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La campagne de 1809 – Landshut – 21 avril

« Je me rends à Landshut, et, aussitôt que j’aurai fait tout le mal possible à l’ennemi, je le préviendrai sur l’Inn. » [i]

v
Combat et prise de Landshut

Dans la nuit du 20 au 21, les belligérants occupent les positions suivantes [ii] :

Autrichiens

  • Bellegarde (Ier corps), qui a été informé par Kolowrat [iii] que l’archiduc Charles, pour l’attaque contre Davout, compte sur la participation des Ier et IIe corps d’armée, s’est avancé, en marche forcée, d’Amberg à Neumarkt, pour soutenir le IIe corps,
  • Kolowrat (IIe corps) est en route pour Hernau
  • Hohenzollern (IIIe corps) est à Leierndorf, son avant-garde à Langquaid
  • Rosenberg (IVe corps) est à Dinzling
  • Liechtenstein (1er corps de réserve), et la brigade Vécsey (IIe corps d’armée) sont dans et autour de Ratisbonne. Les grenadiers sont entre Höhenberg et Egglosfheim ;
  • La division Lindenau (Ve corps d’armée) est entre Gebelkofen, Peising et Thalmassing ;
  • L’archiduc Louis (Ve corps) et Kienmayer (2e corps de réserve) sont en marche de Pfeffenhausen à Landshut, comptant environ 29.000 hommes ;
  • Hiller (VIe corps) se trouve à Türkenfeld, sur le Kleinen Laaber, sur le point de suivre le Ve corps. Les restes inutilisables de la brigade Thierry et du détachement Schustekh se sont joints à Hiller. Au total environ 13.000 hommes ;
  • La brigade Nordmann (division Vincent du VIe corps) occupe Moosburg, avec un bataillon du IR 59 Jordis (brigade Hohenfeld) et 4 escadrons de hussards Liechtenstein ;
  • Enfin, la division Jellačić se trouve toujours à Munich

 

Français :

  • Davout se trouve entre Hausen et Abbach
  • Lannes (division Morand, brigades de cavalerie légère et lourde, cavalerie de la 1e division bavaroise, 3 bataillons de la division Wrede) soit près de 14.500 hommes, est à Rottenburg et jusqu’à Eulenbach et Rohr, faisant face à Hiller ;
  • La division Gudin (9.000 hommes) bivouaque dans le Laabertal, entre Alzhausen et Adlhausen, avec des avant-postes jusqu’à Leitenhausen, Günzenhofen, Laaberberg, Sandsbach et Siegersdorf ;
  • La 1e division bavaroise (7.100 hommes) après une halte à Bachel, s’est avancé sur Türmhäusel ;
  • La 2e division bavaroise (Wrede) et les Wurtembergeois (au total 18.800 hommes) sont sur la route de Pfeffenhausen, face à l’archiduc Louis ;
  • Masséna a réuni son corps d’armée à Freising (sur l’Isar), coupant complètement Jellačić de l’aile gauche autrichienne ;
  • Le corps d’armée d’Oudinot, ainsi que les divisions Tharreau et Boudet se dirigent sur Abensberg, pour se joindre à Davout. Ici se trouvent environ 12.700 fantassins, 1.300 cavaliers et 30 canons.

De Rohr, où il a dormi sur une chaise, Napoléon écrit, à cinq heures du matin, à Davout, qui se trouve à Tengen :

La journée d’avant-hier et d’hier est un autre Iéna [iv]. Le duc de Rivoli a dû arriver hier à Landshut, depuis hier trois heures après midi. Vous n’avez devant vous qu’un rideau de trois régiments d’in­fanterie. J’ai fait occuper hier les villages de Thann; on y a trouvé beaucoup de blessés.

J’ordonne ce matin au duc de Danzig, avec les divisions française Demont et bavaroise Deroy et les cuirassiers Saint-Germain, de se porter sur Langquaid, de mettre en déroute cette arrière-garde qui couvre leurs parcs et leurs blessés, et de tout ramasser dans la journée. Si vous entendez le canon, ce sera cela; en cas de besoin, vous devrez l’appuyer.

La division Boudet a couché à Neustadt. Je lui donne ordre de se rendre à Abensberg. Cette belle division est sous vos ordres.

