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QUATRIÈME BULLETIN.
Au quartier-général de Braunau, le 1er mai 1809.
Au passage du pont de Landshut, le général de brigade Lacour a montré du courage et du sang-froid. Le comte Lauriston a placé l’artillerie avec intelligence, et a contribué au succès de cette brillante affaire. L’evêque et les principales autorités de Salzbourg sont venus à Burghausen implorer la clémence de l’Empereur pour leur pays. S.M. leur a donné l’assurance qu’ils ne retourneraient plus sous la domination de la maison d’Autriche. Ils ont promis de prendre des mesures Pour faire rentrer les quatre bataillons de milices que le cercle avait fournis, et dont une partie a déjà été prise et dispersée. Le quartier-général part pour se rendre, aujourd’hui 1er mai, à Ried. On a trouvé à Braunau des magasins de 200,000 rations de biscuit et de 6,000 sacs d’avoine. On espère en trouver de plus considérables encore à Ried. Le cercle de Ried a fourni trois bataillons de milices ; mais la plus grande partie est déjà rentrée. L’empereur d’Autriche a été pendant trois jours à Braunau. C’est à Scharding qu’il a appris la défaite de son armée. Les habitants lui imputent d’être le principal auteur de la guerre. Les fameux volontaires de Vienne, battus à Landshut, ont repassé ici, jetant leurs armes et portant à toutes jambes l’alarme à Vienne. Le 21 avril, on a publié dans cette capitale un décret du souverain, qui déclare que les ports sont rouverts aux Anglais, les relations avec cet ancien allié rétablies, et les hostilités commencées avec l’ennemi commun. Le général Oudinot a pris entre Altham et Ried un bataillon de mille hommes. Ce bataillon était sans cavalerie et sans artillerie. A l’approche de nos troupes, il se mit en devoir de commencer la fusillade ; mais, cerné de tous côtés par la cavalerie, il posa les armes. S.M. a passé en revue à Burghausen plusieurs brigades de cavalerie légère, entr’autres celle de Hesse-Darmstadt, à laquelle elle a témoigné sa satisfaction. Le général Marulaz, sous les ordres duquel est cette troupe, en fait une mention particulière. S.M. lui a accordé plusieurs décorations de la Légion d’honneur. Le général de Wrede a intercepté un courrier sur lequel on a trouvé les lettres et pièces ci-jointes, qui font voir l’alarme qui agite la monarchie.
A Madame Noble d’Ubellagger, à Braunau.
Wels, le 25 avril.
Ma très chère mère,
Les nouvelles désastreuses que nous recevons par les courriers qui passent ici et quelques autres personnes qui sont revenues hier de l’armée, nous ont tellement abattus, nous et toute notre jeunesse, que nous courons çà et là comme des écervelés. Le désordre que le premier combat a mis dans nos armées vous est connu. Un second que Bonaparte lui-même nous livra à la tête de 40,000 hommes de troupes d’élite, et dans lequel le centre de notre armée fut enfoncé, a été sur le point de détruire toute notre armée de Bavière. C’en était fait de nous si Charles, au lieu de se retirer sur le Danube, avait passé l’Inn comme les Français s’y attendaient. Près de Ratisbonne, il se réunit avec Bellegarde, et arrêta l’aile gauche de l’armée française ; mais aujourd’hui tout est de nouveau dans l’abattement, le lieutenant Kreiss Haupmann est parti à quatre heures du matin pour Esserding. Il ne paraît pas que cela aille bien du tout. On assure que Charles a dit qu’il fallait qu’il attaquât deux fois cette armée, quoique jusqu’ici ses efforts aient été malheureux. Les Français ont trois fois plus de cavalerie que nous. Le désordre a été si grand pendant la retraite, que nos gens ont brûlé plus de 1000 charriots et jeté dans l’eau des voitures chargées de poudre et de boulets, afin de n’être point retardés dans leur marche. On dit même que l’empereur allait partir de Scharding ; mais dans le moment, il reçut des nouvelles moins défavorables de son frère Charles. On veut savoir qu’après le passage du Danube, l’archiduc a écrit à l’empereur qu’il n’a plus qu’un coup désespéré à faire ; mais que s’il échoue tout est perdu, et qu’il faut se préparer à tout. Si vous ne croyez pas vos effets en sûreté où vous êtes, faites-les moi passer ; mes amitiés.
J. BRAUNSTIEGEL.
En relisant ma lettre, je trouve bien de la confusion ; pardonnez-moi ce désordre de style qui tient à celui de nos têtes.
A M. Jacob Philippe, à Salzbourg.
Cher Philippe,
Donne-moi bientôt quelques nouvelles : comment les choses vont-elles dans vos contrées? hier tout était en alarmes ; on s’attendait à voir arriver les Français chez nous. On les croyait déjà à Paybach ; on les avait même vus à Efferding, et on croyait les voir ici hier au soir ou ce matin de bonne heure. Aujourd’hui on sait que c’était un faux bruit ; mais ce qui est bien certain, c’est que l’archiduc Charles s’est retiré sur la Bohême. On regarde ici comme certain que Chasteler sortira du Tyrol avec son corps et bon nombre de Tyroliens, pour tomber sur les derrières de l’armée française ; faites-moi savoir quelque chose de positif à ce sujet. Hier, S. E. Joseph Palatin de Hongrie, est arrivé à Enns avec la nouvelle que l’insurrection hongroise est en marche, et que la première colonne est arrivée à Saint-Polten.
Du 28 avril.
LÉOPOLD SCHWAN.
Mille choses aimables à ta mère.
Instructions secrètes de l’empereur François II, au comte de Aichholt, président de la régence de Salzbourg.
Attendu que l’incertitude des événements de la guerre demande que l’on prépare les mesures de précaution nécessaires qu’exigeraient les circonstances, il a plu à S.M. l’empereur de faire connaître ses intentions, motivées sur l’arrêté de son conseil du 26 du présent mois, dans le cas d’une irruption de troupes étrangères dans ses États héréditaires. Dans le cas où l’ennemi s’avancerait vers la capitale, la ville de Pest sera le centre de toutes les affaires de la monarchie, et l’on dirigera sur ce point les caisses des provinces menacées et toutes les propriétés du trésor public. S.M. nomme pour cette époque un conseil dont il fera connaître les membres en temps opportun, et qui, résidant à Vienne, communiquera avec la Basse-Autriche, et en tant qu’il n’y trouvera pas d’obstacles, avec les autres provinces qui pourraient être occupées par l’ennemi, et dont toutes les personnes que cela concerne recevront les instructions nécessaires, suivant que les circonstances l’exigeront. S.M. fait connaître la détermination à M. le conseiller de cour, en lui recommandant en même temps le plus profond secret sur cette communication, jusqu’au moment ou l’ennemi occupera son district.
Signé, ALG. DE UGARTE.
Vienne, le 28 avril 1809.