Correspondance de Napoléon – Mars 1802

Mars 1802

 

Paris, 1er mars 1802

Rapport sur l’arrestation de Charles- Emmanuel-Sigismond Montmorency-Luxembourg Renvoyé au ministre de la police, pour le faire conduire par un gendarme aux frontières d’Espagne, et lui faire connaître qu’étant au service dune puissance qui a été en guerre avec la France, il n’est point considéré comme citoyen français.

 

Paris, 3 mars 1802

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – L’Institut national de France formera un tableau général de l’état et des progrès des sciences, des lettres et des arts, depuis 1789 jusqu’au ler vendémiaire an X.
Ce tableau, divisé en trois parties correspondantes à chacune des classes de l’lnstitut, sera présenté au Gouvernement dans le mois de fructidor an XI.
Il en sera formé et présenté un semblable tous les cinq ans.
ART. 2. – Ce tableau sera porté au Gouvernement par une députation de chaque classe de l’Institut.
La députation sera reçue par les Consuls, en Conseil d’État.
ART. 3. – A la même époque, l’Institut national proposera au gouvernement ses vues concernant les découvertes dont il croira application utile aux services publics, les secours et encouragements dont les sciences, les arts et les lettres auront besoin, et le perfectionnement des méthodes employées dans les diverses branches de l’enseignement public.
ART. 4. – Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté, qui sera inséré au Bulletin des lois.

 

Paris, 4 mars 1802

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

Le ministre de la guerre fera faire un tableau qui affecte une on plusieurs sous-préfectures à chaque corps de l’armée, en ayant soin d’affecter les pays de montagnes à l’infanterie légère, et, pour chaque arme de cavalerie, les pays qui …………. L’artillerie n’entrerait pas dans cette distribution. Le nombre d’hommes nécessaire pour compléter ces corps serait déterminé à tant d’hommes par département, lesquels seraient demandés, chaque année, par le ministre de la guerre, et produits par des levées faites au compte des corps. Les mineurs seraient dans le même cas.

Il faudrait encore calculer les hommes ayant moins de trente ans, provenant des canonniers garde-côtes, qui seront incorporés dans les demi-brigades.

Les vieux soldats qui ont droit à un congé demandent à rester aux corps et à contracter un engagement de cinq ans, en place des jeunes gens de la conscription actuellement sous les drapeaux. Cette question est extrêmement délicate. Les inconvénients sont : 1° que le soldat se trouverait avoir, indépendamment de la solde de l’État, une solde d’un particulier; 2° que, tous les vieux soldats prenant ainsi des engagements pour des conscrits, on manquerait un des buts de la conscription. Cependant, il y a à ce mode un grand nombre d’avantages : 1° une manière, sans qu’il en coûte rien au trésor public, d’améliorer le sort des vieux soldats qui ont fait la guerre et auxquels on doit tant; 2° un moyen de garder aux drapeaux de vieux et excellents soldats, en place de soldats médiocres.

Le Premier Consul désire que le ministre rédige un projet d’arrêté qui détermine que, pour cette fois seulement, les soldats compris au contrôle de l’armée au 1er germinal, et qui font partie du 8e auquel il a été accordé des congés absolus, pourront céder leurs congés à un jeune homme de la conscription qui aurait été présent aux drapeaux au moins depuis un an, et qui ferait partie du corps. Le soldat qui aura ainsi cédé son congé contractera un engagement de cinq ans, avec la clause que, si, avant l’expiration des cinq années, la guerre venait à se déclarer, il sera tenu à faire toute la guerre; que le conscrit qui aura son congé sera tenu, avant d’en profiter, de verser dans la caisse du corps une somme qui ne pourra être moindre de 300 francs, et plus forte de 900, selon la convention qui sera faite entre les deux individus; que le décompte de cette somme sera fait à l’individu, à raison d’une haute paye de deux sous par jour, le cinquième prélevé, qui lui sera donnée comptant, et une portion pour lui faire un habillement neuf complet; bien entendu que, lorsque le vieux soldat remplaçant aura fait son nonveau congé, il lui sera rendu compte et payé la somme restante.

 

Paris, 5 mars 1802

Au citoyen Chaptal, ministre de l’intérieur

Le Premier Consul n’a point signé, Citoyen Ministre, l’arrêté relatif à la chaire de poésie latine au Collège de France, vacante par la mort du citoyen Selis. Il a pensé qu’il était convenable que cette chaire fût mise au concours, et il vous invite à prendre les mesures nécessaires pour que ses intentions à cet égard soient remplies.

 

Paris, 6 mars 1802

DÉCISION

La société Leveux et compagnie, rue Neuve-Saint-Augustin, n° 738, sur avis du citoyen Mabile, négociant à Angers, chargé d’acheter des grains pour l’approvisionnement de Paris, rend compte qu’un des deux bateaux du marinier Turmeau, chargé de mille six cents quintaux, vient d’échouer dans la rivière de la Creuse. Je prie le général Moncey de charger un capitaine probe et sûr, de la légion la plus voisine de cet endroit, de prendre très-secrètement les renseignements les plus  précis sur cet événement, pour savoir comment ce bateau s’est  échoué, si c’est de la faute des mariniers, et s’il y avait véritablement la charge de grains dont il est question dans la lettre.

 

Paris, 7 mars 1802

Au citoyen Locré, secrétaire général du Conseil d’État (Jean-Guillaume Locré, 1758-1840, un protégé de Cambacérès, qui l’a fait nommer à ce poste dès le début du Consulat)

Vous trouverez ci-joint, Citoyen, un arrêté qui met à votre disposition 100,000 francs. Vous les distribuerez de la manière suivante : 15,000 francs au citoyen Regnier; 15,000 francs au citoyen Defermon ; 15,000 francs au citoyen Lacuée ; 15,000 francs au citoyen Portalis ; 15,000 francs au citoyen Roederer.

Vous garderez 10,000 francs pour vous, et 15,000 francs en caisse pour petites dépenses imprévues.

