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Les Mémoires de Jean-Guillaume Hyde de Neuville (1771-1849)

Le baron Hyde de Neuville
Le baron Hyde de Neuville

La France, plus qu’aucune autre nation, est riche en Mémoires. Les grands événements qui ont signalé la fin du siècle dernier et le commencement du nôtre ont multiplié ces récits intimes dans lesquels des acteurs ou de simples témoins de tant de péripéties ont tenu à fixer leurs souvenirs. La maxime assez contestable de Voltaire :  » On doit des égards aux vivants, aux morts on ne doit que la vérité », a du toutefois, retarder la publication de pages dont tant de vivants auraient pu se plaindre ; il fallait attendre qu’ils eussent passé dans la seconde catégorie; et maintenant que pour employer une expression de Dante, leur temps est pour nous devenu de l’ancien temps, nous voyons, petit à petit, des portefeuilles longtemps fermés, s’ouvrir tout à coup et nous livrer les plus furieux documents. Les Mémoires du baron Hyde de Neuville [1]Né d’un père d’origine écossaise, Hyde de Neuville étudie au collège du Cardinal-Lemoine, à Paris, avant de faire son entrée dans la vie politique à l’âge de seize ans. Il … Continue reading sont destinés à occuper une place d’élite au milieu des livres de ce genre. Le caractère généreux, le courage, le dévouement, l’intelligence de l’auteur, la peinture si exacte des événements de la révolution, donnent un grand intérêt à ses Mémoires, auxquels de nombreux incidents, des aventures de toute sorte prêtent, par moment, un attrait romanesque, et, à tel point, que si l’on pouvait douter de la véracité de M. Hyde de Neuville, que si l’on oubliait combien l’époque perturbée où il vécut produisait des situations extraordinaires, on pourrait supposer l’influence d’une imagination trop féconde.

Des parents, des amis, charmés des récits que leur faisait M. Hyde de Neuville, le sollicitaient d’écrire ses Mémoires. Il céda en partie à tant d’instances. S’il ne se décida pas à raconter sa vie d’une manière suivie, il en raconta du moins les plus importants épisodes dans des morceaux d’une étendue souvent considérable qui, quand cela a été nécessaire, ont été reliés par quelques pages d’analyse, et forment un véritable ensemble. M. Hyde de Neuville avait chargé ses nièces, Mme la vicomtesse de Bardonnet et Mme la baronne Laurenceau, du soin de publier ses souvenirs. C’est la première qui, survivant a sa sœur, s’est acquittée, et parfaitement, de cette tâche.

Guillaume-Jean Hyde, qui tint son nom de Neuville d’une petite seigneurie située dans le Nivernais et fut fait baron par Louis XVIII, naquit le 24 janvier 1776, à la Charité-sur-Loire. Son aïeul, qui descendait d’une très ancienne et noble famille anglaise, et était tout dévoué aux Stuart, avait quitté sa patrie après la bataille de Culloden. L’auteur des Mémoires hérita du loyalisme de ses ancêtres ; le dévouement que leur inspirait les Stuart, il le ressentait pour les Bourbons.

Il était encore au collège du cardinal Le Moine, et déjà montrait des opinions qui devaient être celles de sa vie entière. Bientôt il eut un rôle dans toutes les manifestations royalistes, un rôle si actif, que nous ne pouvons profiter de tous les renseignements donnés par lui sur les évènements de la révolution. Mais c’est la reine, surtout, qui devint pour lui l’objet d’un culte. Il était encore un écolier quand il faillit se faire écharper par la populace pour avoir tenu tête à l’odieuse Théroigne de Méricourt qui insultait Marie-Antoinette.

Théroigne_de_Méricourt
Théroigne_de_Méricourt

Un peu plus tard, il prit part aux projets d’évasion formés en faveur de la reine par un républicain, Michonis, qui paya de sa vie son sublime dévouement. Bien intéressantes sont toutes les particularités qu’Hyde de Neuville a rassemblées sur la captivité de la malheureuse souveraine, sur la manière dont un prêtre fut introduit prés d’elle et lui donna la communion. La reine excitait une si vive sympathie, que deux gendarmes qui veillaient à sa porte, convertis par sa fermeté et sa résignation, reçurent en même temps qu’elle le sacrement de l’Eucharistie. Tous deux, du reste, périrent sur l’échafaud.

