura le commandement de cette division ; le général Amey servira sous ses ordres comme général de brigade. Le général Belliard fera connaître quels sont les deux autres généraux de brigade qu’il désire pour commander ses deux autres brigades, et l’adjudant commandant qu’il veut pour chef d’état-major.

 

Paris, 25 décembre 1811

Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police général, à Paris

Le comte Saint-Priest, étant sur la liste des maintenus, ne devrait pas être en France ; cependant j’apprends qu’il est à Genève. Ses fils continuent à être au service ennemi, et il correspond avec eux sur toute espèce de nouvelles. Donnez ordre que cet individu évacue non-seulement la France, mais tous les pays occupés par l’armée française.

 

Palais des Tuileries, 25 décembre 1811.

Au capitaine de Frégate Feretier

Monsieur le Capitaine Feretier, nous vous faisons savoir que nous avons placé sous votre commandement nos frégates l’Ariane et l’Andromaque et notre brick le Mameluk, avec l’intention que vous croi­siez dans l’Océan, autant de temps que vous le jugerez convenable, pour faire tout le mal possible à l’ennemi.

Vous avez les relâches de tous les ports des États-Unis d’Améri­que, avec lesquels nous sommes en paix.

Lorsque vous jugerez devoir rentrer, nous désirons que vous ren­triez dans la Méditerranée pour rejoindre notre escadre de Toulon, si toutefois les circonstances vous le font penser convenable.

Il nous est parvenu des informations qui nous donnent lieu de penser qu’un certain nombre de nos sujets, prisonniers de guerre, a été jeté sur l’ile de Cabrera, près Majorque, et nous voulons que, si les circonstances vous favorisent assez pour pouvoir, sans com­promettre la division sous vos ordres, enlever ces prisonniers ou partie d’entre eux, vous exécutiez cette opération, qui nous sera par­ticulièrement agréable.

Nous chargeons notre ministre de la marine de vous faire parvenir toutes les instructions de détail relatives à votre mission. Il vous fera connaître que nous vous laissons la liberté de diriger votre croisière et d’en prolonger la durée, comme vous le jugerez le plus convenable à notre service, persuadé que, par votre courage, vos talents et votre activité, vous justifierez la confiance dont nous vous honorons.

 

Paris, 26 décembre 1811

Au prince Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris

Mon Cousin, le comte Auguste Talleyrand, lors de son ma­riage, déclara à la famille de sa femme qu’il avait une somme de 200,000 francs comme lui ayant été donnée par son cousin le prince de Bénévent, alors ministre des relations extérieures. Cependant le prince de Bénévent exigea des bons à ordre pour ladite somme. Ces bons, qui depuis ont été mis dans la circulation, sont entre les mains des agents de change ; de sorte que, s’ils ne devaient être ac­quittés dans un court délai, le comte Auguste Talleyrand serait dans le cas d’être déshonoré. Je ne puis approuver ce double procédé. Les clauses matrimoniales sont sacrées, et, puisqu’on disait que le prince de Bénévent donnait 200,000 francs, il ne devait pas exiger de billets ; mais, puisqu’il les avait exigés, la délicatesse ne permet­tait pas qu’il les mit dans la circulation. N’ayant fait le sacrifice de 2,200,000 francs pour acheter l’hôtel du prince de Bénévent qu’afin de lui faciliter l’arrangement de ses affaires, je désire que cette somme serve aussi à arranger l’affaire du comte Auguste Talleyrand.

J’ai en conséquence ordonné à l’intendant général de mon domaine extraordinaire de retenir cette somme. Mon intention est que vous parliez au prince de Bénévent, au comte Auguste Talleyrand, et que vous vous constituiez leur arbitre. Si les 200,000 francs doivent être payés par le comte Auguste Talleyrand, vous déterminerez les époques auxquelles il sera raisonnable de fixer les payements, et vous terminerez cette affaire en lui donnant la forme d’un arrangement de famille et non d’un engagement de commerce, qui ne doit pas avoir lieu entre gens d’honneur.

 

Paris, 26 décembre 1811

A Madame la comtesse Auguste Talleyrand

Madame la Comtesse Talleyrand, je reçois votre lettre ; j’y vois les embarras où vous vous trouvez. Je donne ordre au comte Defermon, intendant de mon domaine extraordinaire, d’employer 200,000 francs sur ce qu’il doit au prince de Bénévent pour acquitter les billets à ordre qu’imprudemment votre mari a signés. J’ai chargé mon cousin l’archichancelier de procéder à un jugement arbitral pour convertir ces effets de commerce en billets de famille; voyez-le à cet effet. Je suis fort aise d’avoir trouvé cette occasion de faire une chose juste et qui, en même temps, vous est agréable.

 

Paris, 26 décembre 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J’ai pris un décret pour armer les cuirassiers d’un mousqueton et les lanciers d’une carabine. Faites un règlement pour leur donner cela.

 

Paris, 26 décembre 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je vous renvoie les dépêches du géné­ral Decaen, faites une relation de ce qui est arrivé; qu’elle soit assez satisfaisante pour contenter les généraux, mais cependant sans donner trop d’importance à des opérations faites contre des paysans.

Écrivez au général Decaen que j’ai vu avec peine qu’il ait désor­ganisé la division Frère, puisque, par cette mesure, il n’y a plus de forces actives dans le midi de la Catalogne, entre Lerida, Tortose et Barcelone; qu’il est nécessaire qu’il dissipe les rassemblements qui se font sur Vicq, et qu’il prépare un convoi par terre pour Barcelone. On trouve des voitures roulières portant 40 et 50 milliers : une cen­taine de ces voitures pourrait porter un convoi de 5,000 quintaux de farine, ce qui ferait l’approvisionnement de Barcelone pour deux mois et permettrait d’attendre la bonne saison ; on pourrait y joindre tous les mulets de bât qu’on pourrait trouver. Faites-moi connaître le nombre des bâtiments caboteurs partis d’Agde depuis octobre, ceux arrivés à Barcelone et ceux qui ont été pris. Je suppose que le maréchal Suchet a fait sauter les fortifications de Tarragone, moins ce qui avait forme de place, et qu’il n’a conservé qu’un réduit.

Instruisez le général Decaen que le maréchal Suchet a dû cerner Valence le 25 et ouvrir la tranchée le 26. Il espère enlever ce jour-là le camp retranché, ce qui donnera de grandes facilités pour attaquer la ville; de sorte qu’on espérait que dans le courant de janvier la ville serait prise. Présentez-moi les demandes d’avancement pour la Catalogne.

J’ai donné ordre au ministre des finances d’envoyer à Barcelone 400,000 francs argent et 500,000 en traites, moitié pour la solde de la garnison et moitié pour se procurer du blé, etc. Cette der­nière partie sera ordonnancée par le ministre de l’administration. Écrivez au général Decaen et à l’adjudant commandant Nisas que jus­qu’à cette heure les marchés faits pour le cabotage ont peu réussi, qu’il faudrait faire un marché pour transporter par terre. Je suppose que la garnison de Barcelone a besoin de 8,000 rations par jour, ce qui par mois fait 3,000 quintaux ; il faut considérer tous les marchés qui ont été faits par le cabotage comme destinés à l’approvisionne­ment de siège. Il faudrait à présent passer un marché régulier pour un convoi par mois de 3,000 quintaux, porté par un seul convoi de grosses voitures et envoyé exprès régulièrement ; indépendamment d’un prix convenu donné aux voituriers et d’une sûreté, ils auraient le retour pour leur compte. En faisant d’abord partir un convoi en janvier et un en février, on serait au moins tranquille pour l’appro­visionnement journalier de Barcelone.

 

Paris, 26 décembre 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte de Cessac, il faudrait s’occuper sérieusement de l’approvisionnement de Barcelone. Nous ne pouvons pas nous dissimuler que l’expédition qui partira de Toulon est très-hasardée. Il faut donc, indépendamment de ce qu’on fait par mer, prendre des moyens plus sûrs en les prenant par terre. J’ai trois compagnies du 3e bataillon des équipages militaires à Pau, qui attellent chacune 40 voilures de nouveau modèle; ce qui fait 120 voitures. Chaque voiture peut porter 40 quintaux de farine ou blé; ce serait donc 4,800 quintaux que ces compagnies transporteraient en un seul voyage. En supposant que la consommation journalière de Barcelone soit de 9,000 rations, cela ne ferait que 100 quintaux de farine par jour. Ce transport de 4,800 quintaux augmenterait donc de quarante-huit jours ou deux mois l’approvisionnement de Barcelone. La place est approvisionnée jusqu’au mois de mars; un seul voyage porterait donc cet approvisionnement jusqu’en mai.

Le 5e bataillon de l’armée de Catalogne doit avoir 3 ou 400 mulets ; ce qui augmenterait le transport d’un millier de quintaux. Enfin je ne vois pas ce qui s’opposerait à ce qu’on ait un marché pour une cen­taine de voitures routières, en ne prenant que des voitures qui por­tent 40 quintaux au moins. Si l’on pouvait ainsi organiser un convoi de 3 à 400 voitures, le général Decaen l’escorterait en force ; on le ferait partir en janvier, qui est, dans ce pays, l’époque de la plus belle saison; et Barcelone approvisionné pour avril, mai, juin, juillet, ne donnerait plus d’inquiétudes. Passé juillet, la récolte y pourvoirait.

Je désire donc que vous me fassiez un rapport, 1° sur les res­sources du pays en voitures routières; 2° sur les mulets de bât que l’on trouverait à louer, et sur ceux appartenant à l’armée et dont on pourrait disposer; 3° sur ce qu’il est préférable d’envoyer, de la farine ou du blé ; enfin sur les objections qu’il y aurait à faire contre cette opération.

Vous avez 10,000 quintaux métriques de grains ou de farine à Cette; vous y avez aussi du riz. J’attacherais bien de l’importance à faire faire en janvier un premier voyage, qui m’ôtât toute inquiétude pour un approvisionnement d’un si grand intérêt.

Si l’on organisait un second convoi pour la fin de février, on pour­rait ainsi porter 20,000 quintaux, c’est-à-dire approvisionner Barcelone pour deux cents jours. Présentez-moi votre rapport le plus tôt possible.

 

Paris, 26 décembre 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Comte Cessac, je viens de lire votre rapport sur Corfou. Je désire que vous me fassiez connaître si les résultats sui­vants sont exacts. Je suppose que la consommation de Corfou est de 12,000 rations par jour; 12,000 rations font 130 quintaux par jour. Il y avait à Corfou, au 1er octobre dernier, 18,800 quintaux; il y avait donc pour 144 jours. Il y avait en outre un million de rations de biscuit; ce qui, à 12,000 rations par jour, fait pour 84 jours. Il y avait donc à Corfou pour 188 jours (il faudrait 228 jours. Cette erreur se continue dans toute la lettre). Il est entré, dans le courant d’octobre, 3,000 quintaux venant d’Otrante, 5,000 venant de Toulon et 5,000 provenant de l’expédition de Gènes qu’on sait être arrivée; total, 13,000 quintaux, ou pour 100 jours de vivres. Il y a donc, à partir du 1er octobre, pour 288 jours de vivres à Corfou.

Il y a en expédition : 1° sur les quantités ordonnées en 1810, 14,000 quintaux; 2° 10,000 quintaux que le vice-roi a fait partir d’Ancône ; 3° 20,000 quintaux que le roi de Naples doit encore fournir; et, sur ce qui est commandé pour le compte de la France, les expé­ditions de Gênes et de Toulon étant arrivées et celle de Trieste étant a moitié perdue, il reste à recevoir 10,500 quintaux existant à Tarente, 2,500 quintaux existant en expédition à Ancône (il y aurait donc en chargement à Tarente ou à Ancône 13,000 quintaux) ; ce qui ferait une expédition de 57,000 quintaux. Ainsi, il y aurait pour 100 jours dans les expéditions prêtes à partir de Brindisi, pour 100 autres jours dans celles à partir de Tarente au compte de la France, et enfin pour 60 jours dans les convois que le royaume d’Italie a fait partir. En admettant une perte raisonnable, il y aurait en expédition pour 260 jours de vivres; à quoi il faut ajouter les 150 jours de vivres qui doivent résulter des 20,000 quintaux à envoyer par le roi de Naples : il y a donc en expédition pour 400 jours de vivres. Il y avait à Corfou au 1er octobre des vivres assurés pour 288 jours, c’est-à-dire pour 10 mois; ce qui conduit du 1er octobre dernier au 1eraoût prochain. Si ce qui est en expédition y arrivait, il y aurait donc à Corfou pour 688 jours; ce qui conduit au 1er septembre 1813.