Vous remettrez ces sommes de la main à la main à chacun de ce conseillers d’État, sans dire à l’un que les autres l’ont reçue, mon intention étant que ceci reste très-secret. Votre décharge sera cette lettre.

 

Paris, 8 mars 1802

DÉCISION

Le ministre de l’intérieur propose d’ordonner que l’article 27 de la loi du 21 fructidor an III, sur les conflits d’attribution entre les autorités administrative et judiciaire, sera publié dans les quatre départements de la rive gauche du Rhin et de décider qu’il appartient aux Consuls exclusivement de prononcer sur les conflits qui peuvent s’y élever. Renvoyé à la section de l’intérieur, invitée à comprendre dans le projet d’arrêté les disposition suivantes : 1° que le commissaire général n’a d’autre autorité que celle d’un préfet ordinaire, pour  prononcer toutes les parties dont les lois et
règlements sont publiés dans les départements du Rhin; 2° que tout contentieux des biens nationaux doit venir au Conseil d’État; 3° qui tout ce qui est relatif aux émigrés doit être renvoyé au ministre de la police.

 

Paris, 8 mars 1802

Au citoyen Joseph Bonaparte

Je reçois votre dépêche du 16 ventôse. Je ne vois point qu’il y ait aujourd’hui une différence sensible entre les différents projets. La dernière rédaction du projet anglais pour Malte ne s’éloigne pas beaucoup de la nôtre. Il est aussi facile de trouver un mezzo termine pour les affaires des prisonniers. Je ne vois donc pas ce qui peut empêcher aujourd’hui la conclusion du traité. Si lord Cornwallis est de bonne foi, la paix doit être signée avant le 19. S’il en est autrement, il serait évident que le cabinet anglais serait livré à des combinaisons différentes ; ce qui, dans la position actuelle de l’Europe, ne serait qu’un esprit de vertige. En tout cas, je compte recevoir, le 19 à midi, par le retour de mon courrier, une lettre qui me fera connaître positivement ce qu’il en est. J’ai cédé tout ce qu’ont voulu les Anglais. Si la paix n’a pas lieu sur-le-champ, je ne redoute pas la guerre. Expliquez-vous-en fortement, et que, le 19 à midi, je sache à quoi m’en tenir : car, comme il paraît que les Anglais ont donné des ordres d’armer à Plymouth, il est convenable que je puisse prendre des précautions pour nos flottes.

Quant à l’ambassadeur turc, il est impossible que nous nous désistions de ce que nous avons toujours dit. Je ne veux point faire la paix avec la Turquie à Amiens ; ce qui n’empêche pas l’article qui assure et garantit l’intégrité de l’empire ottoman.

 

Paris, 9 mars 1802

Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public

Le ministre directeur de l’administration de la guerre commençant son service le ler germinal, il est nécessaire, Citoyen Ministre, de distinguer, pour le mois de germinal, les fonds qui seront mis à sa disposition : ils se montent à 4,800,000 francs.

Le ministre de la guerre ayant encore des fonds pour l’an IX, il est inutile de lui en accorder ce mois-ci.

MARINE

Il lui sera accordé un million pour les objets liquidés provenant les services faits dans le premier trimestre de l’an X, et un million pour achats de marchandises du Nord pour les magasins de réserve de la marine.

INTÉRIEUR.

Le ministre n’a pas encore fait connaître quelles sont les routes qui doivent être réparées en l’an X, conformément à l’arrêté du 11 fructidor dernier; on peut ajourner ces 400,000 francs. Il n’a pas fait connaître ce qui a été liquidé l’an IX; on peut ajourner les 100,000 francs destinés pour cet objet.

 

 Paris, 9 mars 1802

Au citoyen Joseph Bonaparte

Je reçois voire lettre du 18 ventôse. J’accepte, quoique avec regret, la formule :  » La Sublime Porte est invitée à accéder au présent traité.  »

Mon intention n’en est pas moins de faire un traité avec la Sublime Porte, car enfin cet article ne termine pas tous nos différends. N’ayant pas, dans ce moment-ci, les pièces sous les yeux, je ne sais pas s’il y a un article qui garantisse l’intégrité de la Turquie. Cet article paraît nécessaire à mettre.

Au reste, je vous donne toute la latitude convenable pour signer dans la nuit. Vous serez en conférence lorsque vous recevrez ce courrier ; je ne pense pas qu’il arrive avant neuf heures du soir.

Je crois, comme vous, extrêmement important de ne plus perdre un instant. Faites donc tout ce qu’il est possible pour terminer, et signez.

Vous aurez soin de me faire connaître, dans votre réponse, si le courrier est arrivé avant neuf heures, lui ayant, dans ce cas, promis 600 francs.

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J’attends mon courrier demain, avant midi.

 

Paris, 4 mars 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des Relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire un rapport sur les moyens à employer pour faire arrêter et saisir les papiers de Babouin, banquier à Augsbourg, qui l’est de l’agence.

Tournay…., commissionnaire de l’agence royale à Hambourg

Martin, de Francfort

Le président Devesel à Vienne

Saint-Felix, Vruy, Imbert Calonnes et d’André

Lettres à Talleyrand

 

La Malmaison, 11 mars 1802, 5 heures du soir

Au citoyen Joseph Bonaparte

Il est cinq heures après midi, et je n’ai pas encore reçu le courrier que vous m’avez annoncé devoir réexpédier après votre conférence d’hier au matin, et que j’attendais à minuit. Cependant les dépêche d’Otto et toutes les lettres d’Angleterre confirment les armement considérables et le départ d’escadres successives. Lord Hawkesbury a dit à Otto que Cornwallis avait reçu ses dernières instructions. Les différences qui existaient d’ailleurs étaient si peu de chose, qu’elle ne paraissaient pas devoir autoriser ce ministre à tant de fracas. Une lettre d’Amiens, que je suppose de M. Merry, a porté l’alarme dans Londres en certifiant que je ne voulais pas la paix.

Le moindre retard dans ces circonstances est donc vraiment préjudiciable et peut être d’une grande conséquence pour nos escadres et nos expéditions navales.

