1806 – Quatrième Bulletin de la Grande Armée
Géra , le 13 octobre , à dix heures du matin.
Les événemens se succèdent avec rapidité. L’armée prussienne est prise en flagrant délit , ses magasins enlevés ; elle est tournée.
Le maréchal Davoust est arrivé à Naumbourg le 12 à 9 heures du soir, y a saisi les magasins de l’armée ennemie , fait des prisonniers , et pris un superbe équipage de 18 pontons de cuivre attelés.
Il parait que l’armée prussienne se met en marche pour gagner Magdebourg ; mais l’armée française a gagné trois marches sur elle. L’anniversaire des affaires d’Ulm sera célèbre dans l’histoire de France.
La lettre ci-jointe, qui vient d’ètre interceptée, fera connaître la vraie situation des esprits ; mais cette bataille dont parle l’officier prussien aura lieu dans peu de jours. Les résultats décideront du sort de la guerre.
Les Français doivent être sans inquiétude.
Lettre d’un officier prussien à un de ses amis à Berlin.
Naumbourg , le 12 octobre.
Le commencement des hostilités contre les Français s’est passé d’une manière très-triste pour les troupes allemandes : ils ont forcé un poste de l’aile gauche du corps d’armée de Hohenlohe, et un combat meurtrier a eu lieu au corps de Tauenzein, et le prince Louis-Ferdinand de Prusse est resté mort sur la place. Non-seulement les régimens Zastram et un bataillon de Bellet, les hussards verts et bruns, etc. mais encore les régimens saxons Princes Jean , Xavier , Rechten, ont terriblement souffert; depuis hier après-midi, et toute cette nuit nous n’avons vu que des fuyards qui couraient après leurs règimens. On croit que les Français se portent en force sur notre gauche , pour couper la communication de Leipsick. Leur force doit être de 400000 hommes commandés par IEmpereur , qui, dans ce moment, doit être à Géra , 4 milles d’ici. Nous apercevons déjà quelques patrouilles. Nous avons ici des magasins immenses, sans trouver moyen de les sauver ; on est dans des inquiétudes affreuses. Dieu veuille que le roi, qui ne peut pas manquer d’être attaqué sous peu , ne se laisse pas battre ! car ce malheur serait irréparable.
D’après les dernières lettres , le corps d’avant-garde de Blücher s’est porté sur la Hesse.L’état major du corps de Rüchel s’y est rendu aussi ; de manière que , excepté à Hameln , il n’y a plus un seul soldat dans les états hanovriens. Actuellement il ne nous reste d’autre ressource que la bataille décisive qu’il faut livrer à Napoléon. Dans cette triste situation , mon sort ne tient à rien , pourvu que l’issue de la crise actuelle soit heureuse. Je te répète encore, mon ami, que notre situation est des plus tristes et des moins rassurantes, etc.