Fontainebleau, 1er novembre 1810
Au vice amiral comte Decrès, ministre de la marine à Paris
Vous ne m’avez pas encore fait signer les ordres pour le départ des différentes expéditions destinées à l’île de France et à Batavia. Cependant nous voilà au mois de novembre; il n’y a donc pas un moment à perdre.
Ile de France. — J’ai ordonné : 1° qu’il partit de Rochefort une expédition composée d’un vaisseau et de deux frégates portant 1,000 hommes, 2,400 fusils et autres munitions de guerre nécessaires à l’île de France; 2° qu’il partit de Brest trois frégates portant 1,500 hommes et 2,400 fusils.
Ces deux expéditions doivent porter à l’île de France un renfort de 1,700 hommes. Faites-moi connaître quels sont les officiers qui les commandent, et quand elles mettront à la voile.
Je désire, d’après les nouvelles que j’ai reçues de l’île de France, qu’il soit fait les modifications suivantes à mes premiers ordres.
On ne mettra sur les deux expéditions destinées à l’île de France, au lieu de 1,700 hommes, que le nombre d’hommes nécessaires pour aller à Batavia, c’est-à-dire seulement 1,400 hommes, de sorte que, lorsque les deux expéditions apprendraient que l’île de France est prise, elles continueraient leur route pour se diriger sur Batavia.
Vous rédigerez en conséquence les instructions, et vous recommanderez aux commandants de manœuvrer, avant d’aborder à l’Ile de France, de manière à ne pas donner dans les croisières ennemies et à avoir des nouvelles de la situation de la colonie avant de débarquer.
Tout porte à penser que l’île de France tiendra encore. Si elle tient, on débarquera les secours; mais les vaisseaux, après avoir opéré leur débarquement, pourraient se rendre à Batavia, où ils s’approvisionneront pour faire des croisières et contribuer à la défense de cette grande colonie.
Le capitaine général Decaen enverrait par ces bâtiments les secours qu’il croirait être nécessaires à Batavia.
Batavia. — J’ai ordonné pour Batavia l’envoi d’une frégate de Rochefort portant 200 hommes, 1,500 fusils et diverses munitions. Présentez-moi les instructions à signer, et faites-moi connaître ce qu’on pourrait embarquer d’utile à la colonie. Si, au lieu de 1,500 fusils, il y avait de la place pour 3,000, je hasarderais ce nombre. Je suppose que vous avez reçu de Hollande l’état de ce qui manque à Batavia, et que vous en ferez la répartition sur chaque bâtiment. La Sapho de Bordeaux, doit porter 50 hommes et 1,500 fusils. Présentez-moi ces instructions à signer. Deux frégates doivent partir de Saint-Malo, portant 400 hommes et 3,000 fusils. Deux frégates doivent partir de Nantes, portant 400 hommes et 3,000 fusils. C’est donc quatre expéditions destinées pour Batavia, portant 1,100 hommes et 9,000 fusils.
J’ai ordonné qu’il y eût des officiers de marine hollandais sur les bâtiments qui vont à Batavia.
Je désire que vous prépariez plusieurs autres expéditions pour Batavia : 1° la corvette la Diane, que j’ai à Cherbourg; 2° la corvette la Tactique; 3° une des corvettes que j’ai à Bayonne ; 4° la Diligente, qui est à Lorient.
Ces quatre corvettes peuvent porter chacune 50 officiers, 2,000 fusils et autres pièces de rechange.
Je désire faire partir de Bayonne six bâtiments américains, qui porteront chacun 20 hommes, 1,000 fusils, des fers et objets de cette nature nécessaires à Batavia.
Ce serait donc pour Batavia quatre expéditions anciennement commandées, et dix nouvelles, ordonnées par la présente lettre ; ce qui ferait quatorze expéditions et un envoi de plus de 22,000 fusils.
Ayez soin de faire mettre à bord des paquets de journaux, des lettres pour le capitaine général, et que les bâtiments de Batavia partent à distance de dix jours l’un de l’autre.
Il parait que la poudre de Batavia est mauvaise. Il convient donc de faire charger quelques barils de poudre sur chaque bâtiment que vous expédierez. Je vous prie de me faire un rapport détaillé, et de prendre des mesures pour accélérer le départ de ces expéditions si importantes, puisqu’elles peuvent sauver l’île de France; mais à coup sûr elles assureront la possession de Batavia.
Vous n’oublierez pas de mettre sur chaque bâtiment une quantité de pierres à feu.
Fontainebleau, 1er novembre 1810
Au prince Lebrun, lieutenant général de l’empereur en Hollande, à Amsterdam
Deux bâtiments viennent d’arriver à Bordeaux, venant de Java. Ils ont apporté beaucoup de dépêches que je fais traduire. Ils sont partis au mois de juin. On dit leur cargaison très riche. Il paraît qu’ils sont chargés partie au compte des particuliers, partie du gouvernement.
J’expédie beaucoup de bâtiments de France pour Batavia; mais, si vous trouvez chez vous à faire deux ou trois expéditions avant l’hiver, portant 2 ou 3,000 fusils, des vins, de la poudre, des draps, au compte de l’État ou des particuliers, faites-les sans perdre un moment. Il faut prendre, s’il est possible, des bâtiments américains qui marchent bien. J’approuve ces expéditions, et vous n’avez pas besoin d’un nouvel ordre de moi. Vous mettrez sur chaque bâtiment 20 ou 30 hommes, sous-officiers et soldats, s’ils peuvent les porter, en prenant dans les troupes hollandaises les hommes qui voudront aller à Batavia.
Fontainebleau, 3 novembre 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je vous ai écrit relativement à la fixation des limites avec le royaume d’Italie. Un autre objet, également important, est une meilleure division du Tyrol. Le partage du Tyrol a été mal fait; la limite ne va pas jusqu’au thalweg des montagnes. Cela a beaucoup d’inconvénients, d’abord parce que le royaume d’Italie, beaucoup plus riche que la Bavière, pourrait faire quelques ouvrages importants sur les montagnes, qui brideraient le pays; 2° parce que le commerce naturel de ces peuples est avec les Italiens. Ce serait, je crois, une perte de 100,000 âmes pour la Bavière; mais ces 100,000 âmes lui rendent bien peu de chose; au lieu qu’en donnant Erfurt à la Bavière elle y gagnerait en ce qu’elle donnerait cette province au prince de Hohenzollern, dont les États passeraient au roi de Wurtemberg, lequel ferait, en compensation, d’autres cessions à la Bavière. Cet arrangement me parait convenable. Tâtez M. de Cetto là-dessus. La Bavière y perdrait quelque chose en population, mais elle y gagnerait en ce qu’elle acquerrait une bonne population allemande, au lieu d’une population qui ne lui rend rien.
Fontainebleau, 3 novembre 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je vous prie de me faire un rapport sur la démarcation des frontières du royaume d’Italie et de la France. Déjà plusieurs fois on s’est occupé de cet objet important. J’ai nommé une commission, mais elle a pris les choses de trop haut. Elle ne proposait rien moins que de réunir à la France une partie du Modénais, pour avoir une route qui vint joindre celle de Modène à Pistoja; ce qui réunirait les villes de Reggio et de Modène. Je ne puis ratifier de pareilles idées. Je désire que vous me présentiez un rapport qui me fasse connaître ce que le royaume d’Italie a d’enclaves dans le département des Apennins et dans les départements de la Toscane, et le mode le plus simple de poser les limites de la Toscane avec la Romagne et des Apennins avec Reggio et Modène.
Présentez-moi en même temps le tracé des frontières du royaume d’Italie et des provinces illyriennes, en prenant le thalweg de l’Isonzo pour limite, en joignant Tarvis et donnant au royaume d’Italie le pendant des eaux des Alpes juliennes. Faites tracer cela sur une carte, et faites-moi connaître ce que la France ou le royaume d’Italie y gagneront. Vous y joindrez les projets de décrets nécessaires pour terminer cette question importante et régler la prise de possession au 1er décembre, pour être exécutée au 1er janvier.
Fontainebleau, 3 novembre 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je vous renvoie les pièces relatives au Valais. Je les ai lues avec attention, et je sens l’importance et la nécessité de réunir ce petit pays à la France. La route du Simplon me coûte 15 millions; je ne peux pas sacrifier l’intérêt de l’Italie et de la France pour cette chétive population. Je désire que la commission fasse son rapport dans ce sens ; qu’elle récapitule toutes les raisons qui commandent ce parti, et qu’elle y conclue. Dans le rapport que vous me ferez vous ne manquerez pas de dire que, lors de l’acte de médiation de la Suisse, j’avais bien senti la difficulté de concilier l’indépendance du Valais avec la rapidité des communications de la France avec l’Italie, mais que j’espérais que cette république intermédiaire parviendrait à se soutenir, et que, froissée entre l’Italie, la France et la Suisse, elle ne peut subsister plus longtemps dans cet état. Chargez le sénateur Rœderer de faire un projet d’organisation de ce pays à la française. Je consens à en faire un département, qui fera partie de la 7e division militaire. Un seul député au Corps législatif parait suffisant. Enfin le sénateur Rœderer réunira les notions nécessaires pour faire une organisation complète : division de cantons, tribunaux, dispositions relatives au Code Napoléon, etc., afin que, sans délai, je puisse prendre les décrets convenables.
Vous écrirez à mon chargé d’affaires, si la diète n’est pas réunie, de l’ajourner au 15. Vous lui ferez connaître seulement que je suis décidé à réunir le Valais ; que le général César Berthier se rend à Sion; que 5,000 hommes se mettent en marche sur trois colonnes, l’une de Genève, qui se rend à Martigny, l’autre de Domo d’Ossola, qui se rend à Brigg, et la troisième d’Aoste, qui se rend à Sion; que ces trois colonnes seront rendues à leur destination le 10 et le 11. Envoyez-lui un courrier extraordinaire. Sa réponse fera connaître si ces mesures sont suffisantes. Vous lui écrirez en chiffre. Vous lui recommanderez le plus grand secret, et lui ferez connaître que cela est pour lui seul et pour sa gouverne.
Fontainebleau, 3 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Mon intention est de réunir le Valais à la France et de charger de cette opération le général César Berthier. En lui écrivant par l’estafette d’aujourd’hui, il recevra la lettre le 7 ; vous aurez soin de recommander au gouverneur général à Turin de la faire passer par courrier extraordinaire. Le général Berthier pourra être le 10 ou le 11 à Sion. Vous ordonnerez directement au gouverneur général à Turin de faire partir, le 6, les deux bataillons du 23e léger, qui sont à Aoste, avec six jours de vivres, et de les diriger sur Sion, où ils arriveront en même temps que le général Berthier.
Vous ordonnerez au vice-roi de faire partir les deux bataillons italiens que depuis quelque temps j’ai fait réunir à Domo d’Ossola. Vous aurez soin de faire suivre cette colonne de quatre pièces de canon. Elle se rendra à Brigg.
Vous donnerez vos ordres au général Fiteau de partir de Genève avec les 1,100 Portugais, quelques centaines de Français et deux pièces de canon, pour se rendre à Martigny. Il sera sous les ordres du général Berthier. La colonne italienne qui passe le Simplon aura 100 chevaux. La colonne du général Fiteau aura également 100 chevaux. Le général Berthier aura ainsi à sa disposition trois colonnes : une qui se rendra à Brigg, composée de deux bataillons italiens, de quatre pièces de canon et de 100 chevaux; une autre composée de deux bataillons du 23e léger, qui marchera avec lui sur Sion; il appellera sur-le-champ à lui les 100 hommes de cavalerie qui partiront de Genève ; enfin la colonne du général Fiteau, qui se rendra à Martigny avec un millier d’hommes et deux pièces de canon. Le général Berthier aura donc plus de 4,000 hommes sous ses ordres.
Vous donnerez des ordres au gouverneur général à Turin, au général Fiteau et au vice-roi pour que les hommes aient 40 cartouches chacun; que la solde soit faite jusqu’au 1er janvier. A cet effet, la 27e division militaire, la 7e, le vice-roi, verseront les fonds nécessaires au départ de Genève, de Domo d’Ossola et d’Aoste, jusqu’au ler janvier.
Vous ferez donner les vivres de campagne aux troupes, pour qu’elles soient bien nourries et n’aient aucun prétexte pour faire du désordre. Vous désignerez un commissaire des guerres pour se rendre à Sion. Enfin vous recommanderez au vice-roi d’avoir avec ses quatre pièces de canon trois caissons, et au général Fiteau d’emmener de Genève trois caissons d’infanterie. Vous aurez soin que les vivres soient assurés à la troupe pour six jours.
Fontainebleau, 3 novembre 1810
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Espagne, à Fontainebleau
Mon Cousin, je reçois la lettre du général Drouet du 22 octobre. Les dispositions qu’il fait pour rouvrir les communications avec le Portugal ne me paraissent pas suffisantes. Réitérez-lui l’instruction d’aller à Almeida, et de réunir des forces considérables pour pouvoir être utile au prince d’Essling et communiquer avec lui. Il faudrait qu’il donnât au général Gardane, ou à tout autre général, une force de 6,000 hommes avec six pièces de canon pour rouvrir la communication, et qu’un autre corps de même force se trouvât à Almeida pour correspondre avec ce général. Il est très important qu’on puisse correspondre avec l’armée de Portugal, pour que, pendant tout le temps que les Anglais ne seront pas rembarqués, on puisse pourvoir à assurer ses derrières.