Veuillez donc rendre compte, deux fois par jour, le matin et le soir, par deux courriers extraordinaires, de tout ce que vous faites et de tout ce qu’on vous dit, car il est pour moi bien évident que si, à l’heure que j’écris, la paix n’est pas signée ou convenue, il y a à Londres changement de système.

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Cependant, quoi qu’il en soit, filez toujours votre négociation, en vous contentant de mettre au protocole des notes qui fassent bien sentir que ce sont les Anglais qui ne veulent pas la paix et qui y apportent des retardements.

 

Paris, 11 mars 1802

A Joseph

Il est neuf heures; une dépêche télégraphique de Brest, du 21 au soir, m’apprend que notre escadre est arrivée le 16 pluviôse (5 février) au Cap ; que notre armée a débarqué ; que le Cap et toute la superbe plaine du Nord étaient occupés par nos troupes. Je m’empresse de vous envoyer ces nouvelles pour que vous en fassiez l’usage que vous jugerez convenable. Ce ne sera que dans trois jours que le courrier arrivera, et j’aurai des détails; mais il m’a paru qu’il n’était pas indifférent que vous sussiez promptement que, nos troupes ayant entièrement débarqué, l’armée et la flotte se trouvent avoir un point d’appui tranquille à tout événement.

 

La Malmaison, 12 mars 1802

Au citoyen Joseph Bonaparte

Je reçois votre lettre du 20 ventôse, par laquelle je vois que, quoique d’accord, vous n’avez rien signé. Ce retard paraît tout à fait extraordinaire; il est cependant bien constant que lord Cornwallis avait reçu ses dernières instructions, et qu’il n’avait plus qu’à signer. Moustache, que j’attends dans l’après-midi, commencera sans doute à éclaircir le mystère.

Sous quelque prétexte que ce soit, je ne veux pas qu’on substitue le mot Gênes au mot Ligurie; j’aime mieux qu’on n’en parle pas. Je ne veux pas non plus évacuer Tarente avant que les Anglais évacuent Malte ; le mezzo termine est de n’en pas parler. Cela était bon dans l’hypothèse où ils auraient pu garder Malte six ou huit mois ; mais aujourd’hui que tout s’évacue dans trois mois, il est inutile d’en parler.

 

Paris, 12 mars 1802

Au citoyen Roederer

Je prie le citoyen Roederer de me faire connaître le personnel, les mœurs et les idées politiques du citoyen Fiévée, et ce que l’on pourrait faire pour utiliser ses talents ; il m’a paru en avoir beaucoup.

 

Paris, 12 mars 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je désire, Citoyen Ministre, que vous expédiiez sur-le-champ un courrier à Londres, pour faire connaître au citoyen Otto notre situation en Europe, et le charger de la faire officiellement connaître dans une conférence, à M. Addington et à lord Hawkesbury :

  1. de Lucchesini, par ordre exprès du roi de Prusse, m’a fait connaître le plaisir qu’il avait éprouvé du résultat du congrès de Lyon;
    M. de Cobenzl a reçu, le 17, un courrier de l’Empereur qui adhérait non-seulement à ce qui a été fait à Lyon, mais encore en Helvétie et en Batavie, et qu’il recevrait les ambassadeurs que ces républiques enverraient; qu’il en enverrait lui-même pour se rendre près d’elles ;
    Que les réponses aux lettres écrites de Lyon à l’Empereur de Russie étaient plus satisfaisantes encore, et qu’aux idées de politique générale se réunissaient avec ce prince des liaisons particulières;
    Que, dans cet état de choses, je distinguais parfaitement que cette espèce de mouvement que l’on veut produire à Londres, dans moment, n’était pas un mouvement politique, mais une intrigue de cabinet pour culbuter le ministère et arriver au pouvoir;
    Que, depuis quinze jours, les négociations d’Amiens languissaient, constamment par la faute du cabinet anglais, et que, depuis un mois où nous avons présenté notre second projet, les discussions ont été d’un intérêt inférieur et de peu de conséquence ;
    Que je commençais, cependant, à éprouver un véritable mécontentement de cet air de menace que prend le Gouvernement anglais comme si j’avais besoin d’être forcé à faire la paix, et comme si réellement, la puissance et la force de l’Angleterre étaient telle quelle pût m’y forcer ;

J’ai signé les préliminaires, parce qu’il fallait mettre un terme au malheurs de la guerre, et les avantages immenses qu’en a retire l’Angleterre lui ont été accordés en conséquence des accroissement qu’avaient reçus les puissances continentales, et par l’influence de négociations et non par l’influence de la force;

Qu’aujourd’hui, comme depuis quinze jours, le roi d’Angleterre est maître de finir, puisqu’il n’y a plus de discussions sur aucun point mais que si, au contraire, le roi d’Angleterre veut la guerre, il deviendra responsable des événements qui auront lieu ;

Qu’en tout cas il peut la faire, mais que ce ton de menace et de bravache est inconvenant à prendre envers la France.

Enfin, je désire que le citoyen Otto parle haut, et qu’il répète assez ses discours pour qu’on le sache, et cela, quand même il serait assuré que le ministère a donné l’ordre de signer; car, enfin, je désire qu’on reste bien convaincu que le ton de menace ne réussira jamais avec le Gouvernement français.

 

La Malmaison, 12 mars 1802

Au citoyen Joseph Bonaparte

Moustache vient d’arriver. Je vous ai déjà fait connaître, par le courrier parti il y a trois heures, que je n’attache aucune importance à la reconnaissance de la Ligurie. Je n’en attache pas davantage à l’article secret relatif à Naples, vu qu’il est sans objet, et qu’il est impossible que j’évacue Tarente avec l’artillerie, etc., avant trois mois, même avec la meilleure volonté : ce sont des articles tout à fait inutiles.

Je ne vois donc plus aucun obstacle à la paix. Il faut seulement avoir soin de rédiger l’article des prisonniers de manière que le sens ne puisse pas empêcher le Portugal de nous payer ce qu’il nous doit par les articles secrets de son traité. Ceci est pour votre gouverne, car vous ne devez pas en dire un mot, l’Angleterre en ayant jamais parlé.