Dans cette situation de choses, il me semble que nous n’avons plus besoin que de faire arriver ce qui est en expédition et de tenir la main à ce que le roi de Naples ait son blé dans le courant de janvier à Otrante.

Je désire que vous vous concertiez avec le ministre de la marine pour aviser aux moyens à prendre : 1° pour faire passer les 10,500 quintaux qui sont à Tarente au compte de la France, 2° pour faire passer les 2,500 quintaux qui sont à Ancône; 3° pour faire passer les 14,000 quintaux qui sont à Brindisi et à Otrante. Vous avez aussi à faire de nouvelles instances auprès de la cour de Naples pour qu’elle effectue l’envoi des 20,000 quintaux. Vous examinerez s’il y a lieu à contremander l’expédition de Trieste, et s’il ne conviendrait pas de faire venir le blé que nous avons à Trieste par le Pô sur Turin, où il se vendrait davantage. Dans votre rapport vous ne rendrez compte du résultat de votre conférence avec le ministre de la marine, et vous me proposerez les mesures que vous aurez reconnues nécessaires.

 

Paris, 26 décembre 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Vous devez distinguer dans les garnisons de vaisseau ce qui est de la 2e compagnie des 5e bataillons de toute autre troupe de gar­nison. Les 2e compagnies des 5e bataillons, qui sont destinées à for­mer les garnisons de vaisseaux, conformément à mon décret d’orga­nisation, vous appartiennent; elles ne pourront être changées, ni en officiers, ni en sous-officiers, ni en soldats, que par votre ordre; de sorte que d’ici à deux ans vous aurez des compagnies au grand complet, très-acclimatées à la mer et qui formeront des troupes de marine inamovibles. Mais dans le premier moment d’organisation c’est très-différent, et je désire que vous ne mettiez pas d’empêche­ment à ce que le ministre de la guerre fasse débarquer tout ce qui n’est pas bon comme garnison définitive, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas de la 2e compagnie du 5e bataillon.

 

Paris, 26 décembre 1811

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, je reçois votre lettre du 22 ; j’y réponds sans perdre de temps. Je pense que le générai Morio, qui a votre confiance, est très-bien placé dans votre maison. C’est même un officier distingué, qui serait utile dans votre état-major ou dans votre génie, ces services ayant de l’analogie; mais il n’a jamais mené au feu même une compa­gnie de voltigeurs. Un parfait honnête homme et un homme d’honneur pourrait-il désirer d’être grand maréchal d’un prince qui a détrôné sa famille ? Il peut désirer d’être colonel ou général, vous ayant reconnu; il pourra être avec honneur le grand maréchal de votre fils, mais pas le vôtre. Supposez une défaite, la marche de l’Électeur sur Cassel : dans ce cas, pourriez-vous vous défendre d’un sentiment d’effroi de trouver à vos côtés un homme qui aurait tant de liens par lesquels on peut le saisir ? Quant à la régence que vous voulez laisser chez vous en cas d’absence, je vois bien que Siméon mérite toute confiance pour l’administration ; je suppose que le chef de votre gendarmerie, Bongars, resterait en Westphalie; mais il faudrait encore un général de quelque distinction qui put se porter à la tête des troupes partout où il serait nécessaire.

Vous avez dix-huit bataillons et huit escadrons en ligne. Il vous faudrait soixante pièces de canon. Le moins possible serait quarante-huit pièces, savoir : douze pièces de régiment ; deux batteries à pied, chacune de six pièces de 6 et deux obusiers, seize pièces; deux batteries à cheval de quatre pièces de 6 et deux obusiers, douze pièces; une batterie de réserve de six pièces de 12 et deux obusiers, huit pièces; total, quarante-huit pièces.

Pour le service de vos trente-six pièces de réserve, il faut 200 voi­tures, car il faut avoir 400 coups à tirer par pièce. Ces 200 voitures exigeraient 1,000 chevaux : vous n’en avez que 600, c’est-à-dire que vous ne pouvez atteler que 120 voitures avec votre train. Il fau­drait donc que les 80 autres voitures fussent attelées, au moment de la guerre, par une levée de chevaux de réquisition. Vos trente-six pièces de réserve se trouveraient marcher naturellement, savoir: seize avec l’infanterie, ce qui fera vingt-huit avec les douze pièces régimentaires; les huit pièces de la batterie de réserve avec la garde; les douze de deux batteries à cheval, l’une avec la garde, l’autre avec la brigade de cuirassiers.

C’est là la moindre organisation que vous puissiez avoir, et encore n’aurez-vous que la moitié de l’organisation actuelle de mes troupes, et moins que n’ont les troupes étrangères.

Vos compagnies d’artillerie à pied pour servir huit pièces doivent être de 120 hommes. Les deux compagnies à cheval et les six com­pagnies à pied que vous avez me paraissent suffisantes : trois de ces dernières serviront l’artillerie des divisions et trois seront au parc.

Dix-huit bataillons, représentant 12,000 baïonnettes, doivent avoir 60 cartouches par homme dans les caissons, outre celles des gibernes. Il vous faudrait 48 caissons à cartouches; vous en avez 18 avec les régiments : il en resterait donc 30 avec la réserve. Ces 30 caissons marcheraient, savoir: 18 avec l’infanterie et 12 avec le parc ou la garde. Mais les caissons d’infanterie entrent dans l’éva­luation des 200 voitures.

Je passe au génie. Ce n’est pas avoir une armée que de ne pas pouvoir se retrancher. Vous avez une compagnie de sapeurs ; il fau­drait la porter à 120 hommes au moins. Il faudrait avoir une demi-compagnie du génie organisée comme elles le sont en France. Cette demi-compagnie servirait 25 voitures portant 3,000 outils à pion­niers, des cordages et autres objets nécessaires pour réparer les ponts et aider à passer une petite rivière.

Vivres. — Pour faire la guerre dans le pays où votre corps d’ar­mée servira, vous avez besoin d’avoir du pain pour quinze jours, en transportant du biscuit et de la farine. Je suppose que votre corps se montera à 18,000 bouches; pour quinze jours, c’est l’emploi de 270,000 rations de farine ou de grains. En ayant de grosses voitures portant chacune quatre milliers, vous auriez besoin de 40 ou 50 chariots.

Souliers. — II est nécessaire que chaque homme partant de Cassel ait une paire de souliers aux pieds, deux paires dans le sac et une paire portée dans des voitures, afin qu’une campagne d’été puisse se faire sans que le soldat vienne à être nu-pieds.

Tous les préparatifs se font ici comme si la guerre était certaine. J’ai dans mes équipages 2,000 voitures de gros modèle portant 4 mil­liers, et 4,000 voitures d’artillerie attelées par 20,000 chevaux. Ma Garde seule a deux cents pièces de canon attelées, avec 600 caissons de transport, etc. L’armée française a seule huit cents pièces de canon.

Vous serez toujours prévenu quinze jours d’avance. Tâchez que votre armée soit munie de tout, surtout d’artillerie et de moyens de transport pour les vivres.

 

Paris, 27 décembre 1811

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, je vous envoie un rapport d’un corsaire. Les mêmes bruits reviennent de tous côtés. Il me parait convenable de faire demander des explications positives sur cette île (Fotoe, dans la baie de Göteborg). Interrogez mon chargé d’affaires pour savoir ce que cela veut dire. Faites-lui connaître que, si effectivement la Suède laissait les Anglais s’établir dans cette île, ce serait l’équivalent d’une rupture, et que, dans ce cas, il devrait quitter sur-le-champ Stockholm avec sa légation. Dites-en un mot ici au chargé d’affaires de Suède.

P. S. Tout ceci ne doit être que matière à un rapport. Jeudi pro­chain vous présenterez la lettre à mon chargé d’affaires à Stockholm.

 

Paris, 27 décembre 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Duc de Feltre, je ne puis que désapprouver le parti qu’a pris le sieur Lesseps de suspendre une pension accordée à des malheureux qui ont bien servi la France. Les prétextes qu’il donne ne sont pas fondés. Il ne lui appartient pas de suspendre l’exécution de décrets impériaux, à moins de raisons de la plus haute importance et qui ne puissent souffrir de délai. Le conseil de guerre a eu parfaite­ment le droit d’accorder des indemnités dans ses jugements, et je ne vois pas de quoi s’étonne le sieur Lesseps à cet égard. [4]Un décret impérial du 25 mars 1811 accordait des pensions viagères à la famille du comte Demetrio Macri, dévoué à la France, tué dans une révolte à Paxo, l’une des îles Ioniennes. … Continue reading

Écrivez-lui qu’il donne cours à la sentence du conseil de guerre, et que, sans écouter de vaines considérations, il protège les amis de la France. C’est un défaut trop reconnu de la part de l’administration française d’abandonner toujours ses amis, en prêtant l’oreille aux calomnies et en condamnant trop légèrement sur les moindres prétextes.

 

Paris, 27 décembre 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, vous m’avez dit que le transport des bois depuis la forêt de Compiègne jusqu’à Anvers serait du prix de 3 francs. Je vous envoie un rapport du capitaine forestier de Com­piègne, qui ne l’évalue qu’à 1 fr. Il m’est déjà revenu de plusieurs côtés que les prix convenus par la marine avec les entrepreneurs de transports sont exagérés, que ces prix avaient été faits dans un temps où l’on payait mal, et que le conseil de la marine peut en rabattre la moitié en payant bien : ce serait une économie de 2 millions. Il est évident que toute chose qu’on paye aujourd’hui au même prix qu’on la payait il y a six ans doit éprouver une modération de plus de 30 à 40 pour 100.

 

Paris, 27 décembre 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, mon intention est que les deux bataillons de Bade, qui sont à Danzig, soient portés sur les états comme attachés à la 1e division du corps d’observation de l’Elbe, que les deux bataillons de Hesse-Darmstadt soient portés comme attachés à la 4e division, et que les deux premiers bataillons du 127e soient attachés sans délai à la 3e division [5]du général Gudin . Par ce moyen, les cinq premières divisions de votre corps d’armée formeront quatre-vingt-sept batail­lons, et vous vous trouverez gagner une augmentation de six pièces de campagne. Donnez des ordres en conséquence. Vous avez reçu l’organisation des 6e, 8e et 9* divisions qui se composent, savoir :

La 6e division, de quatre bataillons du 24e léger, de cinq bataillons du 19e de ligne, de cinq bataillons du 56e, de deux bataillons du 128e [6]d’abord et d’un troisième dans le courant de l’année; ce qui fera d’abord seize bataillons ;

La 8e division, de quatre bataillons du 11e, de quatre bataillons du 2e, de quatre bataillons du 37e et de trois bataillons du 123e; total, quinze bataillons;

La 9e division, de deux bataillons croates, de huit bataillons suisses d’abord et quatre autres plus tard, ce qui fera douze, de trois bataillons du 123e; total, treize bataillons d’abord, et plus tard dix-sept.

Faites-moi connaître si les 3e, 4e et 5e bataillons des 127e et 128e sont formés. Ne pensez-vous pas convenable, après en avoir extrait les hommes disponibles pour les deux premiers bataillons, d’envoyer ces cadres dans la 25e division militaire, afin que les con­scrits qui vont être levés passent sans délai le Rhin et viennent re­joindre ces bataillons en France ?

 

Paris, 27 décembre 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je vous renvoie votre projet de décret du 9 septembre, sur les monnaies. De toutes les questions, si celle du blé est la plus im­portante, celle des monnaies tient le second rang. Rien n’est plus propre à agiter les esprits et à donner matière à la calomnie et aux émeutes populaires. Je ne crois donc pas que le moment actuel soit celui de toucher à ces questions, qui intéressent surtout les classes les plus pauvres de la population ; le blé est trop cher pour cela. Il faut ajour­ner cela et, en attendant, étudier la matière. Sans doute que des réductions sont bientôt ordonnées et bientôt faites, mais les peuples, dont ces opérations diminuent la fortune, en conservent une longue agitation : même en France, ce que j’ai fait l’année passée a beau­coup agité pendant plusieurs mois. Il faut donc continuer à marcher comme on l’a fait jusqu’à cette heure, en attendant d’autres cir­constances.