Envoyez au général Drouet le Moniteur d’aujourd’hui, qui contient les nouvelles du Portugal venues par la voie des journaux anglais.
Aussitôt que les Anglais seront rembarqués, le général Drouet portera son quartier général à Ciudad-Rodrigo. Mon intention n’est pas que le 9e corps s’engage dans le Portugal, à moins que les Anglais ne tiennent encore, et même, dans ce cas, le 9e corps ne doit jamais se laisser couper d’Almeida, mais il doit manœuvrer entre Almeida et Coïmbre. Faites comprendre au général Drouet qu’il me tarde fort d’avoir des nouvelles de l’armée de Portugal; que cela est important sous tous les points de vue, et qu’il faut que les communications soient rétablies de manière à avoir des nouvelles, sinon tous les jours, au moins tous les huit jours.
Demandez au général Drouet l’état de toutes les troupes laissées sur les derrières, de la division Seras, de ce qu’a laissé le prince d’Essling, cavalerie, artillerie, infanterie, enfin de tout ce qui est dans le 6e gouvernement. Il pourrait tirer ce qu’il a à Avila, en faisant occuper cette place par des détachements faisant partie de l’armée du centre. Il y a beaucoup d’hommes isolés qui pourraient servir à cet objet.
Faites-moi un rapport sur les pays dont se compose l’arrondissement du 6e gouvernement; Léon et le pays compris entre Ciudad Rodrigo et Salamanque n’en font-ils pas partie ?
Fontainebleau, 4 novembre 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, il faudrait écrire en Saxe, en Westphalie et dans toute la Confédération, pour que l’introduction de toutes marchandises provenant de fabrique anglaise fût prohibée, et que des mesures sévères fussent prises pour qu’à l’issue des foires de Leipzig, Francfort et autres, les marchandises fussent toutes saisies, de quelque côté qu’elles vinssent. Il faut communiquer au ministre de l’intérieur les plaintes que porte la Saxe sur le transit des toiles, pour qu’il en soit fait un rapport. Je ne vois pas par les lettres de M. Bourgoing, des 16 et 17 octobre, que la Saxe ait encore établi le tarif sur les marchandises existantes, et qu’en conséquence l’immense quantité de marchandises coloniales qui se trouve à Leipzig ait été exercée. Ce doit être l’objet d’un courrier extraordinaire, si ce n’est déjà fait. Cela fera entrer 20 millions dans le trésor de la Saxe; ces 20 millions retomberont sur l’Angleterre, et cette mesure doit avoir l’immense résultat de donner au Roi des fonds, de faire un grand tort aux Anglais, et enfin de se trouver en harmonie avec tout ce que je fais faire à Francfort, à Hambourg et en Suisse.
Quant aux 30,000 fusils, vous ferez connaître que j’en ai très peu à Magdeburg, et que je ne puis les fournir qu’en partie de l’arsenal de Mayence et en partie de l’arsenal de Strasbourg.
Le tarif qui a été admis pour la Saxe l’a-t-il été pour le duché de Varsovie ? Cela est d’autant plus important que la Russie inonde le grand-duché de marchandises coloniales. Écrivez à M. de Narbonne qu’il n’a pas besoin de faire de mystère à M. de Montgelas; qu’il suffit qu’il ne s’en rapporte pas entièrement aux agents bavarois et qu’il envoie aussi des agents pour avoir des renseignements clairs. Faites mettre dans les journaux le décret bavarois sur le tarif. Il me parait que le décret de la Bavière du 21 octobre ne parle pas des marchandises existantes.
La carte dont parle M. de Narbonne m’est nécessaire, mais j’en ferai donner une copie à la Bavière.
Répondez au chargé d’affaires de Bade que je ne sais pas quelles troupes se trouvent encore dans le grand-duché ; que je croyais qu’il n’y avait plus personne ; mandez-lui d’en envoyer un relevé.
Répondez à mon ministre à Copenhague que, au lieu du mois d’avril, il demande que les deux équipages soient rendus au mois de mars à Anvers.
Il me semble que la convention faite par M. Defermon avec la Bavière peut être signée.
Fontainebleau, 4 novembre 1810
A M. De Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, présentez-moi un projet de réponse à faire à M. Kourakine, fort polie, fort douce, mais qui contienne du moins les vérités qu’il est bon que la Russie connaisse. Vous y direz que sa note a été mise sous mes yeux ; que l’assurance qu’il y donne que l’empereur de Russie est résolu de nuire de tous ses efforts au commerce des Anglais m’a causé la plus vive satisfaction; que la paix ou la continuation de la guerre sont entre les mains de la Russie; que, si elle veut sérieusement empêcher le commerce des denrées coloniales, l’Angleterre fera la paix avant un an ; mais qu’il faut parler franchement et que jusqu’à présent elle a suivi des principes opposés; qu’il n’y a qu’une preuve à en donner : c’est que les marchandises coloniales qui ont paru à la dernière foire de Leipzig y ont été apportées par 700 chariots venant de Russie, c’est qu’aujourd’hui tout le commerce des denrées coloniales se fait par la Russie, c’est enfin que les douze cents bâtiments que les Anglais ont escortés par vingt vaisseaux de guerre et qu’ils avaient masqués sous pavillons suédois, portugais, espagnol, américain, ont en partie débarqué leurs marchandises en Russie; que, si la Russie veut la paix avec l’Angleterre, elle en a les moyens : qu’elle fasse confisquer tous les bâtiments introduits par les Anglais et qu’elle se réunisse à la France pour exiger que la Suède confisque l’immense quantité de marchandises que les Anglais ont débarquées à Gœteborg sous toute espèce de pavillons; quant au principe qu’on met en avant, qu’en voulant faire la guerre aux Anglais on ne veut pas la faire aux neutres, que ce principe serait le résultat d’une erreur ; que les Anglais ne veulent et ne souffrent aucun neutre; qu’ils ne laissent naviguer les Américains qu’autant qu’ils se chargent de leurs marchandises et qu’ils naviguent pour le compte anglais ; que tous les certificats des consuls français et tous autres papiers dont ils sont munis sont des papiers faux; qu’enfin il n’y a aujourd’hui aucun neutre, parce que les Anglais n’en veulent pas, et que tout bâtiment qui n’est pas chargé pour leur compte, ils ne le laissent pas passer ; qu’il n’y a pas un seul bâtiment venu dans les ports de Russie avec de soi-disant papiers d’Amérique qui ne soit venu réellement d’Angleterre ; que ces vérités sont trop sensibles pour qu’on les ignore ; que la paix ou la guerre est entre les mains de la Russie; que la Russie y est aussi intéressée que la France ; que la paix aura lieu si l’on veut fermer le continent aux Anglais ; qu’elle n’aura pas lieu si l’on veut que tous les bâtiments qui arrivent avec des papiers des consuls de France ou autres soient des bâtiments pour tout autre compte que celui de l’Angleterre; que, tant que les marchandises anglaises et coloniales viendront par la Russie en Prusse et en Allemagne, et qu’on sera obligé de les arrêter aux frontières, il sera bien évident que la Russie ne fait pas ce qui est convenable pour faire tort à l’Angleterre.
Fontainebleau, 4 novembre 1810
Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris
Faites remettre à Madame un passeport pour le roi Louis, par lequel il pourra se rendre en quelque lieu qui lui convienne du midi de la France ou de l’Italie, et y demeurer.
Fontainebleau, 4 novembre 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon Fils, j’ai reçu votre lettre d’Ancône du 27 octobre. Je suis fâché que le capitaine Dubourdieu n’ait pas emmené les quatorze corsaires. L’excuse de n’avoir pas assez de monde n’est pas raisonnable. Il ne pouvait pas attendre grand secours de deux bricks, et en mettant sur chaque corsaire 20 soldats, 5 à 6 matelots du pays, même des prisonniers, avec quelques matelots italiens, il aurait pu emporter tout cela. Il est fâcheux aussi que les 200 Anglais n’aient pas été faits prisonniers. Il eût été préférable de laisser là 600 hommes de débarquement, et que les deux frégates s’en fussent revenues.
Ces 600 hommes auraient pris en peu de temps les Anglais ; on leur aurait laissé quelques pièces de canon avec lesquelles ils auraient armé le port et ils auraient pu s’établir dans l’île. La prise des 200 matelots aurait été une perte sensible pour les Anglais. Je ne vois pas bien dans la relation combien le capitaine Dubourdieu est resté au port Saint-Georges ; je vois qu’il y a mouillé le 22, mais je ne vois pas quand il en est parti. Toutefois cette expédition aura fait du bien à mes équipages et du mal à l’ennemi ; c’est le coup d’essai de la marine italienne.
On ne travaille pas avec assez d’activité aux constructions. Il faudrait avoir au mois de mars trois vaisseaux de guerre dans l’Adriatique; mais peut-être serait-il convenable d’occuper l’Ile de Lissa, surtout si le port Saint-Georges peut contenir des vaisseaux de guerre. Nous sommes aujourd’hui en temps de paix ; nous pouvons facilement tenir un millier d’hommes dans cette île. On pourrait même y établir un fort ; cela rendrait plus difficile l’établissement des Anglais dans l’Adriatique.
Fontainebleau, 4 novembre 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon Fils, faites partir de Venise deux bricks ; je les laisse à votre choix : ou l’Éridan, ou la Charlotte, ou le Mameluk, ou le Lépanie. Prenez deux de ces quatre bricks, complétez bien leur équipage, approvisionnez bien leur artillerie, donnez-leur des rechanges, et qu’ils se rendent à Corfou. Vous les ferez partir approvisionnés pour six mois de vivres, s’ils peuvent porter cette quantité. Vous ferez embarquer à leur bord les hommes qu’on envoie à Corfou et une partie des pièces d’artillerie portées dans l’état. Vous les lesterez en fers et en boulets qui vous sont également indiqués dans ledit état.
Vous préviendrez le commandant de ces bricks qu’il sera sous les ordres du gouverneur général, et sous le commandement du commandant des frégates françaises ; qu’il fait partie de la garnison et qu’il doit se dévouer en tout à la défense de Corfou.
Joignez à ces deux bricks trois petits bâtiments, soit felouques ou demi-galères, qui pourraient être utiles à la défense de File, et, à ce sujet, faites consulter des marins de Venise qui connaissent les côtes.
Fontainebleu, 4 novembre 1810
Au maréchal Marmont, duc de Raguse, commandant les Provinces illyriennes, à Laybach
Mon intention est qu’au reçu de la présente vous fassiez partir, de la manière la plus convenable, pour Corfou, six des huit canonnières qui composent la division de ma marine italienne en station sur les côtes d’Illyrie. Vous les approvisionnerez d’autant de vivres qu’elles pourront en porter, soit vivres confectionnés, soit farine et blés. Vous les chargerez de boulets et affûts d’artillerie que vous trouverez dans les ports et qui vous seront indiqués dans l’état que je charge le vice-roi de vous envoyer. Vous ajouterez à ces six canonnières deux trabacoli et une felouque. Comme je ne doute pas que Corfou ne soit attaqué incessamment, mon intention est que cet ordre n’éprouve aucune espèce de délai. Vous remplacerez ces canonnières pour le service des côtes par des canonnières de Trieste ou, s’il est nécessaire, par des canonnières qu’on armera à Venise.
Fontainebleau, 4 novembre 1810
A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples
Je vois avec plaisir que vous ayez envoyé quelques canonniers à Otrante pour faciliter les mouvements d’Otrante à Corfou. Je désire bien que vous ayez à Otrante douze ou quinze courrières ou parancelles pour accélérer les transports. La chose la plus importante pour l’Italie et pour Naples, c’est la conservation de Corfou. Si jamais les Anglais s’en emparaient, cette position vous serait aussi funeste que celle de la Sicile. Je vous ai écrit, le 6 octobre, pour que vous envoyiez à Corfou 10,000 quintaux métriques de blé et 1,000 de riz. Il est indispensable que vous ne perdiez pas un moment. Envoyez-y aussi une bonne provision de bois et de fers propres à construire et réparer des affûts. Tâchez d’y envoyer 25 milliers de poudre, 500,000 cartouches et les effets d’artillerie dont la note est ci-jointe.
Fontainebleau, 4 novembre 1810
A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples
Je vous prie de faire partir pour Corfou une division de douze chaloupes canonnières ; ce qui, joint aux douze chaloupes canonnières italiennes que je vais y avoir, me fera vingt-quatre chaloupes canonnières. Je désire aussi que vous y envoyiez six bâtiments légers, tels que trabacoli, felouques, chebecs, etc., afin de réunir à Corfou dix-huit bâtiments de la marine napolitaine, autant de la marine italienne, plus deux bricks et les deux frégates de la marine française. Tous ces bâtiments seront sous les ordres du commandant des frégates françaises, qui lui-même sera sous les ordres du gouverneur; ils feront partie de la garnison de Corfou et seront spécialement destinés à la défense de l’île.