Voilà ce que vous avez à faire. Le duc de Danzig va poursuivre les parcs, les équipages et même le prince Charles s’il prend la direction de l’Isar et qu’il aille à Landshut par Eckmühl, soit qu’il aille à Straubing [v], appuyez-le s’il en est besoin.

Lorsque vos derrières seront nettoyés, que vous aurez ramassé hommes, bagages perdus, vous vous porterez sur Ratisbonne; vous attaquerez Bellegarde et Klenau. Vous les poursuivrez et les acculerez dans les montagnes de la Bohême; vous ferez en sorte que la rive gauche du Danube soit purgée et qu’il ne puisse rentrer que des débris.

Je me rends à Landshut, et, aussitôt que j’aurai fait tout le mal possible à l’ennemi, je le préviendrai sur l’Inn. J’attends dans la journée fréquemment de vos nouvelles. Je serai sur la route de Rohr à Landshut[vi]

Cette journée du 21 va se dérouler sur deux fronts

Positions le 21 avril après-midi

Positions le 21 avril après-midi

Landshut

Napoléon est à cheval dès l’aube, car il veut diriger lui-même la poursuite des Autrichiens sur la route de Landshut. Pour assurer cette marche contre une attaque de l’archiduc Charles, qu’il pense alors vers Eckmühl, il envoie à Davout la division Demont, les cuirassiers Saint-Germain, les 1e (Prince royal) et 3e (Deroy) divisions bavaroises vers le Groß-Laaber. [vii]

Napoléon poursuit donc Louis et Hiller[viii] sur la route qui va de Rottenburg à Landshut, pendant que Wrede en fait de même, mais par celle qui vient de Pfaffenhausen. Il compte, en cet instant, que Masséna arrivera à Landshut vers 3 heures de l’après-midi. En route, il rencontre Lannes, qu’il félicite pour sa conduite de la veille. Les forces alliées qui se dirigent maintenant, de ce coté, sur Landshut sont impressionnantes :

  • 5 bataillons de la division Wrède,
  • 14 bataillons wurtembergeois,
  • les divisions Morand, Gudin et Prince royal (34 bataillons),
  • la division Tharreau,^^^^^^ments de cavalerie[ix] Nansouty, Saint-Sulpice, Jacquinot, Zandt, Preysing, Wöllwarth,auxquelles il faut ajouter, venant du sud, les troupes de Masséna et d’Oudinot. Au total, ce sont près de 80.000 fantassins et 14.000 cavaliers, auxquels Hiller et Louis, après les combats de la veille, ne peuvent guère opposer plus de 36.000 hommes !

L’empereur arrive de bonne heure près de Landshut, accompagnant la division Morand, les cuirassiers Saint-Sulpice et la cavalerie légère. La route est encombrée de bagages autrichiens, les Français font des quantités de prisonniers, s’emparant partout sur leur passage de blessés et de fuyards. Bientôt, il atteint Altdorf, d’où il peut voir la plaine qui s’étend devant Landshut[x].

Officier général autrichien. France militaire
Officier général autrichien. France militaire
Pionnier et tambour de lartillerie- Anne S.K. Brown Military Collection.
Pionnier et tambour de lartillerie- Anne S.K. Brown Military Collection.

L’archiduc Louis et Hiller sont arrivés eux aussi, et pour cause, très tôt à Landshut. Ils cherchent aussitôt à mettre de l’ordre dans le chaos des convois qui encombrent, sur 3 ou 4 voies, la route, et en accélérer l’écoulement. L’arrivée des Alliés ne pouvant qu’entraîner la panique, il s’agit maintenant de tenir celui-ci à distance le plus longtemps possible. Mais il semble que chaque commandant de colonne agit pour son propre compte et qu’il manque la coordination nécessaire à l’évacuation de la rive gauche de l’Isar.

Après l’arrivée de la colonne venant de Pfeffenhausen, les Volontaires Viennois, du Ve corps, traversent Landshut et sont positionnés sur les hauteurs en aval de la ville. Du 2e corps de réserve, seuls les grenadiers Scharlach occupent le Spitalbrücke, les grenadiers Puteany le Lendbrücke. Ces deux passages sont prêts à être retirés, et on y a positionné quelques pièces de canons. Les trois autres bataillons de grenadiers, le régiment de dragons n° 3 Knesevich, du 2e corps de réserve, prennent position sur les hauteurs entre Landshut et Achdorf, le front vers ce village. Quelques batteries sont amenées sur le Prielfeld, sous la protection de plusieurs escadrons de hussards Kienmayer.