 

Paris, 28 décembre 1811

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur le Comte Mollien, je lis avec intérêt vos rapports des 5 et 27 novembre sur les finances des provinces illyriennes.

Rapport du 5 novembre 1811. — Je vois que vous portez 6,050,000 francs comme dus sur les exercices 1809 et 1810; mais une grande partie de cette dette est illusoire. Comment en effet croire que, pour 1809, le ministre de la guerre doive encore 991,740 francs ? que l’administration de la guerre doive encore 105,000 francs ? Déjà je vois qu’il y a une somme de 500,000 francs à déduire de la dette. J’ai peine à croire que le ministre de la guerre doive 840,000 francs sur 1810; que le ministre de l’administration de la guerre doive 1 million sur cet exercice, et le ministre de l’inté­rieur 300,000 francs. Donnez-moi des explications là-dessus. II serait nécessaire aussi d’avoir des renseignements sur les 500,000 francs qui sont portés comme intérêts des capitaux à la charge de l’Illyrie.

Rapport du 27 novembre. — L’Illyrie est portée en recette dans le budget de 1811 pour 10 millions, mais en dépense elle n’est portée qu’au compte de chaque ministère. Le budget du 15 avril n’était qu’un aperçu; il ne doit plus servir de base, les dépenses de l’Illyrie étant confondues dans celles de l’Empire. En effet, au budget du grand juge, chapitre VIII, j’ai accordé à ce ministre 410,000 francs pour le service de son département dans les provinces illyriennes, et ces 410,000 francs font partie des 27,460,000 francs qui compo­sent le budget du grand juge. Au budget du ministère de l’intérieur, chapitre X, j’ai accordé 400,000 francs pour l’Illyrie; je trouve éga­lement au chapitre X des fonds extraordinaires du même ministère 600,000 francs pour les travaux des ponts et chaussées en Illyrie; ce qui forme le million accordé au ministre de l’intérieur pour ces provinces et qui est compris au total de 43 millions formant le budget de l’intérieur. Je vois au chapitre VI du budget du ministère des finances que j’ai accordé 506,000 francs pour le service des finances en Illyrie. Je vois au chapitre V du budget du trésor que j’ai accordé 200,000 francs pour la même destination. L’Illyrie est portée pour 760,000 francs au budget du ministère de la marine, et depuis, par mon décret du 16 août dernier, cet article a été élevé à 1,100,000 francs. Le chapitre IX du budget du ministère de la guerre accorde 2,400,000 francs pour les régiments croates employés dans les pro­vinces illyriennes. Le chapitre VII du budget du ministère des cultes accorde 300,000 francs. Enfin je vois au chapitre VI du budget de la police que les frais de police en Illyrie sont portés pour 100,000 fr.

Il résulte donc de ces dispositions que l’Illyrie n’a pas de budget particulier; que dès lors il ne peut y avoir ni déficit, ni gain, ni perte ; que c’est une mauvaise expression employée dans votre rapport, et qu’il n’est besoin en rien de mon intervention pour le service de ces provinces, pas plus que pour le service du gouvernement au-delà des Alpes; qu’enfin les comptes de l’intendant ne sont que des comptes de caisse, et que c’est à lui à pourvoir aux dépenses sur les ordon­nances des ministres.

Je viens actuellement au compte de l’intendant Chabrol. Ce compte est en tout fautif et fait d’après les plus mauvais principes de comp­tabilité. La recette forme un véritable budget, puisqu’elle n’est pas confondue avec les différentes contributions de l’Empire : c’est un article de recette à part, pour 10 millions de francs dans le budget général. Sur ces 10 millions, 7,500,000 francs étaient recouvrés au 1er octobre.

Mais la somme de 2,480,000 francs, qui suit dans l’état, est absurde et ne peut que donner lieu à de faux chiffres. On ne peut pas conclure de ce que la Croatie militaire, qui doit rendre 800,000 francs, n’a rendu que 235,000 dans les neuf premiers mois, qu’elle n’en peut rendre que 117,000 pour le restant à recouvrer. Ce même calcul ne peut pas non plus s’appliquer aux sels, ni aux tabacs, de sorte que je regarde tous ces résultats comme fautifs, et tout me porte à penser qu’au lieu de 10 millions les recettes seront de 12 millions. Je ne sais ce que l’intendant entend par secours envoyés du trésor impérial, puisque les 10 millions même font partie du trésor impé­rial. Indépendamment de ces recettes, il devrait y avoir des recettes spéciales, comme les centimes additionnels qui ne sont pas portés au budget de l’État, et ici je ne les vois pas. Cependant le décret du 15 avril est positif; il porte qu’il sera perçu 2 centimes de non-valeurs; or ces 2 centimes de non-valeurs doivent faire leur retour au trésor comme les autres recettes. Je ne vois pas ce qui fait que l’intendant porte les dépenses de la guerre à 7,880,000, celles de l’administration de la guerre à 3,525,000, celles de la marine à 1,352,000 francs. Qui lui a dit, enfin, que les sommes à payer s’élèveront à 16,257,000 francs ? Je ne conçois pas cela. Les sommes à payer en Illyrie sont les sommes à ordonnancer par les ministres. Il n’est pas possible que l’administration de la guerre ordonnance pour 3,500,000 francs dans un pays où il n’y a que six bataillons ; que la guerre ordonnance 2,400,000 francs pour les Croates et d’autre part 5,400,000 francs; ce qui fait un total de 7,800,000 francs. Encore une fois, il n’y a dans ce pays que six bataillons. En conséquence, tout ce système des provinces illyriennes me parait hasardé et mal pensé. Vous seul devez savoir tous les mois ce que vous devez faire payer en Illyrie, puisque tous les mois vous avez connaissance des ordonnances des ministres. Ce que je vois de clair, c’est qu’il y avait de reçu au 1er octobre 7,500,000 francs, et que vous y aviez envoyé 3,500,000 francs, ce qui fait 11 millions; que la dépense s’est montée à 7,500,000 francs, dont 3,700,000 francs pour la guerre, 2,111,000 francs pour l’administration de la guerre et 450,000 francs pour la marine; qu’il reste en caisse 3,500,000 francs, que vous avez encore à recouvrer 3,500,000 frases, et que par conséquent vos ressources sont de plus de 7 millions.

Vous devez savoir actuellement ce que les ministres de la guerre, de l’admi­nistration de la guerre et de la marine, ont coté pour être payé en octobre, novembre et décembre, puisque vous avez vu leurs ordon­nances; vous avez donc la preuve qu’il ne faut pas 7 millions pour unir le service, et que la colonne restant à payer, dont l’intendant porte le total à 8,700,000 francs, est absurde. Je ne dirai pas le budget des dépenses de l’Illyrie, ce mot est impropre, mais le bordereau des ordonnances des ministres pour 1811 ne doit pas dépas­ser les sommes ci-après ; savoir :

Service du grand juge, 400,000 francs; intérieur, 1 million; finances, 500,000; trésor, 200,000; guerre, d’une part 2,400,000, de l’autre 3 millions; total 5,400,000 francs; administration de la guerre, 2,500,000; marine, 1,100,000; cultes, 300,000; police, 100,000; total de la dépense, 11,500,000 francs.

Sur cette dépense de 11,500,000 francs, vous avez payé 7,500,000 francs; il ne doit donc rester à payer que 4 millions. Or vous avez, tant en caisse qu’en recouvrement, une avance de 7 millions : excé­dant des recettes, 3 millions. Vous voyez donc que, si vous n’aviez pas envoyé de fonds, le service n’en aurait pas moins été fait; il aurait été un peu court, mais il se serait liquidé. Ainsi les recettes seront de 11 à 12 millions environ; mais les dépenses ne dépasse­ront pas cette somme, ou tout au plus il y aura entre les recettes faites et les dépenses faites une différence de peu de valeur ; et, comme il faut comprendre dans les moyens de faire ce service les recettes des postes et des douanes, je suis fondé à penser que vous aurez reçu en 1811 plus d’argent en Illyrie que vous n’en dépen­serez. En effet, aux 11,500,000 francs dont j’ai parlé, il faut joindre au moins 1,500,000 francs des postes et des douanes, ce qui fait 13 millions. Or la dépense ne peut pas s’élever à cela. Au reste, l’année est terminée, et vous savez déjà la dépense qui s’est faite, puisque vous connaissez les ordonnances qui ont été envoyées, je désire donc, 1° que vous écriviez à l’intendant pour rectifier ses idées ; 2° que vous me fassiez un rapport exact sur la situation de la dépense faite en Illyrie. Je n’ai pas besoin de demander si toutes les dépenses faîtes par les ministres en Illyrie ont été portées sur leur compte au budget, puisque je n’en doute pas, et qu’encore une fois l’Illyrie, pour ses dépenses, n’appartient qu’au compte particulier de chaque ministère.

Si vous aviez besoin, pour suivre ce travail, des états et autres pièces que vous m’avez remis, vous les demanderiez au ministre des finances, que je charge d’un travail définitif sur les recettes, puisque cela le concerne spécialement.

 

Paris, 28 décembre 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je reçois votre état de situation des 13e, 14e et 15* divi­sions. Je vous prie de me renvoyer le même état avec plus de détail. Comment se fait-il que vous me demandiez jusqu’au 10 février pour la réunion des troupes ? Avant calculé que je vous enverrais l’ordre le 2 janvier, vous avez dû compter que vous le recevriez le 8 ; vous pourriez donc l’exécuter le 10. Comment faut-il un mois pour ce mouvement ? Je préfère que vous vous prépariez bien dans vos can­tonnements; il est possible que je vous envoie les ordres d’ici au 10  janvier.

Envoyez-moi en détail l’organisation de votre artillerie; j’y vois bien un nombre suffisant de pièces, mais je n’y vois pas les caissons ni les chevaux. La garde royale a trois compagnies d’artillerie régimentaire; elles devraient donc servir dix-huit pièces de régiment : cependant je n’en vois que six portées dans votre état. Sur vos cent vingt-quatre pièces, vous en avez trente-quatre de régiment; vous n’en avez donc que quatre-vingt-dix de ligne. Pour servir ces quatre-vingt-dix pièces il faut 5 à 600 voitures, c’est-à-dire 3,000 chevaux. Le 7e bataillon principal du train français a 1,500 chevaux environ; il       faut que vous en ayez 1,500 italiens.

Je ne vois pas de pontonniers. Je vois que la compagnie du train du génie n’est pas organisée.

Il faut bien vous garder de prendre les hommes ni les chevaux, du 9e bataillon des transports; j’ai plus besoin de ce bataillon que de l’artillerie : le pain va avant tout.

Les compagnies de sapeurs sont bien faibles. La 1e compagnie du 7e bataillon n’est que de 70 hommes ; il faut la compléter à 140 hom­mes. Celle que vous attachez à la 14e division n’a que 80 hommes. Il faut compléter les compagnies d’artillerie à pied italiennes à 120 hommes, les compagnies d’artillerie à cheval à 100 hommes, et les compagnies de sapeurs à 140 hommes. La 4e compagnie de sapeurs italiens n’a que 80 hommes.

Vous ne me dites pas si les régiments de cavalerie ont leur forge de campagne.

Deux compagnies d’artillerie à pied françaises ne sont pas suffisantes au grand parc, il en faudrait quatre. Je ne vois pas que vous mettiez au grand parc des compagnies d’artillerie italiennes; il en faudrait deux. Enfin, je le répète, je ne vois pas de pontonniers.

Je vois, portés dans votre état, 670 chevaux du train italien et 250 chevaux d’équipages militaires; cela est bien peu de chose ; il vous en faudrait au moins 2,000 d’artillerie, pour avoir votre parc. Je suppose que chaque caisson d’outils attaché aux sapeurs est attelé.

Le ministre de l’administration de la guerre vous écrit pour vous charger d’équiper les deux bataillons croates et pour que vous en fassiez entièrement votre affaire; faites en sorte qu’ils soient prêts avant le 1er février. Je pense qu’il serait convenable que vous les fissiez venir à Brescia, où vous en seriez plus le maître.

Faites-moi connaître où en est la conscription, afin que je voie dans quelle situation je laisse l’Italie.

Il faut laisser Gérard à la cavalerie légère, c’est son métier.

