Shubert – Mai 1813
1 et 2. Tranquillité parfaite. Le roi de Saxe était retourné à Dresde, avait fait une nouvelle alliance, et rendu Torgau. Le général Tielemann qui y avait été commandant, avait fuit, et fait lieutenant-général à notre service.
3. L’ennemi repousse Miloradovich jusque Bautzen ; notre cavalerie fait deux belles charges sur l’infanterie ; Emmanuel qui est à Neukirchen fait 500 prisonniers. L’avant-garde de Barclay arrive à Hoyerswerda. Le corps de Kleist se joint à l’armée. L’après-dîner l’ennemi quoique étant à la portée de canon, se tient assez tranquille, probablement parce que il voit toute notre armée rangée en bataille ; on disait qu’il n’y avait contre nous que Macdonald et Marmont. On reçoit la nouvelle qu’à Peterswalde il y a eu un engagement entre les Autrichiens et les Français. Stadion est attendu au quartier général.
4 et 5. L’ennemi se tient parfaitement tranquille ; nos troupes occupent la ville et la rive droite de la Spree ; l’ennemi est à l’autre côté.
6. L’armée de Barclay se joint à nous ; on la place à l’aile droite est par la notre ligne devient encore plus étendue qu’elle ne l’était.
On reçoit la nouvelle que Lauriston et Sebastiani, qui du commencement de la campagne avaient eu leur destination sur Magdebourg, ont rebroussé chemin, et marchent par le chemin de Hoyerswerda sur notre flanc droit ; le général Barclay marche à leur rencontre.
7. Barclay rencontre l’ennemi près de Königswarta vers midi ; l’affaire est très chaude ; on lui envoie pour le secourir, les Grenadiers et le corps de Kleist. L’ennemi est repousse, et se joint à l’armée devant Bautzen ; on prend 10 canons, 1,000 prisonniers et 2 généraux.
8. Barclay avec ses troupes retourne à l’armée. À 2 heures l’ennemi nous attaque, occupe la ville, repousse Miloradovich jusqu’à la position, et se rend maître des montagnes à gauche, que l’on ne reprend que bien tard au soir après un combat très vif.
9. Vers 7 heures l’attaque commence sur notre flanc gauche ; la montagne est prise et reprise plusieurs fois, et nous en restons les maîtres. Vers 11 heures Napoléon attaque notre flanc droit ; Barclay est un peu pressé, mais se remet ; alors il se jette sur Blücher, et vers les 5 heures du soir, il parvient à le forcer ; alors on donne ordre pour la retraite, qui se fait en plein jour avec le plus grand ordre et sans rien perdre. Pendant ce temps, 8,000 hommes de troupes fraîches bavaroises ont attaqué encore une fois la gauche, et pris avec une vivacité extraordinaire toutes les hauteurs ; mais bientôt ils furent repoussés encore une fois, et les nôtres se maîtrisèrent sur les montagnes jusqu’au soir. À 6 heures le notre commença sa retraite, qui fut couverte par notre cavalerie, nos avant-postes restent auprès du champ de bataille, et nous amenons avec nous un canon, pris par la cavalerie. Hochkirch brûle pendant la nuit, et nous couchons à Plötgau.
10. De grand matin nous allons à Loebau, où nous restons jusque vers les 9 heures. Alors nous recevons la nouvelle que l’autre colonne de l’armée qui marchait par Glogau, était fort pressée par l’ennemi, et l’avait déjà passé ; il fallait donc s’en aller. Sur les hauteurs entre Schöps et Reichenbach, nous trouvons le général Raefsky engage avec des forces supérieures, mais maintenant sa place pour couvrir notre retraite. Nous prenons position derrière la ville ; une canonnade très vive commence ; la cavalerie ennemie passe entre Ölisch et la ville, et tournant l’aile gauche de notre infanterie, attaque la nôtre, qui par l’imprévu de l’attaque est mise en désordre, mais bientôt se rallie et la chasse à son tour. Pourtant nous sommes obligés peu après d’abandonner cette position, mais nous gardons celle près de Landskrone. Duroc est tué d’un éclat d’obus, à côté de Napoléon, au moment où celui-ci tenait un discours aux Saxons sortir de Torgau, pour les faire avancer.
11. Après avoir couché à Gorlitz, nous prenons position devant Leopoldschayn ; Blücher couvre le chemin de Bunzlau. À 2 heures nous sommes attaqués, mais défendant bien le défilé depuis Leololdschasyn [sic !] jusque Trotschendorf nous gardons la position de Lichtenberg pour la nuit ; nous-mêmes couchons à Schreibersdorf.