Les restes de la colonne de l’archiduc Louis sont placés sur les hauteurs au nord d’Altdorf, l’arrière-garde à Arth, plus avant encore deux compagnies de Frontaliers Gradiskan et un régiment de uhlans (major Gorzkowski) prennent position sur la route de Pfeffenhausen, pour recueillir l’arrière-garde du lieutenant-colonel Hardegg.

Hiller laisse à Ergolding 4 escadrons de hussards Kienmayer et donne au FM Vincent le commandement des deux régiments de hussards Hessen-Homburg de la réserve. Le reste de ses troupes continue sa marche sur Landshut, arrêtées de nombreuses fois  par l’encombrement. Plusieurs unités sont affectées à la défense des faubourgs et des ponts.

A cet instant, Hiller prévoit, lorsque ses équipages de train seront passés, de positionner ses troupes sur les hauteurs de la ville. Mais, vers 7 heures, il apprend que les Alliés s’avancent déjà par Moosburg : il n’est plus question de défendre l’Isar.

C’est l’heure où Napoléon arrive, on l’a vu, sur les hauteurs Altdorf – Ergolding, repoussant devant lui les Autrichiens en retraite.

L’arrière-garde de Hardegg se glisse au travers des avant-postes de Gorzkowski, à Arth. La cavalerie wurtembergeoise, qui forme désormais la tête de la colonne de Pfaffenhausen, attaque les Autrichiens, qui leur répondent avec leurs uhlans et leur font 11 prisonniers, avant de reculer calmement avec l’arrière-garde jusqu’à Altdorf, où ils se joignent au gros de la colonne. Radetzky a entre-temps positionné un bataillon de Frontaliers Gradiskan dans les bois au nord du village ; un autre bataillon est à gauche, le long de l’Isar. Le feu de ces Frontaliers tient la cavalerie alliée à distance d’Altdorf et le régiment de uhlans n° 3 archiduc Charles en profite également pour habilement tomber sur des groupes de cavalerie alliée, et les repousser.

Le général Mouton au pont de Landshut., D après Hersent
Le général Mouton au pont de Landshut., D après Hersent

À 9 heures du matin, le gros de la colonne autrichienne abandonne ses positions à Altdorf pour rejoindre Landshut, suivie des Frontaliers Gradiskan, qui reculent devant un ennemi de plus en plus nombreux. Ce repli s’effectue, compte tenu des conditions, plus ou moins en ordre. Derrière la ville, les troupes du Ve corps se déploient au sud, celles du VIe au nord de la route qui conduit à Geisenhausen.

Le GM Nordmann (Frontaliers Saint-Georges, hussards n° 7 Liechtenstein) arrive à Landshut, venant de Katharinazell, alors que les combats sont déjà engagés, et traverse difficilement la ville (deux compagnies sont faites prisonnières). Arrive également à Landshut le GM Scheibler, qui n’a pas pu passer l’Isar à Moosburg.

Les arrières de deux corps d’armée autrichiens sont en train de traverser les faubourgs lorsque les cavaliers alliés arrivent. Le GM Bianchi, qui ferme la marche du Ve corps, laisse en soutien de la cavalerie les IR 39 Duka et IR 60 Gyulai à la lisière nord du faubourg Saint-Nicolas, de chaque coté de la route. Au nord de Seelingthal, c’est un bataillon du IR 49 Kerpen qui prend position, dans le même but.

A peine ces troupes ont-elles pris position que l’attaque alliée se déclenche. La résistance énergique de la cavalerie de Vincent, des uhlans archiduc Charles, des hussards Liechtenstein et Kienmayer est inutile contre un ennemi en supériorité numérique, dont les cavaliers arrivent au galop, et à grands cris, devant les faubourgs. Les escadrons de Jacquinot, la cavalerie bavaroise de Zandt arrive par Ergolding, les cuirassiers français et wurtembergeois d’Altdorf ; Wrede emmène ses cavaliers sur Seelingthal, où ils s’emparent, aidés d’un escadron du 3e chevau-légers, d’un grand nombre de canons abandonnés sur la route. Depuis les hauteurs entre Altdorf et Ergolding, l’artillerie bavaroise et française soutient cette action.