Vous pouvez annoncer directement à lord Cornwallis que le roi de Prusse a reconnu la République italienne, et m’a fait féliciter par son ambassadeur sur le résultat du congrès de Lyon ;

Que, le 17 au soir, M. de Cobenzl a reçu de Vienne un courrier, et m’a notifié personnellement que l’Empereur voyait avec plaisir la République italienne, et qu’il était prêt à recevoir l’ambassadeur italien que je voudrais lui envoyer;

Que tous les princes d’Italie ont également reconnu la République italienne;

Qu’enfin M. Markof vient de recevoir le courrier qu’il avait expédié à sa cour, pour lui faire part du congrès de Lyon, et que l’empereur Alexandre est plus disposé que jamais à marcher de concert avec la France pour toutes les grandes affaires de l’Europe.

Vous ferez aussi connaître à lord Cornwallis que je ne suis pas dupe des mouvements hostiles de Londres; que ce ne sont point des intrigues de l’Europe, mais des intrigues de cabinet pour un changement de ministres, et que je plaindrai l’Angleterre si de misérables intrigues rallumaient la guerre. Ajoutez encore que je suis intimement convaincu que, dans la position actuelle de l’Europe, l’Angleterre ne peut raisonnablement faire seule la guerre contre nous.

 

Paris, 12 mars 1802

Au citoyen Melzi, vice-président de la République italienne, à Milan

La nomination des deux ministres que vous aviez demandés va vous être envoyée par Marescalchi, ainsi que des arrêtés relatifs troupes françaises et italiennes. Je ne vois pas de nécessité que vous ayez à Milan aucun employé, ni administration française. Le général en chef peut seul y rester, parce que sa présence est bonne et utile partout. Il faut s’attacher aussi à ce que tous les individus de l’armée française fassent leur demeure habituelle au quartier général. Un relevé exact et secret, avec des notes sur ce que chaque Français à Milan, envoyé à Marescalchi, qui me le communiquerait, me conduirait à ne laisser à Milan que des hommes utiles.

Je n’attends pas un bon résultat d’un conseil de finances au lieu d’un ministre. Il y a dans l’administration une portion d’exécution qui ne peut jamais être gérée par un conseil. Le ministre des finances n’empêche pas que la partie de la Consulte qui est chargée finances ne s’en occupe. Pourquoi ne nomineriez-vous pas ministre Prina, de Novare ? Dans un État naissant, il n’y a point de réputation faite; mais une année d’une bonne administration et un peu de bonheur accréditent tous les membres d’une administration.

La Prusse a, la première, reconnu ce qui a été fait à Lyon; l’Autriche vient de le reconnaître également.

 

La Malmaison, 12 mars 1802

Au citoyen Joseph Bonaparte

Il est minuit. Une dépêche télégraphique de Brest, du 21 ventôse (ce même 12 mars) m’apprend que notre escadre est arrivée le 16 pluviôse au Cap; notre armée a débarqué; que le Cap et toute la superbe plaine nord étaient occupés par nos troupes. Je m’empresse de vous envoyer ces nouvelles, pour que vous en fassiez l’usage que vous jugerez convenable. Ce ne sera que dans trois jours que le courrier arrivera et que j’aurai des détails.

 

Paris, 15 mars 1802

Au citoyen Fouché, ministre de la police générale

Je suis instruit, Citoyen Ministre, que deux Anglais se sont présentés, le 13 ventôse, au marché de Poissy, pour y marchander des bœufset des moutons, dans l’intention de connaître le cours et d’acheter des bestiaux dans les herbages, pour les faire passer à l’étranger. Je vous prie de faire observer ces individus et de les faire arrêter, s’il y a lieu.

Je suis également instruit qu’un particulier d’Orléans a fait faire quantité de petits tonneaux pour mettre de la farine, et que ces bestiaux sont transportés à Meung, à quatre lieues d’Orléans, où on fait moudre beaucoup de grains. Il y a sur les ports d’Orléans quatre bateaux chargés de grains appartenant au même particulier, et dont la destination est inconnue. Je vous prie de vous en faire rendre compte et de m’informer du résultat de vos recherches.

 

Paris, 16 mars 1802

Au citoyen Roederer, conseiller d’État

J’ai reçu les notes que vous m’avez envoyées sur le citoyen Lezay. Je saisirai la première circonstance favorable pour l’employer.

J’ai besoin d’un homme qui parte pour l’Angleterre, qui ait de l’esprit, la connaissance des hommes, et qui voie bien. Le citoyen Fiévée m’a paru être cet homme. Voyez si je puis, pour cette mission, compter sur lui. Il n’aura autre chose à faire que de voyager, voir le plus qu’il pourra, et me faire des mémoires sur la marche de l’esprit public, l’administration, enfin tout le mouvement de la nation anglaise. Mais, comme une première mission peut le conduire à d’autres, il est convenable que son rôle soit clair, qu’il n’ait aucun rapport avec les individus qui fomentent les troubles en France, et qu’il reste dans les limites d’un homme attaché au Gouvernement, et le prouvant dans tous ses discours.

Faites-moi connaître si je puis compter sur lui pour cette mission.

 

Paris, 16 mars 1802

NOTE POUR LA RÉDACTION DU TRAITÉ AVEC L’ANGLETERRE

Il manque à l’article de Malte un terme fixé pour la demeure des troupes napolitaines. Ce terme doit être trois ans, conformément à la proposition des Anglais. Il faudrait donc ajouter à la fin du paragraphe 12 ces mots : « sans que les troupes puissent y rester au delà de 1805. »

La rédaction de l’article 18 est extrêmement fautive. On ne peut pas dire, « La France procurera à la branche de la maison de Nassau,  » lorsque nous ne pouvons pas prendre un engagement positif pour une chose qui ne nous appartient pas; or nous ne sommes pas maîtres de l’Allemagne. Il faudrait donc dire :  » Les parties contractantes réuniront leur influence, lors de l’arrangement définitif des affaires d’Allemagne, pour que le prince de Nassau ait une indemnité. »

L’article 19, de la Sublime Porte, devrait être le dernier de tous. Il faut en ôter le mot alliée de Sa Majesté Britannique, parce que ce titre-là ne définit pas la Porte, qui est une assez grande puissance pour avoir une existence à elle. J’aimerais donc que l’on dît tout simplement : « Les dispositions du présent traité sont communes à la Sublime Porte. » Mais, quelle que soit la rédaction que l’on adopte, sous quelque prétexte que ce soit, mon intention n’est pas que l’on se serve du mot alliée de Sa Majesté Britannique. Cela a trop l’air de vouloir nous donner la loi.

