Correspondance de Napoléon – Septembre 1800

Septembre 1800

 

Paris, 1er septembre 1800

Au citoyen Carnot, ministre de la guerre

Les Consuls désirent, Citoyen Ministre, que vous continuiez les fonctions que vous exercez depuis six mois avec autant de zèle que  d’utilité pour la patrie.

Vous avez amélioré l’administration de la guerre; mais il y a encore de plus grandes améliorations à faire. I1 faut que votre ministère, lorsque vous le quitterez, ait tracé une marche d’économie et d’ordre dont l’influence se fasse longtemps sentir.

Des indispositions passagères ne peuvent pas être suffisantes vous empêcher d’achever votre ouvrage.

Dans tontes les carrières, la gloire n’est qu’au bout.

(Le 29 août, Carnot avait, pour des raisons de santé, donné sa démission. Il renouvellera sa demande le 8 octobre, qui sera cette fois-ci acceptée. Berthier le remplace alors)

 

Paris, 2 septembre 1800

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître au général Jourdan et au chargé d’affaires des Piémontais à Paris que j’ai vu avec peine que le Piémont n’a pas payé exactement les contributions qui ont été imposées; qu’il est indispensable qu’il acquitte, dans le plus bref délai, les 1,500,000 francs auxquels il a été taxé.

Quant à l’offre de leur démission que les membres de ce Gouvernement ont faite ou pourraient faire, parce qu’on met des contributions, elle serait acceptée, et vous écririez au général Brune, auquel vous donneriez les pouvoirs nécessaires, pour les remplacer et prendre toutes les mesures nécessaires pour que les contributions soient  payées.

Vous écrirez au ministre extraordinaire à Turin pour qu’il fasse rédiger un état nominatif des agents français contre lesquels on porte des plaintes. Copie de cet état sera envoyée au général Brune et au ministre de la guerre. Vous recommanderez au général Brune de faire finir ces vexations et d’en faire punir les auteurs.

Les biens de l’ordre de Malte resteront à la disposition du gouvernement piémontais. Le tiers du produit de leur vente sera spécialement  affecté à l’entretien des casernes, de l’artillerie, aux approvisionnements et autres besoins de la garnison des places de Tortone, Alexandrie et Turin.

Les biens religieux des couvents de la Cisalpine qui sont dans le Piémont seront à la disposition du Gouvernement piémontais, qui les payera 1,500,000 francs, conformément à l’arrangement qui avait été fait avec le roi.

Le ministre extraordinaire a le droit de se faire représenter, toutes les fois qu’il le juge nécessaire, tous les registres des actes et opérations da Gouvernement  piémontais.

I1 faut que, dans le plus court délai, les contributions rentrent.

 

Paris, 2 septembre 1800

Au citoyen Talleyrand, ministre des Relations extérieures

Je désire, Citoyen Ministre, que vous expédiez un courrier extraordinaire en Espagne pour faire part de l’état de nos négociations avec l’Angleterre.

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Le lord Minto a communique à la cour de Vienne l’intention de son gouvernement de s’unir à l’Autriche pour entrer en négociations avec la République.

La cour de Vienne a fait déclarer à la France qu’elle ne pourrait traiter que de concert avec l’Angleterre. Elle a propose que la négociation générale fut établie à Schelestadt ou à Lunéville.

Le Premier Consul a accepté Lunéville, mais il a fait annoncer en même temps que l’Empereur exigeant l’admission de l’Angleterre dans les négociations sans avoir exigé préalablement que  l’Angleterre accédât à l’armistice existant, cet armistice serait rompu.

D’un autre coté, le Premier Consul a fait demander au gouvernement britannique par l’intermédiaire du Citoyen Otto des éclaircissements sur la démarche de lord Minto et sur l’efficacité des dispositions qu’elle annonçait, et en même temps a fait proposer à l’Angleterre de conclure sur le champ un armistice maritime général qui comprendrait les allies de la France, comme ceux de l’Angleterre, et qui serait l’équivalent de l’armistice continental.

Lord Grenville a répondu que S. M. Britannique approuvait ce qu’avait écrit lord Minto, qu’Elle enverrait son plénipotentiaire à Lunéville, mais qu’Elle ne pouvait consentir à l’armistice

Le Premier Consul a chargé le Citoyen Otto d’insister sur l’armistice, ne pouvant consentir qu’à ce prix que les hostilités ne fussent point reprises contre l’Autriche, et que la négociation s’ouvrit en commun pour la paix générale.

On attend les réponses de Vienne et de Londres.