Sur ces entrefaites, l’Empereur parut à la tête des colonnes françaises, et alliées. Il fit aussitôt canonner l’ennemi ; et le général bavarois Zandt, formant l’avant-garde, chargea vigoureusement les troupes du général Vincent. Les hussards de Hesse-Homburg et les uhlans ne résistèrent pas à ce choc ; ils furent ramenés vers le pont l’épée dans les reins, entraînant avec eux l’infanterie restée sur la rive gauche. On vit alors les canons, les pontons, les voitures de bagages renversés au bas de la chaussée dans une effroyable confusion. Tout ce qui se trouvait sur la rive gauche de l’Isar eût été fait prisonnier sans la fermeté des deux bataillons qui défendaient le faubourg de Seelingthal et qui tinrent bon. Le général Zandt fut malheureusement emporté par un boulet, mais ses chevau-légers et ses dragons soutenus par un régiment de chasseurs français continuèrent leur attaque. [xi]

La cavalerie autrichienne se retire finalement, soit, par les champs, sur le Lendbrücke, soit, par le faubourg de Seelingthal, sur Landshut ; certaines unités trouvent leur salut en traversant la rivière à la nage. L’infanterie située dans le faubourg Saint-Nicolas laisse passer sa propre cavalerie, conserve ordre et fermeté, et envoie une volée sur les cavaliers alliés, qui les arrêtent net, ce qui permet de reprendre la retraite vers les ponts, après lesquels Bianchi les repositionnent derrière la rivière, où se trouvent également le bataillon Kerpen et une compagnie d’infanterie Benjowsky, qui se sont repliés depuis Seelingthal.

Garde impériale. Officier de voltigeur et garde national, grande tenue. Raffet . Marcot Saint-Hilaire
Garde impériale. Officier de voltigeur et garde national, grande tenue. Raffet . Marcot Saint-Hilaire

Les combats ralentissent alors, jusqu’à ce que les Alliés reforment leur infanterie. Deux compagnies légères wurtembergeoises, l’infanterie bavaroise, les 13e léger et 17e de ligne de la division Morand entrent dans Seelingthal, après une longue fusillade avec des unités d’infanterie autrichienne placée le long de la rive droite de l’Isar et se lancent à l’attaque du pont. L’infanterie autrichienne évacue en hâte ses positions[xii] et repassent le pont, car Hiller a compris qu’il ne peut plus sauver ce qui reste de ses équipages de train, donnant l’ordre de mettre le feu au pont. Mais il a légèrement plut depuis le matin, et les matériaux inflammables apportés près du pont ne prennent feu que très lentement.

Les attaquants commencent par hésiter à continuer sur ce pont en flamme. Mais le général Mouton [xiii], aide de camp de l’empereur, se met à la tête du 3e bataillon du 17e de ligne, et l’entraîne au pas de charge au travers de la fumée et des flammes. Derrière, suivent des chevau-légers bavarois, des fantassins wurtembergeois et bavarois et deux bataillons du 13e léger, tandis que, peu à peu, l’incendie s’apaise [xiv].

L’ennemi allait détruire le second pont, il n’y avait pas un moment à perdre. Le général Mouton, aide de camp de l’Empereur, se mettant à la tête des grenadiers du 17e de ligne, se précipite sur cet étroit passage et pénètre dans l’île, où les bataillons de Duka et de Gyulai sont culbutés. Mouton s’avance sur le pont construit en bois avant que l’ennemi ait le temps d’y mettre le feu, le traverse baïonnette en avant malgré un feu roulant dirigé sur sa colonne des maisons adjacentes, d’une église et de la tour du pont, fait enfoncer à coup de hache la barrière qui le ferme, et se jette audacieusement dans Landshut, où le combat continue avec acharnement. [xv]

L’ennemi, sorti en foule de la ville pour couvrir le grand pont de l’Isar, arrêta notre mouvement. La division arriva à la tête du faubourg de Landshut ; l’Empereur me donna l’ordre d’enlever la ville. Le 3e bataillon du 17e de ligne se précipita sur le pont en flammes et fut suivi du reste de la division, qui chassa entièrement l’ennemi de la ville et des hauteurs qui la dominent. L’ennemi ayant voulu se rallier sur la route de Mühldorf, le colonel Bouge, à la tête du 61e le culbuta. [xvi]

Malgré la fusillade venant des maisons avoisinantes, les Français s’emparent des portes du pont, se jettent sur le dernier canon encore en place, s’en emparent et se répandent dans la ville.

