Karl von Vincent (1757-1834)
Karl Vincent naît à Florence, en 1757. Il descend d’une vieille famille de Lorraine. Il entre, le 17 avril 1773, dans l’armée impériale, dans le régiment de dragons n°7 Latour. Le 15 juin 1778, il est promu ober-lieutenant, puis, en 1787, capitaine (Rittmeister). Durant la campagne contre les insurgés hollandais, en 1788, il se distingue de si belle façon qu’il reçoit la Croix de Chevalier de l’Ordre de Marie-Thérèse, le 19 décembre 1790.
A partir de 1792, Vincent participe aux campagnes contre la France. Il est promu Major le 8 mai 1794 et aide-de-camp du quartier-maître général prince von Waldeck, puis du FZM Clerfayt. L’année suivante, c’est sous les ordres du GK Wurmser qu’il sert. Il se distingue le 29 octobre 1795, devant Mannheim.
Vincent suit ensuite Wurmser en Italie, qui remplace Beaulieu. En août 1796, c’est lui que le général en chef envoie apporter la nouvelle de la prise de Mantoue à la cour de Vienne. L’empereur François le nomme colonel et le garde comme général adjudant auprès de lui. En 1798, il est nommé membre d’une commission chargée d’établir un nouveau règlement de l’armée. En septembre de la même année, il est envoyé auprès de l’armée russe, pour régler son passage sur les territoires impériaux.
Promu le 28 octobre 1800, il est affecté, comme second colonel, aux dragons de Savoie. L’année suivante il est premier colonel et commandant du 13e régiment de dragons (alors 10e Uhlans). Il est promu Generalmajor et reçoit le commandement d’une brigade à Vicenza.
Lorsque la campagne de 1805 commence, il est dans l’armée d’Italie. Après Caldiero (30 octobre 1805), il commande, pendant la retraite de l’armée autrichienne, l’arrière-garde. Il s’agit alors d’essayer de faire se joindre les armées de l’Archiduc Charles, alors en Italie, et celle de l’Archiduc Jean, qui lui se trouve dans le Tyrol. Il s’acquitte de cette tâche de façon remarquable. Le 15 novembre, il atteint, avec l’arrière-garde, l’Isonzo, et y prend position pour assurer au gros de l’armée autrichienne une avance suffisante sur les Français. Le 16 novembre 1805, et les jours suivants, il tient tête avec brio aux Français [i], qui, finalement, arrêteront la poursuite. En récompense, Vincent est nommé « Propriétaire » (Inhaber) du 7e régiment de dragons (dans lequel il avait commencé, 27 ans plus tôt, sa carrière), et, en avril 1806, Commandeur dans l’Ordre de Marie-Thérèse[ii].
Cette année 1806 marque un tournant dans la carrière de Vincent : s’il a, par le passé, déjà effectué quelques missions diplomatiques, c’est dans ce domaine qu’il va, dans les années qui suivent, être essentiellement employé.
Alors qu'il est encore à Paris, Vincent écrit au sujet de Talleyrand :"Tous les ministres étrangers s'empressent également chez lui et lui font une cour assidue car les choses sont montées ici à une telle hauteur que le ministre participe aux hommages que, de toutes parts et de toutes manières, on offre à un maître que la fortune et les circonstances ont porté à un point de puissance aussi considérable qu'étonnant (...) L'accès dans le cabinet de M. de Talleyrand est presque impossible; un mot d'attention accordé au moment d'une rencontre fortuite est un évènement heureux et la moindre prévenance en société est remarquée et considérée comme un faveur." (Lettre à Stadion, 3 avril 1806. Cité par de Waresquiel, Talleyrand) |
Après la paix de Presbourg, c’est Napoléon qui prend l’initiative de rétablir les relations diplomatiques avec l’Autriche. Il nomme, à cette effet, La Rochefoucauld (qui l’a, jusqu’au déclenchement des hostilités en octobre 1805, représenté à Vienne) son ambassadeur. A Vienne, on hésite sur la personne à envoyer à Paris, devenu le centre politique de l’Europe. C’est Vincent que le ministre Stadion choisit, mais plus comme observateur que comme réel ambassadeur. Il réussit dans sa tâche avec brio, là où beaucoup d’autres auraient renoncé.
Vincent va être ensuite plusieurs fois envoyé, comme représentant de la monarchie autrichienne, auprès de Napoléon.
– En janvier 1807 d’abord, il représente son souverain à Varsovie, rencontre Talleyrand, souvent, Napoléon, moins, notamment le 9 janvier, qui lui laisse entendre d’une possible alliance avec l’Autriche
L'entrevue d'Erfurt eut lieu dans le cours des mois de septembre et d'octobre 1808 . Le général baron de Vincent y fut envoyé de Vienne sous le prétexte d'aller saluer les deux Empereurs; depuis la paix de 1805 jusqu'à mon arrivée, il avait rempli les fonctions d'ambassadeur à Paris. Son caractère franc et loyal, ainsi que la tournure de son esprit, lui avaient valu l'estime de Napoléon. L'Empereur François n'aurait pu choisir un homme plus capable de mener à bien cette mission délicate. (Mémoires de Metternich) |
– puis enfin, en septembre 1808, à Erfurt [iii] officiellement pour le saluer, officieusement surveiller ce qui se passe (l’Autriche n’a pas été invitée…). Les rencontres avec Talleyrand sont fréquentes.
