1805 – CINQUIÈME BULLETIN DE LA GRANDE ARMÈE
CINQUIÈME BULLETIN [1]
Augsbourg, le 20 vendémiaire an 14,
(12 octobre 1805.)
Le maréchal Soult s’est porté avec son corps d’armée à Landsberg, & par là a coupé une des grandes communications de l’ennemi ; il y est arrivé le 19, à quatre heures après-midi, & y a rencontré le régiment de cuirassiers du prince Ferdinand, qui, avec six pièces de canon, se rendait à marches forcées à Ulm. Le maréchal Soult l’a fait charger par le 26e régiment de chasseurs ; il s’est trouvé déconcerté à un tel point, & le 26e. de chasseurs était animé d’une telle ardeur, que les cuirassiers ont pris la fuite dans la charge, & ont laissé 120 soldats prisonniers, un lieutenant-colonel, 2 capitaines & 2 pièces de canon. Le maréchal Soult, qui avait pensé qu’ils continueraient leur route sur Memmingen, avait envoyé plusieurs régiments pour les couper ; mais ils s’étaient retirés dans les bois, où ils se sont ralliés pour se réfugier dans le Tyrol.
Vingt pièces de canon & les équipages de pontons de l’ennemi étaient passés dans la journée du 18 par Landsberg. Le maréchal Soult a mis à leur poursuite le général Sébastiani[2] avec une brigade de dragons. On espère qu’il sera parvenu à les atteindre.
Le 20, le maréchal Soult s’est dirigé sur Memmingen, où il arrivera le 21 à la pointe du jour.
Le maréchal Bernadotte a marché toute la journée du 19, & a porté son avant-garde jusqu’à deux lieues de Munich[3]. Les bagages de plusieurs généraux autrichiens sont tombés au pouvoir de ses troupes légères. Il a fait une centaine de prisonniers de différents régiments.
Le maréchal Davoust s’est porté à Dachau[4]. Son avant-garde est arrivée à Moisach[5] ; les hussards de Blankenstein[6] ont été mis en désordre par ses chasseurs, & dans différents engagements, il a fait une soixantaine d’hommes à cheval prisonniers.
Le prince Murat, avec la réserve de cavalerie & les corps des maréchaux Ney & Lannes, s’est placé vis-à-vis de l’armée ennemie dont la gauche occupe Ulm, & la droite Memmingen.
Le maréchal Ney est à cheval sur le Danube, vis-à-vis Ulm.
Le maréchal Lannes est à Weissenhorn[7].
Le général Marmont se met en marche forcée, pour prendre position sur la hauteur d’Illersheim[8] ; & le maréchal Soult déborde de Memmingen la droite de l’ennemi.
La garde impériale est partie d’Augsbourg pour se rendre à Burgau, où l’Empereur sera probablement cette nuit.
Une affaire décisive va avoir lieu. L’armée autrichienne a presque toutes ses communications coupées. Elle se trouve à-peu-près dans la même position que l’armée de Mélas[9] à Marengo.
L’Empereur était sur le pont du Lech, lorsque le corps d’armée du général Marmont a défilé. Il a fait former en cercle chaque régiment, leur a parlé de la situation de l’ennemi, de l’imminence d’une grande bataille, & de la confiance qu’il avait en eux. Cette harangue avait lieu pendant un temps affreux. Il tombait une neige abondante, & la troupe avait de la boue jusqu’aux genoux & éprouvait un froid assez vif ; mais les paroles de l’Empereur étaient de flammes : en l’écoutant, le soldat oubliait ses fatigues & ses privations, & était impatient de voir arriver l’heure du combat.
Le maréchal Bernadotte est arrivé à Munich le 20 à six heures du matin ; il a fait 800 prisonniers, & s’est mis à la poursuite de l’ennemi. Le prince Ferdinand se trouvait à Munich. Il paraît que ce prince avait abandonné son armée de l’Iller.
Jamais plus d’événements ne se décideront en moins de temps, Avant quinze jours, les destins de la campagne & des armées autrichiennes & russes seront fixés.
NOTES
[1] In : Mémorial administratif du département de l’Ourte, n° 293 du 30 vendémiaire an XIV (22.10.1805), p. 94-96. Liège : J.F. Desoer, 1806. (Mémorial administratif du département de l’Ourte ; IX).
[2] Horace François Bastien Sébastiani della Porta (1772-1851), général (1803), comte de l’Empire (1809), député (1815 ; 1819-1824 ; 1826-1848), ministre de la Marine (1830), ministre des Affaires étrangères (1830-1832), ministre sans portefeuille (1833-1834), vicomte (1830), maréchal de France (1840).
[3] München, capitale de la Bavière, sur l’Isar.
[4] Ville au nord-ouest de Munich, devenue tristement célèbre depuis (siège du premier et de l’un des camps les plus importants du système concentrationnaire nazi).
[5] Maisach, petite cité à l’ouest de Munich et au nord de Fürstenfeldbruck.
[6] 6e régiment autrichien de hussards.
[7] Ville à quelques kilomètres au sud-est d’Ulm.
[8] Illertissen, ville sur l’Iller, au sud-ouest de Weißenhorn.
[9] Michael Friedrich Benedikt, Freiherr von Melas (1735-1806), général autrichien battu par Napoléon à Marengo, le 14 juin 1800.