Lettres à Talleyrand

 

Paris, 3 septembre 1800

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, d’écrire all citoyen Petiet de préparer, de concert avec la Consulte, le projet de constitution, mais de n’en rien faire paraître sans l’avoir communiqué au Gouvernement français. Vous lui recommanderez de traîner en longueur, l’intention du Gouvernement étant de ne pas donner à ce pays une organisation définitive avant la paix.

 

Paris, 4 septembre 1800

Au général Brune, commandant en chef l’armée d’Italie

Je reçois, Citoyen Général, votre lettre du 9 fructidor. Le citoyen Talleyrand vous aura écrit en détail sur les affaires politiques d’Italie. Concertez-vous avec les ministres pour les relations diplomatiques, et ce que vous croirez convenable pour l’administration de votre armée. Vous devez avoir reçu 1,500,000 francs en traites de Récamier. I1 part un million cette décade. Prenez des mesures telles que les contributions du Piémont rentrent. Envoyez à Gênes un commandant qui marche d’un pas égal avec Dejean, afin de maintenir tous les partis extrêmes et de détruire cette désunion, qui tend à dissiper la confiance du reste de l’Italie dans votre gouvernement.

Les lieutenants généraux vous embarrasseront plus qu’ils ne vous serviront: cela rend la transmission des ordres trop longue; et, d’ailleurs, les généraux de division obéissent avec peine. Je crois que   vous ferez mieux de donner les principales divisions de votre armée à vos lieutenants généraux.

Macdonald, qui vous a remplacé à l’armée de réserve, si rend directement en Suisse.

J’attends avec intérêt vos nouvelles sur la situation exacte de l’armée et sur vos dispositions militaires.

 

Paris, 5 septembre 1800

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Les habitants du département da Finistère sont autorisés à élever, à Carhaix, un monument à la mémoire de La Tour d’Auvergne.

ART. 2. – Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté, qui sera imprimé au Bulletin des lois.

(Théophile-Malo Corret de La Tour d’Auvergne, 1743-1800. « Premier grenadier de France », tué à la bataille d’Oberhausen. Le monument dont il est question existe toujours, dans la localité de Carhaix-Plouguer, où se trouve également sa maison natale)

 

 Paris, 5 septembre 1800

ARRÊTÉ

Bonaparte, Premier Consul de la République, le ministre de l’intérieur entendu, arrête :

ARTICLE ler. – Le jeune Victor Buffon (Petit-fils du célèbre naturaliste) dont le père est mort sur l’échafaud, victime da tribunal révolutionnaire, dans l’exercice des  fonctions de maire de la commune de Montbard, est nommé élève du Prytanée.
ART. 2. – Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution présent arrêté.

 

 Paris, 5 septembre 1800

NOTES DICTÉES AU MINISTRE DE LA MARINE
(Ces notes se rapportent au rapatriement sur le continent des troupes stationnées en Corse)

Le bataillon complet de la 4e d’infanterie légère,
Les compagnies de grenadiers de la 80e,
Les hommes de dépôt de la 19e de ligne,
l’escadron du 13e de hussards,
Une compagnie d’artillerie de ligne,
Enfin la 86e, en ayant soin de l’embarquer, bataillon par bataillon.

Le Commandant de la division sera le maître de faire son débarquement depuis le golfe de la Spezzia jusqu’à Marseille; le plus prés de Gênes sera le mieux.

Ces corps, s’ils débarquent dans le territoire de l’armée d’Italie, enverront un courrier au général, à Milan, qui leur enverra des ordres.

Connaître combien de bâtiments il est parti pour l’Égypte, combien pour Malte. Recommander de profiter du reste du vent d’ouest pour faire partir pour l’Égypte.

Mettre tout ce qu’on pourra de fusils, de boulets et de journaux. Le préfet peut écrire à chaque fois pour informer l’armée d’Égypte de la situation prospère de la République, au dedans et au dehors, et l’informer que la République prend le plus vif intérêt à sa situation ; qu’il est probable que pendant 1’iver nous aurons ou la paix ou la belle Italie.

Donner l’ordre au préfet d’expédier un des bâtiments destinés pour l’Égypte, pour Alger. Ce bâtiment sera porteur d’une lettre pour le citoyen Thainville (Charles François Dubois-Thainville, 1758-1818.  Il a signé un armistice avec le dey d’Alger, prélude à la paix entre la France et la régence d’Alger), écrite par le ministre de la marine, pour lui marquer la satisfaction du Gouvernement pour la paix qu’il vient de conclure, l’autoriser à dépenser jusqu’à 300,000 francs pour le ravitaillement de Malte, et à expédier deux on trois petits bâtiments en Égypte pour donner des nouvelles de France an général. On donnera 500 louis de gratification au bâtiment algérien qui, après avoir fait cette expédition, reviendra à Toulon.