Fontainebleau, 5 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, faites-moi connaître quand le bataillon expéditionnaire de Hollande arrivera à Nantes et à Saint-Malo, quand le bataillon expéditionnaire français qui doit se réunir à Rochefort et à Brest sera en état de partir, enfin quand les fusils et tout ce qui doit être embarqué sur ces différentes expéditions seront prêts. L’expédition de Nantes, ainsi que celle de Saint-Malo, et la Sapho, qui doit partir de Bordeaux, sont destinées pour Batavia. Dans cette colonie, on manque d’hommes qui connaissent bien la manutention de la poudre, et de directeur d’artillerie. Voyez quel chef de bataillon de distinction on pourrait y envoyer; il serait fait colonel à son arrivée et commanderait l’artillerie. Désignez aussi trois employés entendant parfaitement la manutention de la poudre et du salpêtre, et mettez-les à la disposition du ministre de la marine, à Nantes et à Saint-Malo, pour qu’il les fasse partir. Parmi le grand nombre d’officiers réformés, il faudrait en choisir 4 à 500 dans la vigueur de l’âge, et leur proposer de partir avec ces expéditions. A leur arrivée, ils auraient le brevet du grade supérieur à leur grade actuel. Des sergents qui voudraient y passer seraient faits officiers. J’ai pris un décret là-dessus.
Fontainebleau, 6 novembre 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Le gouverneur général de Batavia demande un million de fer plat, carré ou en barres, 20 millions de fer en feuilles pour serrures, du fer-blanc, de l’acier, des pierres à feu, 1,000 pièces de toile de Brest de différentes qualités pour les voiles, 3,000 livres de fil à voile, des cordages de toutes grosseurs, 600 tonneaux de goudron, du cuivre pour doubler les vaisseaux, du cuivre pour chaudières, du papier pour les bureaux, de l’encre, des plumes, des pierres à aiguiser, des verrous, des enclumes, 20,000 aunes de drap bleu, noir et vert; un millier de chapeaux, 20,000 aunes de galons, des épaulettes de fils d’or et d’argent, des instruments de mer, des lunettes, almanachs, vins, eaux-de-vie, vinaigre, huile d’olive, quelques meubles pour maisons. Il assure que les bâtiments d’Europe qui porteraient ces objets feraient de bonnes affaires. Les retours se feraient en denrées coloniales, qui seraient affranchies de tout droit.
Faites connaître cela aux chambres de commerce de Nantes, de La Rochelle, de Bordeaux, de Bayonne, etc. J’autorise l’intendant de mon domaine extraordinaire à prendre intérêt dans trente expéditions aventurières qui partiraient, savoir : cinq de Nantes, cinq de Saint-Malo, deux de la Rochelle, trois de Morlaix ou de Brest, dix de Bordeaux et cinq de Bayonne.
Il serait convenable que ces expéditions s’assurassent entre elles, savoir : celles de Bordeaux entre elles, celles de Bayonne entre elles, celles de Nantes et de la Rochelle entre elles, celles de la Bretagne entre elles. J’y prendrai le même intérêt que dans les précédentes expéditions. Indépendamment des objets mentionnés ci-dessus, chaque bâtiment pourrait porter quelques caisses de fusils et de pistolets. Chaque bâtiment porterait aussi 15 officiers ou employés civils. Les armateurs seraient amplement payés par la libre exportation des denrées coloniales.
Vous donnerez connaissance de ces dispositions aux chambres do commerce de Rotterdam et d’Amsterdam, pour que, si elles veulent s’intéresser dans ces expéditions, elles s’adressent dans les différents ports où elles se font ; que je verrais également avec plaisir que plusieurs expéditions se fissent à Amsterdam et à Rotterdam ; que vous envoyez la note des objets dont la colonie a besoin ; mais que vous supposez que les glaces empêcheront ces expéditions, qui d’ailleurs courent plus de risques en partant de ces ports que des ports du midi de la France.
Fontainebleau, 6 novembre 1810
Au vice amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Il faut renouveler les ordres à mon ambassadeur et à mon consul général en Russie, ainsi qu’à mes consuls à Memel et Elbing, pour qu’on profite de toutes les circonstances pour faire filer les 1,000 mâts que j’ai en Russie jusqu’à Danzig. Cette place de Danzig est à moi ; il y a gouverneur et garnison français.
Donnez l’autorisation à mon consul général de conclure des marchés pour acheter 2,000 grands mâts et un millier de mâts d’assortiment ; ce qui, avec les 1,000 mâts qui partent, ferait 4,000 mâts. Mais mettez-y les conditions suivantes : 1° Je laisse maître de donner au plus un cinquième d’avance avec bonne caution. 2° Le reste des payements se fera à mesure des versements à Danzig et à Lubeck ; et, comme Danzig et Lubeck m’appartiennent, quand je ferai les payements, les mâts seront déjà rendus chez moi.
Portez au budget de 1811 un crédit de 3 millions pour approvisionnements du nord, dont 2,500,000 Francs pour achat de mâts rendus à Danzig et à Lubeck, et 500,000 Francs pour frais de transport sur France. Si cela n’est pas suffisant, on l’augmentera par la suite. Donnez des ordres et profitez du moment où le change est très bas pour avoir ces mâts à bon marché. Mon intention est de ne faire de fortes dépenses que lorsque les mâts seront arrivés à Danzig et à Lubeck, c’est-à-dire chez moi.
Fontainebleau, 6 novembre 1810
Au vice amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Je vous renvoie toutes les dépêches hollandaises qui m’ont été apportées de Batavia. Il en résulte que le général Daendels demande un grand nombre d’officiers et de sous-officiers. Indépendamment de ceux que j’y envoie, j’ai chargé le ministre de la guerre d’y destiner 1,000 capitaines, lieutenants, sous-lieutenants et sergents.
Le général Daendels demande aussi des employés civils. Faites-moi connaître de quelles classes on pourrait lui en envoyer. On embarquerait une cinquantaine de ces employés sur les différents bâtiments.
Il demande 20,000 fusils : j’y ai pourvu; des fers en barre, 600 tonneaux de goudron, du papier pour les bureaux, 15,000 aunes de drap, 500 chapeaux, 20,000 aunes de galon, des épaulettes et de l’huile, du vinaigre, du vin et de l’eau-de-vie. Faites-moi un projet d’envoi de ce que vous pouvez fournir, et écrivez au ministre de l’intérieur pour qu’il invite le commerce à envoyer ces objets.
Il parait que les chargements des deux bâtiments sont en grande partie pour le compte du gouvernement. Ordonnez que la vente en soit faite publiquement et annoncée d’avance, de manière à en tirer tout le parti possible. Ces marchandises ont été adressées à des négociants de Bordeaux, qui, moyennant le fait de la réunion, n’auront pas à s’en mêler.
Faites-moi connaître ce que c’est que ces bâtiments, et donnez ordre qu’ils soient vendus, et que les fonds en provenant soient versés dans la caisse des Invalides de la marine pour Batavia, et employés à fournir le nécessaire à cette colonie. Écrivez dans ce sens au gouverneur.
Vous verrez dans la correspondance du gouverneur général qu’il écrit aux négociants de Bordeaux d’acheter cinq bâtiments, bons voiliers, et d’expédier les objets qu’il demande. Les négociants n’auront point à se mêler de ces achats, puisque vous vous occuperez de cet objet.
Vous verrez par la correspondance que plusieurs agents du gouvernement ont pris service pour les Anglais. Il est indispensable que vous les fassiez juger par une commission militaire et condamner comme contumax.
Vous verrez dans la lettre du général Daendels qu’il demande 800,000 francs, que je suppose être de la monnaie de cuivre. Si notre monnaie de cuivre n’est pas bonne, il faut en envoyer pour un million ; il faudrait alors en faire mettre sur chaque bâtiment qui va dans ce pays.
Je vous envoie le lieutenant-colonel Muntinghe, qui était porteur des dépêches de Batavia. Gardez-le auprès de vous pour avoir de lui tous les renseignements qui vous seront nécessaires.
Fontainebleau, 7 novembre 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, écrivez la lettre ci-jointe à mon ambassadeur en Espagne et expédiez-la en duplicata par les estafettes d’aujourd’hui et d’après-demain.
A M. LE COMTE DE LAFOREST,
AMBASSADEUR DE FRANCE, A MADRID.
Paris, 1 novembre 1810,
Monsieur, l’Empereur, à Bayonne, a réuni la nation espagnole et lui a présenté un de ses frères pour roi. La nation espagnole, par l’organe de ses députés, lui a prêté serment d’obéissance. Croyant ainsi avoir rallié la majorité de la nation, Sa Majesté a traité avec le roi d’Espagne.
Depuis, la nation espagnole tout entière a couru aux armes. Le roi, chassé de sa capitale et de toutes les Espagnes, a eu toutes les Espagnes contre lui; il n’a été que le général des armées françaises. Sur ces entrefaites, Sa Majesté est entrée de vive force dans Madrid.
Depuis cette époque, bien des batailles ont eu lieu. L’Andalousie et Séville même ont été conquises par l’armée française; mais pour cela aucun Espagnol ne s’est rallié autour de son Roi; aucunes forces espagnoles n’ont lutté contre l’insurrection, et 400,000 Français, seuls, sans elles, ont dû conquérir toutes les provinces, toutes les places fortes; toutes les villes, tous les villages : l’Espagne appartient à l’Empereur par droit de conquête.
Le roi d’Espagne serait peu de chose s’il n’était le frère de l’Empereur et le général de ses armées. Il serait si peu de chose, qu’il n’y aurait pas une bourgade de 4,000 âmes qui ne fut plus forte que tous les partisans qu’il peut avoir en Espagne. Sa garde même est toute française. Pas un officier espagnol de nom n’a versé son sang pour le Roi.
Sa Majesté n’a donc plus à se décider dans les affaires d’Espagne par les traités de Bayonne. Ces traités n’ont pas été ratifiés par la nation espagnole ; Sa Majesté les regarde comme non avenus. Elle l’a, je crois, assez manifesté lorsque, en entrant à Madrid, elle a fait connaître que, si le pays ne se soumettait pas, elle prendrait pour elle-même la couronne d’Espagne.
Cependant, Sa Majesté ayant lu dans les journaux anglais les actes des insurgés réunis dans l’île de Léon sous le nom de Cortès, a voulu de nouveau donner une preuve du désir qu’elle a de chercher à tout concilier et à rendre plus facile la situation de son frère. Dans cette vue, elle m’a chargé d’envoyer M. le marquis d’Almenara à Madrid, avec l’insinuation d’engager le Roi et le cabinet de Madrid à s’entendre avec le conseil des insurgés et à lui proposer la convention de Bayonne comme base de la constitution d’Espagne. Sa Majesté reconnaîtra encore ce traité, si les insurgés le reconnaissent de bonne grâce et se montrent désireux d’épargner le sang qui doit être encore répandu.
C’est dans ce sens que vous devez vous expliquer avec les ministres et même avec le Roi. Et soit qu’on prenne le parti de faire des insinuations secrètes au conseil des insurgés, soit que l’on appuie ces insinuations d’une déclaration publique, faite dans une réunion du conseil de la nation, vous aiderez ces démarches et approuverez tout, sans rien écrire. Vous déclarerez que le traité de Bayonne est regardé depuis longtemps comme non avenu, mais que Sa Majesté serait disposée à le renouveler, s’il était adopté par le conseil des insurgés, sans continuer plus longtemps une lutte qui n’est favorable qu’aux Anglais. Vous ne ferez cette déclaration verbale que dans le cas où une première démarche serait faite, et où il deviendrait nécessaire que vous l’appuyassiez par votre intervention. Je n’ai pas besoin de vous dire que ces insinuations sont dans la supposition que l’armée française est entrée à Lisbonne et que les Anglais se sont rembarqués. Les dernières nouvelles que nous avons de l’armée de Portugal sont du 16; elles nous sont connues par les journaux anglais, qui mettaient les deux armées en présence, le 15 octobre, à cinq lieues de Lisbonne.
Je dois vous faire connaître les véritables intentions de l’Empereur, afin que vous sachiez bien quel parti vous avez à prendre dans les circonstances imprévues. Sa Majesté est sincère; et, si réellement la prise de Lisbonne et la démarche du cabinet de Madrid pouvaient décider les insurgés, parmi lesquels il y a beaucoup d’hommes raisonnables, à entrer en arrangement, Sa Majesté, hors une rectification de frontières qui lui donnerait quelques positions indispensables, consentirait à l’intégrité de l’Espagne, puisque cela rendrait disponible la meilleure partie de ses troupes et finirait une guerre qui peux couler encore beaucoup de sang.