 

Paris, 28 décembre 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, les 16,000 Italiens qui sont au corps d’armée, dans le pays où se fera la guerre qu’ils sont appelés à faire, ne peuvent ser­vir s’ils ne portent avec eux trente jours de vivres. Chaque régiment doit avoir un caisson d’ambulance. Ayant la valeur de huit régiments, vous devez avoir 8 caissons d’ambulance; mais cela ne sera pas suffi­sant; il faudra 8 caissons de transports militaires pour les ambulances de la garde, de l’infanterie et de la brigade de cavalerie. Chaque bataillon doit avoir son caisson de transports militaires. Ces caissons ne portent guère que 1,000 rations ou des vivres pour un jour; il en faudrait donc 29 fois autant; mais au lieu de caissons de trans­ports militaires, il faut avoir des caissons de nouveau modèle portant 4,000 livres ou 40 quintaux. Le corps d’armée étant de 16,000 rationnaires, 4 de ces voitures porteraient la subsistance de l’armée pour un jour; pour trente jours il faudrait donc 120 caissons. Il serait nécessaire alors de former un bataillon d’équipages militaires italien de quatre compagnies, chaque compagnie de 42 voitures, total 168 voitures. La 1e compagnie aura des caissons de transports mili­taires d’ancien modèle, de manière qu’avec les cuissons des bataillons elle puisse faire le service du pain, du magasin au camp ; cette compagnie fournira aussi 8 caissons pour les ambulances. Les trois autres compagnies auront des chariots de nouveau modèle portant 4,000 ra­tions de farine et de blé. Par ce moyen, les vivres pour trente jours seront assurés à la garde et à l’armée italienne. Je crois que le dépôt de Plaisance peut fournir les caissons de transports militaires dont vous avez besoin. On peut faire construire dans l’Italie et dans le Nord les chariots de nouveau modèle. Les chevaux et harnais seraient achetés aussitôt que vous vous mettriez en mouvement. Faites-moi un rapport qui me fasse connaître ce que vous avez, ce qui vous manque pour cette organisation et combien cela coûtera.

Le 9e bataillon des équipages militaires ne peut être employé en entier pour l’armée française; quelques compagnies pourraient être cédées aux divisions italiennes.

 

Paris, 29 décembre 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Je vous ai écrit hier pour Barcelone; j’avais idée d’y envoyer les 120 voitures que j’ai, quoiqu’elles me soient très-nécessaires pour l’armée de Portugal. Je ne renonce pas à cette idée, mais il faut convenir que ces voitures seront bientôt perdues, et que d’ailleurs, n’opérant aucune retenue ; cela devient une opération très coûteuse. D’un autre côté, l’envoi du vin, riz, légumes secs, viande, par le cabotage me convient parfaitement; mais l’envoi du blé et des farines par cette voie m’est extrêmement nuisible : la récolte étant mauvaise en France, chaque bâtiment que je perds ne peut plus s’évaluer par l’argent, mais par la perte réelle des grains, qui approvisionnent l’ennemi, qui en a le plus grand besoin pour Cadix et Lisbonne. Cela étant, j’ai 18,000 quintaux métriques de blé déjà acheté à faire passer à Barcelone : ce serait l’approvisionnement de cette place im­portante pour un an. Dans la situation actuelle de nos récoltes, cet emploi serait imprudent ; je me contenterai donc d’y envoyer 20,000 quintaux de marc, si cela était plus avantageux, en farines: ce serait un approvisionnement de deux cents jours ou sept mois. L’approvisionnement étant assuré jusqu’en avril, ces sept mois me conduiraient jusqu’à fin octobre : cela nous ôterait donc de toute an­goisse pour cet objet si important. Ces mêmes quintaux, je ne veux pas les faire transporter par mer : j’en perdrais la moitié; je veux les faire transporter par terre en cinq convois, chacun de 100 voi­tures : le 1er, le 15 janvier; le 2e, 20 février; le 3e, 20 mars; le 4e, 20 avril; le 5e, 20 mai. Je suppose huit jours à aller, huit jours à revenir, six de séjour; il resterait encore huit jours pour réparer les voitures et se préparer au deuxième convoi.

Je désirerais que ce transport ne se fit pas à mes frais; mais qu’une maison de commerce, comme la maison Durand ou toute autre de ce genre, s’engageât à fournir 100 voitures à 6 chevaux avec 2 ou 3 hommes à Perpignan. Vous lui fournirez par convoi 4,000 quin­taux de farine, qu’elle serait tenue de porter à Barcelone et sous l’escorte de l’armée. Elle chargerait en retour du sucre, café, indigo, coton et laine, etc. Ces denrées seraient portées à Perpignan; il serait constaté : 1° le numéro de la charrette; 2° le poids égal au blé porté; un employé des douanes accompagnerait d’ailleurs depuis Barcelone jusqu’à Perpignan. Ainsi 100 voitures rapporteraient 400,000 francs de sucre, de café ou de coton; la maison aurait le privilège d’intro­duire ces denrées sans certificat d’origine et payerait les douanes à l’ordinaire. Vous calculerez quel serait son gain : ce calcul sera facile à faire. En comparant le prix du sucre à Barcelone avec celui de France, je l’évalue à 1 million par voyage ou 10,000 francs par voi­ture; pour cinq voyages, ce serait 5 millions de gain pour cette maison.

En supposant la voiture d’une valeur de celle des 6 chevaux de l’entretien pendant cinq mois à un total 12,000 francs par voiture, j’aurai toujours pour résultat, pour 100 voitures, 1,200,000 francs de frais; mais cependant le gain resterait de 3,800,000 francs. Il est vrai que j’aurai fait entrer en France 2 millions délivrés de coton, de sucre ou café, mais aussi j’aurai obtenu un grand avantage ; car j’observe que, par le tarif du 5 août, la livre de coton du Brésil paye 4fr. de droits; une voiture qui porterait 4,000 livres ne payera donc à son retour à Perpignan que 16,000 francs.

Si c’est du sucre, la livre brut payé 30 sous ; les 4,000 livres me payeraient donc 6,000 francs. Si c’est du café, la livre paye 40 sous; les 4,000 livres me payeraient donc 8,000 francs. Si c’est de l’in­digo, la livre paye 4 francs 10 sous. Si c’est du cacao, la livre paye 5 francs, etc.

Vous voyez donc que, moyennant ce privilège, j’ai de quoi faire tout ce qui est convenable, sans rien dépenser et accordant le tiers et le quart de l’affranchissement des droits et supposant le charge­ment des 100 voitures, c’est-à-dire des 4,000 quintaux : 1,000 en sucre, 1,000 en coton, 1,000 en café, 1,000 en indigo ou autres denrées.

Le sucre rendra 150,000 francs, le coton 900,000, le café 200,000, l’indigo 1 million; total, 2,150,000 francs : cinq voyages feront 10,750,000 francs.

Je pense que les négociants gagneront suffisamment quand ils auront l’avantage de ne pas être tenus à des certificats d’origine, et qu’ils se soumettront à payer net tous mes droits. Les peaux de Buenos-Aires, etc., les cotons Motril feront partie des retours.

Voyez demain matin les personnes qui pourront vous donner des renseignements positifs sur cette matière; vous m’en rendrez compte après la messe.

Je ne connais point de moyen plus efficace et plus simple d’appro­visionner Barcelone. Je compte d’ailleurs sur votre sagesse pour qu’on fasse à la compagnie les plus grands avantages, en perdant toutefois le moins possible. Bien entendu que si au lieu de 100 voi­tures la compagnie voulait en fournir 2 ou 300, cela serait accepté; alors, au lieu de cinq voyages, on n’en ferait que deux ou trois.

Une fois les principes ci-dessus posés pour Barcelone, je ne vois pas d’inconvénient à les établir pour tout le reste de l’Espagne. A cet effet, tous les transports des effets d’habillement et d’artillerie de Bayonne à Madrid, de Bayonne à Séville, de Bayonne à Saragosse et Valence, seraient établis sur le même principe. Un convoi parti­rait tous les mois, escorté par 1,500 hommes; il serait de 100 on 200 voitures et se rendrait partie à Burgos, partie à Valladolid, par­tie à Madrid, partie à Séville. Il serait accordé tel privilège pour le convoi de Burgos ; tel plus considérable pour celui de Séville ; le même principe pour celui de Valence; par ce moyen, les habille­ments , les effets même et munitions d’artillerie seraient transportés en quantité sans frais.

Il faut calculer les besoins d’habillement par année pour Burgos, Valladolid et Séville. Pour Séville, il faut deux mois de route et au­tant de retour ; le convoi de Séville ne peut faire que trois voyages par an. En supposant 100 voitures, ce serait 300 voitures de mar­chandises qui rentreraient en France; 300 voitures d’habillement ne sont pas nécessaires, mais on transporterait des munitions de guerre, ou on réduirait les convois à 50 voitures, ou on ferait seulement deux voyages à 100 voitures par an. Les convois de Madrid, quatre par an à 25 voitures, 100 voitures; les convois de Burgos et Valladolid, dix convois par an à 15 voitures, 150 voitures; les convois de Valence, à deux par an à 50 voitures, 100 voitures. Ce serait ainsi à peu près 500 voitures qui porteraient 20,000 quintaux ou 2 millions de poids ; ce que je suppose plus que suffisant pour trans­porter les habillements, linge et chaussures pour 300,000 hommes. Ils introduiraient la même quantité de marchandises que l’expédition de Catalogne; mais ici on pourrait se restreindre aux laines, au coton Motril et autres objets du produit d’Espagne; toutefois on pourrait établir une proportion pour les denrées coloniales, si cela était nécessaire.

Après, avoir ainsi appliqué ces idées mères à mes besoins en Espagne, je désire les employer à mes besoins sur la Vistule.

Les transports de Magdeburg à la Vistule se font par eau ; il n’est donc question de s’occuper que de ceux de Magdeburg en France. Je désire avoir 28 millions de bouteilles de vin, 2 millions de bouteilles d’eau-de-vie; total, 30 millions de liquide, formant 60,000 rations de vin pour 300,000 hommes pendant deux cents jours, et 32,000 rations d’eau-de-vie pour 300,000 hommes pendant cent trente jours ; ce qui abreuverait toute une armée pendant une année. Je désire que cela ne me coûte que l’achat à Bordeaux ; 28 millions de bouteilles de vin forment à peu près 12,000 barriques de vin, qui, à 60 francs, font 720,000 francs de dépense à Bordeaux ; 12,000 barriques repré­senteraient 6 millions de livres et exigeraient 1,500 voitures; de Bordeaux à Magdeburg cela devrait coûter une somme qu’il faut cal­culer. J’accorderai le droit de rapporter de Magdeburg des cotons, des sucres et des cafés, en payant à la douane et en établissant une règle qu’il faudrait chercher. J’ai voulu couler à fond cette idée, mais l’important à présent est de s’occuper de Barcelone.

P. S. En me rendant compte de l’opération sur Barcelone, j’ai fait les calculs suivants : une voiture de roulier portant 5,000 livres doit valoir 2,000 francs; 6 chevaux doivent valoir 6,000 francs; total, 8,000 francs. Ainsi j’estime la première mise d’une voiture à 8,000 francs; je crois celle évaluation exagérée, le ministre mettra le prix réel. Trois hommes sont nécessaires; pour l’engagement des trois hommes, pour leur équipement et pour leur habillement, je mets 600 francs, à 200 francs l’un; total, environ 9,000 francs; je crois ce prix exagéré. Je suppose l’entretien des chevaux, par jour, à 2 francs par cheval, 12 francs, et à 3 francs par homme, 9 francs ; cela fait 21 francs par jour; 21 francs multipliés par 365 jours font 7,665 francs. Je mets pour la valeur de la voiture, première mise, 9,000 francs; nourriture des chevaux et des hommes pendant un an, 7,665 francs; total, 16,665; mais, comme je suppose que la voiture et les chevaux dureront trois ans, il ne doit être porté en compte pour la première année que 3,000 francs de première mise et pour nourriture 7,665 francs; total, 10,665 francs.

En négligeant les 665 francs, j’aurai donc 10,000 francs portant 40 quintaux ; en supposant douze voyages, ils porteront 480 quin­taux; ainsi 10,000 francs divisés par 480 quintaux feront environ 21 francs le quintal en frais; il suffirait donc d’un gain de 4 à 5 sous par livre, ou 25 francs par quintal, ou 1,000 francs par voiture, pour que l’individu qui aurait la certitude d’un an de voyage soit hors d’affaire. Or le privilège d’importer du sucre, du café et du coton, sans payer à la douane, sans certificat d’origine, ne peut pas être évalué à moins de 10 sous par livre; si c’était du coton, proba­blement que cela irait à 40 sous. Ainsi, sans rien perdre du droit de douane, ce simple privilège peut être évalué à cela.