Faire partir de Toulon plusieurs bâtiments chargés de blé pour Malte.

 

Paris, 5 septembre 1800

Au citoyen Carnot, ministre de la guerre

Le corps da général Augereau, Citoyen Ministre, se trouve extrêmement faible, puisqu’il est obligé de mettre une garnison considérable à Mayence, Ehrenbreitstein et Düsseldorf, le général Moreau ayant retiré les troupes qui se trouvaient dans ces places. Le général Augereau ne se trouve pas avoir plus de 4 à 5,000 Français, ce qui le mettra hors d’état de remplir sa tâche. Je crois donc nécessaire que vous donniez l’ordre au général Moreau de laisser à la disposition  du général Augereau cinq bataillons du corps qui était aux ordres du général Sainte-Suzanne, formant an moins 3,000 hommes sous les armes; ce qui, joint aux troupes que ce général pourra encore tirer de la Batavie, formera un corps aussi considérable qu’il est nécessaire qu’il le soit.

 

Paris, 6 septembre 1800

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Il sera élevé un monument à la mémoire des généraux Desaix et Kleber, morts le même jour, dans le même quart d’heure , l’un en Europe , après la bataille de Marengo , qui reconquit l’Italie aux armes de la République ; l’autre en Afrique, après la bataille d’Héliopolis, qui reconquit l’Égypte aux Français.
ART. 2. – Ce monument sera an milieu de la place des Victoires. La première pierre en sera posée par le Premier Consul, le 1er vendémiaire prochain. Un orateur sera chargé de prononcer l’oraison funèbre de ces deux illustres citoyens.
ART. 3. – Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du  présent arrêté, qui sera inséré au Bulletin des lois.

(Le monument, oeuvre de Dejoux, ne représentera que Desaix -entièrement nu ! – et sera inauguré le 15 août… 1810. Il sera détruit sous la Restauration)

 

Paris, 6 septembre 1800

Au citoyen Lucien Bonaparte, ministre de l’intérieur

Le Premier Consul désire, Citoyen Ministre, que des médailles soient frappées pour perpétuer le souvenir des actions les plus mémorables de l’armée d’Égypte:

1° Une médaille pour la prise d’Alexandrie et la bataille des Pyramides ;
2° Pour le passage da désert et le combat du mont Thabor
3° Pour la bataille d’Aboukir;
4° Pour la conquête de la haute Égypte, l’occupation de Qoseyr et des Cataractes;
5° Pour la bataille d’Héliopolis.

Le Premier Consul pense qu’il serait convenable que ces médailles fussent frappées en nombre suffisant pour en donner aux généraux, officiers et sous-officiers de l’armée d’Orient, et pour en déposer dans les fondations des fortifications qui seront construites.

 

Paris, 6 septembre 1800

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Le ministre de la marine et des colonies fera payer une gratification de 15,000 francs au capitaine du navire l’Osiris, qui a apporté les dernières dépêches d’Égypte.
ART. 2. – I1 sera accordé à l’équipage deux mois de paye en gratification.

 

Paris, 6 septembre 1800

Au citoyen Forfait, ministre de la marine

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire un rapport sur le frère du général Moreau, qui sert dans la marine, et sur l’avancement dont i1 serait susceptible.

 

Pari, 7 septembre 1800

Au comte de Provence

J’ai reçu, Monsieur, votre lettre; je vous remercie des choses honnêtes que vous m’y dites.

Vous ne devez pas souhaiter votre retour en France; il vous faudrait marcher sur 100,000 cadavres.

Sacrifiez votre intérêt au repos et au bonheur de la France….

L’histoire vous en tiendra compte.

Je ne suis pas insensible aux malheurs de votre famille… Je contribuerai avec plaisir à la douceur et à la tranquillité de votre retraite.

 

Paris, 7 septembre 1800

ARRÊTÉ

ARTICLE ler.  – A dater du l » vendémiaire, la Sesia servira de limite entre la Lombardie et le Piémont.
ART. 2. – Tous les pays situés sur la gauche de cette rivière  seront réunis, à commencer du ler vendémiaire, à la République cisalpine.
ART. 3. – Le chemin depuis Brigg à Domo-d’Ossola sera rendu  praticable pour les canons.