Mais, si cette tentative n’a point de succès, comme il y a lieu de le penser, Sa Majesté veut, par cette démarche, 1° constater et faire avouer par les Espagnols mêmes que la convention de Bayonne n’existe plus; 2° rendre le tort des insurgés plus réel et mieux constater la folie de l’Angleterre, qui aura à s’en repentir, et la faute que feront les ministres, responsables de s’être refusés à l’intégrité des Espagnes; 3° enfin faire convenir Madrid et le cabinet espagnol que l’insurrection a été la cause réelle de la perte de l’Espagne, et non les affaires de Bayonne.
Connaissant ainsi les intentions de l’Empereur, vous pourrez parler avec assurance.
Fontainebleau, 7 novembre 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Je suppose que vous avez fait connaître aux négociants que l’introduction des cotons du Levant, qui avait lieu par l’Illyrie et l’Italie, doit se faire désormais par mer et par la Save; le transit sera libre et aura lieu sans aucuns frais.
Fontainebleau, 7 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
J’approuve que les brigades à pied de gendarmerie soient réduites à 6 hommes, et que les 300 brigades des dix départements de l’ouest soient réduites à 150 brigades. Ainsi le nombre des brigades à supprimer, au lieu d’être de 114, sera de 150. Le déficit de plus de 2,000 hommes qui existe dans les brigades à pied sera pris dans les régiments de la ligne. J’ai 131 régiments; il faut prendre 20 hommes par régiment; ce qui fera 2,620 hommes. Vous trouverez un décret pour cet objet et pour le recrutement de la gendarmerie à cheval, qui se fera dans les régiments de cavalerie.
Fontainebleau, 7 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, vous recevrez un décret pour la formation d’un régiment hollandais. Vous ne manquerez pas d’observer que chaque million d’hommes en France fournit 15 à 20,000 hommes sous les armes. Cependant, pour la Hollande, je n’en prends que 7,000, parce que je ne demande que 1,400 Hollandais et 5,600 étrangers; c’est donc moitié moins que ne fournit la France. En calculant ce que je demande de la conscription sur 120,000 hommes, cela fait 3,000 hommes par million d’habitants. La Hollande, qui a deux millions d’habitants, devrait fournir 6,000 hommes par an. Je n’en prends que 3,000 pour la terre et pour la marine. Je pense que 6,000 hommes sont nécessaires pour compléter le taux actuel; on prendra 1,500 hommes sur les années 1808, 1809 et 1810; ce qui fera 4,500 hommes, qui, avec les 3,000 de la conscription de 1811, porteront les cinq régiments hollandais au delà du complet. Il faut régler le recrutement des régiments hollandais sur ce principe. Il est convenable de diviser les sept départements de la Hollande entre des officiers et sous-officiers de recrutement. Il me semble qu’il serait convenable de placer les 5e bataillons dans les départements qui doivent recruter les régiments; cela rendrait le recrutement plus facile. En conservant ces cinq régiments hollandais pour la Hollande, on obtiendra les avantages attachés à l’organisation allemande, par laquelle chaque régiment, ayant son dépôt dans la province où il se recrute et où il revient en garnison en temps de paix, peut être sans inconvénients envoyé en congé, et être réuni promptement. Cette organisation, qui ne peut avoir lieu pour la totalité de la France, est bonne à conserver en Hollande, au moins pendant les premières années.
Il sera convenable de placer, au 1er janvier prochain, un des 5e bataillons du dépôt à Berg-op-Zoom ; faites-moi connaître les lieux où il faudrait placer les autres dépôts.
Mon intention est que les officiers d’artillerie et du génie en résidence en Hollande soient Français, et que vous donniez aux officiers hollandais en résidence de l’emploi dans les autres parties de la France.
Je désire aussi qu’une partie des généraux commandant les départements et les commandants d’armes soient Français, et que vous placiez ailleurs les généraux des départements et les commandants de place actuels hollandais.
L’instruction générale doit être qu’en janvier 1811 la moitié des commandants de place et des généraux soient Français, et qu’en 1812 ils le soient tous, à quelques exceptions près. Il y a beaucoup de généraux hollandais que vous pouvez placer dans les armées et dans les départements au delà des Alpes.
Mettez surtout en Hollande de bons directeurs d’artillerie et du génie. Je suppose que vous vous occupez de la formation de la gendarmerie.
Fontainebleau, 8 novembre 1810
Au prince de Cambacérès, archichancelier de l’empire, à Paris
Je réponds à votre lettre du 18 sur le collège héraldique de Hollande. D’abord, aucun doute que ce collège ne soit aboli; 2° garder les pièces; les faire traduire, en représentant ce qu’il a fait, pour que je ratifie ce qui est raisonnable et annule ce qui ne l’est pas; et ce que je conserverai sera remplacé par de nouveaux titres et fera partie de ceux que j’ai conférés à des sujets de l’Empire.
Fontainebleau, 8 novembre 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Il parait que le département de la Stura va mal. La sous-préfecture d’Alba est vacante; celle de Savigliano est confiée à un homme trop âgé. La gendarmerie de la préfecture est mal commandée. Le préfet et le secrétaire général sont mal ensemble. La gendarmerie et le ministère public sont mal ensemble. Tout cela nuit à mon service dans ce département. Faites-moi un rapport sur les moyens d’y remédier.
En général, il y a beaucoup de sous-préfectures à renouveler. Elles sont, en général, occupées par des hommes vieux, sans zèle et en place depuis dix ans. Faites-moi un rapport là-dessus.
Paris, 8 novembre 1810
A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris
Monsieur le Duc, Sa Majesté, avant d’adopter le projet de décret que je lui ai présenté pour la réunion des deux départements de la Corse en un seul, demande qu’il lui soit donné quelques nouveaux renseignements sur cet objet.
Sa Majesté, étant dans l’intention de supprimer les impositions, ou du moins une partie d’entre elles, dont la perception, peu d’accord avec les habitudes du pays, tourmente les habitants, et qui d’ailleurs rapportent à peine leurs frais, désire que, dans le nouveau rapport qu’elle me demande, je fasse sentir l’avantage de cette suppression, de manière à la présenter comme une compensation du désagrément que fera éprouver au pays l’organisation en un seul département.
Je prie Votre Excellence de vouloir bien me mettre à même de satisfaire sur ce point aux intentions de Sa Majesté, en me fournissant les motifs qui peuvent le plus faire ressortir le bienfait d’une suppression ou d’une diminution des impôts les plus incommodes pour le pays.
Par ordre de l’Empereur, le ministre de l’intérieur,
Montalivet.
Fontainebleau, 8 novembre 1810
Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris
Monsieur le Comte Mollien, les renseignements que vous me donnez et ceux que j’ai d’autre part me confirment que des maisons ayant en magasin une grande quantité de denrées coloniales sont cependant dans le cas de manquer. Comme j’ai de grands moyens dans la main, ne serait-il pas possible de faire escompter des lettres de change sur marchandises, que la Banque ne voudrait pas escompter, et d’exiger que les marchandises fussent données en garantie ? Ainsi, par exemple, une maison a pour deux millions de sucre, de café, d’indigo rendus en France; elle ne peut escompter ses lettres de change à la Banque, qui a des raisons pour ne pas les accepter. Qui est-ce qui empêcherait qu’il y eût un bureau qui escomptât ces lettres de change jusqu’à concurrence d’un million, en se saisissant des marchandises pour garantie ? Prenez des renseignements auprès des négociants et voyez de quelle manière on pourrait réaliser cette idée. Il me semble que ce serait une machine qui pourrait servir dans tout événement. L’emploi d’une trentaine de millions pour un objet aussi important ne pourrait qu’être fort utile, et je ne vois pas l’inconvénient qu’il aurait. Comme l’escompte ne serait qu’en argent, il serait tout simple qu’au lieu de 4 pour 100, il fut à 6 pour 100; ce serait de l’argent prêté à 0 pour 100 qui soulagerait la place, et dont on n’aurait aucune inquiétude, puisqu’on aurait toujours sous la main la valeur des lettres de change. Si cela était nécessaire, on pourrait restreindre cette mesure au commerce de Paris. Une des conditions de cet établissement serait que, la maison venant au bout de deux ou trois ans à être hors d’état de rembourser, on vendrait les marchandises pour y suppléer, et elle payerait les frais. Ce serait un escompte comme celui de la Banque, hormis qu’il serait toujours à 6 pour 100 et en argent, qu’on aurait une commission quand il faudrait vendre les marchandises, et qu’on aurait des sûretés que ne pourrait avoir la Banque. Cet établissement tiendrait un peu de la Banque et un peu du Mont-de-Piété. II me semble que ce serait une manière sûre de placer son argent à 6 pour 100 sans risque.
Fontainebleau, 8 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je crois que vous avez donné ordre à la brigade portugaise qui part de Genève pour Martigny de passer à Villeneuve. Il ne faut pas qu’elle passe sur le territoire suisse, mais qu’elle passe par la Meillerie et Saint-Maurice. Mon intention est que, si cette brigade avait passé par Villeneuve, vous envoyiez un courrier extraordinaire pour contremander le passage des troupes par Villeneuve, mon intention étant qu’on respecte le territoire suisse.
Fontainebleau, 8 novembre 1810
A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel
Mon Frère, je reçois vos lettres du 31 octobre. Je pense qu’il est convenable que vous appeliez les chefs de votre garde capitaines des gardes; c’est l’usage établi en Europe. Quant à votre état militaire, je n’ai rien à dire si vous exécutez les traités et si vous payez la solde de mes troupes ; mais il me revient de partout qu’elles ne sont point payées et qu’elles sont dans la plus fâcheuse position. Au reste, je vous en ai tant dit et écrit là-dessus que vous en savez autant que moi. Je ne puis que vous répéter que les engagements que vous avez pris avec moi doivent être remplis, et qu’ils ne le sont pas.
Fontainebleau, 9 novembre 1810
Au général comte de Lauriston, aide de camp de l’Empereur, en mission en Italie
Monsieur le Général Lauriston, j’ai reçu vos lettres de Turin.
Le ministre des finances m’instruit que le duc de Raguse a fait un emprunt de 1,200,000 francs dans son gouvernement ; qu’il a permis, sans y être autorisé, l’introduction de bois de teinture et autres denrées coloniales, pour avoir du sel. Voilà quinze mois que je suis maître du pays, et je n’ai encore de budget ni en recette ni en dépense. Vous pouvez dire au duc de Raguse que, si cet état de choses dure, je me verrai obligé de charger les employés civils de l’administration du pays, et que, si je ne vois pas plus clair dans mes affaires, je ferai tout rentrer au trésor public et que tout le service se fera par ordonnances des ministres ; ce qui rendra à peu près nulles ses fonctions actuelles. Je ne sais pas comment, dans un si petit pays, après quinze mois, il n’a pu encore arrêter ses idées sur ses ressources et savoir ce qu’il rend et quelles impositions on doit mettre ; il y avait d’ailleurs un budget du temps de l’Autriche. Toul cela annonce le peu d’habitude d’administrer et beaucoup de mauvaises choses.
Fontainebleau, 9 novembre 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon Fils, je reçois votre lettre du 4 sur l’occupation des bailliages suisses-italiens. Il est impossible de voir une dépêche moins satisfaisante. J’ignore le nombre de troupes qu’a le général Fontanelli, de quoi elles se composent, les positions qu’elles occupent, et si l’on a trouvé des marchandises anglaises. Votre lettre aurait pu contenir plus de détails et me faire mieux connaître la situation des choses. Il est nécessaire que les troupes italiennes se comportent bien dans le canton de Bellinzona, et qu’elles ne s’approchent pas trop des petits cantons ; qu’elles soient nourries et payées de Milan ; qu’on laisse les cantons exercer leurs pouvoirs, et qu’on ne fasse autre chose que d’arrêter el de saisir les marchandises anglaises.
Je suppose que vous avez pris des mesures pour pouvoir, de Como, renforcer cette petite division, si elle en avait besoin, et cela sans ostentation, car il ne faut jamais s’exposer à un échec. Rendez-moi un compte détaillé de tout cela.
Fontainebleau, 10 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Tenez à la disposition du roi de Saxe les 18,000 fusils de 22 que vous avez à Maëstricht, les 12,000 de 18 et de 20 à Mayence.
Vous ferez transporter les 18,000 fusils de Maëstricht à Mayence à vos frais. Autant qu’il sera possible, vous prendrez les fusils hanovriens; vous mettrez les 1,600 mousquetons et les 1,000 paires de pistolets de Mayence, provenant de Hanovre, et les 1,500 mousquetons qui sont à Maëstricht, ce qui fera 3,000 mousquetons et 1,000 paires de pistolets, et 34,000 armes en tout.
Le roi de Saxe sera censé les avoir achetées ; il nommera un agent pour venir les prendre et les transporter à Varsovie. Parlez-en au ministre de Saxe, pour qu’aussitôt que cet agent sera arrivé il s’adresse à vous et que vous preniez les mesures les plus secrètes avec lui pour ce transport.
Je crois vous avoir mandé de donner une soixantaine de pièces en fer, de celles que j’ai à Stettin, au duché de Varsovie.