Analyser les Mémoires d’Hyde de Neuville, ce serait analyser toute une période de notre histoire. Nous ne pouvons, dans un article écourté, que nous arrêter à quelques points, sans même avoir le temps de relier tant d’incidents singuliers, tant d’épisodes dramatiques où le futur ministre de Charles X montra non moins de courage que de sang-froid.

Nous passons donc sans transition à l’époque qui suivit la mort de Robespierre. Cette mort, qui permit à Hyde de Neuville de sortird’une retraite où il avait dû se cacher depuis plusieurs mois, fut applaudie par toute la France. Alors la réaction anti-jacobine se montra ouvertement.

« Une force nouvelle et inattendue avait surgi, formée de tous les jeunes hommes qui venaient de ronger leur frein sous le joug de la Terreur, La Jeunesse dorée, ainsi qu’on la surnomma, à cause de la tenue décente, élégante même, par laquelle elle protestait contre le cynisme de malpropreté qui avait été affecté par les terroristes, représentait l’opinion publique et s’appuyait sur elle (p. 119). « 

Chantant le Réveil du peuple, qui avait remplacé la Marseillaise, portant pour toutes armes de bons gourdins, envahissant tous les lieux publics, les théâtres, les cafés, les promenades, les sections, bâtonnant les jacobins au nom de l’ordre et de la paix, les hardis réactionnaires, parmi lesquels Hyde de Neuville s’était bien vite enrôlé, eurent, on le sait, un rôle important dans les événements qu’amenèrent le Ier Prairial et le 13 vendémiaire.

La victoire remportée dans cette dernière journée par la Convention était loin de la rendre populaire, et le Directoire, qui lui succéda bientôt, se trouva réellement en désaccord avec les aspirations générales.

Il n’y a pas à s’étonner des soulèvements gui se produisirent et qu’on a désignés sous le nom de guerre de la petite petite Vendée. Hyde de Neuville nous donne des détails peu connus sur cette insurrection, qui eut pour chef Phelippeaux, et nous raconte le dévouement de deux jeunes tambours que, s’ils eussent été républicains, l’on eût célébrés à l’égal du problématique Barrat. Les bleus, entrés par trahison à Sens-Beaujon, ordonnent à ces deux tambours, pris par eux, de battre le rappel pour attirer dans une embûche les chouans logés dans les environs ; ils s’y refusent et tombent perces de coups.

Un peu plus loin, Hyde de Neuville a de nouveau à nous parler de la Vendée. Elle se soumet au mois de septembre 1799 et sera imitée par la Bretagne et la Normandie. Bourmont s’empara du Mans; Chatillon pénétra dans Nantes ; Vannes était tenue en échec par Cadoudal. Angers, Saumur, Alençon, Rennes étaient bloqués par les royalistes ; Laval, Ancenis, Châteaubriant, beaucoup d’autres villes étaient en leur pouvoir. Sait-on – pour moi je l’ignorais complètement – qu’une expédition audacieuse amena les chouans presque aux portes de Paris ? Hingant de Saint-Manr s’empara de Passy-sur-Eure et parvint à quelques lieues de Versailles.

Le Premier consul Bonaparte
Le Premier consul Bonaparte

La pacification de la Vendée fut la grande préoccupation de Bonaparte, parvenu au Consulat. Les dispositions favorables qu’il montrait aux insurgés amenèrent des relations entre lui, M. d’Andigné et M. Hyde de Neuville. Celui-ci nous peint ainsi ses impressions en présence du futur empereur :

 » La porte s’ouvrit ; instinctivement je regardais celui qui entrait.; petit, maigre, les cheveux collés sur les tempes, la démarche hésitante, l’homme qui m’apparut n’était en rien celui que mon imagination me représentait. Ma perspicacité me fit tellement défaut que je pris pour un serviteur le personnage que je voyais. Mon erreur s’accrut lorsqu’il traversa la pièce sans jeter sur moi un regard.