Il paraît que les frais de transport de Bordeaux à Magdeburg doi­vent être évalués à 60 francs; ce qui fait 12 sous la livre. Ainsi, en donnant un privilège de douane qui assure au retour un profit de 10 ou 12 sous la livre, les individus doivent se retrouver. Le privi­lège de recevoir du sucre, du café, du coton pris à Magdeburg et transporté en France, en payant les droits et sans certificat d’origine, équivaut à plus que cela.

Tout ce détail étant dicté par moi et de mémoire, il est possible qu’il y ait de grandes erreurs. Il faut tout vérifier et n’adopter sur ce dire aucune assertion, pas même les huit jours de Perpignan à Bar­celone. Vérifier les étapes. (Ce dernier paragraphe est écrit de la main de l’Empereur.)

 

Paris, 29 décembre 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Comte Decrès, je vous envoie une reconnaissance du port de Barcelone; vous y verrez qu’on se forme des chimères; que la passe n’est qu’à 200 toises des batteries, et que, 20 toises en avant, on peut mouiller par 20 pieds d’eau; qu’on peut approcher de Monjuich jusqu’à 150 toises par 16 et 17 pieds d’eau. Nos gabares de 800 tonneaux, chargées à 15 pieds de tirant, peuvent venir jusque près des batteries, s’alléger de 2 pieds pour passer la barre ou bien doubler cette barre pour se mettre à l’abri sous Monjuich. Vos données sur le port de Tarragone sont encore plus fau­tives. Il est de fait que, pendant le siège, les vaisseaux anglais ont dépassé le mole et se sont approchés à quart de portée pour canonner nos redoutes. Les sondes du port rapportent 24 pieds; les frégates sont donc en sûreté. Je pense que l’opération de Barcelone n’a point les difficultés qu’on s’imagine; encore moins celle de Tarragone.

 

Paris, 29 décembre 1811

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

J’aurais besoin de 300 voitures pour les transports militaires ; ce sont des voitures à quatre roues, fourgons, comme vous pouvez en avoir vu ; elles coûtent 1,200 francs, je les voudrais au 30 février. Les ateliers de la terre à Sampigny sont garnis de voitures d’ancien modèle et ne peuvent en faire que 50 de nouveau modèle par mois; je suis donc obligé d’avoir recours aux ateliers de différentes villes; ce qui a toute espèce d’inconvénients. Je désire que vous voyiez si vous ne pourriez pas me faire construire, d’ici à février, 2 à 300 de ces voitures dans l’arsenal d’Anvers ; ces voitures sont à peu près ce que les officiers d’artillerie appellent prolonge; ainsi votre bureau de l’artillerie saura parfaitement ce que c’est. Les amas de bois qui existent à Anvers et la grande quantité d’ouvriers, l’abondance du fer et de tout ce qui entre dans cette construction, me font penser, sans pour­tant en être sûr, que vous pourrez me fournir ces 300 voitures. Je crois que vous pourrez également m’en fournir 100 à Venise. Le même raisonnement qui permet cette construction à Anvers, ou s’y oppose, s’applique à Venise. Apportez-moi votre rapport à l’heure de la messe.

 

Paris, 29 décembre 1811

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur le Comte Mollien, je désire prendre encore un million dans l’emprunt de Saxe ; faites toucher ce million à Magdeburg ou à Danzig.

 

Paris, 29 décembre 1811

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur le Comte Mollien, il faut envoyer à Barcelone 1 million ; 500,000 francs seront à compte de la solde de 1811 et 500,000 francs pour des achats de blé, viande, légumes, et pour la boulangerie. Cet article sera au compte de l’administration de la guerre. Vous enverrez 400,000 francs en argent et 600,000 francs en billets du trésor.

 

Paris, 29 décembre 1811

DÉCISION.

Le ministre de la guerre soumet à l’Empereur une demande du prince royal de Suède, pour avoir l’autorisation d’envoyer à Rostock un tambour suédois, chargé d’apprendre les diverses batteries en usage parmi les troupes françaises. Le prince d’Eckmühl ne fera aucune réponse ; si on le presse, il répondra qu’il n’a pas d’ordres et qu’il a écrit.

 

Paris, 29 décembre 1811.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, j’ai un convoi assez considérable à Trieste, destiné pour Corfou. L’événement arrivé à la Corcyre, qui, je crois, est prise, fait craindre qu’il ne soit difficile de faire partir ce convoi. Y aurait-il de la difficulté que ce convoi se dirigeât de Trieste sur Ancône, où il trouverait l’Uranie, la Princesse-de-Bologne, qui, avec la Danaé, feraient trois frégates ?

J’ai à Venise trois vaisseaux qui ne servent à rien ; pourquoi ne sont-ils pas à Malamocco, pour saisir le moment de passer à Ancône ? Ils obligeraient alors les Anglais à tenir trois vaisseaux devant Ancône, ou nous serions maîtres de l’Adriatique. Vous ne me parlez plus de la marine; cependant cela devient plus important que jamais.

 

Paris, 39 décembre 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, je m’occupe de faire réunir à Magdeburg une grande quantité d’eaux-de-vie. Je désirerais que vous en fissiez acheter et transporter à Vérone 1,500 barriques; chaque barrique contient 240 pintes, et chaque pinte donne 16 rations. Chaque barrique pèse environ 100 livres : on pourrait charger sur chaque voiture du 9e ba­taillon des équipages militaires 5 barriques qu’elle prendrait au passage à Vérone; ce qui fait 1,200. Le train italien pourrait en prendre aussi. Les eaux-de-vie arrivées à Dresde ou à Magdeburg seraient transportées sur la Vistule par les canaux qui existent. Ces eaux-de-vie seraient d’une grande ressource. Faites-moi connaître si les eaux-de-vie d’Italie sont aussi bonnes que celles de Cognac, quel en est le prix, quelle quantité on pourrait se procurer, dans quelle partie de l’Italie on pourrait faire les achats, et à combien elles revien­draient rendues à Vérone et à Bolzano.

Une grande quantité de denrées coloniales arrivent à Milan : qu’est-ce que ces voitures portent en retour ? Faites venir l’agent des douanes françaises. Ne pourrait-on pas faire porter des eaux-de-vie sur ces voitures ? Quel serait le nombre total de ces voitures ?

 

Paris, 30 décembre 1811

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, écrivez à mon ministre à Francfort pour la mise sur pied du contingent du prince Primat. Demandez-lui de quoi ce contingent sera composé et quand il sera prêt. Il faut faire demander également les 1,100 hommes qui sont dus pour la première brigade par le collège des princes. Demandez au grand-duc de Würzburg et aux maisons ducales de Saxe la 2e brigade, et la 3e brigade aux princes de Schwarzburg, d’Anhalt, de la Lippe, de Reuss et de Waldeck, car je désirerais avoir ces six régiments dans le courant de février.

 

Paris, 30 décembre 1811

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

L’ingénieur en chef du département de la Lozère est mauvais; il est vieux; il faut le changer. On pense qu’il faut changer aussi l’in­génieur en second. Le piqueur est un avocat qui s’occupe plus de plaider que des travaux. Le préfet de la Lozère est mauvais.

Faites-moi un rapport sur les prisons, sur les routes, sur les dépôts de mendicité, dont on se plaint.

 

Palais de Saint-Cloud, 30 décembre 1811

NOTE DICTÉE EN CONSEIL DU COMMERCE ET DES MANUFACTURES.

le ministre de l’intérieur, jusqu’à cette heure, a toujours sou­tenu que les établissements ne manqueraient pas; l’opinion était qu’ils manqueraient, et qu’on ne saurait que faire de la betterave. Il était donc de la plus grande importance qu’il y eût des établissements nombreux, sans quoi les cultivateurs se dégoûteraient, puisque, à défaut de ces établissements, c’était faire un pas rétrograde et s’ex­poser à ce que le cultivateur qui n’a pas trouvé le débit de la bette­rave n’en semât plus l’année prochaine.

Il est extraordinaire que dans ce rapport on parle des budgets. Le fonds mis à la disposition du ministre n’a pas été dépensé; s’il l’eût été, et que le ministre eût fait une nouvelle demande, Sa Majesté n’aurait pas refusé dix millions.

  1. le ministre de l’intérieur fera un nouveau rapport, auquel il joindra le compte des fonds employés, et expliquera pourquoi il n’a point fait de nouvelle demande.
  2. le ministre conclut qu’il n’y a point de mesures à prendre : ce­pendant, si l’on ne forme pas de nouveaux établissements, la cul­ture ira en rétrogradant, ou du moins ne s’établira qu’avec les années. II faut prendre la question en sens inverse, et établir autant de manu­factures qu’il en faut pour confectionner la betterave récoltée cette année, et en tel nombre partout que la formation de ces établisse­ments encourage le cultivateur à semer. On ne peut pas non plus con­naître par le rapport combien la France perd par l’insuffisance de ces établissements.

Pour être imprimé dans le Moniteur, ce rapport doit dire seule­ment ce qu’on a semé réellement, faire connaître en note les raisons qui ont empêché les semailles, faire connaître dans une autre colonne ce qu’on a fabriqué. Le rapport général et le rapport destiné au Moniteur seront presentés lundi prochain.

1,200 arpents semés en betteraves devaient rendre chacun 300 quintaux de betteraves et 600 livres de sucre, ce qui aurait dû faire 7,200,000 livres; au lieu de cela on n’a eu que 2, 790,000 livres. Ainsi le défaut de moyens de fabrication a fait perdre 4,410,000 livres de sucre aux cultivateurs, et doit nécessairement leur avoir fait éprouver une perte pour s’être livrés à cette culture : ils ont été dupes de leur confiance dans le gouvernement.

M. le comte Chaptal portera lundi un mémoire détaillé sur la fabri­cation. Ce mémoire devra être accompagné de plans, et faire con­naître ce que c’est qu’une fabrique de betteraves, combien il en aurait fallu pour confectionner toutes les betteraves récoltées en 1811, combien il en faudrait pour ce qui sera récolté en 1812. La conclu­sion sera un projet de répartition pour ordonner la formation des établissements en 1812; et partout où il y aura une culture, on pla­cera aux frais du gouvernement une quantité de fabriques proportion­née aux semailles.

Les 7,200,000 livres de sucre qu’en aurait pu avoir cette année auraient exigé 200 fabriques comme celle du sieur Fay dans le dépar­tement du Doubs. Après tout, elles n’auraient coûté, à raison de 12,000 francs l’une, que 2,400,000 francs. Avec le fonds d’un million que Sa Majesté a accordé on aurait donc pu en établir une centaine, et il paraît qu’on n’en a établi que deux ou trois.

M. le ministre de l’intérieur examinera, ainsi que M. Chaptal de son côté, s’il ne conviendrait pas de constituer les fabriques de bet­teraves en privilège exclusif. Le gouvernement seul, en effet, peut se livrer avec sécurité à une opération de cette nature. Comment un particulier exposerait-il des fonds considérables à une spéculation qui peut être anéantie par un traité de commerce ou par un change­ment dans le tarif des douanes ? Car il est prouvé que le sucre de betterave coûtera toujours le double ou le triple du prix primitif du sucre de canne.

D’un autre côté, si le sucre de betterave se vend comme le sucre de canne, n’est-ce pas un grand tort pour le trésor, qui perd le droit d’entrée, et qui pourtant par ce droit d’entrée maintient la hausse du prix ? Ainsi, d’un côté le peuple est obligé de payer le sucre cher, de l’autre le profit n’en est point au trésor; ce qui est toujours contraire au principe que tous les sacrifices que supporte le peuple doivent être pour le trésor.

Après avoir considéré cette mesure sous le point de vue des finances, il faut l’examiner sous le point de vue politique. La France pourra un jour vouloir revenir au sucre de canne; et alors n’aura-t-on pas donné lieu aux plaintes de ceux qui auront élevé des manufactures sur la parole du gouvernement ? Au lieu que le gouvernement, ayant seul fait le sacrifice de quelques millions, en sera remboursé en peu d’années, et sera à même de calculer l’avantage du retour au système des colonies. Il parait qu’il n’y a jusqu’à cette heure peu de fabriques établies : elles seraient achetées par le gouvernement. Il parait aussi qu’il ne faudrait que 5 ou 6 millions, pour établir la fabri­cation : le gouvernement seul peut donner ce résultat ; il n’est pas probable que dans bien des années le commerce puisse faire ces établissements.