 

Paris, 16 mars 1802

Au capitaine général Leclerc, commandant en chef l’armée de Saint-Domingue

Vos lettres du 20 pluviôse nous sont arrivées le 23 ventôse(14 mars), et France entière a vu avec un vif plaisir les commencements des succès qui nous présagent le retour de Saint-Domingue à la métropole.

Les escadres de Toulon, de Cadix, de Flessingue et du Havre doivent vous avoir rejoint avant le 1er ventôse.

Le Tourville et le Zélé doivent être arrivés à l’heure qu’il est. Deux autres bâtiments de guerre de Brest et deux frégates de Toulon partiront dans la première décade de germinal, avec des vivres et des recrues.

Vous devez avoir reçu deux millions de lettres de change et un million en argent. Seize mille quintaux de farine sont partis de Bordeaux sur divers bâtiments de commerce.

J’espère que la paix définitive sera signée avant le 1er germinal. Suivez exactement vos instructions, et, dès l’instant que vous vous serez défait de Toussaint, Christophe, Dessalines et des principaux brigands, et que les masses de noirs seront désarmées, renvoyez sur le continent tous les noirs et hommes de couleur qui auraient joué un rôle dans les troubles civils.

Jusqu’à ce que la paix définitive soit signée, j’ai fait prévenir l’amiral Villaret de se tenir alerte; dans les moments douteux, il est tout à craindre de la politique et de la manière de faire du cabinet anglais.

Je suis fort content de votre beau-frère, et votre sœur se porte parfaitement bien.

Soyez ferme, réprimez toute espèce de brigandage; faites que la colonie renaisse et que le commerce de la métropole se loue de vos procédés.

Le général Richepance part avec deux vaisseaux, quatre frégates et 3,000 hommes, pour soumettre la Guadeloupe.

Comme, hormis le premier moment, ses troupes ne lui seront pas toujours nécessaires, si vos besoins devenaient pressants, vous pouvez lui faire des demandes.

 

Paris, 18 mars 1802

Au citoyen Fouché, ministre de la police générale

Le Premier Consul désire, Citoyen ministre, que vous fassiez rappeler au rédacteur du Courrier français, au sujet de la citation d’une prétendue dépêche télégraphique adressée à Brest pour ordonner un mouvement dans ce port, l’injonction qui a été déjà faite, de garder silence sur tous les objets de cette nature.

 

Paris, 18 mars 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez mettre dans le Moniteurles accouchements des princesses et les décès dont on nous fait part; je sais que les cours sont sensibles à cette publication. L’électeur de Bavière, les princesses de Bade et de Danemark sont dans ce cas.

 

Paris, 19 mars 1802

DÉCISION

Rapport du ministre de la police générale sur l’inexécution de la loi de la conscription dans quelques communes. Dans plusieurs endroits, des conscrits, conduits par la gendarmerie, lui ont été enlevés par des attroupements armés. Il rend compte, en même temps, des mesures qu’il a prise, pour prévenir de semblables événements. Ce n’est point un rapport dans ce genre que je demandais, mais une récapitulation de tous les événements de ce genre, arrivés depuis le 1er ventôse an X, en désignant le lieu, le maire, et le caractère de chaque attroupement

 

Paris, 20 mars 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Il faut décider l’affaire du Valais. Vous verrez, dans ma réponse, comment j’envisage la question. Faites faire des recherches et rédigez-moi un petit mémoire sur l’ancienne organisation de ce pays et sur celle que l’on pourrait lui donner; je l’enverrai dans le pays, et tout sera terminé. Je crois qua les ducs de Savoie y avaient une influence quelconque.

Quant à la constitution, il est difficile de pouvoir, dans l’éloignement où nous sommes, juger positivement. En la parcourant, toutefois légèrement, je n’ai pas vu qu’elle s’éloignât beaucoup de ce qui est convenable.

Écrivez au citoyen Verninac que, l’Helvétie n’étant point une province française, et ayant reconnu son gouvernement, je dois la laisser se gouverner à sa manière; que l’affaire qui m’intéresse est celle du Valais. Communiquez-lui la réponse que vous faîtes, et faites-lui connaître que, si le citoyen Reding n’est pas content du mezzo termine que je prends, il perdra tout.

Les deux points principaux sont : point de sujets,et l’indépendancedu Valais en petite république. Comme affaires générales et comme affaires particulières, le citoyen Verninac doit protéger, mais d’une manière très-couverte, les hommes de la révolution, les bailliages italiens, le pays de Vaud et les pays démembrés des bailliages.

J’ai signé les arrêtés de détail, hormis celui de la Batavie, que je vous renvoie, parce que je ne prendrai aucune résolution avant la paix générale.

Je vous renvoie vos papiers d’Amiens; je garde ceux relatifs à l’Allemagne.

 

Paris, 20 mars 1802

Au général Berthier, ministre de la guerre

Le rapport que vous m’avez fait, Citoyen Ministre, en date du 23 ventôse, sur les fortifications d’Italie, n’étant accompagné d’aucun plan ni détails, il est difficile de savoir si le but qu’on se propose est exactement rempli.

