Correspondance de Napoléon – Novembre 1803

Novembre 1803

 

Saint-Cloud, 1er novembre 1803

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Il serait important d’avoir auprès de Drake (Francis Drake, 1764-1821, diplomate britannique, spécialisé dans les actions subversives contre la France), à Munich, un agent secret qui tiendrait note de tous les Français qui se rendraient dans cette ville.

J’ai lu les rapports que vous m’avez envoyés, qui m’ont paru assez intéressants. Il ne faut pas se presser pour les arrestations; lorsque l’auteur aura donné tous les renseignements, on arrêtera un plan avec lui, et on verra ce qu’il y a à faire.

Je désire qu’il écrive à Drake, et que, pour lui donner confiance, il lui fasse connaître qu’en attendant que le grand coup puisse être porté, il croit pouvoir promettre de faire prendre sur la table même du Premier Consul, dans son cabinet secret, et écrites de sa propre main , des notes relatives à sa grande expédition, et tout autre papier important; que cet espoir est fondé sur un huissier du cabinet qui, ayant été membre des Jacobins, ayant aujourd’hui la garde du cabinet du Premier Consul, et honoré de sa confiance, se trouve cependant dans le comité secret; mais que l’on a besoin de deux choses : la première, promesse qu’on aura 100,000 livres sterling, si véritablement on (illisible)  et que l’on remette ces pièces de si grande importance écrites de la main même du Premier Consul; la seconde, qu’on enverra un agent français et du parti royaliste pour pouvoir fournir des moyens de se cacher audit huissier, qui nécessairement serait arrêté si jamais des pièces de cette importance disparaissent.

Si la police cherchait à le trouver chez les hommes du parti, il ne trouverait sûreté qu’en passant, de gîte en gîte, chez les hommes du parti opposé que la police ne pourrait jamais soupçonner.

Que, du reste, on copie la note des propositions de l’huissier, telle qu’il l’a faite.

On pourrait ajouter que le même huissier promet de communiquer au parti plusieurs notes qu’il pourra soustraire, mais qui probablement seront d’un intérêt médiocre, vu qu’il ne pourra les prendre que dans les cartons des minutes de ce qui est dicté à Meneval. On joindra à tout cela des détails; on aura soin de dire que le Premier Consul est, du reste, environné d’hommes dont il est sûr, et que cette circonstance seule peut rendre possible la surprise de ses secrets. Mais, comme il est facile de concevoir le mouvement que la police se donnera, cet individu, qui, du reste, est bien traité, ne se prêtera jamais s’il n’est sûr d’échapper.

Écrire à Drake ou à Londres, comme l’agent le jugerait. La condition serait d’avoir 100,000 livres sterling à Paris, ou de connaître les banquiers qui doivent payer, et enfin, les agents du parti royaliste et les maisons où l’on pourrait se réfugier pour gagner les pays étrangers.

Je désirerais qu’on fit cette question à l’agent : a-t-il vu en Angle terre et sur sa route ce même mouvement militaire qui existait en 1790 en France ? et qu’il comparât le mouvement qui se fait aujourd’hui en Angleterre à celui de 1790, et l’impression que tous les deux ont faite sur ce voyageur.

