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1813 – Quinzième Bulletin de la Grande Armée

, 15 juin 1813.

Le baron de Kaas, ministre de l’intérieur de Danemark, et envoyé avec des lettres du roi, a été présenté à l’empereur.

Après les affaires de Copenhague, un traité d’alliance fut conclu entre la France et le Danemark: par ce traité, l’empereur garantissait l’intégrité du Danemark.

Dans le courant de 1811, la cour de Suède fit connaître à Paris le désir qu’elle avait de réunir la Norvège à la Suède, et demanda l’assistance de la France. L’on répondit que, quelque désir qu’eût la France de faire une chose agréable à la Suède, un traité d’alliance ayant été conclu avec le Danemark, et garantissant l’intégrité de cette puissance, S. M. ne pouvait jamais donner son consentement au démembrement du territoire de son allié.

Dès ce moment, la Suède s’éloigna de la France, et entra en négociation avec ses ennemis.

Depuis, la guerre devint imminente entre la France et la Russie. La cour de Suède proposa de faire cause commune avec la France, mais en renouvelant sa proposition relative à la Norvège. C’est en vain que la Suède fit entrevoir que des ports de Norvège une descente en Écosse était facile; c’est en vain que l’on fit valoir toutes les garanties que l’ancienne alliance de la Suède donnerait à la France de la conduite qu’on tiendrait avec l’Angleterre. La conduite du cabinet des Tuileries fut la même: on avait les mains liées par le traité avec le Danemark.

Dès ce moment, la Suède ne garda plus de mesures; elle contracta une alliance avec l’Angleterre et la Russie; et la première stipulation de ce traité fut l’engagement commun de contraindre le Danemark à céder la Norvège à la Suède.

Les batailles de Smolensk et de la Moskwa enchaînèrent l’activité de la Suède; elle reçut quelques subsides, fit quelques préparatifs, mais ne commença aucune hostilité. Les évènements de l’hiver de 1812 arrivèrent, les troupes françaises évacuèrent Hambourg. La situation du Danemark devint périlleuse; en guerre avec l’Angleterre, menacée par la Suède et par la Russie, la France paraissait impuissante pour le soutenir. Le roi de Danemark, avec cette loyauté qui le caractérise, s’adressa à l’empereur pour sortir de cette situation. L’empereur, qui veut que sa politique ne soit jamais à charge à ses alliés, répondit que le Danemark était maître de traiter avec l’Angleterre pour sauver l’intégrité de son territoire, et que son estime et son amitié pour le roi ne recevraient aucun refroidissement des nouvelles liaisons que la force des circonstances obligeait le Danemark à contracter. Le roi témoigna toute sa reconnaissance de ce procédé.

Quatre équipages de très-bons matelots avaient été fournis par le Danemark, et montaient quatre vaisseaux de notre flotte de l’Escaut. Le roi de Danemark ayant témoigné, sur ces entrefaites, le désir que ces marins lui fussent rendus, l’empereur les lui renvoya avec la plus scrupuleuse exactitude, en témoignant aux officiers et aux matelots la satisfaction qu’il avait de leurs bons services.

Cependant les évènements marchaient.

Les alliés pensaient que le rêve de Burke était réalisé. L’empire français, dans leur imagination, était déjà effacé du globe, et il faut que cette idée ait prédominé à un étrange point, puisqu’ils offraient au Danemark, en indemnité de la Norvège, nos départements de la trente-deuxième division militaire, et même toute la Hollande, afin de recomposer dans le Nord une puissance maritime qui fît système avec la Russie.

Le roi de Danemark, loin de se laisser surprendre à ces appâts trompeurs, leur dit: «Vous voulez donc me donner des colonies en Europe, et cela au détriment de la France ?»

Dans l’impossibilité de faire partager au roi de Danemark une idée aussi folle, le prince Dolgorouki fut envoyé à Copenhague pour demander qu’on fit cause commune avec les alliés, et moyennant ce, les alliés garantissaient l’intégrité du Danemark et même de la Norvège.