1° Une chiusa est inutile dans le val Trompia.
2° Une place de 1,200 hommes à la Rocca d’Anfo exigerait des défenses immenses, sans avoir un résultat satisfaisant. Une simple redoute, dans le genre de celle que l’on projetait pour Rivoli, serait suffisante. Tout le talent de l’ingénieur doit consister à mettre 200 hommes à l’abri d’une attaque de vive force, de manière qu’ils puissent, avec dix ou douze pièces de canon de gros calibre, défendre le grand chemin de Brescia à Storo, pour de l’artillerie et les charrois, afin qu’une division ennemie ne puisse pas combiner ses opérations avec celles de l’Adige ou du Mincio. Ce poste serait d’ailleurs à évacuer une fois que l’armée repasserait l’Oglio, puisqu’il deviendrait sans intérêt. Les anciens retranchements vénitiens ne remplissaient pas le but, en ce que l’ennemi, tournant la montagne avec un détachement d’infanterie, les prenait à dos et emportait les retranchements. Comme cette redoute ne peut être attaquée avec du canon que du côté de Lodrone, on pourrait, de ce côté, y mettre une espèce de flèche casematée. La défense de ce passage est pour l’importance la première de toutes, en ce qu’elle complète la défense de l’Adige, du Mincio et même de la Chiese.

Après cet ouvrage, Legnano est le plus important, comme interceptant l’Adige; enfin Peschiera, qui n’a aujourd’hui aucune force.

Mantoue est faible, principalement par Pradella. Il faudrait remettre en très-bon état les ouvrages de Pradella, et restaurer le front de la place de ce côté-là. Après Pradella, le côté de Cerese est le plus faible, et le général Chasseloup a ingénieusement projeté deux forts, l’un à Pietole, et l’autre de l’autre côté de la digue, pour barrer le Mincio. C’est aux ingénieurs à voir si ce projet, sans exiger des travaux et des dépenses trop considérables, remplit son but, qui est de tenir autant d’eau que l’on voudra dans le lac inférieur et supérieur, qui exige que l’ennemi emploie plus de monde pour le bloquer qu’il n’en faut aujourd’hui, et qui, en même temps, permette de supprimer entièrement les immenses et mauvais ouvrages de Saint-Georges.

Voilà les quatre points sur lesquels on doit concentrer, pendant l’an X, tous les moyens que donne la République cisalpine pour les fortifications. Les autres places, telles que Valeggio, Ferrare, Serravalle, Plaisance, ne sont que d’un moindre intérêt et ne peuvent pas être entreprises dans l’an X.

Je vous prie de me proposer un projet d’arrêté pour la distribution de fonds qui doit être faite entre ces quatre places, dans le courant de l’an X.

Il est nécessaire également que vous fassiez revoir, par le comité des fortifications, les travaux qui vont être faits sur ces quatre points. Vous me remettrez le rapport de ce comité avec les plans.

Quant aux places du Piémont, je désire que l’on concentre tous les efforts dans la citadelle d’Alexandrie, et qu’à dater du 1er germinal l’administrateur général du Piémont fournisse 50,000 francs par mois pour les travaux de cette citadelle, qui doit être rendue la plus forte possible.

Présentez-moi un projet d’arrêté pour cette disposition, et faites-moi connaître ce que le comité des fortifications pense que l’on doive faire à cette citadelle.

Je désire que vous me présentiez ces différents rapports à un des jours de travail de la première décade de germinal.

 

Paris, 20 mars 1802

Au général Murat, commandant en chef l’armée d’Italie, à Milan

Je reçois, Citoyen Général, votre lettre du 20 ventôse. Je vois avec plaisir la confiance que vous inspirez au gouvernement de la République italienne et à tous les citoyens. Je suis cependant fâché que vous ne m’ayez pas consulté avant de détruire tous les ponts de bateaux: lorsqu’on voudra les reconstruire, on trouvera des obstacles, et cela coûtera beaucoup. Je crois que vous vous êtes trop pressé. S’il en est temps encore, consultez-vous avec Melzi, et voyez à conserver ces ponts encore quelques mois.

Je désire également que vous ne réduisiez rien aux troupes qui sont à Naples, jusqu’à ce que la paix définitive soit signée.

J’aurais désiré être consulté pour la vente des approvisionnements de siège. Cette opération est au moins prématurée avant la paix définitive; mon intention est que vous la suspendiez.

Je m’imagine que vous ne diminuez pas le nombre des troupes qui sont en Toscane et dans le royaume de Naples, jurqu’à ce que je vous en écrive.

 

Paris, 22 mars 1802

Au citoyen Joseph Bonaparte

On m’a mis sous les yeux votre dernière lettre. Votre conduite, et surtout l’esprit de retenue que vous avez montré est convenable.

Il paraît qu’aujourd’hui nous sommes de nouveau en rapprochement. Otto mande que, quant aux prisonniers, les ministres sont convenus que ce qu’ont coûté à la France les prisonniers faits sur les alliés de l’Angleterre entrerait en compensation. Ceci me paraît convenable.

Quant à Malte, il n’y a pas d’inconvénient de déclarer, puisque c’est un fait, que la place de grand maître est vacante . bien entendu qu’en conséquence d’un des articles où il est dit que les Anglais ni les Français n’auront de Langue, on ne pourra prendre pour grand maître aucun natif français. Cette réserve est spécialement pour les Bourbons, parce que l’on dit qu’il entre dans les vues de l’Angleterre de placer un Bourbon pour grand maître. Nous entendons que les émigrés n’entrent pour rien dans le choix d’un grand maître, puisqu’il n’y a plus de Langue de France, et que les émigrés, quoique proscrits, sont toujours Français.

Les mots faisant partie de l’armée napolitaine,que l’on veut substituer au mot natif, sont assez essentiels, si le vœu secret est d’y mettre des émigrés français ou des Anglais. Si ce changement ne tient pas à ce vœu, il devient moins important.

Ce qui est relatif au prince d’Orange pourrait passer, en y ajoutant: propriété patrimoniale.

Ce qui est très-important à l’article Malte, c’est qu’il ne soit point question de noblesse; cela contraste avec notre organisation ; nous ne pouvons en parler. Il serait absurde de nous faire dire qu’il faudra être noble pour entrer dans l’ordre de Malte. Ne pas en parler est le mezzo termine convenable. Cet article est le plus important.