Fontainebleau, 10 novembre 1810
Au baron de La Bouillerie, trésorier général du domaine extraordinaire, à Paris
Monsieur le Baron la Bouillerie, faites passer 20,000 francs de gratification au général Lefebvre-Desnouettes, l’un des colonels de ma Garde, qui est prisonnier en Angleterre.
Fontainebleau, 12 novembre 1810
NOTE POUR LE PRINCE ARCHICHANCELIER
Sa Majesté désire que Son Altesse Sérénissime traite la question suivante :
Y aurait-il de l’inconvénient à ce que les ministres d’Etat, qui sont les vétérans de l’administration et dont le titre est à vie, fussent conseillers honoraires des cours impériales et eussent le droit d’y siéger sur un banc désigné à cet effet ? Il est telle question criminelle et même civile d’une grande importance où la présence de MM. Treilhard, Defermon, Regnaud, qui porteraient la parole, serait d’une singulière influence.
On ne pense pas à placer des conseillers d’honneur à la cour de cassation, parce que cette institution aurait moins d’importance, puisque cette cour ne prononce que sur les formes et, quand il s’agit de statuer sur des points de législation, a recours au Conseil d’État pour l’interprétation de la loi.
La principale importance de la présence des conseillers d’honneur se fait sentir dans les cours criminelles. Il resterait à savoir si les conseillers d’honneur pourraient siéger dans d’autres cours impériales que celles de Paris. On voit beaucoup d’avantages à l’institution dont il s’agit et peu d’inconvénients. Sa Majesté désire un rapport sur cet objet.
Fontainebleau, 12 novembre 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, il est indispensable d’envoyer un courrier à Berne pour porter à mon ministre mon décret sur la réunion du Valais. Il en donnera connaissance lorsque le général César Berthier sera entré à Sion avec les troupes françaises et aura pris possession du pays. Il dira que cette mesure constate l’indépendance de la Suisse, et que les rapports entre l’Italie et la Suisse se trouvent déterminés. Vous ferez connaître que le vice-roi vient de rendre compte de l’entrée des troupes italiennes dans les cantons du Tessin, et que dans peu de jours vous lui expédierez un courrier pour lui donner des directions sur cette affaire; qu’on ne doit en concevoir aucune inquiétude ; que nous attendons toujours les inventaires des marchandises anglaises.
Fontainebleau, 12 novembre 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Je vous envoie des pièces sur le Valais. Vous recevrez le décret que j’ai pris pour réunir ce petit pays à la France. J’ai nommé le général César Berthier commissaire général pour prendre possession du pays. Présentez-moi un décret pour organiser ce département, soit pour l’administration, soit pour l’ordre judiciaire, soit pour les finances, de sorte qu’au 1er janvier 1811 il puisse marcher comme la France. Il y a ici une députation du Valais que vous pouvez voir pour cet effet.
Fontainebleau, 12 novembre 1810
A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples
Je viens de lire avec attention le rapport de votre ministre des finances. Je vois que votre déficit provient de ce que vous avez la simplicité de tenir sur pied 40,000 Napolitains, qui ne peuvent pas vous servir. Si au lieu de 40,000 hommes vous n’en aviez que 15 ou 20,000, vous seriez riche. Vous agissez trop légèrement. Vous levez sans raison de nouveaux corps, et moi, dont le budget de la guerre monte à 3 ou 400 millions, j’y regarde à deux fois à donner un uniforme à un nouveau corps. Qui vous empêche de donner des congés de semestre et de réduire votre armée ? On a peine à concevoir qui a pu vous porter à avoir une armée napolitaine aussi considérable. Vous sentez que, convaincu comme je le suis que, si je retirais mes troupes, il faudrait les renvoyer bientôt à grandes marches, parce que les Anglais ne manqueraient pas d’en profiter pour venir vous attaquer, ce qui me ferait en Europe une dépense considérable et un échec, je me trouve embarrassé de la mauvaise direction que vous avez donnée à vos affaires. Ce n’est pas quand vous avec un déficit que vous devez me consulter, c’est avant de lever des corps napolitains inutiles. Toutefois j’attends des détails sur votre budget et sur vos troupes.
Fontainebleau, 13 novembre 1810
Au comte Daru, intendant général de la Maison de l’Empereur, à Paris
Monsieur le Comte Daru , je vous envoie un rapport du ministre de l’intérieur. Concertez-vous avec ce ministre pour l’objet de ce rapport, et occupez-vous de faire dresser un programme. Vous ferez venir à Paris les principaux manufacturiers de Tours, et vous leur ferez des commandes en étoffes de leurs fabriques. C’est une chose très importante que de relever les manufactures de Tours. Faites également des commandes à Jouy, chez Oberkampf. Lorsque le programme sera arrêté, vous me présenterez un projet de décret pour n’employer à l’avenir dans l’ameublement de mes palais aucune cotonnade, percale ou étoffe de coton, et pour ne se servir que d’étoffes dont la matière première soit la soie, la laine et le fil.
Fontainebleau, 13 novembre 1810
A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples
Je reçois vos lettres du 31 octobre. Si vous ne leviez pas de nouvelles troupes sans m’en prévenir, et si, comme les princes de la Confédération, vous me communiquiez l’état de vos forces, je vous aurais fait connaître que vous ne deviez point mettre 40,000 Napolitains sur pied. Avec cela vous n’êtes pas à l’abri d’un bombardement de 12,000 Anglais. Quand des levées sont faites à la hâte, elles sont plus coûteuses et moins bonnes ; vous épuisez ainsi vos finances sans raison : 15,000 Napolitains étaient suffisants. Envoyez-moi l’état de situation en détail de l’armée napolitaine.
Je vous ai envoyé des licences ordinaires pour commercer avec la France, les provinces illyriennes et le royaume d’Italie. Je vais me faire rendre compte de la demande que vous faites de faire venir vos blés d’Amérique.
Vous voulez que je retire une partie de mon armée ; mais votre royaume est-il assuré avec les troupes napolitaines, car il faut que vous résistiez aux Anglais ?
Vous me répétez toujours la demande de faire rentrer à Naples les troupes que vous avez en Espagne. Vos troupes en Espagne sont peu de chose. Elles sont engagées en Catalogne ; je ne puis les faire revenir actuellement. Croyez que j’attache peu de prix à vos troupes, qui sont formées à la hâte, mal habillées et mal composées.
Un royaume comme Naples, ayant 4 ou 5 millions de population, doit avoir, s’il est bien administré, 80 millions de francs ; Milan en 1130; mais tout cela est mal administré.
Le duc de Monteleone ayant ses biens en Sicile et en Amérique, il est tout simple et juste que les créanciers attendent et qu’on vienne au secours de ce citoyen.
Je vous ai dit et répété que vous n’aviez pas besoin de tenir des ministres en Russie ni en Autriche, qui vous dépenseront de l’argent sans raison. Quant à moi, je vais vous en envoyer un.
Fontainebleau, 14 novembre 1810
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris
Mon Cousin, témoignez mon mécontentement au duc de Dalmatie du peu d’énergie qu’il met dans ses opérations ; de ce que le 5e corps, au lieu de suivre la Romana, qui a fait, a ce qu’il paraît, un détachement sur Lisbonne, et par là de menacer la rive gauche du Tage vis-à-vis Lisbonne, pour empêcher les Anglais d’avoir toutes leurs forces sur la rive droite, s’est replié honteusement sur Séville; de ce que des bruits misérables tiennent en échec l’armée française, et que 10,000 malheureux Espagnols, sans courage et sans consistance, défendent seuls l’île de Léon.
Mandez-lui qu’il n’y a jamais eu plus de trois régiments anglais à Cadix et qu’ils sont partis pour Lisbonne ; qu’ainsi toute l’île de Léon et la place ne sont défendues que par une garnison espagnole ; que je suis d’autant plus surpris de la rentrée du 5e corps à Séville que j’avais donné l’ordre de talonner la Romana et de l’empêcher de se porter sur Lisbonne; que rien n’avance devant Cadix ; qu’on ne tente rien contre l’île de Léon, qui ne peut être que mal défendue, puisqu’elle ne l’est que par des Espagnols. Je vois avec beaucoup de peine qu’il n’y a de ce côté aucune vigueur dans les opérations militaires.
Fontainebleau, 14 novembre 1810
A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples
Je pense qu’il faut fortifier les batteries du fort de mer à Brindisi, en les augmentant de six pièces de 36 sur affûts de cote et de six autres mortiers; y avoir toujours un commandant, une compagnie de canonniers, une garnison et des vivres pour quelques jours. Je désire également que vous fassiez établir deux batteries : une à 600 toises du fort de mer et une autre à 1,000 toises, à la pointe du côté du Finme-grande. Ces deux batteries croiseront leurs feux avec le fort de mer; elles doivent être construites chacune pour huit pièces de canon et quatre mortiers. Il suffira d’y mettre trois pièces de 36 et deux mortiers à chacune. En cas d’événement, les vaisseaux débarqueraient sur chaque quelques pièces qu’on mettra dans les places réservées. Je pense aussi qu’il faudra fermer ces batteries à la gorge, et mettre la ville en état de défense, en réparant le mur, en armant le fort de terre et en construisant quelques ouvrages en terre qui couvrent l’enceinte.
Vous m’écrivez que vous n’avez pas de place pour construire à Naples et à Castellamare. Ne pourrait-on pas construire une calle à Brindisi ou à Tarente ? On aurait l’avantage à Brindisi de tirer tous les bois des côtes d’Albanie et d’être à portée d’un port qui serait très bon.
Fontainebleau, 14 novembre 1810
A François II, empereur d’Autriche, à Vienne
J’expédie un de mes écuyers pour porter à Votre Majesté Impériale la nouvelle de la grossesse de l’Impératrice sa fille ; elle est avancée de près de cinq mois. L’Impératrice se porte très bien et n’éprouve aucune des incommodités attachées à son état. Connaissant tout l’intérêt que Votre Majesté nous porte, nous savons que cet événement lui sera agréable. Il est impossible d’être plus parfaite que la femme que je lui dois. Aussi je prie Votre Majesté d’être persuadée qu’elle et moi lui sommes également attachés.
Fontainebleau, 15 novembre 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
On a besoin à Milan de toiles de coton blanches et écran, ainsi que de coton filé jusqu’au n° 100. Comme l’entrée du coton ne peut plus avoir lieu en Italie, ni par la Suisse ni par l’Allemagne, quelques manufactures manquent de matières premières. Il faut faire dire à quelques fileurs de Paris d’envoyer de la toile blanche à Milan et des cotons filés jusqu’au n° 100. Je crois que la sortie de la toile blanche est permise pour l’Italie; si elle ne l’était pas, j’accorderais une permission spéciale. J’attache de l’importance à cette mesure pour que les manufactures d’Italie ne chôment pas et qu’elles ne soient pas forcées de recourir à la Suisse.
Fontainebleau, 15 novembre 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Le cabotage des blés ne se fait qu’en conséquence de permis que vous expédiez de votre ministère. Je désire avoir des renseignements sur ceux que vous avez accordés. Cette matière est très importante. La situation des approvisionnements de la Toscane exige que vous ne signiez plus de permis d’exporter par le port de Livourne ; il en est de même pour Gènes. Ces deux pays ont peu de blé. L’exportation des grains peut également être abusive par Marseille ; elle peut l’être aussi par les départements du Rhin et de la Belgique pour la Hollande. Tout cela demande beaucoup d’attention. Les subsistances sont un article bien délicat dans ce moment. Il faudrait connaître ce que coûteraient des subsistances achetées dans les départements du Rhin et qu’on ferait venir par le canal de Saint-Quentin sur Paris. Il faudrait également voir s’il ne serait pas convenable de faire des envois de Hambourg, où il y a beaucoup de blé, en Hollande; les Anglais ne pourraient pas les empêcher. Et enfin la partie de blé qui sort de la Rochelle, il faudrait la faire venir à Nantes, d’où il serait utile de la diriger sur Paris. Rien n’empêcherait ces bâtiments de se servir de leurs licences anglaises pour s’aider dans ce commerce.
Fontainebleau, 15 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, je reçois votre rapport. Je ne veux point créer trois régiments des provinces illyriennes ; ce serait trop.
Les bataillons autrichiens sont de huit compagnies ; ainsi quatre bataillons formeraient trente-deux compagnies ; ce serait donc la même chose qu’un régiment français au grand complet. Vous recevrez un décret par lequel je forme un régiment ayant la même organisation que les régiments français. Ainsi, pour les provinces de Villach, de Goritz, de Trieste, et pour la Croatie civile, je ne demande qu’un régiment de cinq bataillons. Je crois devoir le réunir à Alexandrie. Prenez sur-le-champ toutes les mesures pour son organisation. Veillez bien à ce que, parmi les officiers qui seront proposés, il n’y en ait aucun qui n’appartienne à une famille du pays ayant de la considération et des revenus, afin que ce régiment ne soit pas composé d’aventuriers, comme ceux d’Isembourg et de la Tour d’Auvergne, et qu’il nous attache une partie du pays.