L’urgence des circonstances, les dangers imminents que courait le Danemark, l’éloignement des armées françaises, son propre salut firent fléchir la politique du Danemark. Le roi consentit, moyennant la garantie de l’intégrité de ses états, à couvrir Hambourg, et à tenir cette ville à l’abri même des armées françaises, pendant toute la guerre. Il comprit tout ce que cette stipulation pouvait avoir de désagréable pour l’empereur; il y fit toutes les modifications de rédaction qu’il était possible d’y faire, et même ne la signa qu’en cédant aux instances de tous ceux dont il était entouré, qui lui représentaient la nécessité de sauver ses états; mais il était loin dépenser que c’était un piège qu’on venait là de lui tendre. On voulait le mettre ainsi en guerre avec la France, et après lui avoir fait perdre de cette façon son appui naturel dans cette circonstance, on voulait lui manquer de parole; et l’obliger de souscrire à toutes les conditions honteuses qu’on voudrait lui imposer.

M. de Bernstorff se rendit à Londres; il croyait y être reçu avec empressement et n’avoir plus qu’à renouveler le traité consenti avec le prince Dolgorouki: mais quel fut son étonnement, lorsque le prince régent refusa de recevoir la lettre du roi, et que lord Castlereagh lui fit connaître qu’il ne pouvait y avoir de traité entre le Danemark et l’Angleterre, si, au préalable, la Norvège n’était cédée à la Suède. Peu de jours après, le comte de Bernstorff reçut ordre de retourner en Danemark.

Au même moment, on tint le même langage au comte de Moltke, envoyé de Danemark auprès de l’empereur Alexandre. Le prince Dolgorouki fut désavoué comme ayant dépassé ses pouvoirs, et pendant ce temps les Danois faisaient leur notification à l’armée française, et quelques hostilités avaient lieu!

C’est en vain qu’on ouvrirait les annales des nations pour y voir une politique plus immorale. C’est au moment que le Danemark se trouve ainsi engagé dans un état de guerre avec la France, que le traité auquel il croit se conformer est à la fois désavoué à Londres et en Russie, et qu’on profite de l’embarras où cette puissance est placée, pour lui présenter comme ultimatum, un traité qui l’engageait à reconnaître la cession de la Norvège!

Dans ces circonstances difficiles le roi montra la plus grande confiance dans l’empereur; il déclara le traité nul. Il rappela ses troupes de Hambourg, Il ordonna que son armée marcherait avec l’armée française, et enfin il déclara qu’il se considérait toujours comme allié de la France, et qu’il s’en reposait sur la magnanimité de l’empereur.

Le président de Kaas fut envoyé au quartier-général français avec des lettres du roi.

En même temps le roi fit partir pour la Norvège le prince héréditaire de Danemark, jeune prince de la plus grande espérance, et particulièrement aimé des Norvégiens. Il partit déguisé en matelot, se jeta dans une barque de pêcheur et arriva en Norvège le 22 mai.

Le 30 mai les troupes françaises entrèrent à Hambourg, et une division danoise, qui marchait avec nos troupes, entra à Lubeck.

Le baron de Kaas se trouvant à Altona, eut à essuyer une autre scène de perfidie égale à la première.

Les envoyés des alliés vinrent à son logement et lui firent connaître que l’on renonçait à la cession de la Norvège, et que sous la condition que le Danemark fit cause commune avec les alliés, il n’en serait plus question; qu’ils le conjuraient de retarder son départ. La réponse de M. de Kaas fut simple: «J’ai mes ordres, je dois les exécuter.» On lui dit que les armées françaises étaient défaites; cela ne l’ébranla pas davantage, et il continua sa route.