NOTE

Bonaparte n’écrit presque jamais; il dicte, tout en se promenant dans son cabinet, à un jeune homme de vingt ans appelé Meneval, qui est le seul individu non-seulement qui entre dans son cabinet, mais encore est le seul qui approche des trois pièces qui suivent et approchent le cabinet. Ce jeune homme a succédé à Bourrienne, que le Premier Consul connaissait depuis son enfance, mais qu’il a renvoyé pour s’être trouvé mêlé dans des affaires d’argent. Meneval n’est point de nature à ce qu’on puisse espérer rien de lui, et, d’ailleurs, il ne l’oserait, parce que le soupçon, au moindre dérangement qu’il y aurait dans le cabinet, tomberait d’abord sur lui. Mais les notes qui tiennent aux plus grands calculs, le Premier Consul ne les dicte pas, mais les écrit lui-même. Il a sur sa table un grand porte-feuille divisé en autant de compartiments que de ministères. Ce portefeuille, fait avec soin, est fermé par le Premier Consul même. C’est la seule clef qu’il garde, et, toutes les fois que le Premier Consul sort de son cabinet, Meneval est chargé de placer ce porte-feuille dans une armoire à coulisse, sous son bureau, et vissée au plancher. Ce portefeuille peut être enlevé; mais il n’y a point à se cacher; Meneval, ou l’huissier de cabinet qui seul allume le feu et approprie l’appartement, peut être seul soupçonné; il faudrait donc que l’huissier disparût. Dans ce portefeuille doit être tout ce que le Premier Consul a écrit depuis plusieurs années; car ce portefeuille est le seul qui voyage sans cesse avec lui et qui va sans cesse de Paris à la Malmaison et Saint-Cloud. Toutes les notes secrètes sur ses opérations militaires doivent s’y trouver; et, puisque l’on ne peut arriver à détruire son autorité qu’en confondant ses projets, on ne doute pas que la soustraction de ce portefeuille ne les confondît tous.

 

Saint-Cloud, 2 novembre 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je désire, Citoyen Ministre, que vous demandiez la suppression de la Gazette générale qui paraît à Ratisbonne. L’auteur de cette feuille, gagé par les Anglais, n’oublie aucune circonstance pour insulter à la République.

Je vous prie de recommander au citoyen Otto de tenir note des Français qui viendraient à Munich et qui seraient supposés y avoir des relations avec Drake, qui est l’agent de toute la correspondance intérieure des Anglais.

 

Saint-Cloud, 2 novembre 1803

Au citoyen Talleyrand

Je vous envoie, Citoyen Ministre, un numéro duMercure universel. Il faut se prononcer net et demander sa suppression. Si les Anglais continuent à publier à Ratisbonne des diatribes contre la France, je ne puis regarder l’électeur archichancelier comme ami de la France. La tournure française de cette feuille prouve qu’elle est dirigée contre la France et rédigée par un émigré.

 

Saint-Cloud, 2 novembre 1803 (date présumée)

NOTE POUR LE GÉNÉRAL SOULT.

1°Avoir soin que chaque soldat ait son épinglette; qu’il y ait un nombre suffisant de tire-bourres;
2° Que les régiments aient de très-bonnes haches bien acérées, et non des haches de parade;
3° Que, quand le soldat s’embarquera, il ait avec lui son sac et son bidon, et soit fourni de quatre haches, quatre pelles et quatre pioches par compagnie;
4° Désigner les hommes qui doivent les porter, pour que chaque compagnie ait toujours des outils partout où elle se trouve; les chariots et caissons n’arrivent jamais à temps;
5° Portez la même attention pour la cavalerie, et qu’elle ait les outils de pionniers nécessaires.

 

Boulogne, 5 novembre 1803

Au consul Cambacérès

J’ai été vendredi à une heure au milieu du port de Boulogne, où je suis arrivé tout à fait-à l’improviste.

J’ai mis le plus grand intérêt à visiter tous les travaux et tous les préparatifs de cette grande expédition, puisque à minuit j’y étais encore.

J’ai été toute la journée en rade, où nous avons plus de cent bâtiments embossés. Nous avons engagé une vive canonnade avec les ennemis, qui avaient une douzaine de bâtiments, dont plusieurs vaisseaux à deux ponts. Une frégate a été démâtée. Nous les avons vus porter du secours à une frégate où nous avons tout lieu de croire qu’une bombe est tombée à bord; et, l’ennemi ayant pris le large, une division de caïques, portant une pièce de 24, s’est mise à leur poursuite, en les suivant d’un grand nombre de coups de canon. Nous n’avons eu, de notre côté, qu’un homme qui a eu la jambe emportée d’un coup de canon. Un canot portant cinq hommes d’équipage a reçu un boulet qui l’a coulé, mais il a été relevé, et les cinq hommes composant son équipage ont été sauvés. Je suis baraqué au milieu du camp et sur le bord de l’Océan, où, d’un coup d’œil, il est facile de mesurer la distance qui nous sépare de l’Angleterre.