Napoléon, apercevant le général Mouton, son aide de camp, venant rendre compte d’une mission qu’il lui avait donnée le matin, lui dit : « Vous arrivez fort à propos !… Placez-vous à la tête de cette colonne et enlevez la ville de Landshut! »

Une aussi périlleuse mission, donnée à l’improviste, aurait pu étonner un homme moins intrépide que le général Mouton. Celui-ci n’en fut nullement ému; il abandonne son cheval, et mettant bravement l’épée à la main, il fait battre la charge, et s’élance le premier sur le pont à la tête des grenadiers!… Mais se trouvant arrêté par la porte de Landshut, il la fait enfoncer à coups de hache, passe au fil de l’épée tout ce qui résiste, s’empare de la ville, et revient tranquillement rendre compte à l’Empereur de la mission dont il avait été chargé le matin!… Chose bizarre! Dans la conversation qu’ils eurent ensemble, il ne fut pas dit un seul mot relatif à la prise de Landshut, et jamais l’Empereur n’en parla au général Mouton… Mais, après la campagne, il fit porter chez lui un remarquable tableau d’Hersent, dans lequel ce général est représenté marchant à la tête de sa colonne à l’attaque de Landshut. Ce souvenir de Napoléon valait mieux que les plus grands éloges. [xvii]

Dans le même temps, des unités françaises franchissent la rivière, sur des barques, un peu en aval de Landshut. Les Autrichiens continuent à combattre, dans les rues encombrées ; les Frontaliers Gradiskan et Saint-Georges, des éléments d’infanterie Jordis, Splényi et Benjowsky opposent une résistance acharnée, mais ils se trouvent rapidement entourés de tous les cotés, perdant près de 800 prisonniers. Bianchi, qui a toujours été en première ligne, ne doit son salut qu’à son cheval qui, sautant par-dessus un attelage abandonné, lui épargne d’être capturé par des cavaliers bavarois. Les Français s’emparent d’un grand nombre de voitures, dont les équipages ont pris la fuite lorsqu’ils sont entrés dans la ville, et d’un important matériel : matériel de ponts, canons. [xviii]

On prit à Landshut des bagages et des parcs à l’infini, des ponts de bateaux, en un mot, un matériel immense. [xix]

Finalement, les Autrichiens arrivent à retrouver un semblant d’ordre, en dehors de Landshut, sur la route de Geisenhausen, et les alliés, vers 13 heures, arrêtent la poursuite  [xx]. Le gros des troupes de Hiller est déjà en marche sur Vilsbiburg.

En fait, l’abandon de Landshut n’a pas eu pour seule raison l’attaque menée par les troupes venant du nord.

La division de cavalerie légère Marulaz était partie de bonne heure de Thonstetten et Hummel en direction de Moosburg. Informé que le pont sur l’Isar était occupé par les Autrichiens, Marulaz avait envoyé un petit groupe de chasseurs du 23e à cheval au nord de la ville, en même temps que le reste de sa division se lançait au grand galop sur Moosburg. Le pont y était déjà en partie démonté et commençait à brûler.

Cette compagnie est arrivée assez à temps au pont pour empêcher le feu de paille que l’ennemi y avait placé de le brûler. L’ennemi en bataille sur la rive droite de l’Isar, tant infanterie que cavalerie, a fait feu pour s’opposer au rétablissement du pont. L’adjudant-commandant a fait mettre pied à terre à  une partie de ladite compagnie qui s’est précipitée sur le pont avec beaucoup d’audace pour en jeter à l’eau la paille enflammée, ce qui a été très heureusement exécuté. Dans un instant, la compagnie était sur l’autre rive et un quart d’heure a suffi pour rendre le pont praticable [xxi]

Les troupes autrichiennes qui se trouvent sur l’autre rive se retirent rapidement vers Kronwinkl. Avec l’aide des habitants les Français finissent d’éteindre l’incendie, réparent le pont, et reprennent leur marche sur Landshut, sans pouvoir toutefois rejoindre les Autrichiens. [xxii]

Derrière Marulaz, la division Claparède s’est ébranlée de Langenbach. La 3e brigade (Ficatier) est détachée sur l’Amper, le reste est envoyé, par Hofham, sur Achdorf. Quant aux divisions Carra Saint-Cyr, Legrand, Molitor et Espagne, arrivées à Freising, elles y prennent plusieurs heures de repos [xxiii], avant de reprendre leur route sur Landshut, passant sur la rive droite de l’Isar à Moosburg.

