Carl Philipp Gottlieb von Clausewitz (1780-1831)
La guerre n’est pas un phénomène indépendant, elle est la continuation de la politique par d’autres moyens.
Carl Philipp Gottlieb von Clausewitz naît le 1 juin 1780, à Burg, en Brandebourg, dans une famille d’officiers et de fonctionnaires (allemande même si le nom est d’origine polonaise), de la classe moyenne et d’esprit fortement prussien. Il entre dans l’armée prussienne, en tant que cadet, à l’âge de douze ans. Il est alors porte-drapeau au régiment Prince Ferdinand. Il subit sa première épreuve du feu une année plus tard, devant Mayence.
Après le retrait de la Prusse de la Première Coalition contre la France révolutionnaire, en 1795, il passe cinq années à se morfondre dans des garnisons. Mais il en profite pour parfaire lui-même son éducation : en plus de son intérêt pour les choses militaires, Clausewitz s’intéresse en effet à un grand nombre de sujets, comme les arts, les sciences et l’éducation. Il lit beaucoup : Machiavel, Montesquieu, mais aussi Frédéric II. Une diversité qui ne sera pas sans influencer, plus tard, ses oeuvres littéraires.
Ses efforts portent leurs fruits : en 1801 il est admis à l’Institut pour Jeunes Officiers de Berlin (ce qui deviendra plus tard la célèbre Kriegsakademie). Là, il retient rapidement l’attention du nouveau directeur, Gerhard von Scharnhorst, figure de proue de la Prusse durant les guerres napoléoniennes, et qui sera chef d’état major durant la désastreuse campagne de 1806. Celui-ci, impressionné par les capacités de Clausewitz, devient rapidement son partisan, son mentor et son ami.
Clausewitz obtient ses diplômes en 1803, et est alors nommé adjudant auprès du jeune prince Auguste, ce qui va le mettre en contact étroit avec la famille royale
Les victoires françaises sur l’Autriche et la Russie, en 1805, amènent la Prusse à mobiliser en 1806. Confiant dans l’héritage de Frédérique le grand, Clausewitz, comme la plupart des officiers de sa génération, appelle de ses voeux une confrontation avec la France. Mais le moment est mal choisi, la mobilisation s’effectue de façon désastreuse, et la nation est psychologiquement mal préparée. Les forces prussiennes vont être anéanties de façon humiliante à Iéna et Auerstaedt. Clausewitz et le prince Auguste sont faits prisonniers, après de durs combats. La paix qui survient ensuite ampute la Prusse de la moitié de ses territoires.
Si cette défaite est un choc pour Clausewitz, au moins lui ouvre-t-elle les yeux. Il consigne ses impressions, sur la guerre mais aussi sur la situation sociopolitique de la Prusse, dans un certain nombre d’articles, qu’il donne á la revue militaire Minerva, à Hambourg. Plus tard, en 1820, il en fera un livre : « Observations sur la Prusse », dont la virulence empêchera la publication jusqu’en 1880.
De retour de captivité, en France et en Suisse, jusqu’en 1808, il s’engage avec vigueur, aux cotés de Scharnhorst et d’autres membres du mouvement réformateur, dans la tâche de rénovation de la société prussienne et de son armée, dans l’optique d’une nouvelle guerre avec la France, qu’il juge inévitable. Mais son enthousiasmeNest loin d’être partagé par le roi, plus soucieux de garder son trône, dans une Prusse affaiblie, que de se lancer dans une croisade nationaliste. La déception de Clausewitz atteint son comble lorsque la Prusse, alliée de la France, accepte d’envoyer des troupes pour l’armée de Napoléon, lors de la campagne de Russie. Il donne alors (il n’est pas le seul) sa démission de l’armée, et accepte un commandement (lieutenant colonel – le 18 avril 1812) dans l’armée russe
C’est à cette époque qu’il a rédigé un essai sur la guerre, qu’il laisse, avant de partir, au prince Frédérique Guillaume (le futur roi Frédérique Guillaume IV), alors âgé de 16 ans, et dont il est le tuteur militaire depuis 1810. Ce sont les célèbres « Principes de la Guerre« , reflets de la pensée de Clausewitz à ce moment de sa vie, mais qui ne sont que les prémices de son ouvrage majeur, « De la Guerre« . En 1810, il avait épousé Marie de Brühl :c’est elle qui publiera plus tard l’ouvrage.
Les « Principes » traitent de sujets essentiellement tactiques, et beaucoup de sujets ne sont alors qu’à l’état embryonnaire, voire même totalement négligés. L’ouvrage est en fait essentiellement basé sur l’expérience de Frédérique le Grand et les guerres de la Révolution et contre Napoléon.
Au service du tsar, Clausewitz sera désavantagé par sa méconnaissance de la langue. Il participe cependant à la retraite tactique des Russes, combat à la bataille de la Moskova, et sera témoin de la retraite de l’armée française, jusqu’au passage de la Berezina. Envoyé au travers des lignes françaises, il joue un rôle important dans la négociation de la Convention de Tauroggen, qui conduit à la défection du corps prussien du général Yorck, et amène la Prusse á se ranger aux cotés des Alliés.
On s’en doute, tout ceci ne lui gagne pas les faveurs de la cour de Berlin (il sera surnommé en une occasion « Louise-Witz »). Mais le changement de camp de la Prusse conduit à sa réinsertion dans l’armée prussienne, avec le grade de colonel. Il va alors participer à de nombreuses actions de la « Guerre de Libération » (1813-1814), mais le ressentiment du roi l’empêchera d’obtenir un quelconque commandement appréciable. Au lieu de cela, il sert comme aide de camp du général Auguste von Gneisenau, chef d’état-major du maréchal Blücher de 1813 à 1815, et l’un des principaux artisans de la renaissance militaire de la Prusse.
Il sera cependant quelquefois au coeur des combats, comme à Lützen, en 1813, où il conduit plusieurs charges de cavalerie, et est blessé (Scharnhorst, lui aussi, est mortellement touché)
Pendant la campagne de 1815, Clausewitz est chef d’état-major du 3e corps d’armée prussien (Général Thielmann). Ces troupes combattent à Ligny, réussissant à s’extraire de la défaite subie ici par les Prussiens. C’est ensuite, devant des Français en surnombre, l’action d’arrière-garde de Wavre, qui empêche les troupes de Grouchy de rejoindre Napoléon à Waterloo.
Clausewitz est promu général en 1818, et devient commandant de l’École de guerre générale, à Berlin. En fait, il n’a pratiquement rien à y faire (la contre réaction en Prusse, après 1819, y est pour quelque chose). Il passe alors son temps á écrire des études sur les différentes campagnes et à préparer ce qui deviendra « De la Guerre »
Il retrouve le service actif en 1830 : il est alors nommé commandant d’un groupe de brigades d’artillerie, stationnées en Prusse orientale. Les Révolutions à Paris et en Pologne laissent alors présager une nouvelle guerre en Europe : il est alors nommé chef d’état-major du maréchal Gneisenau, à l’armée d’observation envoyée sur la frontière polonaise.
C’est à cette époque qu’il met les scellés sur ses manuscrits inachevés (il n’y remettra jamais la main).
La guerre évitée, Clausewitz reste en Prusse orientale, organisant un cordon sanitaire pour stopper l’épidémie de choléra venant de Pologne. Mais son ami Gneisenau est atteint, et succombe. Lui-même, apparemment en bonne santé, retourne à Breslau. Mais la maladie se déclare bientôt, et il meurt le 16 novembre 1831, âgé de 51 ans.
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