Fontainebleau, 15 novembre 1810
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Je vois que des péniches anglaises inquiètent toujours, sur les côtes de la Rochelle, le cabotage français. Je ne vois pas pourquoi, au lieu de laisser nos matelots oisifs, on ne les fait pas monter sur des bâtiments pour nettoyer la rade. Il y a dans cela une négligence et une ineptie inconcevables.
Fontainebleau, 15 novembre 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon Fils, je réponds à votre lettre du 11 novembre. Vous demandez qu’on laisse entrer dans le royaume les toiles de coton blanches; elles ne pourraient venir que d’Angleterre, de Suisse, d’Allemagne ou de France. D’Angleterre, cela est impossible; de Suisse ou d’Allemagne, cela ne convient pas et cela aurait trop d’inconvénients. Les manufactures de mon royaume d’Italie doivent donc s’adresser en France. Il ne peut y avoir aucune modification à cet égard, et cela produira de bons résultats. On aura recours aux matières de bourre de soie et de lin, qu’on emploiera avec les matières de coton, et, vu le haut prix des toiles de coton peintes à cause du droit sur les matières premières, la concurrence des matières de bourre et soie et de fil pourra se soutenir. Les ateliers existants ne doivent donc pas fermer; mais vos manufactures peuvent écrire en France pour faire venir des toiles blanches et des cotons filés. Je ne conçois pas pourquoi 2,000 individus de Vicence travaillant en soie manqueraient de travail. Voilà les manufactures qu’il faut vraiment encourager en Italie. Ce que vous me dites, que les cotons sont filés en France au n° 200 et que pour les toiles en usage en Italie on n’a besoin que des cotons grossiers qui ne s’élèvent pas au n° 100, provient de faux renseignements. En France, on file en grande quantité les bas numéros, et même on file plus de gros que de fins. En Angleterre, comme en France, on file les cotons de tous numéros ; ainsi cela ne garantit rien. Il faut tirer vos cotons de France et ne pas penser à les tirer d’ailleurs.
Paris, 16 novembre 1810
Au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes à Paris
Monsieur le Comte Bigot Préameneu, mon intention est que les archevêques et évêques que j’ai nommés aux différents sièges de mon Empire et qui m’ont prêté serment prennent le titre de leur siège dans tous leurs actes, titre pour lequel ils m’ont prêté serment. Je n’entends point qu’ils y mettent aucune modification. Je ne m’oppose point à ce qu’ils se pourvoient auprès de qui de droit, mais j’entends qu’ils n’aient point la faiblesse d’adhérer aux prétentions des chapitres et qu’ils prennent d’autres titres, comme je l’ai dit ci-dessus.
Paris, 17 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Je vous envoie une lettre que je reçois du ministre de la marine. Envoyez sur-le-champ un courrier au général Grandjean. Faites-lui connaître que j’ai été surpris qu’il ne se soit pas rendu lui-même à la Hougue pour former des batteries, et qu’il n’ait pas envoyé un bataillon pour protéger ce point important; qu’il ait sur-le-champ à s’y rendre ; qu’il y fasse conduire des pièces d’artillerie et des mortiers ; qu’il y transporte son quartier général, et y reste jusqu’à ce que les frégates aient appareillé. Je présume que les officiers d’artillerie et du génie s’y seront rendus et qu’on aura envoyé un renfort pour protéger les frégates. Si on ne l’a pas fait, témoignez-en mon mécontentement. Faites-moi connaître la force des forts, ce qu’ils ont en hommes et en munitions, et envoyez-moi les mémoires que vous avez sur ce point. Quelle protection ces forts peuvent-ils donner aux frégates ?
Autorisez l’officier d’artillerie à faire les dépenses nécessaires pour réparations et constructions de batteries. II faut s’attendre qu’aussitôt qu’on saura en Angleterre le mouillage de ces frégates on enverra de nouvelles forces pour les attaquer.
Prescrivez aux directeurs du génie et de l’artillerie de rester tout le temps nécessaire sur ce point important de la côte.
Paris, 18 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Les nouvelles que je reçois du Valais étant satisfaisantes, mandez au général Berthier que je désire qu’il fasse rentrer à Genève le général Fiteau et toute la colonne qui est venue de Genève, ce qui soulagera le pays ; que, aussitôt que le serment d’obéissance aura été prêté dans le Valais, il fasse rentrer les troupes italiennes en Italie; et ne garde auprès de lui que le 23e d’infanterie légère ; que je le laisse maître d’exécuter ces ordres selon les circonstances.
Paris, 18 novembre 1810
A M. Deponthon, colonel du génie, secrétaire du cabinet de l’Empereur
Dans la visite que vous ferez de la rade de la Hougue, observez bien ce qu’il faudrait faire pour qu’une escadre fût à l’abri d’une force supérieure. Des forts à établir sur le rocher Manquet et sur le rocher Gavendal seraient-ils coûteux ? Relevez la sonde et la position de ces deux rochers.
Paris, 18 novembre 1810
A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples
Je reçois votre lettre avec le mémoire qui y était joint, sur les chantiers de Naples. Je vois qu’on pourrait construire une sur le chantier de Naples, un vaisseau, une frégate et une corvette à Castellamare; ce qui fait un vaisseau, deux frégates et une corvette. On pourrait donc avoir ce nombre de bâtiments en 1811. Mais j’ai peine à croire qu’à Castellamare, au lieu d’une frégate, on ne puisse pas faire un vaisseau, et avoir ainsi deux vaisseaux.
Je crois difficilement qu’à l’endroit où est la caserne de Naples, où l’on peut mettre une frégate, on ne puisse pas mettre un vaisseau. Les ingénieurs français demandent trop de place pour construire un vaisseau. S’ils avaient vu les chantiers de Hollande, ils en demanderaient moitié moins. D’ailleurs on peut diriger la cale en angle, de manière que le vaisseau finisse par être lancé à peu près sur la même pièce d’eau.
En construisant pour votre compte un vaisseau, une frégate et une corvette à la fois et par an, ce sera toujours une dépense de 4 à 5 millions; ce qui, avec la dépense de la marine armée, fera 6 millions. Vous n’êtes guère dans le cas de dépenser davantage. Cela étant, je vous propose de mettre pour mon compte un vaisseau de 74 ou de 80 et une frégate. L’artillerie et les mâts seraient envoyés en nature de Toulon. La coque et le reste du bâtiment seraient faits par la marine napolitaine, qui fournirait tout, et je payerais ce que je paye à la marine italienne, argent comptant et chaque fois. Cela aurait l’avantage de faire entrer dans votre royaume à peu près 3 à 4 millions d’argent ; on pourrait ainsi espérer avoir, à la fin de 1811, dans les ports de Naples, un vaisseau napolitain et un vaisseau français, lesquels, avec celui que vous avez, feraient trois vaisseaux et une frégate. Ce serait déjà un commencement de marine. Si vos finances vous permettent de construire vous-même les deux vaisseaux et la frégate, nous arrivons au même résultat, et vous n’aurez pas besoin de mon secours.
Paris, 18 novembre 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, le prince de Schwarzenberg m’a remis une lettre de l’empereur d’Autriche. L’empereur me dit dans cette lettre que M. de Schwarzenberg me parlera de divers objets qui intéressent ses finances ; il n’entre pas dans d’autres détails. Le prince de Schwarzenberg m’a dit que ce que désirait l’empereur était : 1° obtenir des atermoiements pour les 12 millions qu’il doit; 2° que le commerce autrichien continuât à jouir des mêmes avantages dans les provinces illyriennes. Je lui ai répondu qu’il fallait qu’il traitât avec vous et vous fit une note qui expliquât ses désirs. Ces explications sont importantes; demandez-les-lui.
Paris, 19 novembre 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Paris
Mon Fils, je désire que vous donniez l’ordre d’évacuer sans rien dire ce que mes troupes italiennes ont occupé des cantons des Grisons.
Paris, 20 novembre 1810
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris
Mon Cousin, vous trouverez ci-joint l’extrait des derniers journaux. Vous sentirez l’importance d’expédier un officier d’état-major au général Drouet, pour lui faire connaître qu’au 1er novembre il n’y avait pas encore eu de bataille; que la gauche de l’armée française était à Villafranca, et la droite à Torres-Vedras, et que l’armée anglaise est en position à quatre lieues de Lisbonne; que 10,000 hommes de milices occupent Coimbra et interceptent la route; que la cavalerie n’est presque d’aucun usage; qu’il est donc important qu’il ne fasse point de petits paquets , et qu’il rouvre, avec un gros corps, les communications avec le prince d’Essling; que je compte, du reste, sur sa prudence pour ne pas se laisser couper d’Almeida.
Il paraîtrait, par les journaux anglais, que la garnison de Coimbra se serait laissé surprendre, du 10 au 15 octobre, et aurait laissé prendre 1,500 malades ou blessés qui s’y trouvaient.
Réitérez les ordres aux généraux Caffarelli, Dorsenne et Reille pour l’exécution des mouvements que j’ai ordonnés précédemment, c’est-à-dire que la Garde se réunisse à Burgos, et que tout ce qui appartient au corps du général Drouet lui soit envoyé. Recommandez au général Kellermann de ne pas retenir la division Conroux et de la laisser filer sur Salamanque.
Faites-moi connaître le jour où les fusiliers de ma Garde arrivent à Bayonne ; mon intention est qu’ils aient un jour de séjour à Bayonne.
Les détachements qui se trouvent au camp de Marrac joindront leurs compagnies.
Ecrivez au duc de Dalmatie pour lui faire connaître ce que disent les Anglais de l’armée de Portugal, et lui faire comprendre l’importance de faire une diversion en faveur de cette armée.
Paris, 21 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, envoyez des officiers et prenez des mesures pour que le duc de Tarente ne fasse pas ce qu’il a déjà fait, c’est-à-dire ne dégarnisse pas toutes nos frontières et ne les livre pas sans défense au brigandage. Mettez de suite sous les ordres du général Baraguey d’Hilliers les seize bataillons composés du 3e régiment d’infanterie légère, du 16e de ligne, du 67e, du 102e, etc., afin que les scènes qui ont eu lieu il y a un mois ne se renouvellent plus.
Paris, 21 novembre 1810
A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris
Je vous envoie le budget des provinces illyriennes. Il faut l’envoyer au général Andréossy pour voir les réductions qui pourraient être faites. Les dépenses me paraissent exorbitantes. A quoi bon payer les pensionnaires de la Maison d’Autriche, qui ne nous regardent pas ? Comment, d’ailleurs, les payer sans liquidation ? Pourquoi payer des pensions au clergé, déjà si bien doté ? Enfin quels sont les moyens de combler le déficit de 6 millions de francs qui reste ? Prévenez le duc de Raguse qu’il ne doit pas attendre un sou de France. Je l’ai prévenu de cela de bonne heure. Cependant je vois qu’il fait de grandes dépenses ; il y en a beaucoup d’inutiles dans le budget.
Paris, 21 novembre 1810
Au capitaine de vaisseau Montfort, commandant une division de frégates dans la Méditerranée
Monsieur le Capitaine de nos vaisseaux Montfort, notre intention est que nos frégates la Pauline et la Thémis, cette dernière armée en flûte, ayant chacune cinq mois de vivres et trois mois d’eau au moins, appareillent du port de Toulon sous votre commandement.
Vous ferez embarquer sur chaque bâtiment un chargement de différentes munitions, suivant l’ordre que vous envoie notre ministre de la marine. Vous êtes responsable de l’embarquement desdites munitions.
En partant de Toulon, vous vous rendrez à Porto-Ferrajo, où l’officier général commandant a ordre de mettre à votre disposition 500 hommes d’infanterie, complètement armés et habillés, que vous répartirez sur les deux bâtiments sous vos ordres.
Vous ne séjournerez pas plus de douze heures à Porto-Ferrajo pour embarquer lesdites troupes.
Les troupes embarquées, vous vous dirigerez sur l’Ile de Corfou, comme il est indiqué par les instructions nautiques que nous avons ordonné à notre ministre de la marine de vous adresser en vous autorisant toutefois à en modifier l’exécution, comme des circonstances non prévues vous paraîtraient l’exiger, pour l’avantage de notre service.
Arrivé â Corfou, vous remettrez à la disposition de notre gouverneur général dans cette île les troupes embarquées à Porto-Ferrajo, ainsi que toutes les bouches à feu, armes, munitions et autres objets que chacun de nos bâtiments a reçus en chargement pour cette île.
Notre intention est que vous preniez le commandement de la rade de Corfou, de tous les bâtiments de notre marine française et italienne, et de la marine napolitaine, conformément à l’état que vous en remettra notre ministre de la marine.
Nous entendons que vous, et tous les bâtiments sous votre commandement, soyez sous les ordres de notre gouverneur, votre devoir étant de concourir de tous vos efforts, et tant au matériel qu’au personnel, à la défense et à l’approvisionnement de la place et de l’île, et devant vous considérer à cet égard comme faisant partie de la garnison.
Nous comptons que vous justifierez par votre zèle et votre activité la confiance que nous plaçons en vous.
Paris, 22 novembre 1810
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
J’ai pris les décrets qui concernent Batavia. Je les ai envoyés à l’expédition pour mettre sur parchemin la commission du gouverneur général. Je vous ai mandé que vous n’avez qu’à le mener (le général Janssens) demain au lever pour prêter serment.