Mettre l’article de la Turquie le dernier, et en ôter les motsalliée de la Grande-Bretagne est aussi important; sans quoi il faudra dire: alliée de la Russie, de l’Empereur, ancienne alliée de la France. Le mieux est de supprimer les mots alliée de la Grande-Bretagne. C’est un article fort important, parce que ces mots seuls donneraient à l’Angleterre une espèce de suprématie qui n’est pas convenable pour nous.

Je viens de recevoir des lettres de Saint-Domingue, du 1er ventôse; elles sont très-bonnes. Le Port-Républicain a été pris avec tous les forts, sans que rien ait été brûlé. On a pris la caisse militaire de Toussaint, où il y avait 9,500,000 francs. Le port de la Paix et Saint-Domingue sont occupés. La partie espagnole est soumise et, le 29, le général Leclerc était parti pour attaquer Toussaint, qui tenait position avec 7 à 8,000 hommes. Vous trouverez ci-joint une lettre de Jérôme.

 

Paris, 23 mars 1802

Au citoyen Portalis, conseiller d’État, chargé de toutes des affaires concernant les cultes

Le Premier Consul pense, Citoyen, qu’il serait peut-être plus convenable de n’établir qu’une cure par arrondissement de justice de paix. Le curé résiderait au chef-lieu. Il y aurait autant de succursales desservies par des vicaires que l’étendue de l’arrondissement le rendrait nécessaire. Tous ces desservants seraient sous la direction du curé.

Le Premier Consul désire que vous lui fassiez connaître votre opinion sur cette disposition.

 

Paris, 24 mars 1802

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Le régisseur fermier des canaux d’Orléans et du Loing payera à la veuve de Louis-Philippe d’Orléans (Madame de Montesson) une somme 30,000 francs pour l’année de son douaire échéant le 30 ventôse au X. Cette somme sera allouée au régisseur fermier comme à-compte sur son fermage.
ART. 2. – Le ministre des finances est chargé de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris, 24 mars 1802

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Vous trouverez ci-joint les dépêches que je reçois par un courrier que j’avais expédié à Joseph.

La France a toujours refusé au stathouder le titre de prince d’Orange; nous ne pouvons donc pas déroger à cet usage.

De tous les articles de la Porte, le plus convenable, c’est la troisième rédaction. Si, cependant, il était possible, il faudrait supprimer les deux dernières lignes, qui commencent par : Elle est invitée, etc.

Quant à l’article 10, je ne comprends pas bien ce qu’il veut dire. Mais il est indispensable que le mot noblesse n’entre point dans la rédaction. Il doit mettre au protocole que « le soussigné entend par la cession de la Langue française qu’aucun individu de cette Langue ne pourra être appuyé par les autres Langues, ni jamais faire partie de l’Ordre ». Cela mis au protocole suffira.

Quant aux Barbaresques, il faut faire sentir, en mettant au protocole, ou, ce qui est la même chose, par une note, combien il est inconvenant que l’ordre de Malle, institué pour faire la guerre aux Barbaresques, les reçoive dans ses ports, d’où ils ravageront les États mêmes du Pape ; comment le Portugal, qui est constamment en guerre avec les Barbaresques, pourrait-il souffrir que ses vaisseaux marchands, sortant du port de Malte, soient capturés par les Barbaresques ? Que cela bouleverse toutes les idées et s’éloigne de la nature des choses ; que le mezzo termine serait de ne pas parler des Barbaresques; que, si le plénipotentiaire n’a en vue que Gênes, j’obligerai bien, quand il me plaira, les Barbaresques à respecter le pavillon génois.

Du reste, après avoir tenu bon, et surtout pris acte de la présentation de la note ou de l’insertion au protocole, le plénipotentiaire français est autorisé à passer outre, et ne retardera pas d’une heure la signature du traité pour cet article ; il me suffira seulement de constater que ce sont les Anglais qui ont voulu cette absurde injustice.

Ainsi le plénipotentiaire français est autorisé à signer, en ôtant le mot noble à la rédaction de l’article de Malte, le mot prince d’Orange que nous ne pouvons pas reconnaître, en prenant la troisième rédaction de la Turquie, et en présentant deux notes, l’une relative aux émigrés chevaliers de Malte, l’autre relative aux Barbaresques.

 

Paris, 24 mars 1802

ARRÊTÉ

Bonaparte, Premier Consul de la République, considérant qu’au mois de fructidor an VI John Murphy, Irlandais, après avoir secondé de tous ses moyens les premières opérations du général Humbert, commandant l’expédition sur l’Irlande, se chargea de conduire au milieu des forces anglaises et d’amener en France un officier porteur de dépêches pour le Directoire exécutif, et que, par suite de cet acte de courage et de dévouement à la nation française, il a été proscrit et dépouillé de ses propriétés, arrête:
ARTICLE 1er. – Il sera expédié au citoyen John Murphy une lettre de capitaine au long cours.
ART. 2. – Ledit citoyen John Murphy touchera annuellement, sur les fonds de la marine, une somme de 800 francs, à titre de récompense nationale.
ART. 3. – Le ministre de la marine et des colonies est chargé de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris, 25 mars 1802

Au citoyen Chaptal, ministre de l’intérieur

J’ai signé l’arrêté concernant les travaux des routes pendant l’an X :

1° Je n’y ai point vu la route de Genève au Valais par les roches de Meillerie.
2° Je désire qu’indépendamment des 200,000 francs qui ont été mis à la disposition des ponts et chaussées pour la grande route de Bastia à Ajaccio pour l’an IX, il soit affecté 200,000 autres francs pour cet objet pendant l’an X. Cet argent sera envoyé au payeur de la 23e division militaire, à raison de 30,000 francs par mois, à dater de germinal. Sous quelque prétexte que ce soit, le payeur ne pourra en disposer que pour le service de cette route. Cet argent sera à la disposition de l’ingénieur en chef des ponts et chaussées.

Je vous prie de me faire remettre, avant la fin de germinal une carte des routes de la République, sur laquelle seront désignées les vingt premières réparées pendant l’an IX, et les quarante-deux que l’on répare cette année.

Je désirerais savoir quand le rapport sur le canal de Saint-Quentin sera prêt.