L’avant-garde de Marulaz arrive à Achdorf vers 10 heures du matin, mais est aussitôt repoussée par des dragons (Knesevich). Arrivé peu après, Claparède [xxiv], qui pense peut-être que le gros de l’armée autrichienne se trouve à Landshut,  refuse de soutenir les cavaliers de Marulaz avec son infanterie, préférant attendre les autres divisions. Toutefois, vers midi, il envoie tout de même un bataillon sur les hauteurs d’Achdorf, où Nordmann a pris position, et où sont arrivés aussi, sous les ordres du major O’Brien, les 1er bataillons des IR 59 Jordis et IR 49 Kerpen.

Masséna arrive finalement vers 13 heures, l’attaque peut commencer. La brigade Coehorn est envoyée en avant, mais est repoussée par les Autrichiens, renforcés par les 2e et 3e bataillons du régiment Kerpen.

J’étais arrivé de ma personne dans les faubourgs de Landshut ; c’est alors que je fis donner sur tous les points et mon avant-garde de cavalerie entra dans la ville. L’ennemi évacua la ville et je le fis poursuivre conjointement avec les troupes arrivées par la rive gauche.[xxv]

Comme on l’a vu, Hiller a déjà donné l’ordre de repli, et la colonne principale, emmenée par le Ve corps, est en route pour Geisenhausen. Les bataillons Kerpen sont en conséquence repliés vers le sud pour couvrir ce mouvement. Ils sont bientôt une nouvelle fois attaqués par Claparède, et par des troupes venant de Landshut (7e bavarois, 61e de ligne[xxvi]). O’Brien résiste suffisamment longtemps pour laisser assez d’avance à la colonne de Geisenhausen.

Hiller, qui est resté à l’arrière garde, a donné au GM Radetzky la responsabilité de couvrir la retraite contre des attaques venant Landshut. Pour l’aider il lui donne les bataillons de grenadiers Scovaud et Scharlach, ainsi que 3 canons, le tout sous le commandement du GM d’Aspre. Tout en combattant, cette arrière-garde recule pas à pas, jusque vers 16 heures, lorsque les alliés interrompent leur poursuite.

 

Eckmühl

Le maréchal Davout a reçu, à 2 heures 30 du matin, l’ordre suivant, daté du 20 avril, 8 heures du soir,

 Si vous ne recevez pas d’instructions, le mot d’ordre dans un moment comme celui-ci, c’est de se porter partout où il y a des ennemis, pour les détruire et pour s’en emparer [xxvii]

Tel va bien être le fil conducteur de son action dans la journée. La veille il a observé le retrait du IIIe corps (dont il estime les forces entre 15 et 20.000 hommes) au-delà du Groß Laaber, et il a décidé de le poursuivre par Langquaid.

Très tôt le matin, les troupes de Davout se sont mises en marche, de Tengen, sur les talons des IIIe et IVe corps autrichiens, qui se dirigent vers les positions que leur a assignées l’archiduc Charles, à savoir les hauteurs entre la vallée du Groß Laaber et la plaine de Ratisbonne. Ce sont les divisions Saint-Hilaire et Friant qui avancent en tête. Leur avant-garde, en entrant dans la vallée du Groß Laaber, se heurte, à Schneidhart [xxviii] et Päring à l’arrière-garde autrichienne.

Ayant quitté de très bonne heure notre bivouac de Hausen, nous marchâmes à l’ennemi en nous dirigeant sur Schneidhart et Päring. Nous n’allâmes pas loin sans le rencontrer : le soleil n’était pas levé que nous étions aux mains avec son avant-garde. [xxix]

Celle-ci est contrainte à reculer, et les IIIe et IVe corps autrichiens accélèrent leur marche vers Eckmühl, c’est-à-dire sur la route Landshut – Ratisbonne, suivis de près par Saint-Hilaire, le long de la rivière, et Friant, au pied des hauteurs formant la vallée.

Le maréchal Bessières - Raffet - Marco Saint-Hilaire
Le maréchal Bessières – Raffet – Marco Saint-Hilaire

Les deux divisions arrivent rapidement à Päring et Schierling. Friant envoie le 48e de ligne sur Päring [xxx], où 400 Autrichiens sont faits prisonniers. Saint-Hilaire s’empare de son coté de Schierling, faisant également de nombreux prisonniers.

