[ed-logo id=’7324′]

Latest Posts

23 novembre 1808 – Bataille de Tudela

Le maréchal Lannes
Le maréchal Lannes

Le 18 novembre 1808, Napoléon avait donné l’ordre à Lannes d’avancer jusqu’à Tudela. Le 21 celui-ci se trouve à Lodosa, le 22 à Calahorra, le 23 enfin à Tudela. En arrivant à Logroño, l’empereur ordonne à Moncey de passer l’Èbre près de Lodosa. afin de joindre ses forces à celles de Lannes. Arrivé à Lodosa, il organise alors les forces dont il dispose.

Tandis que les Français organisent une offensive rapide et soigneusement préparée, les armées espagnoles de l’Èbre se trouvent dans les pires conditions pour affronter avec succès l’ennemi. »la qualité des troupes et leur infériorité numérique ne leur permettaient pas de rivaliser avec les troupes aguerries des français ».

Par ailleurs, la mésentente règne entre les généraux espagnol, Castaños et Palafox, qui n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la conduite des opérations. Palafox, fier de la façon dont il a organisé la défense de Saragosse, se considère supérieur à son collègue Castaños,  lequel a réclamé le commandement unique des armées, que la Junte Suprème tarde cependant à lui reconnaître.

Le général Castanos
Le général Castanos

Castaños pense que la position qu’il occupe, depuis les flancs du Moncayo jusqu’à l’Èbre (soit environ 50 km) peut arrêter la pénétration de l’armée française, mais il ne dispose que de 26.000 hommes environ, alors qu’on lui en a promis 80.000.

C’est le maréchal Juan O’Neylle [1] qui a sous ses ordres le reste des forces espagnoles, mais celles-ci se trouvent alors à Caparroso et Villafranca. Castaños lui envoie une lettre pour lui demandant de venir à Tudela le plus rapidement possible, car il sait les Français en route et vont arriver d’un moment à l’autre. Son message atteint O’Neylle à Caparroso le 21 novembre à 17 heures. La réponse d’O’Neylle est pour le moins étrange :

« Je comprends bien le caractère critique de la situation, mais mon chef est Palafox, et celui-ci m’a donné l’ordre de rester sur mes positions, malgré tout je suis prêt à marcher jusqu’à Tudela avec mes 20 000 hommes, mais ce sera demain à la tombée de la nuit, dés maintenant j’envoie une dépêche à Palafox pour qu’il me dise à quels ordres je dois me tenir. »

Le 22 novembre les forces espagnoles occupent les positions suivantes:

Grimarets est à Tarazona, avec trois divisions (13 000 à 14 000 hommes), et une avant-garde sur la route de Ágreda, par où, pensent les Espagnols, les Français doivent arriver.

Manuel la Peña est à Cascante, avec sa 4e division (8 000 hommes, en majorité des Andalous qui ont participé à la bataille de Bailén).

Castaños a son état-major à Ablitas. Il espère pouvoir couvrir l’espace entre Cascante et l’Ebre avec sa 5e division et les renforts de  O’Neylle et de Felipe Augusto de Saint-Marcq, dont il attend l’arrivée avec impatience.

L’après-midi du 22 novembre, les unités d’Aragon commencent à se concentrer au lieudit Traslapuente (de l’autre côté de l’Ebre par rapport à l’armée de Castaños), mais ne franchissent pas le pont, campant à cet endroit, ayant ordre de ne pas franchirent le fleuve et d’attendre l’ordre de Palafox ! Cela n’est pas du goût de Castaños, qui sait que les Français sont sur le point d’arriver, alors que les renforts ne sont même pas à leur poste de combat.

Sommé de répondre, Palafox ne cède pas. Castaños, convoque alors un conseil de guerre à Tudela, auquel participent Palafox (arrivé la veille de Saragosse, avec son frère Francisco Palafox), le général Coupigny et un observateur anglais, Thomas Graham [2], et à l’issue duquel aucune mesure n’est prise qui soit de nature à sauver la situation des Espagnols.