Le problème est d’arriver, en 1813, à prohiber le sucre de canne, faire supporter une grande diminution de prix au consommateur et avoir pourtant un bon produit pour le trésor.

M. le ministre des finances fera aussi un mémoire sur cet objet.

 

Paris, 30 décembre 1811

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Pontonniers. — Le corps des pontonniers de la Grande Armée aura trente compagnies, savoir : sept compagnies du 1er bataillon (ce bataillon a quatre compagnies en Espagne) et six compagnies du 2e bataillon. La 3e compagnie, qui est à la réserve de Bayonne, rece­vra ordre de se rendre à Metz. Ce que ces deux bataillons ont de dis­ponible au dépôt sera envoyé pour recruter les treize compagnies.

Ainsi il y aura : une compagnie de pontonniers au corps de l’Elbe, une compagnie au corps de l’Océan, une compagnie au corps d’observation d’Italie, une compagnie à la Garde et neuf compagnies au grand parc des ponts (trois par équipage, ou divisées comme les cir­constances le voudront).

Toutes les compagnies du 2e bataillon qui sont en Italie suivront le mouvement du corps d’observation d’Italie; celles qui sont en Allemagne suivront le mouvement du corps d’observation de l’Elbe et des équipages de pont.

Sapeurs. — Les sapeurs seront répartis de la manière suivante :

le 1° bataillon a deux compagnies en Espagne et sept en Italie : ces sept compagnies seront employées à la Grande Armée. Le 3e bataillon, qui est à Alexandrie, a huit compagnies présentes et une à Corfou. Le 5e bataillon, qui est à Metz, a ses neuf compagnies présentes. Ainsi il y aura à la Grande Armée, savoir : 1er bataillon, sept com­pagnies; 3e bataillon, huit compagnies; 5e bataillon, neuf compa­gnies; total, vingt-quatre compagnies.

Tout ce que les dépôts ont de disponible sera incorporé dans ces vingt-quatre compagnies.

Le dépôt du 4e bataillon, qui est à Metz, servira à porter au com­plet les compagnies du 5e bataillon.

Avoir un rapport sur le bataillon qui est à l’île d’Elbe, afin de voir ce que ce bataillon peut fournir pour compléter le 1er bataillon. Avoir le même rapport sur les compagnies de sapeurs de Belle-Ile et de Walcheren, pour savoir si l’on pourrait en prendre quatre compa­gnies ; ce qui porterait les vingt-quatre compagnies à vingt-huit.

Quatorze compagnies sont nécessaires pour les quatorze divisions, et trois pour la Garde ; il n’en restera donc que sept au parc du génie.

Des vingt compagnies qui sont en Espagne, il faudrait me présen­ter un projet pour faire rentrer les cadres de six compagnies.

Mineurs. — J’ai douze compagnies de mineurs. La 1e compagnie du 1er bataillon est à Corfou; la 2e compagnie est à Badajoz; la 3e et la 6e feront partie de la Grande Armée; il faut faire venir d’Espagne la 4e compagnie et l’envoyer à Metz ; il faut rappeler la 5e compagnie, qui est à Bayonne; par ce moyen, j’aurai quatre compagnies de mi­neurs à la Grande Armée. Le 2e bataillon a trois compagnies en Espagne et une compagnie à Corfou ; il ne reste donc que deux com­pagnies, la 1e et la 5e. Six compagnies de mineurs marcheront donc avec le parc du génie. Il faut les compléter à 120 ou 140 hommes. J’ai déjà donné l’ordre de faire revenir la 6e compagnie du train du génie, qui est à Bayonne. J’aurai six compagnies du train du génie ; il faut employer le dépôt de ce bataillon à porter ces six compagnies au grand complet.

 

Paris, 30 décembre 1811

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Paris

Mon Cousin, préparez les instructions suivantes que je désire en­voyer au maréchal Suchet, aussitôt que j’aurai approuvé vos dépêches.

Vous lui manderez que, immédiatement après la prise de Valence, mon intention est que les généraux, officiers d’état-major polonais, ainsi que les 1er, 2e et 3e régiments de la Vistule, rentrent en France. Vous ferez connaître quelle est la route la plus courte pour la ren­trée de ces trois régiments. Le gouvernement de Valence restera au maréchal Suchet avec le commandement du 3e corps de l’armée d’Espagne, qui sera organisé de la manière suivante : 114e, 121e, 7e, 116e, 44e, 16e, 117e de ligne et 5e léger; total, huit régiments. Aussitôt que je saurai que Valence est prise, je donnerai l’ordre au régiment provisoire d’Aragon, qui est à Pampelune, de se rendre à Valence pour être incorporé dans les huit régiments et les compléter. Vous me ferez connaître quel sera l’effectif, le nombre d’hommes aux hôpitaux et les présents sous les armes de ces huit régiments, en y supposant le régiment provisoire incorporé. Ces huit régiments seront partagés en trois divisions, en adoptant la combinaison qui paraîtra la plus convenable. Tous les détachements qui sont en Aragon join­dront ces régiments. La cavalerie consistera dans le 4e de hussards et le 13e de cuirassiers.

Mon intention est que vous prescriviez au maréchal Suchet de m’envoyer toutes les compagnies du train d’artillerie, toutes celles des équipages militaires, toutes les compagnies de mineurs, sapeurs et artillerie qui lui sont inutiles. A cet effet, vous m’en remettrez l’état dans le plus grand détail, et vous me proposerez l’incorpora­tion des hommes nécessaires pour mettre au complet celles de ces compagnies qui resteront à l’armée de Valence. Les cadres du train se composeront de tous les hommes à pied qui n’ont pas de chevaux. Les cadres des sapeurs, mineurs et pontonniers se composeront des sous-officiers et caporaux, et de 20 soldats au choix du capitaine, de sorte que chaque compagnie me revienne forte au moins de 30 hom­mes, afin qu’elle puisse donner l’esprit et le mouvement aux conscrits que j’y placerai.

Je suppose que le besoin d’occuper plusieurs points forts et de défendre les côtes rendra nécessaires au maréchal Suchet les parties du personnel qui composent l’équipage de siège.

Le corps d’armée du maréchal Suchet se trouverait ainsi composé de 20 à 22,000 hommes. Il gardera la division napolitaine, forte de 1,200 hommes.

La division Palombini, qui est forte de 5 à 6,000 hommes et de 400 hommes de cavalerie, la division Severoli, forte de 5,000 hom­mes et de 400 chevaux, ce qui ferait 11,000 hommes d’infanterie italienne et 800 chevaux, avec l’artillerie qui leur est attachée, et la Reille, forte de 9,000 hommes et de 600 chevaux, formeront un corps d’armée de 20 à 21,000 bonnes et de 1,500 che­vaux. Cette division se rendra à Torlosa et prendra le commandement de la basse Catalogne.

Vous me ferez ensuite l’organisation de l’artillerie de ces trois divisions. Il sera nécessaire de prendre quelques compagnes d’artil­lerie et quelques officiers d’artillerie de l’armée d’Aragon, afin, d’organiser le parc.

Vous ferez une division territoriale de la Catalogne en deux divi­sions : l’une comprendra Tortosa, Mequinenza, Lerida, Tarragone, Mont-Serrat et Barcelone, en plaçant la limite près Barcelone. Vous consulterez à cet effet le général Guilleminot, qui a été sur les lieux.

Le générai Reille pourra porter son quartier général à Tarragone, à Lerida ou à Barcelone. Son corps d’armée se trouvera augmenté de la garnison de Barcelone, de celle de Tarragone et de Lerida, hormis les détachements qui feraient partie de la garnison de Girone ou de l’armée de Valence, telle que je viens de la désigner.

Il sera nécessaire que vous voyiez le ministre de la guerre pour avoir tous les détails de l’armée de Catalogne et des garnisons des différentes places, pour que dans votre travail vous me proposiez l’organisation de l’armée de Catalogne, qui recevra tous les détache­ments de la garnison de Barcelone qui lui appartiennent et renverra tout ce qui doit appartenir à l’armée de Valence.

La division Caffarelli fera partie également du corps du générai Reille ; ce qui portera ce corps d’armée à 90,000 hommes d’infan­terie et plus de 2,000 chevaux ; il sera chargé de la défense de tout l’Aragon. Le général de division Abbé prendra le commandement de la division Caffarelli.

Vous me soumettrez un projet d’organisation pour toute la Cata­logne, haute et basse, et sa division en départements pour son orga­nisation définitive.

Le corps d’armée du général Reille portera le titre de corps d’ar­mée de l’Ebre. Maintenir la tranquillité dans le pays, approvisionner fortement Barcelone, sont les principaux objets du général Reille. Il maintiendra la communication avec l’armée de Valence, avec celle de Portugal à Valladolid, avec celle du Centre à Madrid, et proté­gera l’Aragon. Il aura pour instruction d’avoir toujours une ou deux divisions placées de manière à appuyer fortement l’armée de Portu­gal, si les Anglais faisaient un mouvement offensif sur Valladolid.

Le général Dorsenne, avec toute ma Garde, rentrerait en France; le général Caffarelli prendrait le commandement de l’armée du Nord à Burgos; il se trouverait avoir les 113e, 130e de ligne et 34e léger. Le 4e de la Vistule étant polonais rentrerait en France. Faites-moi connaitre en détail quelle serait la force de l’armée du Nord.

Je désire aussi faire un échange, renvoyer à l’armée de Portugal les quatre régiments de marche et faire venir une division de l’armée de Portugal sur Burgos, de manière que le nombre d’hommes se compensât; l’armée du Nord se trouverait dors suffisamment forte et composée de bonnes troupes.

Vous écrivez au duc de Dalmatie de faire partir sans délai les trois régiments de la Vistule, celui des lanciers de la Vistule et tous les officiers d’état-major polonais. Cet affaiblissement dans l’armée du Midi n’est point de conséquence, et l’ordre sera donné d’exécuter ce mouvement dans les vingt-quatre heures qui suivront la réception de votre lettre.

Vous me remettrez un projet pour le recrutement des cadres à reti­rer des diverses armées, des cadres des compagnies d’artillerie et des bataillons du tram, de sapeurs ou mineurs, à faire rentrer.

Les trois compagnies de mulets de bât qui existent aux 3e, 4e et 13e bataillons à Pau, seront destinées pour le corps de l’Èbre; en conséquence, elles se dirigeront par Pau, sous bonne escorte, en profitant de l’escorte qui conduira les prisonniers de Valence jusqu’à Saragosse ; par ce moyen, le général Reille aura 600 mulets de bât qui lui seront d’une grande utilité. Comme ces trois compagnies ap­partiennent à trois bataillons différents, vous chargerez le général de l’armée de Portugal de s’entendre avec le général Reille pour l’échange, afin qu’un bataillon complet soit à l’armée de Portugal et un au corps de l’Èbre.

Enfin, proposez-moi de faire venir pour la Grande Armée la com­pagnie du génie qui était à Bayonne, destinée au corps d’observation, une compagnie de pontonniers, une de mineurs et, je crois, deux compagnies d’artillerie qui étaient destinées au même corps. Il restera un personnel et un matériel assez considérables. Mon intention est d’employer les attelages, lorsque je connaîtrai parfaitement l’organi­sation de ceux qu’a l’armée de Portugal. Cette armée, étant en pré­sence des Anglais, a besoin d’une organisation forte en ce genre. Si vous n’avez point de situation, l’aide de camp du duc de Raguse, qui est officier d’artillerie, pourra vous la donner.

J’attache la plus grande importance à ce que l’armée de Portugal ait au moins cent pièces de canon attelées, avec les approvisionne­ments convenables. La division Souham doit en avoir vingt-deux, l’armée de Portugal quatre-vingts, la division Bonet quatre ou cinq; cela ferait cent six. J’estime qu’il lui en faut tout autant, et qu’elle a besoin que son artillerie soit bien attelée et d’un beau calibre. Aussi­tôt que j’aurai l’organisation de l’artillerie de l’armée de Portugal, du corps de l’Ebre, de l’armée de Valence et du corps d’observa­tion, je donnerai une destination aux 1,000 chevaux du train que j’ai à Toulouse.