C’est à cet instant qu’arrivent les troupes envoyées par Napoléon pour soutenir Davout : les Bavarois, la division Demont, les cuirassiers Saint-Germain, avec lesquelles le contact est établi, par le rétablissement des ponts[xxxi] sur le Groß Laaber.

Le IVe corps s’est établi dans les villages de Ober et Unter-Laichling, qui, au nord, dominent Eckmühl, le IIIe corps prenant position sur la route de Ratisbonne. Davout positionne alors ses troupes en conséquence : Friant devant Rosenberg, Saint-Hilaire et les Bavarois plus à droite, dans la plaine traversée par la rivière. Pendant plusieurs heures, on assiste à un terrible combat d’artillerie, sans résultat tangible, car, des deux cotés, on n’est pas décidé à se lancer dans une bataille, les Autrichiens sans doute par manque d’initiative [xxxii], les Français parce qu’ils ont la certitude d’avoir devant eux des forces trop importantes [xxxiii], et qu’il faut maintenant attendre les ordres de l’Empereur. A la nuit, les deux armées bivouaquent l’une en face de l’autre, dans les positions qu’elles occupent. A 19 heures et 23 heures, Davout informe l’empereur des événements qui viennent de se dérouler et de la situation.

La journée du 21 avril, y compris la prise de Landshut, a coûté aux Alliés, environ 1.700 hommes mis hors de combat, aux Autrichiens près de 10.000.

Désormais, Napoléon a une certitude : l’ennemi qu’il a défait à Landshut, sans grosses pertes, et en lui prenant un butin considérable, n’avait là pas plus de 12 à 15.000 hommes. Mais il reste toujours dans l’ignorance de savoir où il pourrait, enfin, trouver le gros de l’armée autrichienne [xxxiv].

Pourtant, il a reçu, de Davout, une nouvelle qui devrait le faire douter d’une retraite généralisée de l’armée autrichienne vers l’Isar et l’Inn [xxxv]. Le maréchal l’a en effet informé de combats vers Eckmühl (probablement l’engagement préliminaire avec les troupes de couverture des IIIe et IVe corps autrichiens). Si la nouvelle l’a réjouit, la position sérieuse dans laquelle se trouve son lieutenant ne l’a pas intrigué. Sans doute pense-t-il que Davout, avec les divisions Boudet et Tharreau (celle-ci a été arrêtée dans sa marche sur Landshut) est assez fort, même s’il lui donne la possibilité d’amener à lui, s’il en a besoin, la 1e division bavaroise, qui venait d’être renvoyée sur Rottenburg[xxxvi].

Napoléon envoie des reconnaissances sur la route de Ratisbonne (Montesquiou, avec un escadron de chevau-légers bavarois) et de Straubing (là c’est un officier bavarois qui est chargé de la reconnaissance). Elles informent le quartier général que, du coté d’Essenbach, se trouvent des troupes autrichiennes. Saint-Sulpice reçoit l’ordre de les repousser, et d’envoyer des patrouilles jusqu’à Ergoldsbach, ce qui mettra l’armée à Landshut à l’abri des mauvaises surprises. Les cuirassiers de ce dernier sont à Essenbach le soir, où les rejoignent, dans la nuit, les bataillons légers et un régiment de cavalerie wurtembergeois. En compagnie des chevau-légers bavarois, et sous le commandement du général Clément, toute cette troupe est envoyée sur Ergoldsbach.

Le gros de l’armée sous les ordres de Napoléon, campe dans et autour de Landshut[xxxvii], où celui-ci passe la nuit dans la Résidence. Les Wurtembergeois bivouaquent à Altdorf.  La division Morand, rappelée, prend place sur la route de Ratisbonne, la division Gudin à Ergolding. Les quatre régiments Nansouty et les brigades légères Jacquinot occupent les faubourgs de Landshut. Sur la rive droite de l’Isar, près de la ville, se trouvent les troupes de Masséna : dragons badois, 14e chasseurs à cheval, les divisions Claparède et Carra Saint-Cyr (celle-ci arrive entre 17 et 18 h.). Legrand et Espagne sont alors à Hofham et Kronwinkl, Molitor toujours à Moosburg.


 

NOTES

[i] Napoléon à Davout. 21 avril, 5 heures du matin. Correspondance, 15100.

