Du Niémen à l’Elbe : la manœuvre retardatrice de la Grande Armée

Campagne de Russie - Faber du FaureCampagne de Russie - Faber du Faure

Rétablissement temporaire sur la Vistule

La désorganisation et l’insubordination demeurent extrêmes, la température oscille entre -22,5°C et -30°C  1)Larrey, Mémoires, t. IV, p.115. . Toutefois, de petits détachements de cavalerie précèdent désormais les colonnes afin de préparer les haltes et d’éviter les scènes lamentables de Vilna et Kovno. Murat a décidé d’arrêter les fuyards à Insterburg et Gumbinnen, de les réorganiser très sommairement puis de les diriger sur les places de la Vistule, où ils se rallieront par corps d’armée. Parallèlement, Macdonald, Schwarzenberg et Reynier assureront aux ailes la protection des rescapés avant de s’aligner sur le nouveau dispositif, dont la solidité sera assurée par les forteresses de l’Oder et le grand-duché de Varsovie.

Ce plan semble se dérouler sans heurts. Le 17 décembre, de Gumbinnen, Berthier assigne aux divers corps d’infanterie une destination et un itinéraire 2)Reboul, Campagne de 1813, t. I, p.88 et 89. Tout est planifié : l’horaire des étapes est précisé et des officiers précèdent théoriquement les détachements, afin de leur faire préparer vivres et cantonnements , tout en dirigeant sur Königsberg les cavaliers démontés, sur Dantzig les sapeurs et artilleurs isolés. Larrey témoigne de cette reprise en main  3)Larrey, Mémoires, t. IV, p. 114 et 115. :

Dominique Larrey. Portrait de Girodet. Base de données Joconde
Dominique Larrey. Portrait de Girodet. Base de données Joconde

« Arrivés à Gumbinnen et successivement, nous trouvâmes des abris pour nous loger et assez de subsistances pour la nourriture des troupes (…). Pour la première fois aussi, nous eûmes le bonheur de faire séjour au milieu de ces avantages. Cet intervalle de temps permit aux troupes isolées de continuer leur route sur Königsberg et à beaucoup de soldats égarés de la Garde de se rallier sous leurs drapeaux. On reçut de plus quelques détachements des gardes napolitaines, avec plusieurs pièces de canon et de cavalerie. Ces divers renforts grossirent assez notre corps d’élite pour le mettre en état de faire face à l’ennemi et de former même notre arrière-garde. Dès ce moment, nous continuâmes notre marche avec ordre et avec une meilleure discipline. Les logements et des distributions régulières se firent dans tous les lieux d’étape ; des habits neufs, fournis par les magasins français des premières villes de la Vieille Prusse, furent distribués aux soldats et ils entrèrent à Königsberg, du 25 au 26 décembre, en bon ordre et dans une assez belle tenue. »

Un premier bilan révèle que les corps d’armée revenus de Russie sont totalement détruits. En revanche, le 10e CA et l’aile droite offrent une ressource de près de 63 000 combattants aguerris. Or, l’armée russe, qui a tout autant souffert, s’est placée dans une position fausse. Progressant en direction de Vilna et Kovno, elle est vulnérable à une attaque de flanc des 26 000 Autrichiens, alors à Grodno et Bialystok. L’état-major impérial projette donc un plan simple : Schwarzenberg prendra l’offensive vers le nord, tandis que le 7e CA contiendra le groupement Sacken et protègera le grand-duché de Varsovie. Il s’avère possible, par ce biais, d’infliger de graves dommages aux Russes et d’assurer ainsi à la Grande Armée un répit suffisant pour se réorganiser, voire se réinstaller en Lituanie. Mais il faut abandonner cette audacieuse combinaison :

Le prince de Schwarzenberg
Le prince de Schwarzenberg

Schwarzenberg, qui a entamé des pourparlers avec l’ennemi, décide de retraiter sur Varsovie, de façon à exposer le moins possible ses régiments qui constituent un enjeu diplomatique d’importance croissante. Murat et Berthier, pas dupes mais dépourvus de moyens de contrainte, ne peuvent s’y opposer. Dès lors, après avoir abandonné Grodno sans combat et entraîné le 7e CA dans leur marche rétrograde, les Autrichiens prennent position sur la Narew.