Il s’adossa à la cheminée et releva la tête. Il me regarda avec une telle expression, une telle pénétration que je perdis toute assurance, sous le feu de cet oeil investigateur. L’homme avait grandi tout à coup, pour moi, de cent coudées..

Cette première entrevue fut suivie d’une autre, où l’on s’occupa des conditions auxquelles la paix pouvait être traitée avec la Vendée, et à laquelle assista M. d’Andigné. Les deux envoyés restèrent fermes dans leur foi et inébranlables devant la séduction.

 » Les Bourbons, leur dit le premier consul, n’ont plus de chances ; vous avez fait pour eux tout ce que vous deviez faire. Vous êtes braves, rangez-vous du coté de la gloire. Ou, ajouta-t-il, en s’adressant particulièrement à Hyde de Neuville, venez sous mes drapeaux ; mon gouvernement sera celui de la jeunesse et de l’esprit. « 

M. d’Andigné fit un mouvement et s’écria :

 » Notre place est ailleurs. « 

Alors le premier Consul reprit avec fierté :

 » Rougiriez-vous de porter un habit que porte Bonaparte ? « 

Le premier consul avoua ensuite qu’il avait lui-même pensé aux Bourbons sous ce Directoire gougeat, s’étaient ses expressions, mais qu’il avait reconnu leur retour impossible, puis il se répandit en propos injurieux contre la famille royale. D’Andigné, alors, répliqua violemment ; Bonaparte se modéra et dit aux deux royalistes :

 » Mais enfin, que vous faut-il pour faire cesser la guerre civile ? « 

 » Deux choses, répondit Hyde de Neuville : Louis XVIII pour régner légitimement sur la France, Bonaparte pour le couvrir de gloire. « 

Ces paroles hardies ne semblèrent pas blesser le premier consul; mais il protesta que si les royalistes ne revenaient pas à lui, ils seraient exterminés. II ne tarda pas à montrer qu’il se rappelait cette farouche promesse. Le jeune Toustain, qui faisait partie de la petite armée du Maine, était entré à Paris à la faveur d’une amnistie qui semblait devoir rendre ce voyage sans danger ; il était venu pour voir son frère, le comte de Toustain, détenu au Temple : on arrêta le jeune Vendéen; et quelques cocardes blanches, trouvées dans son logement, suffirent à une Commission militaire pour amener une condamnation à mort. Toustain fut fusillé dans la plaine de Grenelle ; il n’avait que dix-neuf ans.

Un autre assassinat devait suivre celui-ci : la mort de l’énergique comte de Frotté, le condisciple de Bonaparte à l’École de Brienne, qui avait cru pouvoir se fier à un sauf-conduit. Le premier consul se préparait au crime de Vincennes !

Cette odieuse condamnation de Frotté indigna Cadoudal. Il dut cependant tenir l’engagement qu’il avait pris, ainsi que d’autres chefs vendéens, et subir une audience du premier consul :

 » Sa roideur extrême ne ploya pas en présence de l’homme puissant devant lequel tant de fronts déjà s’inclinaient. Les propositions de celui-ci furent écoutées avec une impassibilité décourageante, et les refus de Georges cachaient à peine le dédain dont ils étaient empreints. Son interlocuteur, qui voulait avoir raison de cette résistance, l’entretint longtemps et contint son irritation croissante. Mais le chouan s’éloigna sans avoir été vaincu. Ces deux hommes dont le caractère de fer s’était jeté un défi perpétuel pendant cette entrevue, se séparèrent en emportant une haine mutuelle. « 

Hyde de Neuville avait conçu une vive amitié, une grande estime pour Cadoudal; la manière dont il le dépeint semble la juste réhabilitation d’un homme d’un noble caractère. Pichegru apparaît aussi, dans les Mémoires d’Hyde de Neuville, tout différent du portrait qu’ont fait de lui les historiens bonapartistes et libéraux, alléguant une correspondance saisie, disait-on, dans un caisson du général Klinglin et dont l’authenticité est restée fort douteuse. Très sincère républicain, Pichegru avait été amené aux idées monarchiques par les horreurs de cette révolution qu’il avait d’abord si glorieusement servie.

