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Historiques – Les Gardes d’Honneur de la Haute Garonne

 

 

Gardes d’honneur : Il existe deux sortes de gardes d’honneur. La première n’avait qu’un rôle éphémère, à l’occasion de la visite de l’Empereur dans une ville. La coutume était d’y constituer une garde d’honneur avec les fils de familles riches, équipés à leurs frais avec uniformes plus ou moins fantaisistes. Mais Napoléon avait aussi songé à constituer une troupe qui aille au feu. En 1806, il forme cinq compagnies de gendarmes d’ordonnance s’équipant à leurs frais pour faire le service de la garde autour de lui dans les palais comme dans les champs. Mais la veille garde voit d’un très mauvais œil ces intrus fortunés et les compagnies sont dissoutes à l’issue de la campagne de Pologne. En 1813, le projet est repris sous forme de quatre régiments de gardes d’honneur, afin d’attirer dans l’armée 10 000 jeunes gens de bonne famille. Mais les défaites n’inclinaient guère à la vocation militaire la jeunesse fortunée, que se fit remplacer par des jeunes gens sans fortune, se bornant à fournir l’argent de l’équipement. Ces quatre régiments, affectés à la garde, se battirent bien durant la campagne de France, mais se rallièrent aussi très volontiers à Louis XVIII, qui leur ouvrit les rangs de sa garde du corps. (NDLR)

Le sénatus-consulte du 3 avril 1813 crée quatre régiments de Gardes d’Honneur, affectés à la garde de Napoléon. Cette  décision, bien que noyée parmi les centaines d’autres à cette même date, a un but précis : celui de reconstituer la cavalerie légère de la Grande Armée en grande partie décimée par l’effroyable retraite de Russie.

 

La levée

Dès le 20 avril 1813, le préfet de Haute Garonne ouvre un registre d’engagement dans les Gardes d’Honneurs. Il encourage dans les jours qui suivent les sous-préfets et les maires de son département à en faire autant. Cette levée s’effectue rapidement et dans de bonnes conditions, puisque le 11 août 1813, l’ensemble du maximum des gardes d’honneur du département est atteint, voire même dépassé, puisque 88 jeunes gens sont couchés sur la liste que le préfet fait parvenir au ministre de la guerre [1]. La levée est un succès puisque sur 88 jeunes hommes, 80 sont volontaires et 8 désignés. Malgré les gages de bonnes intentions du préfet sur ses gardes d’honneurs, il semble que, comme dans l’Ain, la levée concerne plus des jeunes gens originaires de milieu modeste et non pas les fils de la bourgeoisie et de la noblesse comme l’avait souhaité Napoléon ; en effet, sur 88 gardes de Haute Garonne, 41 n’ont pas payé leur équipement et l’ont reçu de la préfecture. Au courant du problème, le préfet de Haute Garonne couvre ses Gardes d’origines populaires par des recommandations morales. 

Ce recrutement populaire ne plait pas au ministre de l’Intérieur qui demande au préfet de Haute Garonne, le 24 août, des renseignements sur les familles des Gardes d’Honneur. Malgré une réponse dans laquelle le préfet cherche à minimiser l’aspect social d’une partie de ses Gardes, le 2 septembre, le ministre de l’Intérieur demande de nouveau des renseignements sur « les circonstances sociales et la profession réelle des pères et mères de chaque Garde d’Honneur » [2], car pour le préfet « il n’est aucun des jeunes gens…qui ne soient réellement susceptibles, tant par lui même, que par sa famille, de figurer dans un régiment de Gardes d’Honneur » [3]

Malgré ce recrutement populaire, aussi assez fréquent dans le 4e régiment, les 88 Gardes d’Honneur de Haute Garonne sont acceptés. Un seul, d’origine aristocrate, est radié le 13 septembre 1813 pour avoir plus de 30 ans [4]. Sur le reste des 88 Gardes d’Honneur, on ne compte qu’un réfractaire qui déserte le 1er septembre et 2 réclamations de père pour des fils qu’ils jugent inaptes à la guerre.

 

Officier de garde d'honneur
Officier de garde d’honneur
Soldat de garde d'honneur
Soldat de garde d’honneur

L’équipement

Comme dans toutes les autres préfectures, le ministre envoie au préfet de Haute Garonne une tenue complète de Garde d’honneur pour servir d’exemple à la fabrication, hormis les bretelles de culottes et les bottes à la hussarde, censées être connus des fabricants. Malgré des recherches de fabricants locaux, et la soumission de deux d’entre eux, domiciliés à Toulouse, pour l’équipement et l’harnachement, c’est un tailleur de Tours qui obtient le marché de la fabrication des tenues des Gardes, le drap faisant défaut en Haute Garonne. Les deux fabricants Toulousains s’engagent, sur papier auprès du préfet, le 25 mai 1813, à fournir, pour le premier, 60 effets d’équipement entre le 15 et 20 juin, et pour le second, dans la douzaine suivante, les harnachements. 

L’équipement à fournir se compose de la giberne, de la banderole porte giberne appelée par le fournisseur porte giberne, de la sabretache sans aigle et sans numéro, la banderole porte mousqueton appelée porte carabine, le ceinturon, la dragonne et les gants pour 42 francs l’équipement individuel. L’harnachement se compose lui de la selle complète, de la bride, du filet, du bridon, du licol de parade, du licol d’écurie, de la schabraque, de la couverture et du surfait, le tout pour 130 francs. 

C’est ainsi équipés que les Gardes d’Honneur de Haute Garonne rejoignent le 3e régiment à Tours, en 3 convois.