L’état-major français doit désormais raisonner avec deux sous-secteurs autonomes, l’un au nord, l’autre au sud de Grodno, possédant chacun leur dynamique propre. Le grand-duché de Varsovie étant protégé par l’ex-aile droite, Murat décide de rétablir la situation en Prusse orientale. Prenant en compte les délais d’arrivée des divers renforts, s’appuyant sur la possibilité de pousser plus à l’est un certain nombre d’unités, il espère fort logiquement avoir pris, au 10 janvier, un dispositif cohérent. Les forces en état de combattre s’articuleront à ce moment-là en une première ligne, en avant de la Vistule, composée dans le secteur nord d’environ 45 000 soldats (10e CA, groupement Ney formé de tous les combattants valides des diverses divisions qui ont recueilli les rescapés de la retraite et, en réserve, les débris de la Garde). Au sud, les 40 000 hommes de Schwarzenberg et Reynier (appuyés par la division polonaise Kozinski) couvriront le grand-duché. En seconde ligne, 10 000 hommes cantonneront à Dantzig, et autant dans les autres places de la Vistule. Fin janvier, l’Oder formera une troisième ligne tenue par près de 35 000 militaires (dernière division du 11e CA renforcée des 22 000 soldats venant d’Italie avec le général Grenier). Ce dispositif dans la profondeur est d’autant plus cohérent que Napoléon vient d’ordonner de caserner à Lübeck, Hambourg et Brême douze cohortes (soit douze bataillons) de garde nationale, sous les armes depuis plusieurs semaines. Persuadé qu’il ne sera pas attaqué avant le printemps, Murat fait montre d’optimisme :

« Je garantis à Votre Majesté que la guerre est finie pour cet hiver. Il m’est bien démontré que l’ennemi n’a pas dépassé Vilna, et que nous n’avons été suivis que par de forts partis de cavalerie. L’ennemi avait trop souffert pour faire une campagne d’hiver. »  4)Lettre de Murat à Napoléon, Koënigsberg, 29 décembre 1812 (citée par Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 169).)

De son côté, Napoléon a entrepris de reconstituer sa puissance militaire. Apprenant le repli en deçà du Niémen, il commence, le 18, par reprocher à Berthier la précipitation qui y a présidé  5)Lettre de Napoléon à Berthier, 18 décembre 1812, no 19 386.  puis, en homme pratique, donne l’ordre de gagner la Prégel. Le 26, informé que les événements ont devancé ses instructions, il annonce la nouvelle à son ministre de la Guerre, le général Clarke, lui précisant même :

« Ce n’est que dans le courant de janvier qu’elle [la Grande Armée] y sera ralliée, et qu’on pourra connaître les pertes qui ont été faites et se faire une idée de [sa] situation. » 6)Lettre de Napoléon à Clarke, 26 décembre 1812, no 19 401.

Le souverain établit ensuite un nouveau dispositif. Appuyant désormais l’essentiel de la résistance sur la Vistule, il donne ses premiers ordres de réorganisation, sans mesurer l’ampleur du désastre  7)Lettres de Napoléon à Clarke, 26 décembre 1812, no 19 401 et 30 décembre 1812, no 19 410.  mais en envisageant, dès ce moment, la création d’un troisième échelon, destiné à soutenir les deux premiers puis à les joindre au moment de la contre-offensive. Il prescrit ainsi de former un « corps d’observation de l’Elbe » et un « corps d’observation du Rhin », forts chacun de trois divisions d’infanterie et soixante pièces et qui, vraisemblablement opérationnels en mars, seront à même de contenir l’Allemagne ou de remplacer le 11e CA si ce dernier faisait mouvement sur la Vistule.

De son côté, Murat a entrepris de réaliser les plans de son beau-frère, les aménageant très légèrement lorsque les circonstances l’y contraignent 8)Ordres du maréchal Berthier, Gumbinnen, 17 décembre 1812 (cités par Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 89 et 90). . Conservant la Garde en première ligne, il dirige les huit corps d’armée de Russie (1er, 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 8e, 9e) sur les places de Thorn, Marienbourg, Marienwerder, Plock et Varsovie. Les cavaliers démontés sont envoyés sur la Vistule puis l’Oder, les contingents alliés (Polonais, Westphaliens, Saxons, Bavarois) réorganisés dans l’intervalle des places, hormis, là encore, les cavaliers, qui regagnent leur État d’origine pour y recevoir de nouveaux chevaux.