 » D’une vertu élevée, un peu farouche, il avait passé d’une conviction à l’autre sans transition aucune, sans hésitation (p. 172). Il était déjà converti à la royauté quand le prince de Condé lui fît faire des ouvertures par Fauche-Borel.

 » Il accéda aux propositions qui lui étaient faites ; sa loyauté et son désintéressement refusèrent seulement les avantages personnels qu’on voulait stipuler pour lui. « 

Hyde de Neuville, en avouant les relations de Pichegru avec le prince de Condé, explique bien les sentiments qui animèrent l’émigration.

Pas plus que les républicains exaltés, elle n’eut accepté l’idée du morcellement de la France, de son amoindrissement, ni de sa domination par une puissance étrangère.  » L’émigration croyait combattre la révolution et non la France :

« Ces émigrés, a dit Mme de Staël, peu suspecte à ce sujet, ont été souvent fiers des victoires de leurs compatriotes. Ils étaient battus, comme émigrés, mais ils triomphaient comme Français. « 

Échappé de Sinnamabi, où le Directoire l’avait déporté, Pichegru, par ses antécédents, devait sembler un utile allié aux royalistes.

Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte, Et du premier consul déjà par maint endroit, le front de l’empereur brisait le masque étroit.

Plusieurs généraux voyaient avec dépit leur égal devenir leur maître. Bernadotte, Macdonald, Beurnonville pouvaient à un momentdonné seconder les projets des royalistes, et Pichegru semblait propre à rallier les mécontents, les républicains honnêtes et les constitutionnels.

Trahi comme Georges, on redouta de le mettre en jugement; mais Hyde de Neuville ne croit pas à son suicide, pas plus qu’il ne croit à un assassinat médité par Cadoudal. Il semble, en effet, que si Bonaparte eut cru à ce projet, il n’aurait pas fait offrir au chouan sa grâce à la seule condition d’une soumission explicite :

George Cadoudal (Amable-Paul Coutan)
George Cadoudal (Amable-Paul Coutan)

 » Veut-il m’avilir avant de me tuer,  » dit Georges en repoussant le recours en grâce auquel il n’y avait plus que la signature a opposer.

Suspect par ses antécédents bien connus, par ses relations avec les chefs vendéens, avec la famille royale ; nommé commissaire du roi Louis XVIII en Bretagne ; accuse bien à tort d’avoir participé à la machine infernale, dont il attribue franchement l’invention à quelques enfants perdus de son parti, Hyde de Neuville, après la fatale issue de la conspiration de Pichegru, dut plus que jamais re-rendre son existence aventureuse. Il était depuis longtemps habitué à changer de résidences, à se déguiser sous différents aspects, sous de nombreux pseudonymes, à favoriser de hardies évasions, à prendre part à toutes sortes de conspirations. Il semblerait même qu’il y trouvât un singulier attrait à cette vie périlleuse ; ainsi, une nuit que sur une mer houleuse, une barque de pêcheur le portait, ainsi que Cadoudal, vers les côtes d’Angleterre :

 » Hyde de Neuville, lui dit le chouan, savez-vous ce que nous devrions conseiller au roi s’il remonte sur son trône ? – Non, mon ami. – Eh bien ! nous lui dirons qu’il fera bien de nous faire fusiller tous les deux, car nous ne serons jamais que des conspirateurs ; le pli en est pris. « 

Ordre avait été donné de prendre Hyde de Neuville mort ou vif. II échappa au danger qui le menaçait par la plus étrange transformation.

Pendant plusieurs mois il ne fut question aux environs de Lyon que d’un excellent médecin qui habitait le bourg de Couzon. Le bon docteur Roland pratiquait avec grand succès une opération alors bien peu connue : la vaccine. Sa réputation s’étendit de telle sorte que, pendant que les gendarmes le recherchaient comme conspirateur, le gouvernement lui décernait une médaille pour avoir si bien propagé le traitement prophylactique de la variole.

