Correspondance de Napoléon – Aout 1800
Paris, 20 août 1800
Au Roi d’Espagne
J’envoie le Général Berthier auprès de Votre Majesté pour l’entretenir d’objets qui tiennent à ses plus chers sentiments et à l’amélioration des relations qui unissent l’Espagne à la France.
Je le charge aussi particulièrement de faire connaître à sa Majesté combien je suis content de M. Gravina, commandant actuel de sa flotte, à Brest.
Je prie Votre Majesté de croire à l’estime et à la considération j’ai pour elle.
Paris, 21 août 1800
Au citoyen Carnot, ministre de la guerre
Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire partir avant minuit trois courriers extraordinaires, un pour le général Moreau, un pour le général Brune et un pour le général Augereau, pour les prévenir que les hostilités vont recommencer dans la première décade de septembre: que chacun de ces généraux fasse connaître aux généraux qui leur sont opposés que, Sa Majesté Impériale n’ayant point ratifié les préliminaires de paix qui avaient été signés à Paris, le 9 thermidor, entre le Gouvernement français et M. de Saint-Julien, les hostilités recommenceront du 5 au 10 septembre. Prévenez-le que vous leur envoyez ce courrier afin qu’ils aient le plus de temps possible pour faire leurs préparatifs.
Paris, 24 août 1800
Au général Moreau, commandant en chef l’armée du Rhin
Je vous avais déjà annoncé, mon cher Général, que l’estime et la confiance des Consuls vous appelleraient à la direction supérieure des forces qui doivent agir en Allemagne. La modestie avec laquelle vous refusez à accepter cet important commandement n’a été à leurs yeux qu’un nouveau motif pour vous le donner. En effet, prévoyant que les lenteurs de la cour de Vienne peuvent mettre incessamment le Gouvernement dans la nécessité de rompre l’armistice, et sentant tout l’avantage qu’il doit y avoir à mettre dans les opérations de nos armées en Allemagne cet ensemble énergique et soutenu qui double les moyens et assure les succès, ils ont d’abord arrêté qu’à la rupture de l’armistice le corps d’armée que commande général Augerean serait à vos ordres et agirait d’après vos instructions, pour seconder et assurer vas opérations.
Dans une conférence qui a en lieu hier chez les Consuls, et à laquelle a assisté le général Lahorie, on a paru s’accorder à trouver convenable de diriger, lors de la reprise des hostilités, ce corps d’armée sur Schweinfurt, afin de cerner ainsi Würzburg, de tourner tout ce qui se trouverait dans ce coude du Main, et de venir dans le haut Palatinat menacer la Bohême et couvrir les siéges des places du Danube.
Je vous envoie copie de la lettre que j’écris à ce sujet au général Augereau, qui, dés à présent, doit entretenir avec vous une correspondance active pour vous tenir informé de sa situation et de tous ses mouvements. Il a, dans le temps, témoigné vivement le désir de concourir au succès de l’armée que vous commandez. On peut donc croire qu’il sera satisfait de l’occasion que lui en offre cette disposition et de la part qu’elle lui donne aux grandes opérations que vous devez diriger.
Paris, 25 août 1800
ARRÊTÉ
Les Consuls de la République arrêtent :
ARTICLE ler. – A Compter du 1er vendémiaire prochain, le service des conseillers d’État sera distingué en service ordinaire ou service du Conseil d’État, et service extraordinaire, consistant soit en fonctions permanentes, soit en missions temporaires.
ART. 2. – I1 ne pourra être employé au service ordinaire ou service du Conseil d’État plus de quarante conseillers d’État.
ART. 3. – Les conseillers d’État chargés d’un service extraordinaire conserveront leur titre.
ART. 4. – Lorsqu’un membre du Conseil d’État sera chargé par le Premier Consul d’un service extraordinaire, il cessera d’être porté sur la liste des conseillers d’État en service ordinaire.
ART. 5. – Tous les trois mois, le Premier Consul arrêtera la liste des conseillers d’État en service ordinaire.
ART. 6. – Les conseillers d’État en service extraordinaire qui seraient de retour de leur mission ne pourront prendre séance au Conseil d’État qu’an commencement du trimestre où ils seront portés sur la liste des conseillers d’État en service ordinaire.
ART. 7. – Le présent arrêté ne sera point imprimé.
Paris, 25 août 1800
Au général Bessières, commandant en second la garde des Consuls
Vous ferez partir un officier qui se rendra chez le ministre de la guerre, qui lui donnera les ordres nécessaires pour requérir 25 hommes de gendarmerie et aller au-devant des chevaux que le roi d’Espagne m’envoie. I1 aura soin:
1° Qu’il ne manque rien ni aux hommes, ni aux chevaux;
2° Que les hommes puissent entendre la messe tous les jours et soient bien traités.
Paris, 29 août 1800
Au citoyen Carnot, ministre de la guerre
Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner les ordres :
De manière que le général Moreau manœuvre pour jeter l’ennemi derrière l’Enns: je désirerais qu’il commençât les hostilités au tard le 22 fructidor (9 septembre);
Pour que le général Augerean borde la Rednitz lorsque le général Moreau aura passé l’Inn , et pousse des partis sur la Bohême pour donner de l’inquiétude à l’ennemi, sans cependant se compromettre;
Pour que le général Macdonald occupe, le plus tôt possible, Coire, Feldkirch, Glaris, et se porte sur Bolzano, lorsque l’armée du Rhin aura commencé son mouvement, afin d’opérer une diversion favorable à l’armée d’Italie; il serait utile qu’il pût être arrivé à Bolzano le 1er vendémiaire;
Pour que le général Brune se porte sur l’Adige, afin de donner, à Trente, la main à l’armée de réserve.
Je désirerais que le général Brune se trouvât à Vérone da 1 5 vendémiaire.
L’armée d’Italie aura un équipage de siége de vingt bouches pour attaquer sur-le-champ Peschiera et s’emparer de ce poste important . Après avoir pris Peschiera, elle s’emparera de Porto-Legnago. Elle fera le blocus de Mantoue, en y employant principalement des Italiens et des Polonais.
Paris, 29 août 1800
Au général Bernadotte, commandant en chef l’armée de l’ouest
J’ai reçu, Citoyen Général, vos lettres du 7 fructidor. J’ai nommé votre aide de camp Chef de brigade.
Je n’ai aucune inquiétude sur ce que peuvent faire les Anglais de vos côtés, parce que vous y êtes.
Nous avons un grand besoin de mettre de l’économie dans la solde, qui absorbe une grande partie des revenus de 1’État.
La légion expéditionnaire sera probablement destinée à s’embarquer vers la fin de ce mois. Tâchez de lui faire fournir tout ce qui lui manque. J’ordonne au ministre de la guerre de lui faire passer les draps nécessaires.
Paris, 29 août 1800
Au général Augereau, commandant en chef l’armée en Batavie
J’ai reçu, Citoyen Général, vos différentes lettres, et spécialement celle du 7 fructidor. Les Anglais ne peuvent rien faire en Batavie, puisque la saison commence déjà à être trop avancée. D’ici à une quinzaine de jours nous n’aurons plus décidément rien à craindre en Batavie. Vous pouvez encore en retirer quelques troupes. Des demi- brigades ruinées doivent être arrivées en Belgique et en Batavie.
Je sens qu’avec le peu de forces que vous avez vous ne pourrez rien entreprendre de marquant dans le commencement de la campagne. Mais la présence de votre corps d’armée n’en sera pas moins décisive, et vous pourrez successivement, lorsque Moreau aura passé l’Inn, vous porter jusqu’à la Rednitz.