La réalité se révèle cependant beaucoup plus préoccupante. L’anarchie règne au sein des survivants : Königsberg, Elbing, Marienbourg sont encombrés de fuyards et d’hommes démoralisés qui cherchent à gagner Dantzig ou Berlin. À Königsberg même, on recense près de 300 généraux ayant abandonné leurs postes ou leurs unités ! Un nombre considérable d’officiers a évidemment suivi leur exemple. Aux alentours stationnent fréquemment de petits groupes d’isolés. Murat parvient néanmoins à obliger la plupart des survivants valides à reprendre leur marche vers l’ouest 9)Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 98 et 99.  mais, comme l’écrit Berthier le 16 décembre 10)Lettre de Berthier à Napoléon, Wirballen, 16 décembre 1812 (citée par Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 422). Le capitaine d’Artois confirme ce jugement :

« Dès la fin de décembre, on avait vu arriver isolément et sans ordre une quantité d’hommes malades, blessés ou attaqués par la gelée. »(Relation de la défense de Dantzig, p. 38).  :

« On n’a vraiment d’espoir de se rallier que dans les places de la Vistule ».

Pour l’état-major, en effet, le fleuve constituera une barrière à partir de laquelle il sera possible de reprendre en main les traînards et de les diriger sur les points de regroupement. En outre, passé Gumbinnen, les magasins permettent des distributions régulières qui raniment quelque peu l’ordre.

L’état de santé général est également inquiétant. Le froid a fait des ravages terribles, le nombre de membres gelés est immense alors qu’une épidémie, la « fièvre méningite catarrhale de congélation », qui accompagnera les survivants jusqu’à l’Elbe, aggrave les séquelles de la température. Cette situation n’améliore pas les rapports avec la population civile, de jour en jour plus hostile. L’écroulement de la puissance impériale, dont témoignent à leur corps défendant les fuyards, les menées souterraines des sociétés secrètes et des patriotes allemands, la maladie qui frappe les hôtes charitables ((Larrey précise même, à propos des habitants qui ont accueilli les malades atteints de la fièvre de congélation : « La mortalité était considérable. » (Mémoires, t. IV, p. 151). , la proximité des troupes russes, tout concourt à radicaliser les rancœurs. Les isolés qui cherchent à gagner Berlin sont ainsi grugés et, fait inconcevable quelques mois auparavant, volés, voire rossés.

La réalisation de sa couverture défensive préoccupe également Murat. En attendant l’arrivée du 10e CA, devenu la principale ressource du théâtre nord, on ne peut compter que sur le groupement Ney, soit 2 500 fantassins environ, cinq pièces et un millier de cavaliers. Or les communications entre Macdonald et le grand quartier général ont été coupées du 3 au 21 décembre, si bien que le premier n’a reçu l’ordre de regagner le Niémen que le 17.

La défection du général prussien Yorck bouleverse tous ces plans. Le 10e CA est en effet extrêmement composite. À la 7e division du général Grandjean (16 bataillons polonais et allemands) s’ajoute le corps auxiliaire prussien, fort de 20 000 hommes, qui est une véritable armée en réduction, équivalant pratiquement à deux divisions impériales. Malgré la mauvaise volonté prussienne, Macdonald, diplomate-né, est parvenu depuis le début de la guerre à assurer sa mission, contenir l’ennemi dans le secteur de Riga. Mais le repli rapide de la Grande Armée le laisse « en l’air ». Bon stratège, il devance, le 15 décembre, les ordres de retraite et recule en deux masses faisant mouvement à 24 heures d’intervalle. En tête, sous son commandement personnel, la division Grandjean et quelques unités prussiennes, en deuxième échelon, le général Yorck. La manœuvre, parfaitement organisée, se déroule lentement car nul n’a conscience de la gravité de la situation. En outre, les Prussiens, qui n’ont cessé d’entretenir des communications avec l’ennemi, ne se pressent pas.

De leur côté, les Russes essaient de couper le 10e CA du Niémen afin, par sa destruction ou sa reddition, de parachever la contre-offensive de Koutouzov. Le 25, ils proposent à Yorck un « arrangement », tandis que Macdonald accélère sa marche, malgré la mauvaise volonté évidente d’une partie de ses subordonnés, et culbute le 26, à Piktuponnen, la division russe Laskow, déverrouillant là le piège adverse. Le lendemain, il reprend Tilsitt aux Cosaques et s’y installe. Le 28, le premier échelon repasse le fleuve. Mais, le 29, le groupement Yorck demeure immobile, à deux heures de route de Tilsitt. Le dénouement est alors très rapide. Le 30, le général prussien signe à Taurogen, avec son homologue russe, une convention de neutralité valable deux mois, sous réserve de ratification du roi de Prusse. Le lendemain, Macdonald est abandonné par les derniers éléments prussiens. Comprenant que ce retournement de situation est irréversible, il s’éloigne à son tour du Niémen, suivi des 6 000 survivants de la division Grandjean.