Le corps de réserve se trouvant ainsi dissous, faites-moi connaître la destination à donner à chacun, soit pour le corps de l’Èbre, soit pour tout autre; faites-moi un travail très-détaillé sur tout cela, avec les états à l’appui. Le résultat de ces mesures sera d’affaiblir les armées d’Espagne des quatre régiments de la Vistule, formant huit bataillons, de trois régiments polonais, formant six bataillons; total, sept régiments ou quatorze bataillons, qui formeront une division d’un merveilleux effet à la Grande Armée.

J’ai ordonné que le 40e et le 34e retournassent en France ; vous réitérerez ces ordres. J’aurai affaibli également les armées d’Espagne du régiment de lanciers polonais, de quelques généraux et officiers d’état-major polonais et de vingt-deux bataillons de la Garde; total, trente-six bataillons ; mais j’ai envoyé depuis peu la division Souham, qui a quatorze bataillons, la division Reille, idem, la division Caffarelli, idem; total, quarante-deux bataillons. Ainsi, au lieu de perdre, les armées d’Espagne se trouveront gagner.

Il est bien nécessaire que vous fassiez connaître au duc de Dalmatie qu’aussitôt que le 34e et le 40e, ainsi que les trois régiments polonais, seront partis, les neuf bataillons de marche, qui sont dans le cinquième gouvernement et qui appartiennent à son corps d’armée, partiront pour le rejoindre.

En envoyant chez le ministre de la guerre l’état des troupes de la Catalogne, je vous prie de me proposer de resserrer les cadres, et de faire rentrer ceux qui sont propres à recevoir la conscription.

 

Paris, 30 décembre 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 25, par laquelle vous me faites connaître qu’au lieu de fournir 600 chevaux à Düsseldorf les fournisseurs préfèrent en fournir 800 à Munster : cela n’entraîne aucun inconvénient; les détachements qui avaient reçu des ordres de mouvement sur Düsseldorf iront à Munster. J’approuve également la livraison de 1,000 chevaux à Hambourg, au lieu de 500. Je donne ordre que 500 hommes à pied avec leurs selles soient dirigés sur Hambourg. Vous me demandez une décision avant huit jours : ma lettre d’hier répond à cette question. Allez de l’avant; vous pouvez, sans avoir besoin d’autorisation, lever 6,000 chevaux de cavalerie légère, si vous les trouvez. La France est épuisée de chevaux. On dit qu’il y en a beaucoup dans le Jutland et dans le Holstein ; faites les achats; on ne saurait trop en avoir, car je suis décidé à mettre ma cavalerie sur le meilleur pied. Je ne regretterai pas un ou deux millions pour cela. Comme mon intention est d’envoyer ma cavalerie légère à Hanovre, il n’y a pas d’inconvénient à ce que vous pous­siez les livraisons à Hanovre, à Magdeburg et à Hambourg jusqu’à 2,000 chevaux.

Paris, 30 décembre 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, vous recevrez un décret que je viens de prendre pour mettre entièrement à ma solde les trois régiments d’infanterie et le régiment de cavalerie polonais qui sont à Danzig : cela met fin à tout. Donnez ordre que les 400 chevaux que j’accorde par mon décret au 9e polonais soient achetés sans délai dans le duché de Var­sovie, afin que ce régiment ait ses 1,000 chevaux. Donnez ordre également que ce régiment ait, comme nos régiments de lanciers, un certain nombre de carabines. Prenez des mesures pour que les 5e, 10e et 11e polonais aient chacun 3,000 hommes; ce qui fera 9,000 hommes pour les trois régiments.

La compagnie d’artillerie française qui est à Danzig ne fera plus partie de la 7e division, puisqu’il y a une compagnie d’artillerie lé­gère polonaise. J’ai besoin de cette compagnie, puisque l’augmenta­tion d’une 5e division dans les cuirassiers nécessite l’emploi de douze pièces d’artillerie de plus. J’ai donné le commandement de la 5e divi­sion au général Valence, sénateur. Le 11e régiment de cuirassiers a reçu l’ordre de se mettre en marche; je vous recommande de com­pléter ses chevaux. Vous aurez ainsi trois divisions de cuirassiers, chaque division de trois régiments, chaque régiment présentant 900 hommes en bataille;  ce qui fait 2,700 chevaux par division.

A chaque division doit être attaché un régiment de chevau-légers de trois escadrons. Le 1er escadron partira an 15 janvier pour se rendre en Allemagne; les 2e et 3e escadrons suivront à quinze jours de distance. Ainsi chaque division de cuirassiers sera de 3,400 ou 3,500 chevaux. Chaque division aura deux batteries d’artillerie à cheval ou douze pièces.

J’ai jugé convenable de partager toute la Grande Armée en quinze divisions d’infanterie, toutes à peu près égales aux vôtres; la 7e en fait cependant partie. Les neuf premières divisions sont sous vos ordres; les 10e, 11e et 12e divisions sont au camp de Boulogne; les 13e, 14e et 15e se réunissent à Bolzano, en Italie; la Garde est com­posée de quatre divisions ; ce qui fait dix-neuf divisions françaises. La cavalerie légère est partagée en quatorze brigades; cinq brigades sont sous vos ordres, y compris celle du général Castex ; il y en a trois en Italie, et six sur le Rhin. Les généraux de brigade sont nommés et passent des revues pour vérifier les remontes et organiser les régi­ments. Six généraux de division seront attachés à ces quatorze bri­gades. La réserve de la cavalerie est composée de six divisions, dont cinq de cuirassiers et une de dragons. Chaque division a douze pièces d’artillerie légère. Un équipage de siège est organisé à Danzig et un à Magdeburg. Trois équipages de pont sont organisés à Danzig ; ces équipages emploient 400 voitures et 2,000 chevaux.

Les Bavarois, les Wurtembergeois, les Saxons, les Polonais, ne sont pas compris dans cette organisation.

Tous calculs faits, j’espère avoir au mois de mars plus de 200,000 hommes d’infanterie, 45,000 hommes de cavalerie, huit cents pièces de canons attelées par plus de 20,000 chevaux, et 1,500 voitures de transports militaires. L’armée française se mon­tera à près de 300,000 hommes. Vous voyez que je n’ai jamais fait de plus grands préparatifs.

Nous manquons de chevaux de cavalerie en France ; il faut en lever de votre côté le plus que vous pourrez; on m’assure qu’il y en a une assez grande quantité dans le Jutland et dans le Holstein.

 

Paris, 30 décembre 1811

Au prince Lebrun, lieutenant général de l’empereur en Hollande, à Amsterdam

Je reçois votre lettre da 27, par laquelle vous me dites que j’ai sans doute donné des ordres pour l’emploi et la conservation de cette immense quantité d’arbres qui ont été abattus dans l’Ems oriental. Je ne sais pas ce que vous voulez dire. A-t-on abattu du bois dans l’Ems oriental ? Je l’ignore. Combien en a-t-on abattu, et par quel ordre ? Votre correspondance est toujours si serrée qu’elle ne signifie rien. Que veut dire le mot immense ? N’était-il pas plus simple de dire la quantité ? Quand vous croyez devoir attirer mon attention sur une partie quelconque de l’administration, donnez des détails et ne supposez pas que je sais tout.

 

Paris, 30 décembre 1811

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan

Mon Fils, Aldini vous expédie un décret par lequel j’ordonne la formation d’un bataillon d’équipages militaires italien. Ce bataillon sera formé, en tout et pour tout, comme les bataillons français. J’aurai ainsi dans mon armée italienne un bataillon d’équipages mili­taires de six compagnies, chaque compagnie servant 42 voitures, forges et prolonges ; total, 252 voitures pour le bataillon. Je ne veux que des prolonges et chariots de nouveau modèle, qui portent quatre milliers. Deux de ces compagnies seront attachées à la garde, les quatre autres seront pour l’infanterie. Ce que vous avez aujourd’hui en transports militaires sera fondu dans ce bataillon. Mais cela est indépendamment du caisson d’ambulance de chaque régiment d’in­fanterie et du caisson d’ambulance et de la forge de campagne de chaque régiment de cavalerie.

La guerre de Pologne ne ressemble en rien à la guerre d’Autriche ; sans moyens de transport, tout y est inutile. Chaque bataillon d’équipages militaires doit avoir 771 hommes, 1,227 chevaux et 252 voi­tures. Passez vos marchés sans délai. Vous prendrez les hommes dans les dépôts ; vous passerez des marchés pour l’achat des chevaux en Suisse. Faites faire des caissons dans l’arsenal de Venise. Que vingt-quatre heures après la réception de cette lettre tous vos ordres soient expédiés. Il faut soixante journées d’ouvriers pour faire un caisson; il faut donc 200 ouvriers pour faire 200 caissons en soixante jours; mais, comme il faut que tous les caissons soient faits au 1er février, employez 3, 4 ou 500 ouvriers. Les bois et les fers ne manqueront pas à Venise. Cela apportera un petit retard dans les travaux de la marine; mais je fais moi-même cela à Anvers pour avoir le plus que possible de caissons de nouveau modèle, qui sont préférables aux autres.

Je désire que le 9e bataillon des transports militaires ait de ces nouveaux caissons; à cet effet, j’en fais confectionner à l’arsenal de Turin ; mais je crains que cet arsenal ne puisse en fournir un si grand nombre pour un temps si rapproché : voyez si l’arsenal de Pavie ne pourrait pas aider à en faire une quarantaine, je regarde donc ceci comme une affaire terminée.

Vous savez le grand besoin qu’on a de boulangers à l’armée; je suppose que vous en avez un bon nombre dans vos divisions. Une compagnie d’infirmiers italiens vous est aussi nécessaire. Je suppose que vous avez des ouvriers pour construire en vingt-quatre heures six fours. Ces objets sont d’une grande importance dans une guerre de Pologne. Je vous ai mandé qu’il fallait que chaque homme eût quatre paires de souliers ; il serait même avantageux d’en avoir cinq paires.

Indépendamment des ambulances de régiment, vous avez besoin de quatre ambulances italiennes pour la division italienne et pour la garde ; chaque ambulance étant de 4 caissons, cela emploiera 16 caissons. Les forges de campagne devront être fournies par l’artil­lerie ; vous devez en avoir beaucoup dans le royaume.

 

Paris, 31 décembre 1811

A M. Maret, duc de Bassano, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur le Duc de Bassano, il serait convenable d’écrire au baron Bignon pour qu’il presse le gouvernement du Grand-Duché de faire armer et approvisionner Modlin, actuellement que cette place est dans le cas de soutenir un siège, et d’y faire diriger les armements qu’il serait inutile d’avoir à Varsovie. Je désirerais que tous les lan­ciers du Grand-Duché fussent armés de carabines, comme je l’ai ordonné pour les miens. Demandez-lui des détails sur la manière dont ces hommes sont armés aujourd’hui. Je désirerais également que les régiments de lanciers pussent être portés au complet de 1,100 hommes et de 1,000 chevaux ; ce qui ferait pour les hommes un total de 17,600, et pour les chevaux 16,000. Si cela était trop disproportionné avec les moyens du Grand-Duché, je voudrais du moins que le complet fût de 16,000 hommes et de 14,400 chevaux, c’est-à-dire de 1,000 hommes et de 900 chevaux par régiment, de manière à en avoir toujours au moins 850 sur le champ de bataille.

Comme le complet est de 12,000 hommes, ce serait une augmentation de 4,000. Je consentirais volontiers à faire les frais de cette remonte, mais je ne voudrais payer que l’excédant qu’il y aurait au-delà du complet actuel de 12,000.

Je vois avec étonnement dans les états du 1er novembre qu’il y a plus de 1,800 chevaux aux dépôts : c’est beaucoup trop ; il ne devrait pas y avoir dans chaque dépôt plus de 30 chevaux, excepté pourtant aux époques des remontes.

Je ne serais pas éloigné d’organiser un bataillon de transports mili­taires organisé à l’instar de ceux de France. Pourrait-on se procurer à Varsovie des chevaux de trait, des harnais, des voitures ? En com­bien de mois ces voitures seraient-elles construites ? Le duché four­nirait-il les hommes ? Combien cela coûterait-il ? Il faudrait que cela fût fait sous les couleurs du Grand-Duché, afin de conserver les apparences.