D’un côté, arguant du manque d’effectifs, Palafox s’oppose à l’établissement de la ligne de Queiles, et recommande de se retirer sur Saragosse et défendre l’Aragon. Pour Castaños « L’Espagne doit défendre l’Espagne ! », et il recommande de rester uni face aux Français.

Dans la nuit du 22 novembre, les chefs espagnols apprennent que les Français se sont emparés de Corella et Cintruénigo. La nouvelle se répand rapidement (provoquant même la panique, selon les témoins). Beaucoup insistent de nouveau pour que O’Neylle franchisse l’Ebre, se heurtant une nouvelle fois au refus de Palafox. Une vive discussion éclate entre celui-ci et Castaños. Finalement, Palafox cède, à contre cœur, et donne l’ordre à ses forces de passer le fleuve, exigeant toutefois que chacun porte par écrit son opinion.

 

La bataille

A l’aube du 22 novembre, les forces de l’armée de réserve commencent à traverser le pont, de 300 m, sur l’Ebre. La traversée, par les troupes, des rues étroites de Tudela, durant la nuit, n’a pas été une tâche facile, il y a eu du désordre, de sorte que les troupes occupent très tard les positions qui leur sont assignées, et, entre Santa Quiteria et Cabezo Maya, une grande partie du terrain reste sans protection.

Carte de la bataille (Musée d'histoire de Madrid)
Carte de la bataille (Musée d’histoire de Madrid)

Pendant ce temps, Lannes, sans perdre de temps, prend le contrôle des alentours de la ville, étonné de ne rencontrer aucune sentinelle ni de voir l’ennemi.

Peu à peu, les Espagnols finissent de traverser le pont. Ceci met fin à la dispute entre Castaños et Palafox, qui doivent maintenant, en toute hâte, prendre des dispositions défensives.

Vers 7 heures du matin, les premiers Français se rendent maîtres du Castillo. A 8 heures,  le quartier général espagnol apprend l’arrivée des Français et se prépare au combat.

 

Francisco Palafox (selon le rapport de Castaños) veut sortir avec son adjoint par la route qui lui parait la plus courte, pour découvrir l’ennemi, mais se heurte à une patrouille de dragons français, et il doit rebrousser chemin en toute hâte. Les ruelles de la ville sont remplies de soldats, ce qui retarde l’entrée des Français.

Selon certains témoins, l’armée de réserve entama l’action dans la ville, la division Roca attaquant à la baïonnette, et réussissant à déloger les patrouilles françaises du sommet de Santa Barbara.

Une fois maîtres de la colline qui domine Tudela, les bataillons Caro et Pinohermoso se déploient sur les flancs de la colline, prennent position sur les collines voisines, face au plateau de Puntal del Cristo, d’où ils découvrent alors le gros des forces françaises de Maurice Mathieu [3].

Les volontaires de la division de Saint-March se disposent à occuper les hauteurs de la vallée du rio Queiles (Mont San Julian).

O’Neylle, avec la majeure partie des troupes d’Aragon, s’efforce d’organiser la défense aux abords de la ville, sur la route de Saragosse, attendant les ordres du général Castaños, qui vient de recevoir le commandement.

Entre 8 et 9 heures, surprise et réaction se succèdent dans Tudela. La surprise a été totale, la confusion terrible, mais la réaction est violente et énergique, bien que conduite dans les pires conditions.

Ce coup avorté de l’ennemi est suivi d’une période de calme relatif. C’est à la fin de cette trêve que Lannes conçoit son plan de bataille, ayant observé les lignes de défense espagnoles et, surtout, leurs faiblesses.

Négligeant l’armée qui se trouve à Tarazona, il se concentre sur la ligne allant de Tudela à Cascante, partie la plus vitale mais aussi la plus dégarnie.

Les premières décisions de Lannes concernent les objectifs suivants :

Attaque partielle du flanc droit espagnol (Tudela).

Reconnaître et tester le centre (Monts de la rive du rio Queiles jusqu’à Urzante), gardant pour cette tâche les divisions Morlot [4] et Granjean [5].