Le rétablissement de la Grande Armée est désormais compromis, tandis que l’ennemi fait preuve d’une inquiétante agressivité. La situation apparaît d’autant plus préoccupante que la garnison prussienne de Memel vient de se rendre, privant Königsberg d’un avant-poste protecteur. La brutale réapparition de la menace engendre, chez les Français, un nouveau mouvement de panique. Apprenant la défection de Yorck et se jugeant désormais incapable de résister sur ses positions actuelles, Murat quitte, dans la nuit de la Saint-Sylvestre, Königsberg pour Elbing. Sa précipitation, cependant, ne fait pas l’unanimité parmi les chefs de la Grande Armée, la plupart estimant, comme à Vilna, qu’une résistance de quelques jours demeurait possible, ce qui eût permis d’évacuer de nombreux blessés et davantage de matériel, tout en offrant aux isolés un délai supplémentaire pour rejoindre.

La clef des mouvements militaires, pendant ces quelques semaines, réside néanmoins essentiellement dans les choix politiques des dirigeants. Ayant chassé l’adversaire de son territoire, le tsar peut s’arrêter au Niémen ou pousser jusqu’à la Vistule pour s’emparer du grand-duché de Varsovie et, le réunissant à ses propres provinces polonaises, en former un État-satellite. Une telle expansion suppose toutefois une entente diplomatique préalable avec les partenaires européens concernés, l’Autriche et la Prusse, qui s’étaient partagés la Pologne, de concert avec la Russie, à la fin du XVIIIe siècle. Or, Berlin est prêt à mobiliser aux côtés de Saint-Pétersbourg seulement si son territoire est délivré de l’occupation française. Vienne, de son côté, s’efforce de recouvrer sa neutralité car l’empereur François Ier se méfie autant de son gendre Napoléon que des projets d’Alexandre. L’équilibre de la situation est d’autant plus subtil que les contingents prussien (à l’aile nord) et autrichien (à l’aile sud) sont alors les seuls en état de combattre efficacement. Les attaquer risquerait de les transformer en adversaires véritables. Provisoirement contraintes à l’inaction, les troupes de Koutouzov profitent donc de l’occasion pour se reposer et se réorganiser.

Alexandre Ier de RussieLe tsar commence par installer son quartier général à Vilna le 23 décembre puis, s’affranchissant des conseils de Koutouzov, donne l’ordre de passer le Niémen en force le 29. La défection de Yorck change en partie les données du problème. L’attitude de l’Autriche s’avère également relativement encourageante. Le 6 janvier 1813, Vienne, qui ignore encore l’accord prusso-russe du 30 décembre, ordonne en effet à Schwarzenberg de ne plus se préoccuper des ordres de Murat et de garder impérativement ses communications avec la Galicie autrichienne. Bref, les Habsbourg préservent leur armée, dont l’usage ou l’inaction devient une précieuse monnaie d’échange. La grande alliance européenne contre la Russie commence à être minée par quelques failles importantes.

References   [ + ]

1. Larrey, Mémoires, t. IV, p.115.
2. Reboul, Campagne de 1813, t. I, p.88 et 89. Tout est planifié : l’horaire des étapes est précisé et des officiers précèdent théoriquement les détachements, afin de leur faire préparer vivres et cantonnements
3. Larrey, Mémoires, t. IV, p. 114 et 115.
4. Lettre de Murat à Napoléon, Koënigsberg, 29 décembre 1812 (citée par Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 169).)

De son côté, Napoléon a entrepris de reconstituer sa puissance militaire. Apprenant le repli en deçà du Niémen, il commence, le 18, par reprocher à Berthier la précipitation qui y a présidé  ((Lettre de Napoléon à Berthier, 18 décembre 1812, no 19 386.

5. Lettre de Napoléon à Berthier, 18 décembre 1812, no 19 386.  puis, en homme pratique, donne l’ordre de gagner la Prégel. Le 26, informé que les événements ont devancé ses instructions, il annonce la nouvelle à son ministre de la Guerre, le général Clarke, lui précisant même :

« Ce n’est que dans le courant de janvier qu’elle [la Grande Armée] y sera ralliée, et qu’on pourra connaître les pertes qui ont été faites et se faire une idée de [sa] situation. » ((Lettre de Napoléon à Clarke, 26 décembre 1812, no 19 401.