[ii] Krieg 1809, volume I ; Angeli, volume IV; Saski, volume II

[iii] FZM Johann Nepomuk Kolowrat-Krakowsky (1748 – 1816). On trouve aussi l’orthographe Kollowrath.

[iv] Il ne croit pas si bien dire : Davout va en effet se retrouver une nouvelle fois devant le gros des forces autrichiennes, pendant que Napoléon n’aura à combattre qu’une fraction de cette armée. Il aurait pu écrire un nouveau Auerstaedt…

[v] Souligné par nous. Ceci montre encore combien Napoléon ignore encore la véritable situation.

[vi] Correspondance, 15100

[vii] Berthier à Lefebvre, Saki, volume 2, p. 302.

[viii] Cette obstination laisse certains historiens perplexes, compte tenu de l’importance des forces qu’il envoie par ailleurs pour renforcer Davout.

[ix] La cavalerie est sous les ordres de Bessières, qui vient d’arriver de Paris.

[x] Et où Deroy avait mené les premiers engagements de la campagne, le 16 avril.

[xi] Mémoires de Masséna, volume 6, p. 157.

[xii] Des éléments du régiment Benjowsky sont faits prisonniers.

[xiii] Georges Mouton (1770 – 1838)

[xiv] L’épisode a fait l’objet de nombreuses représentations picturales, dont la plus célèbre est celle du peintre Louis Hersent, commandée par Napoléon.

[xv] Mémoires de Masséna, volume 6, p. 157.

[xvi] Rapport du général Morand, du 21 avril.

[xvii] Mémoires de Marbot, volume 2, p.116. Mais le tableau ne fut terminé qu’en 1810 !

[xviii] Le 1er bataillon du IR 14 Klebek, commandé par le colonel Eberl, par sa résistance acharnée, permet aux Autrichiens de sauver une grande quantité de matériel d’artillerie.

[xix] Mémoires de Savary, volume  4, p. 81.

[xx] Napoléon est resté durant tout le temps de la prise de Landshut sur la rive gauche de l’Isar.

[xxi] Rapport de Marulaz. Saski, volume 2, p. 326

[xxii] Une compagnie de Frontaliers n° 6 Saint-Georges, un demi escadron de hussards n° 7 Liechtenstein. (Krieg 1809, volume 1, p. 484)

[xxiii] Prenant là un retard qui va être lourd de conséquence pour la suite des évènements.

[xxiv] Son attitude à cet instant laisse encore les historiens perplexes.

[xxv] Rapport de Masséna, dans lequel il se donne, on le voit, un assez beau rôle ! Saski, volume 2, p. 328.

[xxvi] De la division Morand. Ce régiment subira les pertes les plus importantes de la division : 14 morts et 65 blessés

[xxvii] Saski, volume 2, p. 295.

[xxviii] Formé aujourd’hui des trois localités de Ober, Mitter et Unterschneidhart

[xxix] Berthezène. Souvenirs Militaires. Cité par Saski, volume 2, p. 305.

[xxx] Friant a un cheval tué sous lui.

[xxxi] Il s’agit du pont de Leyerndorf (aujourd’hui Ober et Unterleierndorf), que Vukassovich avait fait détruire.

[xxxii] L’archiduc Charles, qui est arrivé à Obersanding à la tête de son régiment, ne réalise pas qu’il n’a devant lui que les troupes de Davout, négligeant ainsi une occasion de remporter ici une bataille qui aurait pu influencer la suite des opérations.

[xxxiii] Davout manque également fortement de munitions, car son parc n’a quitté Vohburg qu’à dix heures le matin. Retardé par l’encombrement des routes, celui-ci arrivera cependant à Langquaid dans la nuit du 22, à temps pour la bataille du lendemain, à Eckmühl.

[xxxiv] L’archiduc Louis et Hiller, mieux informés de ce qui se passait au nord, auraient pu venir renforcer l’archiduc Charles, et éviter d’être repoussés de Landshut.

[xxxv] D’après Thiers, Napoléon n’a pas pu ne pas entendre la canonnade, « des plus retentissantes, quoiqu’on fut à huit ou neuf lieues de Landshut ». Thiers, volume 10, p.  153.

[xxxvi] Le Prince royal et Oudinot reçoivent de Berthier l’instruction de soutenir Davout.

[xxxvii] C’est le régiment de fusilier Neubronn qui forme la garnison de la ville, dont le général Grandjean est nommé commandant militaire.