 

Quartier général, Boulogne, 6 novembre 1803

ORDRE

La garnison d’une chaloupe canonnière sera portée à 30 hommes, officier et tambour compris.

Toutes les fois que la flottille devra passer la nuit en rade, il sera fourni à chaque bâtiment 10 hommes de renfort; ces détachements seront toujours pris dans le corps et fournis par les compagnies qui fournissent la garnison ordinaire du bateau.

Toutes les fois que la flottille rentrerait dans le port, le supplément rentrerait au corps; cela leur compterait comme un détachement.

Tant que les caïques et péniches seront indépendantes, les garnisons en seront relevées tous les cinq jours.

Il y aura deux généraux de brigade d’artillerie chargés de l’inspection et du commandement des batteries de la rade de Boulogne : l’un commandera les batteries de la gauche, et l’autre les batteries de la droite.

Le général Foucher commandera les batteries de la gauche, et son quartier général sera placé sur la hauteur, entre le fort de l’Heurt et le port. Il aura sous ses ordres un chef de brigade et deux officiers en résidence, le nombre de canonniers nécessaire pour servir toutes les pièces, et un secours d’auxiliaires d’infanterie fournis par l’armée, à raison de trois hommes par bouche à feu.

Toutes les fois que, par des raisons de service, il s’absentera du camp, il rassurera que le chef de brigade est présent pour le remplacer.

Jusqu’à ce qu’un général de brigade soit arrivé, le colonel chef de l’état-major sera chargé des batteries de la droite, et sera logé entre la tour d’Ordre et le fort de la Crèche. Il aura sous ses ordres deux officiers en résidence. Il ne pourra point s’absenter des batteries de la droite qu’il ne soit remplacé par un autre chef de brigade.

Un régiment d’artillerie à pied fera le service des batteries de la gauche, et un autre fera le service des batteries de la droite.

Toutes les fois que la flottille sera en rade, les pièces de 24 légères et les obusiers de 6 pouces qui se trouvent à Boulogne se porteront sur la laisse de basse mer. Un officier général on supérieur dirigera ces batteries et les fera porter rapidement sur les points où elles seront le plus utiles pour protéger la flottille.

 

Boulogne, 7 novembre 1803

Au consul Cambacérès

J’ai passé la journée de dimanche à visiter les nouveaux ports d’Ambleteuse et Wimereux, et à faire manœuvrer les troupes qui s’y trouvent. Les travaux marchent.

Après le combat que nous avons eu, l’ennemi a disparu; il paraît qu’il est allé se ravitailler en Angleterre.

J’ai été visiter aujourd’hui dans le plus grand détail tous les ateliers de la marine; cela est aussi pitoyable qu’il est possible de l’imaginer. Je viens de transformer une caserne en arsenal de la marine. Il faut que j’ordonne tout dans le plus petit détail.

J’ai passé plusieurs heures à inspecter les troupes homme à homme, et à m’assurer par moi-même de la situation des différentes parties.

J’ai encore ici de la besogne pour plusieurs jours.

 

Boulogne, 7 novembre 1803

ORDRE DU JOUR

La caserne sera mise par l’administration de la terre à la disposition de la marine.

Les lits et fournitures appartenant au casernement seront placés dans une aile du bâtiment, jusqu’à ce qu’ils en soient tirés pour une autre destination.

Les grains qui sont dans les greniers seront évacués dans le plus court délai.

1° Dans la journée de demain, le conseiller d’État Forfait, l’ingénieur en chef Sganzin, et le chef de l’administration du port, désigneront les emplacements où il doit être construit des hangars, et distribueront les différents appartements de la caserne aux différents magasins et ateliers de la marine. Il n’y sera fait, du reste, aucun changement considérable.

2° Il sera fait une ouverture au pont en forme de pont tournant, de manière que tous les bâtiments de la flottille puissent arriver tout mâtés vis-à-vis de l’arsenal, et là être armés et radoubés.

3° Le premier inspecteur général d’artillerie fera venir en toute diligence dix forges de Douai et quatorze de campagne.