12. L’ennemi tournant notre arrière-garde des deux côtés, elle est obligée de se replier, et de prendre la position derrière Lauban ; d’après la nouvelle расписание [disposition] Korff n’avait rien à commander, et nous allons par conséquence coucher à Löwenberg.
13. Notre arrière-garde se retire vers le soir vers la ville et nous allons coucher à Pilgramsdorf. Le comte Pahlen qui la commandait est blessé légèrement.
14. Nous allons coucher à Goldberg. Les Prussiens ont un avantage sur l’ennemi ; prennent 18 cannons, et dispersent une division entière ; le maréchal Davout a la jambe emportée.
15. Nous marchons jusque Jauer.
16. Nous marchons à Striegau ; l’après-dîner je vais à Schweidnitz pour voir le général Barclay et reviens dans la nuit.
17. Nous allons à Jauernick ; moi je vais encore une fois à Schweidnitz.
18. Je vais encore une fois à Schweidnitz avec le général Korff.
19. L’armée prend un camp derrière Schweidnitz. L’arrière-garde reste près de Jauer. Le matin je vais à Schweidnitz; vers le soir nous y allons tous.
20. Vers le soir l’ennemi occupe Breslau. On commence à parler de négociations. Les Prussiens déclarent qu’ils ne passeront pas l’Oder.
21. Schuvaloff va chez Napoléon ; on fait une trêve pour 36 heures.
22. L’armée se retire jusque Gr. Wilkau. Peu après on signe un armistice pour 6 semaines, des conditions peu favorables pour nous. Les troupes par conséquence entrent en quartiers de cantonnement. Nous restons à Schweidnitz. On donne à Korff la 2me division de cuirassiers.
Notes
[4] Johann Adolf Tielemann, major général de l’armée saxonne et commandant, en 1812, une brigade du 4e corps de cavalerie. Après être entré au service de la Russie, il commande le corps franc et il se distinguera durant la campagne de 1813.
[5] Shubert fait référence au combat de Gödau, le 15 mai, où Fedor Uvarov et Dmitry Uzefovich attaquèrent l’infanterie de Macdonald.
[6] Durant la campagne en saxe, George Emmanuel prend part aux siéges de Modlin, Goglau, puis commande un détachement autour de Zwenkau. Il fut l’un des premiers commandants alliés à franchir l’Elbe, et il participa à de petites affaires avant la bataille de Bautzen, où il se distingue contre Macdonald. Pendant l’armistice de l’été 1813, il sert sur la frontière de Bohême. En récompense de sa tenue durant le printemps 1813, il reçoit l’Ordre de Sainte-Anne (1e classe) et l’Ordre prussien de l’Aigle rouge (2e classe)
[7] En 1813, Friedrich Kleist von Nollendorf commande le 2e corps d’armée prussien.
[8] En 1813, Marmont commande le VIe corps.
[9] Johann Karl Stadion, l’un des meilleurs hommes d’état autrichiens de l’époque, En 1813, il est envoyé autrichien auprès du quartier général allié.
[10] Horace François Sebastiani commande le 2e corps de cavalerie.
[11] Shubert fait référence à la division Raglovitz de la division bavaroise du XIIe corps, sous les ordres de Davout.
[12] Le général Nikolay Rayevsky commande le corps de grenadiers.
[13] Geraud-Christophe-Michel Duroc, l’un des plus proches amis de Napoléon
[14] Shubert fait référence au comte Peter Petrovich Pahlen II.
[15] Cette nouvelle n’était bien sûr qu’une rumeur
[16]Après la défaite de Bautzen, les Alliés ont besoin de temps pour se regrouper. Un contemporain écrit :Nous ne pouvions pas refuser l’armistice. Après la bataille de Bautzen, le chaos régnait dans l’armée. Ayant changé de commandant en chef, il nous faut lui donner du temps pour réorganiser l’armée » (Sherbini, inn 1812 god… Voennie dnevniki (Moscow, 1990), 275.
[17] Shubert fait ici référence à l’armistice de Pleiswitz, entre la Russie, la Prusse et la France. Bien qu’il le déclare « défavorable », cette armistice fut une grosse bévue de Napoléon, puisqu’il permit aux Alliés de se regrouper et d’attirer l’Autriche dans leurs rangs. Il faut cependant noter que Napoléon lui-même avait un grand besoin de temps pour réorganiser ses propres forces, après la désastreuse campagne de Russie.