6. Lettre de Napoléon à Clarke, 26 décembre 1812, no 19 401.

Le souverain établit ensuite un nouveau dispositif. Appuyant désormais l’essentiel de la résistance sur la Vistule, il donne ses premiers ordres de réorganisation, sans mesurer l’ampleur du désastre  ((Lettres de Napoléon à Clarke, 26 décembre 1812, no 19 401 et 30 décembre 1812, no 19 410.

7. Lettres de Napoléon à Clarke, 26 décembre 1812, no 19 401 et 30 décembre 1812, no 19 410.  mais en envisageant, dès ce moment, la création d’un troisième échelon, destiné à soutenir les deux premiers puis à les joindre au moment de la contre-offensive. Il prescrit ainsi de former un « corps d’observation de l’Elbe » et un « corps d’observation du Rhin », forts chacun de trois divisions d’infanterie et soixante pièces et qui, vraisemblablement opérationnels en mars, seront à même de contenir l’Allemagne ou de remplacer le 11e CA si ce dernier faisait mouvement sur la Vistule.

De son côté, Murat a entrepris de réaliser les plans de son beau-frère, les aménageant très légèrement lorsque les circonstances l’y contraignent ((Ordres du maréchal Berthier, Gumbinnen, 17 décembre 1812 (cités par Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 89 et 90).

8. Ordres du maréchal Berthier, Gumbinnen, 17 décembre 1812 (cités par Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 89 et 90). . Conservant la Garde en première ligne, il dirige les huit corps d’armée de Russie (1er, 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 8e, 9e) sur les places de Thorn, Marienbourg, Marienwerder, Plock et Varsovie. Les cavaliers démontés sont envoyés sur la Vistule puis l’Oder, les contingents alliés (Polonais, Westphaliens, Saxons, Bavarois) réorganisés dans l’intervalle des places, hormis, là encore, les cavaliers, qui regagnent leur État d’origine pour y recevoir de nouveaux chevaux.

La réalité se révèle cependant beaucoup plus préoccupante. L’anarchie règne au sein des survivants : Königsberg, Elbing, Marienbourg sont encombrés de fuyards et d’hommes démoralisés qui cherchent à gagner Dantzig ou Berlin. À Königsberg même, on recense près de 300 généraux ayant abandonné leurs postes ou leurs unités ! Un nombre considérable d’officiers a évidemment suivi leur exemple. Aux alentours stationnent fréquemment de petits groupes d’isolés. Murat parvient néanmoins à obliger la plupart des survivants valides à reprendre leur marche vers l’ouest ((Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 98 et 99.

9. Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 98 et 99.  mais, comme l’écrit Berthier le 16 décembre ((Lettre de Berthier à Napoléon, Wirballen, 16 décembre 1812 (citée par Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 422). Le capitaine d’Artois confirme ce jugement :

« Dès la fin de décembre, on avait vu arriver isolément et sans ordre une quantité d’hommes malades, blessés ou attaqués par la gelée. »(Relation de la défense de Dantzig, p. 38).

10. Lettre de Berthier à Napoléon, Wirballen, 16 décembre 1812 (citée par Reboul, Campagne de 1813, t. I, p. 422). Le capitaine d’Artois confirme ce jugement :

« Dès la fin de décembre, on avait vu arriver isolément et sans ordre une quantité d’hommes malades, blessés ou attaqués par la gelée. »(Relation de la défense de Dantzig, p. 38).  :

« On n’a vraiment d’espoir de se rallier que dans les places de la Vistule ».

Pour l’état-major, en effet, le fleuve constituera une barrière à partir de laquelle il sera possible de reprendre en main les traînards et de les diriger sur les points de regroupement. En outre, passé Gumbinnen, les magasins permettent des distributions régulières qui raniment quelque peu l’ordre.

L’état de santé général est également inquiétant. Le froid a fait des ravages terribles, le nombre de membres gelés est immense alors qu’une épidémie, la « fièvre méningite catarrhale de congélation », qui accompagnera les survivants jusqu’à l’Elbe, aggrave les séquelles de la température. Cette situation n’améliore pas les rapports avec la population civile, de jour en jour plus hostile. L’écroulement de la puissance impériale, dont témoignent à leur corps défendant les fuyards, les menées souterraines des sociétés secrètes et des patriotes allemands, la maladie qui frappe les hôtes charitables ((Larrey précise même, à propos des habitants qui ont accueilli les malades atteints de la fièvre de congélation : « La mortalité était considérable. » (Mémoires, t. IV, p. 151).