Cependant des amis dévoués s’occupaient de faire annuler les mesures rigoureuses dont Hyde de Neuville et sa courageuse compagne, Mme Rouillé de Marigny, qu’il avait épousé en 1794, se décida à invoquer elle-même Bonaparte devenu l’empereur Napoléon. Elle partit ; il était loin et l’on voyageait alors différemment; après bien des ennuis, bien des épisodes, Mme de NeuviIle finit par rejoindre l’empereur à Vienne. Il fut touché par ce dévouement conjugal :  » C’est français, dit-il; c’est une brave femme !  » Hyde de Neuville se décida à signer non un acte de fidélité, mais un acte de soumission, et reçut l’ordre de quitter la France, de partir pour l’Amérique.

Nous voudrions pouvoir suivre le proscrit dans toutes les étapes de son long voyage ; il passa par l’Espagne, dont il nous fait un curieux tableau, et, le 2 mai 1807, s’embarqua à Cadix, où un mois auparavant son ami Chateaubriand avait débarqué revenant de la Palestine.

Le général Moreau
Le général Moreau

Hyde de Neuville nous parle en sagace observateur de l’Amérique,  » terre de la liberté et de l’humanité.  » Nous aimerions à redire comment il y vécut, s’y adonna à des travaux agricoles, et par une inspiration philanthropique fonda une école destinée a recevoir les enfants des colons de Saint-Domingue. Mais ce qui nous a surtout frappé, ce sont les pages relatives à Moreau, avec lequel Hyde de Neuville se lia étroitement. Ces relations avec l’illustre général modifièrent sans doute sur bien des points les opinions exaltées du proscrit; et, par une singulière réciprocité, Moreau, de son côté, subit l’influence d’Hyde de Neuville et la subit tellement qu’il arriva à considérer la monarchie légitime comme pouvant seule assurer le bonheur de sa patrie. Ce ne fut pas brusquement que s’opéra cette conversion ; ce fut à la suite de sérieux entretiens, dont Hyde de Neuville résume l’esprit dans une sorte de mémoire dont nous extrairons quelques lignes :

 » La république et l’ancien régime ne peuvent revenir. La monarchie est le gouvernement qui convient à la France. Un usurpateur quel qu’il fut ne pourrait conserver son pouvoir que par le despotisme. La monarchie tempérée étant la seule désirable et digne d’être soutenue par la loyauté, le courage et l’honneur : Louis XVIII doit et peut seul être appelé au trône.  »  » L’église protégée, la liberté de conscience maintenue et les acquéreurs de biens nationaux rassurés. – de ces principes que je crois dans le cœur de tout français raisonnable, se fera une nouvelle constitution. « 

Dans une autre partie de ce mémoire, Hyde de Neuville écrivait ces lignes, qui n’ont pas perdu de leur à propos :  » Ce qu’on nommait ancien régime ne peut revenir. La monarchie réclame le roi légitime ; mais le temps prescrit de grands changements
dans l’organisation de la monarchie. Il est des monuments que les révolutions brisent et qu’il n’est plus au pouvoir des hommes de réédifier.  »

La conclusion des entretiens où se formulaient de si sages considérations, furent ces paroles adressées par Moreau à son ami Hyde de Neuville :

 » Dites à Louis XVIII que vous connaissez un bon républicain qui désormais servira sa cause avec plus de fidélité que beaucoup de gens qui se disaient autrefois royalistes.  » .

Moreau se trompa sur les moyens qui lui était permis d’employer pour combattre une odieuse usurpation. Hyde de Neuville déploracette fatale erreur, mais sans cesser de croire à la pureté des intentions de son ami.

A la nouvelle de la Restauration, le proscrit quitta le pays, ou il devait, en 1816, revenir comme ministre plénipotentiaire du roi très chrétien. A l’avènement de Louis XVIII commença pour Hyde de Neuville une existence bien différente de celle dont le récit a été fait d’une manière si attachante. Appelé aux plus hautes fonctions, mêlé de la manière la plus honorable aux grands épisodes de la politique, alliant les idées nouvelles à une fidélité royaliste qui, après 1830, lui valut un regain de persécution, consacrant son active vieillesse à l’agriculture et à la bienfaisance, Hyde de Neuville ne mourut que le 28 mai 1837, confiant dans l’avenir de la France et formant des vœux pour son bonheur inséparable de la monarchie légitime.