II faudrait aussi que le baron Bignon, avec toute la discrétion convenable, donnât des renseignements qui pussent nous rassurer sur la facilité d’avoir du blé, de l’avoine, et enfin les subsistances nécessaires pour l’armée. Il faudrait également qu’il s’occupât des moyens qu’on pourrait organiser, comme on l’a fait à peu près au mois de mai dans la dernière campagne, pour avoir un service de transport de Thorn, de Plock, de Varsovie et de Zamosc sur les points où l’on pourrait se porter; un service de 4,000 voitures serait nécessaire.

Il faut qu’il s’étudie à connaître les hommes, sans cependant rien affecter, afin de savoir à qui s’adresser quand le moment sera arrivé. Recommandez-lui d’envoyer des mémoires sur tous ces objets, en y mettant la discrétion convenable.

Je désire également connaître quelle quantité de vins de Hongrie on pourrait se procurer par la Vistule, et à quel prix ces envois reviendraient rendus à Varsovie; quels sont les moyens de transport de la Hongrie à la Vistule; quelle quantité d’eau-de-vie de grain on pourrait tirer de Moldavie, et à quel prix.

Indépendamment des chevaux nécessaires au duché, pourrait-on se procurer 3,000 chevaux de hussards ? Où les trouverait-on ? A quel prix, et en quel temps seraient-ils rendus à Varsovie ? Vous sentez l’importance de ne faire ces demandes que par des occasions sûres, afin d’éviter la voie des postes ordinaires et que vos lettres ne soient pas lues par les princes des pays intermédiaires.

 

Paris, 31 décembre 1811

Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Je reçois votre rapport sur les vivres et les eaux-de-vie. Faites acheter, si elles sont de bonne qualité, les 300,000 litres d’eaux-de-vie qui sont à Strasbourg. Vous dirigerez sur Wesel ces 1,200 bar­riques. Il faut que le premier convoi parte avant le 6 janvier pour Wesel. Écrivez au prince d’Eckmühl d’envoyer les caissons de ses régiments et de transports militaires pour prendre ces 1,200 barriques et les conduire à Magdeburg. Par ce moyen elles arriveront à Magdeburg sans que le transport me coûte rien.

Faites acheter 1,440 barriques d’eaux-de-vie à Bordeaux; faites-les charger sur les 240 voitures du 10e bataillon d’équipages militaires, et dirigez-les sur Mayence, d’où elles continueront leur route sur Magdeburg.

Faites acheter 1,440 barriques à Paris, que vous ferez conduire par le 2e bataillon de transports militaires jusqu’à Magdeburg.

Faites acheter à Cologne et à Francfort, si le prix est raisonnable et si elles sont de bonne qualité, une bonne quantité d’eau-de-vie que vous ferez conduire à Magdeburg, soit en leur faisant remonter le Main jusque Würzburg, soit en vous servant des voitures qui transportent des denrées coloniales à Francfort. Les douanes font venir des denrées coloniales à Francfort; les vivres font venir des blés de Hambourg sur Wesel.

Mon intention est d’acheter 9,000 barriques d’eau-de-vie et d’avoir 31 millions de rations, pour les transporter sur Magdeburg.

Je ne veux rien prendre à Hambourg, parce que je serai toujours à même de puiser là.

Quant aux vins, faire venir du vin de Bordeaux me paraît une opé­ration bien compliquée, à moins de la combiner avec le retour des voitures qui transportent des denrées coloniales. D’ailleurs, les vins arrivent par la Hongrie et la Silésie; ils arrivent à Magdeburg par Würzburg et Bamberg, ou il y en a une grande quantité; il y en a même beaucoup à Dresde. Il est donc indispensable, avant de se jeter dans les spéculations des vins, de savoir combien ils coûtent à Dresde, à Würzburg, à Bamberg, à Varsovie, en les faisant venir de Hongrie et de Cracovie. Il y a aussi des vins sur le Rhin, du côté de Mayence, qui sont bons. Quelle quantité peut-on en avoir, et à quel ? Ce ne sera que lorsque vous m’aurez remis ces renseignements que j’arrêterai mes idées sur l’achat des vins nécessaires pour les hôpitaux et les convalescents.

J’encouragerai volontiers par quelque moyen l’arrivée à l’armée de 4,000 barriques de bon vin, que les officiers d’état-major et autres puissent avoir pour 50 sous ou 3 francs la bouteille, ce qui leur sera d’un grand soulagement. Cela serait une spéculation avantageuse pour un commerçant. Vous sentez qu’il n’y a que le commerce qui puisse se charger de cette spéculation et qui puisse avoir le moyen de conserver le vin, d’empêcher qu’on le boive en route ou qu’on le détériore.

 

Paris, 31 décembre 1811

A M. de Champagny, duc de Cadore, intendant général de la couronne, à Paris

Monsieur le Duc de Cadore, je viens de voir des porcelaines qui ont été envoyées à l’Impératrice pour ses présents du jour de l’an. Ces porcelaines sont fort laides; veillez à ce qu’elles soient plus belles une autre année. Faites faire un déjeuner, sur chaque tasse duquel soient les portraits de Impératrice et des six princesses mes sœurs et belles-sœurs. Faites-en faire un autre où soient les portraits des dames du palais l’impératrice.

 

Paris, 31 décembre 1811

NOTE POUR LE MAJOR GÉNÉRAL, a paris.

Accordé au général Fournier la permission de se rendre chez lui. Le major général fera connaître quel est son pays, afin de l’empêcher de se rendre à Paris. C’est la corruption de la grande ville qui attire tous ces jeunes gens.

 

Paris, 31 décembre 1811

Au général Caulaincourt, duc de Vicence, grand-écuyer, à Paris

Monsieur le Duc de Vicence, je n’entends plus parler de l’offi­cier d’ordonnance Atthalin. Je crois qu’il s’entête à finir sa mission, quoique malade.   Envoyez-lui ordre de revenir à Paris pour se rétablir.

 

Paris, 31 décembre 1811

Au capitaine Gourgaud, officier d’ordonnance de l’empereur, à Paris

Rendez-vous à l’île de Ré ; voyez les troupes de réfractaires qui s’y trouvent, et faites-moi connaître en détail, détachement par déta­chement, leur situation, l’état de leur habillement, de leur armement et de leur instruction, de quel pays sont les hommes, et si l’on peut compter que l’on pourrait parvenir à les diriger sur Strasbourg pour l’armée d’Allemagne.

Voyez les officiers des 29e léger, 10e léger et des compagnies de sapeurs ; croient-ils qu’ils mèneraient sur le Rhin les trois quarts de ces individus ?

Vous irez à l’île d’Aix et à l’île d’Oléron, où vous ferez la même inspection. Vous resterez quatre à cinq jours dans chaque île; vous m’écrirez tous les soirs. Vous verrez les batteries des îles de Ré, d’Aix et d’Oléron, et toutes celles des Saumonards.

Vous irez à bord des vaisseaux que j’ai à l’île d’Aix et des frégates que j’ai à Maumusson.

Dès que vous aurez passé quinze jours dans ces différentes sta­tions, vous irez visiter les batteries jusqu’à la Gironde. Vous verrez la nouvelle batterie que j’ai fait faire à Royan et à la pointe de Grave. Vous irez à bord de la frégate qui est dans la Gironde. Vous irez aussi à Rochefort et vous verrez les travaux qui s’y font.

Vous me rendrez compte de tout dans le plus grand détail, et vous me ferez connaître si tous les soldats ont des capotes.

 

Paris, 31 décembre 1811

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le corps d’observation de l’Elbe, à Hambourg

Mon Cousin, écrivez en Pologne pour savoir s’il serait possible d’acheter 3,000 chevaux pour le dépôt de cavalerie légère qu’on for­merait sur la rive gauche de la Vistule. Combien coûteraient ces chevaux ? Quelle taille auraient-ils ? Combien de jours faudrait-il prévenir d’avance ? Pourrait-on trouver aussi 3,000 chevaux de trait ? Il me semble que la Pologne fournit peu de ressources de ce genre. Pourriez-vous trouver dans le Mecklenburg et dans le nord de l’Alle­magne 3,000 chevaux de trait, et à quel prix ? Pourrait-on former à Varsovie un bataillon d’équipages militaires, organisé comme les nôtres à six compagnies, de 771 hommes et de 1,227 chevaux, et 252 voitures ? Où trouverait-on les chevaux ? Où ferait-on les cais­sons ? Trouverait-on les hommes ? Dans ce cas ne serait-il pas néces­saire d’envoyer quelque commandant de compagnie pour aider à les organiser ? Combien coûterait la formation de ce bataillon; quand serait-elle finie ? Si je me décidais à le former, je voudrais qu’il eut l’air d’être créé pour l’armée polonaise, afin de garder les apparences.

Tous les régiments de cavalerie polonaise ne sont qu’à quatre escadrons ; je remarque qu’il faudrait placer les quatre escadrons à l’armée et n’avoir qu’un piquet au dépôt. Communiquez au prince Poniatowski mon décret sur l’armement de la cavalerie. Il est impos­sible de laisser tant de régiments de lanciers sans carabines ; il faut que tous les hommes, ou au moins la moitié, aient des carabines, comme c’était l’ancien usage des Polonais. Pressez-le là-dessus, car je trouve fâcheux d’avoir 7 à 8,000 hommes sans armes, d’autant plus que les Cosaques sont armés de fusils. Faites-moi connaître, régiment par régiment, comment la cavalerie polonaise est armée, quel est l’armement des lanciers, quel est celui des chevau-légers. Sur les états que vous m’avez envoyés, je ne vois plus de cuiras­siers. Je voudrais bien que tous les régiments fussent portés à 1,100 hommes et à 1,000 chevaux, afin d’en avoir 950 devant l’en­nemi. Il faudrait donc pour les seize régiments 16,000 chevaux; il y en a, je crois, 11,000 ; ce serait donc 5,000 à acheter. Il faudrait en outre des hommes et des selles. S’il n’y avait pas d’autre difficulté que l’argent, j’y pourvoirais volontiers; mais aurait-on les hommes, leur habillement et leur harnachement ? Je vois aux dépôts 1,800 chevaux, ce qui fait plus de 100 chevaux par régiment; je suppose que les trois quarts rejoindraient les escadrons de guerre. Remettez-moi l’état de situation des troupes du Grand-Duché au 1er janvier. Entrez dans tous les détails pour l’artillerie, car vous m’avez bien envoyé un état de l’artillerie de l’armée saxonne, mais vous ne m’en avez pas envoyé un semblable pour le Grand-Duché.

Entrez également dans le détail des transports militaires.

Je reviens sur la situation de leur cavalerie. Je vois que le com­plet n’est que de 12,000, hommes et chevaux; je voudrais que le complet fût de 17,600 hommes et de 16,000 chevaux.  Si cela leur parait trop considérable, on pourrait admettre un complet de 16,000 hommes et de 14,400 chevaux, c’est-à-dire de 900 chevaux par régiment; ce serait donc 4,900 chevaux à acheter, Je vous 1e répète, je ne vois pas de difficulté à en faire la dépense.

Il faudrait aussi demander au prince Poniatowski de préparer quel­que travail pour l’organisation des ressources en transports mili­taires , comme cela avait été fait dans le courant de mai, quelque temps avant la campagne de Friedland, afin de s’assurer des moyens de convoi et de transport de Thorn , de Plock, de Zamosc et de Var­sovie sur les points où l’on se porterait, je suppose que le blé et l’avoine seront cette année en abondance.


 

References

References
1 Cette lettre, écrite à Paris le 3 décembre 1811, est suivie d’un P. S. du 9; on a cru devoir la placer à la date de l’expédition. Ce P. S. est entièrement de la main de l’Empereur.
2 Suit l’énumération des droits à supprimer moyennant rachat, et des dispositions concernant les droits seigneuriaux rachetables, le rachat des redevances et prestations, l’usufruit et la propriété des colonats.
3 qui a été au service de Hollande
4 Un décret impérial du 25 mars 1811 accordait des pensions viagères à la famille du comte Demetrio Macri, dévoué à la France, tué dans une révolte à Paxo, l’une des îles Ioniennes. Quelque temps après, le conseil de guerre, appelé à juger les coupables, ayant, outre les condamnations prononcées contre eux, ordonné de prélever sur leurs biens une somme destinée à indemniser la famille du comte Macri, M. de Lesseps crut devoir suspendre l’exécution de cette mesure, se fondant sur ce que la famille Macri recevait déjà, à titre d’indemnité, une pension du gouvernement français.
5 du général Gudin
6 d’abord et d’un troisième dans le courant de l’année; ce qui fera d’abord seize bataillons