Quatre seront données aux ateliers d’artillerie de la marine, ce qui, joint aux quatre qu’il leur a remises ce matin, feront huit, et dix seront remises à l’arsenal de la marine. Ces forges seront garnies de tous leurs ustensiles. Elles devront être remises le 20 au plus tard.

 

Boulogne, 7 novembre 1803

Au général Dejean

Au général Dejean, ministre directeur de l’administration de la guerre

Un grand nombre de demi-brigades, Citoyen Ministre, n’ont pas reçu l’habillement de l’an XI. La 7e prétend n’avoir pas reçu mêmecelui de l’an X; aussi est-elle, dans la force du terme, entièrement nue. Pourvoyez à cette demi-brigade, qui est dans une situation bien fâcheuse.

 

Boulogne, 8 novembre 1803

Au consul Cambacérès

Je reçois votre lettre du 14. J’ai passé la journée hier à faire manœuvrer les troupes.

Tout individu né Français qui se trouve arrêté et qui réclame l’assistance d’un ambassadeur doit être traité plus sévèrement, et l’on ne doit faire aucune réponse aux ambassadeurs.

Je suis ici pour plusieurs jours, car j’ai encore beaucoup de choses à faire et à voir.

 

Boulogne, 8 novembre 1803

Au citoyen Lavalette, commissaire central près l’administration des postes

Je vois avec peine qu’il est envoyé de Paris aux étrangers un grand nombre de bulletins contraires au gouvernement. Ordinairement ces bulletins ne circulaient pas.

 

Boulogne, 8 novembre 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous renvoie, Citoyen Ministre, toutes vos dépêches. Faites connaître au citoyen Laforest que j’ai lu avec intérêt sa dépêche du 29 vendémiaire.

Il est convenable de prévenir l’ambassadeur turc qu’il est très-probable que les Anglais, qui évidemment fomentent les beys, s’empareront de l’Égypte.

Donnez ordre à Rome et à Naples de faire arrêter Vernègues, Lamaisonfort et Lescour, et de saisir en même temps leurs papiers. Cette capture est très-importante.

Toutes ces intriguailleries de Naples sont pitoyables. Je n’y vois cependant pas encore très-clair, mais certainement il n’est pas probable que Lechi, qui est très-révolutionnaire, qui connaît la puissance de la France et ce dont M. Acton est capable, ait proposé un projet aussi fou que celui de se révolter contre la France et de mettre un fils du roi de Naples sur le trône de Milan. Je ne vois pas, d’un autre côté, ce que M. Acton peut gagner, si ce n’est de mettre de la division entre les Italiens et les Français, de perdre Lechi, et de nous engager à arrêter une seconde fois Moliterno. D’ailleurs, comment cela s’arrange-t-il avec l’armement de la Calabre ?

Écrivez à Alquier que je n’ai fait que rire de cette prétendue conjuration; que j’ai plus de troupes en Italie qu’il n’en faut pour conquérir toute l’Italie, et que je n’en avais pas davantage lorsque j’y ai fait la guerre à l’empereur; mais que ce qui est important, c’est qu’à l’extrémité de la Calabre on n’arnme point les paysans, et que, si le roi de Naples se montre de cette manière, avant de passer en Angleterre, on pourrait bien s’assurer de Naples.

Quant à votre budget, quand vos fonds seront dépensés, on vous en accordera sur les fonds communs.

 

Boulogne, 8 novembre 1803

A l’amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

Citoyen Amiral Bruix, vous avez fait placer sur une péniche un obusier prussien que le général Marmont vous a fait remettre. Il faudrait installer cet obusier de manière à pouvoir le tirer sur l’angle de 45 degrés; et, comme sa chambre contient quatre livres de poudre, il est convenable de faire essayer si une péniche a la force nécessaire pour pouvoir supporter de pareils obusiers. L’artillerie de terre en a cinquante de cette espèce.

J’ai fait placer à Paris un obusier de 6 pouces sur une péniche; la péniche a parfaitement résisté, mais la chambre de nos obusiers français ne contient que près de deux livres de poudre.