Le Gouvernement de la République cisalpine sera chargé de ce travail jusqu’au pied du Simplon, au village d’Algabi. Le ministre de la guerre de la République française sera chargé de la direction ce travail, depuis Brigg jusqu’au village d’Algabi.

ART. 4. – Le général de division Turreau, sera spécialement chargé de prendre toutes les mesures extraordinaires pour activer travail. Deux brigades d’ingénieurs des ponts et chaussées de France, commandées chacune par un officier supérieur, seront mises ses ordres. Le général en chef de l’armée d’Italie mettra à sa disposition  un officier d’artillerie, un officier du génie et trois compagnies de sapeurs pour l’assister dans ce travail.
ART. -5. – Le général en chef de l’armée de réserve enverra un bataillon, de 500 hommes à Brigg, et le général en chef de l’armée d’Italie enverra un bataillon de 500 hommes à Domo-d’Ossola, qui seront sous les ordres du général Turreau.
ART. 6. – A commencer de vendémiaire, le ministre de la guerre mettra .50,000 francs par mois, et la République cisalpine 50,,000 francs par mois, à la disposition de l’officier supérieur des ponts et chaussées qui sera chargé de la partie de la route qui les concerne, pour être employés  la confection de la route.
ART. 7. – Les ministres des relations extérieures, de l’intérieur et de la guerre, sont chargés de l’exécution du présent arrêté, qui ne sera pas imprimé.

 

 Paris , 8 septembre 1800

Bonaparte, Premier Consul de la République, voulant donner au citoyen Desaudray, chef de brigade pensionné, un témoignage de satisfaction pour ses longs services et ses utiles travaux dans les arts et le commerce, le ministre de la guerre entendu, arrête:

ARTICLE 1er.  – Le citoyen Charles Desaudray, chef de brigade pensionné, est nommé directeur de l’institut de I’hôtel des Invalides, établi à Versailles. I1 jouira, en cette qualité, du traitement annuel de 4,000 francs et aura son logement à l’annexe de 1’hôtel.
ART. 2. – I1 sera sous les ordres immédiats du commandant en chef des Invalides.
ART. 3. – I1 proposera audit commandant un plan d’éducation pour les élèves-tambours confiés à ses soins; il fera cadrer ses vues avec la première destination de ces élèves. Le plan adopté par le commandant en chef sera soumis à l’approbation du ministre de la guerre.
ART. 4. – Ceux des élèves qui annonceront des dispositions pour les sciences et les beaux-arts, et supérieures au but de l’institution, seront particulièrement cultivés, sous la surveillance du citoyen Desaudray, qui désignera au commandant en chef la partie des sciences ou des arts à laquelle ils seront plus propres.

Les élèves en qui l’on aura reconnu ces heureuses dispositions ne seront plus considérés comme tambours. Ils concourront pour les places à la disposition du Gouvernement dans les diverses branches d’institution publique. Dans aucun cas, le nombre de ces élèves ne pourra être de plus de dix par année.

ART. 5. – Le ministre de la guerre est chargé de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris, 9 septembre 1800

A l’envoyé extraordinaire de S.M. le roi de Prusse, près le Premier Consul

Monsieur, j’ai soumis aux Consuls de la République les plaintes que vous m’avez adressées, dans vos lettres da 12 de ce mois, au sujet d’une violation attribuée aux troupes commandées par le général Augereau, sur le territoire des princes de la maison de Nassau et des comtes de Salm, qui prétendent aux avantages de la neutralité, en vertu d’un titre émané du général Moreau. Les Consuls ont déclaré que les conventions stipulées par le Gouvernement seraient religieusement observées, mais que celles qui ne portaient point ce caractère n’étaient point obligatoires pour lui; d’où l’on doit conclure que les princes qui aspirent au bienfait de la neutralité ne peuvent l’obtenir que par des traités particuliers, et en refusant leur contingent à. l’Empire. Néanmoins, comme l’intention des Consuls
est d’avoir, en toute occasion, pour la recommandation du roi de Prusse, tous les égards que peuvent inspirer la haute estime qu’ils ont pour Sa Majesté et le désir sincère de maintenir la bonne intelligence qui règne entre les deux gouvernements, j’écris au général Augereau pour lui recommander, comme il l’avait été fait au généra1Moreau, d’avoir pour les possessions de ces princes tous les ménagements que peuvent permettre la position et l’entretien de l’armée qu’il commande. Je suis persuadé que ces considérations influeront sur la conduite ultérieure de ce général, de manière à alléger autant que possible, pour le territoire dont il est question, le fardeau de la guerre, qui pèse toujours plus ou moins sur les pays au sein ou près desquels se meuvent les armées.