Cependant, le 31 mai une flotte anglaise parut dans la rade de Copenhague; un des vaisseaux de guerre mouilla devant la ville, et M. Thornton se présenta. Il fit connaître que les alliés allaient commencer les hostilités, si, dans quarante-huit heures, le Danemark ne souscrivait à un traité, dont les principales conditions étaient de céder la Norvège à la Suède, en remettant sur-le-champ en dépôt la province de Trondheim, et de fournir vingt-cinq mille hommes pour marcher avec les alliés contre la France, et conquérir les indemnités qui devaient être la part du Danemark. On déclarait en même temps que les ouvertures faites à M. de Kaas, à son passage à Altona, étaient désavouées et ne pouvaient être considérées que comme des pourparlers militaires. Le roi rejeta avec indignation cette injurieuse sommation.

Cependant le prince royal arrivé en Norvège, y avait publié la proclamation suivante:

«Norvégiens!

«Votre roi connaît et apprécié votre fidélité inébranlable pour lui et la dynastie des rois de Norvège et de Danemark, qui, depuis des siècles, règne sur vos pères et sur vous. Son désir paternel est de resserrer encore davantage le lien indissoluble de l’amitié fraternelle et de l’union qui lie les peuples des deux royaumes. Le cœur de Frédéric VI est toujours avec vous, mais ses soins pour toutes les branches de l’administration de l’état le privent de se voir entouré de son peuple norvégien. C’est pour cela qu’il m’envoie près de vous, comme gouverneur, pour exécuter ses volontés comme s’il était présent; ses ordres seront mes lois. Mes efforts seront de gagner votre confiance. Votre estime et votre amitié seront ma récompense. Peut-être que des épreuves plus dures nous menacent … Mais ayant confiance dans la Providence, j’irai sans crainte au-devant d’elles, et avec votre aide, fidèles Norvégiens; je vaincrai tous les obstacles. Je sais que je puis compter sur votre fidélité pour le roi, que vous voulez conserver l’ancienne indépendance de la Norvège, et que la devise qui nous réunit est: Pour Dieu, le roi et la patrie !

Signé CHRISTIAN-FRÉDÉRIC.

La confiance que le roi de Danemark a eue dans l’empereur se trouve entièrement justifiée, et tous les liens entre les deux peuples ont été rétablis et resserrés.

L’armée française est à Hambourg: une division danoise en suit les mouvements, pour la soutenir. Les Anglais ne retirent de leur politique que honte et confusion; les vœux de tous les gens de bien accompagnent le prince héréditaire de Danemark en Norvège. Ce qui rend critique la position de la Norvège, c’est le manque de subsistances; mais la Norvège restera danoise; l’intégrité du Danemark est garantie par la France.

Le bombardement de Copenhague, pendant qu’un ministre anglais était encore auprès du roi, l’incendie de cette capitale et de la flotte sans déclaration de guerre, sans aucune hostilité préalable, paraissaient devoir être la scène la plus odieuse de l’histoire moderne; mais la politique tortueuse qui porte les Anglais à demander la cession d’une province, heureuse depuis tant d’années sous le sceptre de la maison de Holstein, et la série d’intrigues dans laquelle ils descendent pour arriver à cet odieux résultat, seront considérées comme plus immorales et plus outrageantes encore que l’incendie de Copenhague. Ou y reconnaîtra la politique dont les maisons de Timor et de Sicile ont été victimes, et qui les a dépouillées de leurs états. Les Anglais se sont accoutumés dans l’Inde à n’être jamais arrêtés par aucune idée de justice. Ils suivent cette politique en Europe.

Il paraît que dans tous les pourparlers que les alliés ont eus avec l’Angleterre, les puissances les plus ennemies de la France ont été soulevées par l’exagération des prétentions du gouvernement anglais. Les bases même de la paix de Lunéville, les Anglais les déclaraient inadmissibles comme trop favorables à la France. Les insensés! ils se trompent de latitude, et prennent les Français pour des Hindous!