 

Boulogne, 8 novembre 1803

A l’amiral Truguet

Citoyen Truguet, Conseiller d’État, Général en chef de l’armée navale, j’ai reçu votre lettre du bord de l’Alexandre. J’accueille avec grand plaisir les bons pressentiments que vous avez.

Nous commençons ici à être en bonnes dispositions. Notre flottille, qui est déjà composée de plus de cent bâtiments de guerre, reste embossée au milieu de la rade, sans que les Anglais osent l’attaquer que de loin. Lord Keith, qui paraît commander, avait plusieurs vaisseaux de 64. Il n’a osé s’en approcher qu’à la portée du canon. Il a essuyé des avaries assez considérables.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

Au consul Cambacérès

J’ai passé une portion de la nuit dernière à faire faire aux troupes des évolutions de nuit, manœuvres que des troupes instruites et bien disciplinées peuvent quelquefois faire avec avantage contre des levées en masse.

Une flottille vient de nous arriver du Havre; elle est composée de vingt-cinq bâtiments. Nous attendons à chaque instant une autre division venant du côté du Havre, aussi composée de vingt-cinq bâtiments qui ont mouillé à Saint-Valery-sur-Somme.

La mer étant très-mauvaise, l’amiral a fait rentrer la flottille dans le port. Les vents du sud, devenus très-violents, ont contraint six bateaux canonniers à se réfugier à Calais. On craint qu’un bateau affalé par les vents sur la côte d’Angleterre n’ait été pris par l’ennemi.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je reçois, Citoyen Ministre, les deux dépêches de Saint-Pétersbourg et de Lisbonne. Il faudrait entrer en explication avec M. de Lucchesini, pour savoir positivement ce que se propose la cour de Berlin. Craint-elle une alliance avec la cour de Vienne ? On bien veut-elle, par ce traité, ouvrir les ports de l’Elbe et du Weser ? C’est cette question qu’il faut avant tout éclaircir . et d’abord, a-t-il le pouvoir de signer ? S’il dit oui, vous lui direz que vous ne doutez pas que le Premier Consul ne s’ouvre davantage; s’il dit non, tout cela se classe dans le partage ordinaire et journalier.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

Au citoyen Talleyrand

Je vous renvoie, Citoyen Ministre, votre correspondance. Je ne vois aucune difficulté de ratifier la convention de la Suisse.

Le roi de Suède me paraît fort incertain de ce qu’il doit faire.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez arrêter un Anglais d’un grade équivalant à celui de général de brigade, soit de terre, soit de mer, et que vous le fassiez retenir en arrestation, en lui faisant connaître qu’il lui sera fait le même traitement qu’éprouvera le général Boyer. Vous en ferez l’objet d’un article de journal.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

Au général Berthier

Je vous renvoie, Citoyen Ministre, la lettre du général Saint-Cyr. Ce qui me paraît le plus simple dans cette affaire, c’est, du moment que cette entreprise sera avancée, de faire arrêter l’individu qui a servi d’intermédiaire entre M. Acton et le général Lechi, de le faire mettre au secret, et de l’interroger sans rien laisser percer sur le général Lechi; car tout ceci paraît être une misérable intrigue napolitaine pour nous détourner les yeux de l’armement de la Calabre.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

Au général Berthier

J’ai fait manœuvrer, Citoyen Ministre, une partie des troupes. La 72e m’a paru ne pouvoir fournir qu’un seul bataillon. Je l’ai formé à 800 hommes, et j’ai renvoyé le second à Hesdin. Il sera remplacé par un bataillon de la 19e de ligne, qui sera à cet effet formé à 600 hommes. Donnez l’ordre qu’il lui soit fourni des capotes et des souliers, et qu’il se rende à Ambleteuse.

J’ai été extrêmement content de la manière dont les troupes sont campées. Une division de la flottille vient de nous arriver du Havre; nous en attendons à chaque instant une autre de Saint-Valery.

Donnez ordre à la compagnie d’ouvriers qui est à Metz de se rendre à Douai, et ordonnez au général Marmont d’envoyer à Boulogne une de celles qui sont à Douai, pour être attachée à l’arsenal de la marine.