Après la dernière entrevue avec Metternich avant son retour à Vienne, Vincent écrit : "Nous sommes enfin arrivés à une époque où des alliés semblent s'offrir à nous dans l'intérieur même de cet empire; ces alliés ne sont pas de vils intrigants; des hommes qui peuvent représenter la nation réclament notre appui; cet appui est notre cause elle-même, notre cause toute entière, celle de la postérité" (in Mémoires de Metternich) |
Le 13 octobre, Vincent peut informer sa cour que les sentiments du tsar sont moins guerriers qu’on ne le suppose à Vienne, et qu’au contraire, il attache beaucoup d’importance à des relations amicales avec la cour des Habsbourg. Et l’empereur Franz refusera de reconnaître la nomination de Joseph Bonaparte sur le trône d’Espagne, lorsque, au retour de Vincent à Vienne, il apprend de celui-ci que le tsar, non seulement a pris congé de Napoléon sans réel accord, mais qu’en plus il semble approuver les réarmements effectués par l’Autriche.
Nommé Feldmarschall-Lieutenant, il est, en 1809, à l’armée d’Allemagne et commande une division du VIe corps d’armée d’Hiller (brigades Provencheres – Volontaires Viennois et chevau-légers n° 3 O’Reilly / Brigade Nordmann – Régiment d’infanterie frontalier Warasdin-Saint-Georges, chevau-légers n° 8 Rosenberg et hussards n° 7 Liechtenstein). Il est à Rottenburg, Landshut (21 avril), Neumarkt (24 avril), Ebelsberg (3 mai) [iv], Linz (5 mai), ainsi qu’à Essling (21-22 mai) [v] et Wagram (5-6 juillet) [vi]. Ce sera son dernier combat, et il n’apparaîtra plus sur les champs de bataille.
En 1813, à la demande de Schwarzenberg, Vincent est envoyé comme plénipotentiaire autrichien auprès de l’armée du Nord, commandée par Bernadotte. En 1814, il est nommé Gouverneur général de la Belgique et de la Hollande, jusqu’à la réunion de ces deux pays.
En avril 1815, il est nommé, au quartier-général de Wellington durant la bataille de Waterloo [vii], comme plénipotentiaire de l’empereur François.
Après la fin des hostilités, Vincent continue d’être le représentant extraordinaire autrichien à la cour de Louis XVIII. En septembre 1818, il accompagne Metternich au Congrès d’Aix la Chapelle (qui règle la question de l’évacuation de la France par les troupes alliées), ainsi qu’à celui de Laibach (qui décide de l’intervention de l’Autriche dans le royaume de Naples). En 1821, le tsar ayant nommé Pozzo di Borgo, son représentant personnel, ambassadeur russe à Paris, Metternich recommande à l’empereur François d’en faire de même avec Vincent, qui est donc nommé ambassadeur le 6 mai 1821. Il reste à Paris jusqu’en 1825, avant de prendre sa retraite, après 50 années de service comme soldat et diplomate.. Il se retire en Lorraine, à Bioncourt.
Karl Vincent meurt à Bioncourt, en Lorraine, le 14 octobre 1834, à l’âge de 77 ans.
Sources
- Biographisches Lexikon des Kaisersthums Österreichs, vol. 51. Constant von Wurzbach. Wien. 1885
- Allgemiene Deutsche Biographie, vol 39, p. 732-734. 1875-1912.
NOTES
[i] Il y a là les divisions Molitor, Gardanne et Partonneaux, ainsi que les divisions de cavalerie Mermet et d’Espagne
[ii] Dans la même promotion que le prince Charles de Schwarzenberg
[iii] Napoléon souhaitait être fixé sur l’attitude que prendrait la Russie à l’égard de l’Autriche. L’empereur François avait envoyé Vincent à Erfurt porteur de lettres protestant des dispositions pacifiques de son maître. Alexandre, les ayant lu, essaye de persuader Napoléon qu’il n’a pas lieu de s’inquiéter. Ce à quoi l’empereur répond qu’il n’est pas dupe du jeu de l’empereur François, qui, dit-il, n’est pas venu lui-même à Erfurt car il aurait été plus difficile à un souverain qu’à un simple diplomate de « mentir en face ».
[iv]Il ne participe pas directement aux combats d’Ebelsberg, mais couvre, avec un régiment de cavalerie et deux d’infanterie, les ponts sur la Traun.
[v] La division Vincent fait partie de la 1e colonne (VIe corps d’armée) commandée par Hiller, qui attaque Aspern
[vi] Klenau remplace Hiller (qui s’est fait porter malade) à la tête du VIe corps, dont la 1e division est commandée par Vincent. C’est ce corps d’armée qui menace, le 6 juillet, l’arrière de l’armée française, vers Aspern et Essling, et sera finalement repoussé par Masséna
[vii] Il assiste à la bataille comme simple spectateur, mais, s’aventurant trop en avant, il sera cependant blessé.