Est-ce que Hyde de Neuville n’a pas laissé de notes sur cette période de sa longue carrière, sur ses missions aux États-Unis, sur cette ambassade qu’il remplit si énergiquement au Portugal près du roi Dom Jean IV, sur sa grande participation à la politique comme député, sur sa liaison avec Chateaubriand, aux erreurs duquel la générosité de son caractère l’associa, sur le ministère Martignac dont il fit partie, sur la révolution de 1830, sur cette séance de la Chambre où, seul, il osa défendre les droits du duc de Bordeaux, sur tant de choses, tant d’évènements dont il eût pu dire : Quormt pari magna fsi ?

Aucune évidence ne nous est faite à ce sujet ; nous pensons cependant que Hyde de Neuville a du, sur toute cette phase de sa vie, laisser des documents que Mme de Bardonnet saura coordonner avec l’habileté dont elle a fait preuve dans ce que nous voulons considérer comme un premier volume.

Revue des Questions historiques

Th. Depuynaigre.

References

References
1 Né d’un père d’origine écossaise, Hyde de Neuville étudie au collège du Cardinal-Lemoine, à Paris, avant de faire son entrée dans la vie politique à l’âge de seize ans. Il manifeste un grand zèle pour les Bourbons durant la Révolution et l’Empire.

En 1794 il épouse Anne Marguerite Joséphine Henriette Rouillé de Marigny (1779-1849).

Membre du club de Clichy, agent du comte d’Artois, il accomplit plusieurs missions en Angleterre, rencontre Pitt et s’expatrie outre-manche après le 18 fructidor. Sous le Consulat, l’agent des Bourbons regagne la France, rencontre Bonaparte et lui propose de rétablir Louis XVIII sur le trône. Accusé par Fouché d’avoir participé à l’attentat de la rue Saint-Nicaise, Hyde de Neuville parvient à se disculper et quitte la France pour s’établir aux États-Unis. Rentré en France en 1814 avec les Bourbons, il demande que l’Empereur soit exilé très loin. Louis XVIII lui confie diverses missions secrètes à Londres, Turin et Florence, avant d’accompagner le roi dans son exil à Gand durant les Cent-Jours. Le 14 juin 1824, le Roi Jean VI du Portugal pour le récompenser de son action en faveur de la couronne du Portugal lui attribua le titre de comte de Bemposta, nom du palais-royal à Lisbonne.

Député de la Nièvre à la Chambre en 1815, il représente la France aux États-Unis de 1816 à 1821. Réélu dans la Nièvre en 1822, puis en 1824 et en 1827, Hyde de Neuville siège parmi les royalistes constitutionnels avec les proches de Chateaubriand. Il était l’ami de Francesco de Almeida(1786-1870) qui était Conseiller d’Ambassade du Portugal à Paris. À la Chambre, il blâme la guerre d’Espagne et les marchés Ouvrard. Chevalier de la Légion d’honneur depuis 1815, il est nommé grand-croix de l’ordre le 8 juin 1824. Ministre de la Marine en 1828 dans le cabinet Martignac, il tente d’améliorer, laissant à « la force des choses » le soin de mettre fin à l’esclavage. Fidèle à Charles X, il abandonne la politique après 1830. Sous Louis-Philippe Ier, il vit paisiblement au Château de l’Étang, à Ménétréol-sous-Sancerre, où il élève des moutons, investit dans la Société anonyme du chemin de fer de la Loire et s’occupe de philanthropie, mais, en 1837, il prend activement part à la discussion sur le nouveau traité de commerce avec les États-Unis, et écrit plusieurs pamphlets sur le sujet. En 1841, il porte à la Chambre une pétition proposant d’instituer dans chaque canton un pharmacien et un médecin soignant gratuitement les indigents – Wikipédia.