Donnez ordre au bataillon du 5e régiment d’artillerie, qui ne fait pas partie de l’armée, de se rendre à Douai pour y tenir garnison.

Donnez ordre au 10e régiment de chasseurs de compléter ses trois escadrons au complet de guerre, et de se rendre à Saint-Omer pour faire partie de l’armée.

Il vous a été demandé soixante pièces de 24 à Paris; je crois qu’il y en a vingt de prêtes; donnez ordre qu’elles soient sur-le-champ dirigées sur le Havre. Donnez également l’ordre au Havre de mettre à la disposition de la marine toutes les pièces de 24 qui seraient dans cette place.

Un des deux bataillons de sapeurs destinés à faire partie de l’expédition est arrivé à Boulogne; donnez ordre que l’autre s’y rende, pour être dirigé sur Ambleteuse.

Donnez ordre également que les quatre compagnies de mineurs que vous destinez pour l’expédition se rendent à Saint-Omer, ainsi qu’un équipage de mines.

La marine a besoin de 50 chevaux; j’ai ordonné à l’artillerie de terre de les lui donner. Provisoirement je les ai fait remettre.

L’exploitation des forêts de Boulogne, pour le service de la marine, exigerait 200 chevaux; ordonnez au général Songis (Nicolas Marie Songis des Courbons, 1761-1810. A commandé le parc d’artillerie en Italie et en Égypte. Commandera l’artillerie de la Grande Armée de 1805 à 1809) de fournir 200 chevaux de la Garde, et de les diriger sur Boulogne, pour être remis aux ingénieurs de la marine. La marine en fera payer à la Garde le montant, qui lui servira à se remplacer.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

Au citoyen Monge, à Liège

Je suis à Boulogne depuis plusieurs jours, où tout commence à prendre un aspect redoutable (Bonaparte à séjourné à  Boulogne du 4 au 17 novembre). Mais nous avons besoin de canons. C’est aujourd’hui le 17 brumaire. Faites-moi connaître le nombre de canons qui sont disponibles à Liège, et enfin positivement sur quoi je puis compter. C’est à cet effet que je vous envoie le présent courrier, qui attendra votre réponse. Faites-moi connaître aussi si on pourrait se procurer à Liège des chaînes pour attacher des corps-morts et des ancres.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

Au citoyen Fleurieu

Citoyen Fleurieu, Conseiller d’État, chargé par intérim du porte-feuille de la marine, il est nécessaire que vous fassiez envoyer à Boulogne des erminettes, haches et fers de rabots. On y a besoin d’une grande quantité d’outils de toute espèce, nécessaires aux menuisiers, forgerons et autres ouvriers employés dans un port.

Vous aurez reçu l’arrêté par lequel j’ai établi l’arsenal de la marine dans la caserne de Boulogne.

Vous avez beaucoup d’affûts de 24 inutiles à Paris, et l’on a ici des pièces sans affût; envoyez-nous-en une cinquantaine. Envoyez ici des affûts tournants de 4 et des affûts d’obusiers; et, à mesure que vous aurez moins besoin de contremaîtres, dirigez-en sur Boulogne, où il en faut un grand nombre. Envoyez-nous en général ici le plus d’objets de toute espèce que vous pourrez. .

 

Boulogne, 9 novembre 1803

DÉCISION

Rapport du ministre de la guerre, tendant à empêcher la communication des bateaux pêcheurs avec les vaisseaux ennemis  Renvoyé au ministre de la marine pour prescrire les mesures nécessaires pour empêcher que l’ennemi ne puisse, par le moyen des pêcheurs, connaître nos mouvements et espionner la côte.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

Au citoyen Fleurieu

La division du Havre, Citoyen Ministre, arrive ce matin . Elle est composée de vingt à vingt-cinq bâtiments. Elle n’a pas mouillé du Havre ici. On nous mande que celle de Saint-Valery part de ce port. Nous l’attendons ce soir.