Le 11 mai 1813, l’entrepreneur de Tours [5], fait parvenir un devis et des échantillons [6] au préfet de Haute Garonne : il s’engage à fabriquer le dolman, la pelisse, la hongroise, le gilet, le manteau, le bonnet de police et la ceinture écharpe, avec du drap écarlate et vert foncé, fin et de bonne qualité à 31 francs le mètre, les Gardes recevant leur uniforme à leur arrivée à Tours. 

Même si, le 4 juillet 1813, le ministre de l’Intérieur informe le préfet de Haute Garonne de l’autorisation qu’ont les Gardes d’Honneur de porter les aiguillettes réservées à la Garde Impériale, ces derniers ne doivent sans doute les recevoir qu’à Tours, où se trouve le fabricant d’uniforme. Et c’est vêtu à la hussarde qu’ils quittent Tours pour l’armée [7] ; seul 30 hommes du 9e escadron partiront sans leur mousqueton Si le préfet Hersaut des Touches a du mal à fournir les uniformes de ses Gardes, il a aussi du mal à trouver des chevaux.

En tout, ce sont 47 Gardes qui payent leur équipement et 41 qui le reçoivent du préfet; ce sont 38 Gardes qui payent leur cheval et 50 qui le reçoivent du préfet et 40 qui payent leur harnachement, 48 le recevant du préfet, les fonds destinés à ces fournitures pour les Gardes qui ne peuvent les financer étant prélevés, au sein d’un fonds commun, sur les personnes les plus riches du département.

 

A l’armée

Le premier contingent de Gardes d’Honneur de Haute Garonne à quitter Toulouse pour Tours est composé de 41 jeunes hommes et part le 29 juin 1813. Le second part le 14 juillet et le dernier le 3 août. Si, arrivés à Tours, les 88 jeunes gens perçoivent leur uniforme et leur armement, 30 de leurs chevaux sont reconnus impropres pour le service par l’administration de la Guerre. Dès lors s’ensuit une querelle financière entre le conseil d’administration et le préfet, bien que les 30 chevaux soient vendus par le conseil d’administration, afin de déterminer qui payera les nouvelles montures, le conseil d’administration considérant que c’est au département à le faire et le préfet considérant que les chevaux ayant déjà été fournis, c’est au conseil d’administration à en procurer de nouveaux.

Le 3e régiment est commandé par le comte de Ségur. L’instruction du régiment se fait bien et la discipline est exacte « en raison de l’intelligence de cette nouvelle espèce de soldat » [8]. L’emploi du temps est chargé : 5 heures par jour sont consacrées à l’instruction à pied et à cheval, malgré la déficience d’officiers [9, durant 6 mois, seuls Ségur et 2 officiers s’occupent de 1000 à 1400 Gardes. Afin de parfaire l’instruction, un officier du 3e fait même imprimer un opuscule : guide du garde d’honneur, de l’état de simple cavalier à celui d’officier, par un officier de ce corps.  Dès l’instruction terminée, les escadrons rejoignent l’armée entre le 20 juin et le 21 octobre 1813 aux cris de Vive l’Empereur

Le 1er escadron quitte Tours le 26 juin, le second le 24 juillet, le 3e le 5 août, le 4e le 21 août, le 5e le 30 août, le 6e le 18 septembre, le 7e le 24 septembre, le 8e le 6 octobre et le 9e le 21 octobre. Le départ pour le front est alors très rapide, si rapide, que le 17 mars 1814, le conseil d’administration du 3e régiment de Gardes d’Honneur demande au préfet de Haute Garonne des renseignements sur 7 Gardes, « les départs précipités des escadrons de guerre, ne nous ont pas permis de régulariser vos contrôles de détachement » [10]. A l’armée, le 3e régiment est attaché, le 7 septembre 1813, aux Grenadiers à cheval de la Garde et compte à cette date 211 hommes.

Après l’abdication de Napoléon, le dépôt du régiment se trouve à Tours et compte 16 officiers et 392 gardes. Le 11 avril 1814, les escadrons de guerre sont invités à se rendre à leur dépôt, accompagnés d’une partie du 4e Garde d’Honneur et le 18, le colonel en second du 3e régiment signe son adhésion au nouveau gouvernement, avec 11 officiers. [11]


NOTES

[1] Au 18 mai, 52 jeunes gens se sont inscrits pour être Garde d’Honneur. Mais sur 14 inscrits dans la ville de Toulouse le préfet se permet de n’en accepter que 2.

[2]  A.D. Haute Garonne, 4R33.

[3] A.D. Haute Garonne, 4R33.

[4]  Il part néanmoins à Mayence en juillet 1813, soit deux mois avant sa radiation, comme adjoint au payeur de la Guerre, préférant la quiétude des bureaux de l’administration, qui pourrait mieux sied à son rang, que le danger des combats, bon pour le peuple.

[5]  C’est lui qui a déjà obtenu le marché de fabrication des tenues des Gardes d’Indre et Loire.

[6]  Ces derniers sont toujours visibles aux Archives Départementales de la Haute Garonne. D’une texture très fine, le drap de laine rouge n’a pas varié de couleur avec le temps tandis que le vert, très sombre, semble avoir viré vers le bleu marine.

[7]  Les premiers Gardes d’Honneurs du 4e régiment qui quittent Lyon pour l’armée au sein des 2 premiers escadrons sont souvent habillés de l’habit veste et armés de mousqueton. Voir CROYET (Jérôme) : Le 4e régiment de Gardes d’Honneur

[8]  Lettre de Ségur au ministre de la Guerre, 11 juin 1813. LOMIER : Les régiments de Gardes d’honneur, 1813-1814.1924.

[9]  Le 6e escadron rejoindra l’armée sous les ordres d’un maréchal des logis chef.

[10] A.D. Haute Garonne 4R33.

[11] Le 3 mai 1814, Louis XVIII fait son entrée à Paris escorté par ce 3e régiment de gardes d’honneur.