Faites faire les lettres pour les souverains dont vous m’avez envoyé la liste.
J’approuve ce que le général Janssens veut emmener, hors le sieur Briatte et le chirurgien-major hollandais. Je préfère qu’il emmène un chirurgien-major français. Je crois qu’il est plus convenable que la proclamation soit faite par le gouverneur lui-même. Il pourra y mettre la couleur de la circonstance.
Paris, 22 novembre 1810
NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE
Le chargement des objets d’artillerie pour les deux frégates destinées à Corfou sera fait par l’artillerie de manière que, si l’une d’elles venait à être perdue, la moitié de chacune des espèces d’objets parvienne à la colonie par l’autre. Il sera bon que le directeur de l’artillerie se concerte avec le préfet maritime pour faire le projet d’armement, qui sera envoyé ensuite à Paris.
Paris, 23 novembre 1810
Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris
Le Journal de l’Empire dit, dans sa feuille d’aujourd’hui, que je faisais faire à Vienne la statue de l’empereur d’Autriche, sans doute pour la mettre sur quelque place de Paris. Dites bien au sieur Etienne que, la première fois qu’il laissera passer de pareilles absurdités, je lui ôterai la direction du journal; il est tout simple que, puisqu’il est censeur de ce journal, il en surveille la rédaction. Cela est d’autant plus mauvais que le contredire ferait un effet désagréable. Ce n’est pas par Vienne, ou autre correspondance étrangère, qu’on doit apprendre ce que je fais.
Les Allemands sont si connus pour leur niaiserie, que je suis étonné qu’Etienne, qui a de l’esprit, s’y laisse prendre. Que ne répète-t-il, d’après les journaux allemands, que je portais sur ma bouche la pantoufle de la princesse Louise, que je ne connaissais même pas ? Ce sont des choses qui se recommandent par leur extrême bêtise. Il doit effacer de son journal tout ce qui viendrait sur moi des correspondances étrangères. Faites-lui-en une loi bien précise et absolue. Ce sont les journaux de Paris qui doivent dire à l’Europe ce que je fus, et non les gazettes de Vienne.
On m’a fait faire des présents à la reine de Prusse, à l’empereur d’Autriche, et toujours à faux. J’espère qu’après la lettre que je vous écris, je n’aurai plus occasion de témoigner mon mécontentement.
Paris, 23 novembre 1810
Au général Duroc, duc de Frioul, grand-maréchal du palais, à Paris
Monsieur le Duc de Frioul, sur les fonds que vous avez dans les mains, vous remettrez, chaque mois, 250 francs à Mme Simon, femme du général Simon blessé aux dernières affaires de Portugal et prisonnier en Angleterre. Faites-lui payer ce secours mensuel depuis le 1er septembre dernier.
Paris, 24 novembre 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, l’exposé du sieur Béthisy est faux. Il est fort égal qu’il demeure où il veut. Mais il ne peut échapper à la sentence de mort qu’en profitant de l’amnistie et en rentrant en France avant l’époque de rigueur.
Mandez au comte Otto que tous les officiers nés Français, jusqu’au grade de capitaine, et les sous-officiers et soldats, pourront rentrer en France avec le grade qu’ils avaient en Autriche; qu’il est autorisé à faire contracter un engagement à ceux qui voudront et seront en état de servir, et à les diriger sur Passau, où le ministre de la guerre envoie des officiers pour en former un bataillon; que, quant aux officiers au-dessus du grade de capitaine, je prendrai en considération leur âge, leurs services, leur habileté et leur moralité; qu’il y a même des généraux lorrains, encore verts, auxquels je ne ferai pas difficulté d’accorder le grade de général de brigade; qu’ayant oublié le passé, mon but est de faire rentrer en France tout ce qui est français.
La cour d’Autriche devra fournir à tous ces individus des étapes jusqu’à Passau. Arrivés à Passau, je m’en charge. Vous ferez connaître au comte Otto qu’il peut tirer sur vous les fonds qui lui seront nécessaires pour donner aux différents individus l’argent dont ils auraient besoin.
Prévenez ma mission à Munich du retour de tous ces Français.
Paris, 24 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, la cour de Vienne licencie les officiers et soldats français qui sont à son service; dans un seul régiment il y en a plus de 400. Mon intention est que vous formiez sur-le-champ à Passau, un dépôt qui sera commandé par 1 major, 4 capitaines, 1 quartier-maître et 1 commissaire des guerres. Tous les Français licenciés du service d’Autriche se rendront à ce dépôt. Ayez soin d’envoyer pour commander ce dépôt des hommes très intelligents, et faites-les partir en poste. Ils seront chargés de recevoir à Passau, des mains des commissaires autrichiens, tous les officiers, sous-officiers et soldats français des provinces en deçà et au delà des Alpes. Ils prendront leurs noms, leurs signalements, établiront leurs services en Autriche, et de quelle manière ils sont sortis de France. Après quoi ils leur feront signer leur serment et les déclareront amnistiés.
Ils les sépareront en deux classes, composées, l’une, de ceux qui ont la volonté et les moyens de servir; l’autre, de ceux qui ne sont plus propres au service et qui ne veulent plus servir. On formera de ces derniers des convois de 100 hommes, et on les dirigera sur Strasbourg, d’où il me sera rendu compte des hommes qui les composent, et je donnerai des ordres pour assurer leur subsistance et les classer. Ceux qui voudront servir et qui seront dans le cas de servir, sous-officiers et soldats, seront confirmés et seront formés en compagnies provisoires de 100 hommes. Les grades de capitaine, lieutenant et sous-lieutenant auront provisoirement été confirmés par mon ambassadeur à Vienne. Ces compagnies seront ainsi organisées : 1 capitaine, 1 lieutenant et 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 4 sergents, 1 caporal-fourrier, 8 caporaux et 100 soldats; elles prendront les numéros 1e, 2e, 3e et 4e compagnie, et seront dirigées sur Strasbourg. Les états vous en seront envoyés avec les matricules. Vous aurez le temps de prendre mes ordres avant l’arrivée de ces compagnies à Strasbourg, et je déciderai ce qui devra en être fait.
Il est nécessaire d’avoir à Strasbourg un bon officier général, avec le nombre d’employés nécessaires, pour vérifier les matricules, inspecter les officiers, donner des notes et me mettre à même de prononcer sur tous les officiers et même les soldats. Je compte qu’il y a au moins 10,000 soldats français au service d’Autriche. Si on les envoie tous, ce sera un recrutement considérable pour mes régiments. Mon intention, en les faisant venir à Strasbourg, est de les incorporer dans des régiments stationnés en France, afin qu’ils y passent au moins un an avant d’être envoyés avec ces régiments à l’étranger.
Il sera nécessaire que vous régliez les fonds que devra avoir le quartier-maître que vous enverrez à Passau pour qu’il subvienne aux dépenses nécessaires pour la marche de Passau à Strasbourg. Il sera nécessaire que vous ayez aussi à Passau quelques milliers de paires de souliers. Faites une instruction détaillée là-dessus au comte Otto, et faites-lui connaître le chef du dépôt pour qu’il corresponde avec lui.
Je pense qu’un pareil dépôt pourrait être formé à Villach pour les Vénitiens, Milanais et sujets du royaume d’Italie au service d’Autriche; écrivez-en au vice-roi.
Quant aux Français des provinces italiennes, je désire qu’ils viennent à Strasbourg. Écrivez donc au comte Otto pour que tous les Français cisalpins ou transalpins viennent par Passau à Strasbourg, et pour que tous les Vénitiens et Milanais seuls aillent à Villach. Faites-lui part de ces différentes mesures.
Paris, 24 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, il me semble qu’il ne serait pas raisonnable de faire passer aux colonies des hommes ayant plus de quarante ans. Je n’ai besoin ni de général, ni de colonel, ni de chef de bataillon, et même très peu de capitaines, puisqu’il faudrait leur donner un grade supérieur. Par conséquent, je pense qu’il n’y a pas lieu à revenir sur le décret du 14, et que la circulaire que vous devez écrire aux commandants des divisions militaires doit être fondée sur le décret. Voici ce que vous pourrez leur mander :
« Je vous envoie le décret relatif à la revue que vous devez passer des officiers réformés qui se trouvent dans votre division. Les possessions hollandaises exigent un grand nombre d’officiers pour commander les troupes du pays, qui sont considérables ; Sa Majesté désire donc y envoyer des lieutenants et sous-lieutenants réformés, âgés de moins de quarante ans, capables de servir, et qui voudraient être employés dans cette expédition. A leur arrivée à leur destination, il leur sera accordé le grade supérieur à celui qu’ils ont en ce moment. Sa Majesté destine également quelques places à des capitaines; mais, comme ils devront avoir rang de chef de bataillon, il est bien nécessaire que vous ne présentiez que des hommes capables. Je désire donc que vous passiez le plus tôt possible votre revue, et que, en me faisant connaître le nombre des officiers que je pourrais présenter à Sa Majesté pour être employés dans cette expédition, vous me donniez des notes sur chacun d’eux. Comme les dispositions de plusieurs de ces officiers peuvent être à votre connaissance même avant la revue, vous pouvez m’envoyer d’avance les renseignements que vous auriez déjà. »
Le dépôt de ces officiers doit être à Angers.
Paris, 24 novembre 1810
Au général Lacuée, comte de Cessac, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris
Je vous envoie un rapport sur la situation des régiments de l’armée d’Italie, avec les états qui y sont joints. D’autre côté, on me porte des plaintes de la mauvaise administration des corps et de l’arriéré qui leur est dû. Tout cela ne laisse pas que de m’inquiéter, puisque cela me donne de l’incertitude sur la situation de mes finances et sur celles de l’armée. Je désire avoir un état de ce qui est dû à chaque corps, exercice par exercice, et par masse, et savoir pourquoi on ne leur paye pas ce qui leur est dû. Je connais peu de dépenses plus importantes que celle-là.
Je désire avoir un rapport qui me mette à même de liquider ce que je dois aux corps, et que je cesse de leur entendre dire que tout est en mauvais état parce que le ministre leur doit.
Paris, 24 novembre 1810
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Envoyez un courrier à Toulon pour faire finir ces ridicules estacades qui sont la risée de tout le monde. Si une escadre n’est pas en sûreté dans la rade, qu’on la fasse rentrer dans le port. On me consomme à cela beaucoup de bois et l’on fait des dépenses inutiles. Je suis surpris que cela puisse avoir lieu sans votre ordre. Il est tout à fait contraire aux premières notions de comptabilité que de pareilles dépenses se fassent sans votre ordre et sans qu’une question si importante m’ait été soumise. Il n’y a aucun danger pour mon escadre dans la grande rade de Toulon ; s’il y en avait, il n’y a qu’à la mettre dans la petite rade. Tout cela est bien affligeant.
Il me paraîtrait important de remplacer à Toulon le général Allemand.
Paris, 24 novembre 1810
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Je vous envoie un plan de la rade de la Hougue, avec une lettre du colonel Deponlbon. Vous me renverrez le plan après que vous aurez fait relater la position des frégates sur les cartes du Dépôt. Il paraît qu’à plus de 1,000 toises des batteries les Anglais ont craint d’aborder ces frégates avec deux vaisseaux de guerre.
Je crois que les deux frégates doivent partir ensemble si cela se peut, l’Élisa armée en flûte. On lui laissera l’armement nécessaire pour qu’elle soit plus forte qu’un brick. Qu’elles aillent à Cherbourg ou à Brest ou au Havre, elles seront également bien dans ces ports.
Faites faire des reconnaissances sur les îles Saint-Marcouf, afin de bien reconnaître s’il y aurait de l’avantage à réunir les deux îles par une jetée, comme on en avait eu le projet. Vous me direz un mot là-dessus.
Voyez aussi à faire faire par Cachin le projet d’un fort sur l’extrémité du banc du Dec. Il faudrait d’abord y faire une île en échouant un certain nombre de bâtiments. Si cela était possible, cela serait d’un grand intérêt, puisque, entre la Hougue, Tatihou et le fort, une escadre assez considérable pourrait être absolument à l’abri des efforts de l’ennemi.
Paris, 24 novembre 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon Fils, je ne puis prendre le décret qui prohibe la sortie des grains du royaume d’Italie pour France. La circulation dans les pays qui me sont soumis m’intéresse également. Il est seulement fâcheux qu’on n’ait pas empêché la sortie des subsistances à l’étranger. En attendant, voici ce que je crois qu’on pourrait ordonner : on pourrait ordonner que les magasins de blé qui sont très considérables rentrassent dans l’intérieur pour la consommation du royaume. Laissez la circulation libre entre la France et l’Italie.