Les vents du sud étant devenus très-violents, l’amiral, a fait rentrer la flottille. Six bâtiments ont dérivé et ont été obligés de se réfugier à Calais. Un bateau plat a dérivé sur les côtes d’Angleterre. Je présume qu’il a été pris par la croisière ennemie.

Je viens de requérir dans les départements du Nord et de la Somme 300 ouvriers charpentiers et menuisiers.

Voyez à ce que nous ne manquions d’aucun des outils nécessaires.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

A l’amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

Citoyen Amiral Bruix, je donne ordre au préfet du Nord de vous fournir 900 charpentiers de maisons ou menuisiers, et au préfet de la Somme de vous en fournir 100. Ces ouvriers vous seront adressés.

Il est indispensable qu’on triple l’activité actuelle des travaux d’Ambleteuse. J’ai demandé au préfet du Nord d’envoyer à Boulogne 200 tombereaux, et à celui de la Somme, 100. Ces tombereaux sont destinés à accélérer les travaux d’Ambleteuse. L’armée fournira 2,500 ouvriers. Il faut aussi qu’on porte une nouvelle activité au déblayement du port de Boulogne et qu’on y double les ouvriers.

Il faut pourvoir au logement de tous ces individus. Le seul moyen qui paraîtrait convenable serait de les placer dans des bâtiments en forme de caserne. Il faudrait en avoir assez pour pouvoir y loger un millier d’homes.

 

Boulogne, 9 novembre 1803

A l’amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

Citoyen Amiral Bruix, l’artillerie de terre a dû remettre aujourd’hui trois forges à l’arsenal; il faut les mettre sur-le-champ en activité. L’entrepreneur a ici beaucoup de bons ouvriers, et peut en fournir à l’arsenal, moyennant des conscrits qu’on peut lui donner en échange.

Je donne ordre à l’artillerie de terre de vous fournir une compagnie d’ouvriers qui serviront à faire des affûts à l’artillerie de la marine. La terre vous fournira également trois artificiers. Faites-moi connaître les objets dont vous avez besoin et que l’on peut vous procurer.

Un officier d’artillerie m’a dit qu’il avait fait un marché qui commence à s’exécuter, par lequel il se procurerait des bois pour faire une centaine d’affûts. D’un autre côté, on m’a assuré que les bois provenant de la forêt de Boulogne étaient excellents pour les bordages; qu’il y a ici soixante-cinq scies en activité, ce qui pourrait vous procurer, dans cinq on six jours, les six mille pieds de bordage que l’ingénieur avait demandés. Ces deux objets n’offriraient donc plus aucun embarras. Il ne s’agirait que d’augmenter le nombre de pieds d’arbres à couper dans la forêt, et d’activer les moyens d’exploitation. Présentez-moi, sur cet objet, un projet d’arrêté.

Je donne ordre à l’artillerie de la Garde d’envoyer 200 chevaux à Boulogne. Ces 200 chevaux seront remis à la disposition du citoyen Sganzin pour l’exploitation de la forêt de Boulogne. Il sera nécessaire de veiller à ce que l’administration de la marine se procure les voitures nécessaires et pourvoie à la conservation de ces chevaux.

 

Boulogne, 10 novembre 1803

Au consul Cambacérès

Je reçois votre lettre, Citoyen Consul. Il faut que vous portiez votre attention à faire mettre dans les petits journaux des articles qui tournent en ridicule les porteurs de fausses nouvelles, d’autant plus bêtes qu’ils font prendre par des vaisseaux un régiment de hussards.

 

Boulogne, 11 novembre 1803

Au consul Cambacérès

J’ai reçu, Citoyen Consul, votre lettre du 16. L’auditeur Chabrot est venu me porter le travail du Conseil d’État.

La mer est horrible et la pluie ne cesse de tomber. J’ai passé la journée d’hier dans le port à inspecter, car il y a toujours à voir. Je n’ai, du reste, rien à vous mander. J’attends, demain ou après, le ministre de la marine. Son arrivée est nécessaire pour que je connaisse l’état des ports de Saint-Malo et du Havre, et que je puisse arrêter les dernières dispositions.