Lancer le gros de sa cavalerie contre celle de Cascante, afin d’empêcher que La Peña n’étende ses lignes jusqu’à Tudela et pour donner à la division Lagrange [6] le temps d’arriver et de s’attaquer à ceux qu’il pense être les Andalous.

 

La bataille de Tudela, commence à 9 neuf heures, devient générale à 10 heures et se termine rapidement à 3 heures de l’après-midi.

Lannes, en position dominante sur le plateau situé au nord des lignes espagnoles, décide de battre d’abord la droite ennemie à Tudela, avant que le centre, placé devant Cascante, ne puisse intervenir.

Il donne l’ordre à Mathieu d’attaquer la division Roca et la ville de Tudela elle-même, en progressant par le chemin d’Alfaro. L’attaque débute entre 9 et 10 heures. Après de très rudes combats, Roca se replie jusqu’à la hauteur de Santa-Barbara, où les Français donnent l’assaut.

A droite du dispositif français, la division Morlot, débouche des oliveraies de Cardete, avance en direction de Cabezo Malla, où elle tombe sur la division O’Neylle. Les feux qu’elle essuie la contraignent à battre en retraite. A 13 heures, ayant réussi à prendre la hauteur de Santa-Barbara, Mathieu repousse l’ennemi dans Tudela. Aussitôt, Lannes donne l’ordre à Morlot d’avancer à nouveau vers Cabezo Malla, soutenu par la division Musnier [7] et la cavalerie de Colbert. Morlot se heurte à une résistance sévère, mais O’Neylle, réalisant qu’il va être débordé sur sa gauche, reflue vers le sud-est. Ce mouvement découvre le flanc gauche de la division Saint-March qui, dans le même temps, est menacée sur son flanc droit et ses arrières par l’avance de Mathieu à partir de Tudela. La division Saint-March, finissant par céder, retraite en désordre sur la route de Saragosse vers le sud-ouest. A 15 heures, la droite espagnole, poursuivie par la cavalerie française de Lannes, est en pleine déroute.

Reste à régler le sort de la gauche ennemie. Partie de Cascante, la division de La Peña n’a pas dépassé Urzante dans son mouvement offensif. Cette dernière position est attaquée par la division Lagrange, arrivée entre 16 heures et 17 heures, de même que par des éléments de la brigade Digeon [8] et de la division Musnier. Les Espagnols s’étant repliés sur Borja, la victoire française est parachevée.

La bataille de Tudela offre aux Français l’opportunité d’infliger des pertes significatives à l’armée de Castaños et de Palafox. Pourtant, les forces du général de La Peña sont parvenues à se replier en Nouvelle-Castille. Mais la bataille de Tudela n’atteint pas le but poursuivi par Napoléon : écraser les forces espagnoles et annoncer à une Europe plongée dans le doute une grande victoire. En fait, Ney n’a pu effectuer son mouvement de tenaille à temps pour prendre Castaños au piège.

 

NOTES

[1] Juan O’Neylle (1765, 1809

[2] Thomas Graham, 1er Baron Lynedoch, 1748 – 1843, aristocrate écossais, politicien et soldat, aide de camps Sir John Moore

[3] Maurice Mathieu de Saint-Maurice (1768 – 1833), commandant la 1e division de l’armée d’Espagne.

[4] Antoine Morlot (1766 – 1809), commandant la 3e division du 3e corps de l’armée d’Espagne

[5] Charles-Louis Grandjean (1768 – 1828), commandant la 4e division du 3e corps de l’armée d’Espagne.

[6] Joseph Lagrange (1763 – 1836), commandant la 2e division du 6e corps de l’armée d’Espagne.

[7] Louis-François Musnier de la Conserverie (1766 – 1837), commandant la 2e division du 3e corps de l’armée d’Espagne.

[8]Alexandre-Elisabeth-Michel Digeaon (1771 – 1826), commandant, commandant la cavalerie légère du 4e corps de l’armée d’Espagne.