Palais des Tuileries, 25 novembre 1810
A M. Philibert, lieutenant de vaisseau, commandant la Sapho
Monsieur Philibert, lieutenant de nos vaisseaux, ayant résolu d’envoyer dans nos établissements à l’est de l’île de France notre corvette la Sapho, dont le commandement vous est confié, nous vous avons fait connaître par notre ministre de la marine comment nous entendions que fut disposé l’armement de cette corvette, l’organisation de son équipage, la quantité de troupes passagères qu’elle doit recevoir à bord, de manière que ces troupes et l’équipage s’élèvent au nombre de 174 hommes et que la corvette soit approvisionnée de 150 à 155 jours de vivres et d’eau pour ce nombre d’hommes.
Nous vous avons fait connaître aussi la quantité de métaux, fusils, pierres à fusil que nous avons ordonné d’être embarqués sur notre susdite corvette.
Aujourd’hui nous vous faisons savoir que notre intention est que vous vous rendiez sur notre île de Java, dans les mers orientales, où , arrivé, vous remettrez à la disposition de notre gouverneur général dans cette colonie les troupes passagères qui sont à votre bord, au nombre de 50 hommes, les fusils, métaux et autres objets que vous avez pris en chargement. Vous prendrez ses ordres pour votre réarmement et votre destination ultérieure.
Vous prendrez ou détruirez tous les bâtiments ennemis que vous pourrez atteindre dans votre traversée, sans vous écarter de votre route, en observant que la proportion de votre eau et de vos vivres avec la longueur de cette traversée vous impose l’obligation de vous porter aussi directement que possible sur notre île de Java, comme aussi d’augmenter votre approvisionnement de campagne de celui de toutes les prises que vous pourrez faire ou de toutes autres ressources qui vous seront offertes.
Vous éviterez toute relâche qui ne sera pas indispensable.
Notre ministre de la marine est chargé de vous transmettre des instructions de détail relatives à votre mission.
Nous comptons que vous ne négligerez rien pour la bien remplir, ainsi que celles qui vous seront ultérieurement confiées par le gouverneur général de nos établissements dans les mers d’Asie.
Nous nous reposons à cet égard sur votre courage et votre zèle pour noire service.
Paris. 26 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Écrivez de la manière la plus forte au roi de Naples pour qu’il continue d’approvisionner Corfou; faites-lui connaître que je le rends responsable si Corfou manque de la moindre chose; que Corfou importe à son royaume encore plus qu’à la France; que je n’entends pas que, là où j’ai 30,000 hommes de mes troupes, 10,000 soient exposés à mourir de faim, et que mes armes à Corfou soient déshonorées. Écrivez-en à mon chargé d’affaires, au ministre de la guerre et au ministre des relations extérieures. Parlez-en au ministre de Naples ici, et prenez la chose avec une telle vivacité que cela ne souffre pas d’obstacle. Persuadez-les bien que j’entends que Corfou soit approvisionné.
Paris, 26 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Témoignez mon mécontentement par duplicata au général Donzelot de ce que les travaux de fortification n’avancent point et que le moyen que j’avais ordonné n’est pas mis à exécution. Renouvelez l’ordre que chaque corps soit chargé de construire une redoute ou fort sur les hauteurs en avant de Corfou, comme je l’avais ordonné. Il n’y a besoin pour cela que de bras et d’outils. Les bataillons fournissent les bras; les outils ne peuvent manquer. Les frégates de la marine peuvent fournir 250 ouvriers chacune pour travailler au Lido et aux batteries sur les bords de la mer. Ayant approvisionné Corfou pour un an, il faut une résistance plus forte que celle que permettent de faire les fortifications permanentes, et par là empêcher l’ennemi d’approcher plus près que la portée de la bombe, et faire véritablement une résistance très prolongée.
Paris, 26 novembre 1810
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Je vous envoie les instructions pour les frégates de Nantes. Il me semble qu’elles ne sont pas complètes, puisque vous ne parlez pas de ce qu’elles doivent devenir à Batavia. Vous n’ajoutez pas qu’elles feront à la disposition du gouverneur pour faire des croisières, faire le plus de mal à l’ennemi et apporter toute espèce de secours à la colonie.
Paris, 26 novembre 1810
Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris
Monsieur le Comte Decrès, dans l’état de situation de la marine de France, vous ne portez pas le brick le Saint-Philippe, un demi-chebec appelé le Joubert, deux felouques, trois chaloupes canonnières, une barque armée et cinq barques courrières, en tout treize bâtiments qui sont à Corfou. Faites-moi connaître ce que c’est que ces barques courrières. Il parait qu’il en faudrait un grand nombre à Corfou.
Paris, 26 novembre 1810
NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, DICTÉE EN CONSEIL DU COMMERCE
La question serait celle-ci : acheter dans les départements du Rhin, où il parait que les blés sont abondants, 500,000 quintaux de blé, poids de marc. Les transporter partie aux affluents du Rhin, partie aux affluents du Midi, en se servant ou de la Saône ou du Doubs. Calculer à combien ces blés reviendraient à leurs différentes destinations. Les estimations faites supposent que le prix d’achat serait de 4 millions ou 4 millions 500,000 francs, et celui du transport de 2 millions ou 2 millions 500,000 francs; ce qui ferait 6 à 7 millions. Mais il faut savoir : 1° si ces calculs sont vrais; 2° si les départements du Rhin peuvent supporter de pareils achats ; 3° s’il Y a d’autres départements où le blé est abondant, et quels seraient les avantages qu’on trouverait à opérer dans celle supposition.
On pourrait traiter une seconde question : serait-il possible de faire de semblables achats, pour la même quantité de 500,000 quintaux, dans les départements de l’Ouest, pour transporter ces blés partie aux affluents du Midi, partie aux affluents de Paris ? Quelles routes faudrait-il prendre et quelle serait la dépense tant des achats que des transports?
Si ces deux projets se réalisaient simultanément, on aurait à portée de Paris et du Midi un million de quintaux de grains de réserve avec une dépense de 12 millions. Cette opération serait sans inconvénient, puisque la direction des vivres de la guerre dépense au delà de cette somme. Elle aurait l’avantage de mettre entre les mains du gouvernement, avec la réserve de Paris, 1,500,000 quintaux, qui fourniraient le moyen de parer à l’événement d’une mauvaise récolte à venir. On pourrait lier cette opération avec le projet des magasins de réserve à former dans les différentes grandes villes.
Il faut examiner aussi un troisième projet qui consisterait à acheter sur l’Elbe un million de quintaux qu’on ferait venir à Amsterdam. Dans ce système, on prohiberait la sortie de l’Elbe et on ne laisserait sortir de la Vistule que pour Lubeck.
Paris, 27 novembre 1810
Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris
Mon intention est que les Français aient le droit de faire le commerce à Francfort, et que des maisons de commerce françaises puissent s’y établir. Écrivez-en au ministre des relations extérieures, qui prendra mes ordres. Faites-moi connaître s’il y a d’autres villes de cette espèce qui aient des droits de bourgeoisie particulière, afin que les Français puissent y participer.
Paris, 27 novembre 1810
A M. Monge, comte de Peluse, membre de l’Institut, à Paris
Je vous prie de lire avec attention les pièces ci-jointes, de faire les recherches convenables et de me mettre une note qui me fasse connaître les mesures à prendre pour continuer à employer la mine de l’île d’Elbe dans la magona de la Toscane, augmenter l’extraction de l’île d’Elbe pour en marier le surplus avec les bois de Corse, y faire du fer et même des canons.
Quelle espérance peut-on avoir que ces canons soient plus légers que les canons du Dauphiné ? Seront-ils meilleurs ? Reviendront-ils à meilleur marché ?
Quels sont les points de Corse où l’on pourrait faire ces établissements ? La mine d’Elbe appartenant à la Légion d’honneur, quelles sont les concessions qu’il faudrait lui faire en bois et en terrains propices à des établissements, ainsi que pour la magona de Toscane ?
Causez avec le comte Chaptal, qui vous désignera les individus qui ont donné des renseignements là-dessus. Voyez aussi les ministres de l’intérieur et de la marine, qui ont des documents relatifs à cela. Faîtes-moi un travail sur ces questions.
Paris, 28 novembre 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je fais porter samedi au Sénat un sénatus-consulte pour la levée de 40,000 marins. Je désire que cette même séance vous lisiez le rapport sur les négociations relatives à l’échange des prisonniers. Envoyez-moi donc votre travail, pour que vous puissiez après cela le faire imprimer, car il n’y aura pas d’inconvénient à ce qu’il paraisse dès le lendemain dans le Moniteur.
Paris, 28 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Monsieur le Duc de Feltre, je pense qu’il faudrait former une division à Puycerda. La brigade du général Gareau, qui est forte de 2,000 hommes, en ferait partie. L’autre brigade pourrait être composée des quatre bataillons du 18′ léger et des 5% 11% 23* et 81(de ligne, formant 2,400 hommes. Vous y attacheriez un escadron de 150 chevaux, qui serait fourni par le général Baraguey d’Hilliers, et une division de quatre pièces de canon prises dans l’artillerie de l’armée de Catalogne.
Cette division, forte d’environ 4,500 hommes, serait suffisait pour patrouiller aux environs de Puycerda et assurer la frontière. Elle serait sous les ordres du général Baraguey d’Hilliers pour concourir à tous les mouvements nécessaires pour soumettre le pays.
Paris, 28 novembre 1810
Au général Savary, duc de Rovigo, ministre de la police générale, à Paris
Le bulletin de la Gazette de France est aujourd’hui plein de détails ridicules sur l’Impératrice. Tancez vivement l’auteur de cet article. Il parle d’un serin, d’un petit chien, imaginés par la nigauderie allemande, mais qui sont déplacés en France. Les rédacteurs de nos journaux sont bien bêtes.
Paris, 28 novembre 1810
Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major-général de l’armée d’Espagne, à Paris
Mon Cousin, je vous envoie des extraits des journaux anglais.
Envoyez-en une note au duc de Dalmatie, et témoignez-lui mon mécontentement de ce que les divisions espagnoles soient arrivées à Lisbonne et qu’il ne fasse rien.
Paris, 28 novembre 1810
Au prince Lebrun, lieutenant général de l’Empereur en Hollande, à Amsterdam
Faites brûler sur-le-champ toutes les marchandises provenant de fabrique anglaise qui sont en Hollande, dans les entrepôts, magasins, etc.
Paris, 29 novembre 1810
A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris
Monsieur le Duc de Cadore, je vous renvoie les pièces de la négociation de Morlaix. J’ai retranché des passages; j’en ai marqué d’autres qui m’ont paru bien faibles. Je trouve, en général, que le principe de la conduite des Anglais n’y est pas développé, qu’il n’a pas même été bien saisi. Ce principe était d’adopter la base d’un échange général, parce que c’était le seul moyen de retirer tous leurs prisonniers de France. Ils ne voulaient pas l’exécuter, puisqu’ils ne voulaient échanger qu’un nombre de Français contre un même nombre d’Anglais, laissant ainsi en suspens et en prison les deux tiers des Français, ainsi que leurs alliés. Voyez à faire ces changements et à faire imprimer le rapport avec les pièces. Je pense qu’il est plus convenable d’imprimer les notes seules sans la lettre du sieur de Moustier.
Paris, 29 novembre 1810
A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Milan
Mon Fils, je vous ai mandé que je ne voulais point signer de décret qui eût pour but de gêner la circulation entre le royaume d’Italie et le Piémont, que je regarde comme circulation intérieure. Cependant je vois avec peine, par tous les rapports que je reçois, qu’elle éprouve des entraves. Mon intention est que, sous quelque prétexte que ce soit, vous ne dérangiez rien aux douanes sans mon ordre.
Paris, 30 novembre 1810
NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR
Le Valais formera un département sous le nom de département du Simplon. Ce département sera divisé en trois sous-préfectures et douze cantons.
Il y aura un seul tribunal, qui sera composé de cinq membres et qui siégera à Sion.
Le traitement des sous-préfets sera de 1,500 francs, celui des juges de paix de 400 francs.
Il y aura un colonel commandant le département, un commissaire des guerres, une compagnie de gendarmerie à pied et une compagnie de réserve de dernière classe.
Quant aux impositions, on pourrait établir l’imposition directe, l’enregistrement, le timbre, les douanes, l’imposition du sel et la poste. On pourrait ne point établir les droits réunis dans ce département.
Il faudrait arranger les finances de manière à ce qu’elles suffisent pour couvrir les dépenses de l’administration et pour donner quelque chose aux routes. Du reste, on ne tirerait point d’argent de ce pays. Le directeur des contributions pourrait être aussi directeur de l’enregistrement et diriger les autres impositions qui seraient établies. Ce moyen d’économie parait très praticable, et il y en a beaucoup d’autres à adopter dans cette organisation.
Le ministre de l’intérieur chargera une commission des députés da Valais de préparer une organisation définitive de la justice, de l’intérieur et des finances, de manière qu’on puisse organiser définitivement toutes les parties et les mettre en activité en 1811.
Paris, 30 novembre 1810
Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris
Donnez ordre au duc de Reggio de faire construire des batteries sur les points les plus favorables pour donner protection à la flottille qui est dans la Jahde. II est probable que, dans les mouvements qui vont avoir lieu entre la France et la Hollande, les flottilles auront besoin de se réfugier dans la Jahde et d’y être protégées par la terre.