 

Paris, 25 mars 1802

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. – Le citoyen Noguès (Antoine-Charles-Philibert), invalide âgé de quinze ans, qui a perdu une jambe sur le champ de bataille, est nommé élève du Prytanée.
ART. 2. – Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté.

 

Paris, 25 mars 1802

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de recommander au général de la 5e division militaire de tenir la main à ce que, sous quelque prétexte que ce soit, le service des soldats ne soit que d’un jour sur cinq.

 

Paris, 25 mars 1802

DÉCISION

Le ministre de la guerre disculpe le corps du génie des plaintes portées contre lui dans une lettre du général Leclerc; il donne l’état des officiers de ce Corps qui ont rejoint l’expédition : leur nombre est plus grand que celui demandé par le général Leclerc. Les citoyens Quintin Beauvert, Pautinier et Carnot seulement ont été retenus en France par un état de maladie bien constaté. Si ces officiers, qui ont eu ordre d’aller à Saint-Domingue, étaient malades, il faut, pour l’exemple, qu’ils y aillent, actuellement qu’ils sont sans doute guéris.

 

Paris, 26 mars 1802

A S. S. le Pape

Très-saint Père, je m’empresse de faire connaître à Votre Sainteté la paix que je viens de conclure avec l’Angleterre, parce que je sais l’intérêt qu’elle prend à tout ce qui peut contribuer au repos et à la satisfaction de l’Europe.

Je prie Votre Sainteté de me faire connaître tout ce qu’elle pense de l’article de Malte, et les moyens qu’il faudrait employer pour organiser l’Ordre le plus promptement, et conformément à ses désirs.

Tout est prêt ici pour la réception publique du légat et pour la rétablissement de la religion. Il est probable que, lorsque Votre Sainteté aura cette lettre, tout sera déjà achevé. En étudiant attentivement la circonscription des diocèses qui avaient été projetés, je me suis convaincu qu’il était convenable de l’augmenter au moins de dix évêchés.

J’ai donné des ordres pour que toutes les mesures soient prises afin que le retour des troupes françaises ne soit d’aucune charge au patrimoine de l’Église.

 

Paris, 26 mars 1802

Au citoyen Melzi, vice-président de la République italienne

Citoyen Melzi, vice-président de la République italienne, vous trouverez ci-joint le traité définitif de la paix avec l’Angleterre.

Il n’y est question ni du roi d’Étrurie, ni des républiques ligurienne, italienne et helvétique; mais elles ne tarderont pas à être reconnues d’une manière convenable.

J’attends que vous me fassiez connaître si vous ne jugez pas utile de nommer un ministre des finances.

Je vois avec grand plaisir que la République commence à s’organiser, et que tout ce que j’ai conçu pour son bonheur et sa prospérité se réalisera promptement.

Les nouvelles que j’ai d’Amérique sont extrêmement satisfaisantes

 

Paris,

27 mars 1802

NOTE

Le citoyen Talleyrand fera connaître officiellement, de ma part, au marquis de Gallo, combien j’ai lieu d’être mécontent des insultes faites à Naples; que je requiers que l’émigré qui, étant de faction, s’est permis d’insulter un officier français, soit sévèrement et publiquement puni à la parade.

Faire connaître à M. de Gallo que, si le roi de Naples n’a pas l’autorité nécessaire pour faire respecter les Français, j’enverrai 10,000 hommes à Naples pour les faire respecter;

Que l’ordre soit donné à la garnison de Naples de rendre les honneurs militaires aux officiers français;

Qu’enfin les émigrés français qui sont la cause de cette conduite soient chassés de Naples, entre autres M. de Damas; que le Gouvernement français ne peut voir avec indifférence, la paix étant faite, qu’un traître soit à la tête des troupes de Naples.

Faire également connaître à M. de Gallo que, l’époque de l’évacuation des États de Naples par les troupes françaises approchant, il est nécessaire que les troupes étrangères qui sont dans le royaume de Naples l’évacuent.

 

Paris, 29 mars 1802

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me remette un état de l’armée de Saint-Domingue.

Il sera fait, non d’après les divisions qu’a formées le général Leclerc, mais d’après l’ordre d’embarquement dans les différents ports, savoir :

1e division, commandée par le général en chef et embarquée à Brest sur les vaisseaux aux ordres de l’amiral Villaret;
2e division, embarquée à Lorient et Nantes, sous les ordres du général Desfourneaux;
3e division, embarquée à Rochefort, sous les ordres du général Boudet;
4e division, embarquée à Toulon, partie sur les vaisseaux aux ordres du général Ganteaume;
5e division, embarquée à Cadix sur les vaisseaux du contre-amiral Linois;
6e division, embarquée à Flessingue sur les bâtiments bataves;
7e division, embarquée au Havre;
8e division, partie de Brest sur le Tourville et le Zélé;
9e division, partie sur le Swiftsure de Toulon.

 

Paris, 29 mars 1802

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Nous avons, Citoyen Ministre, sur les différents points d’Italie, des troupes que je destine pour Saint-Domingue.

Je donne ordre au ministre de la guerre de les faire embarquer sur des bâtiments de commerce plus forts que de 150 tonneaux avec deux mois de vivres. Je lui fais connaître que vous donnez des ordres pour leur départ et leur destination,  qui doit être extraordinairement secrète.

Ces différents corps de troupes sont :

Un bataillon franc de l’Ouest, composé de 300 hommes, qui sera embarqué et prêt à partir d’Ancône le 25 germinal; donnez l’ordre à un capitaine de frégate, de ceux qui sont dans l’Adriatique, de l’escorter avec un aviso; il se rendra droit à Cadix, où il fera de l’eau, complétera son approvisionnement, et ouvrira un second paquet, qui contiendra l’ordre de se rendre à Saint-Domingue;

Deux bataillons de la 86e, formant 1,200 hommes, qui seront prêts à partir de Tarente le 5 floréal; vous donnerez ordre à un aviso et à un officier de marine, de ceux qui sont à Tarente, de prendre ce convoi sous son escorte; il ira également à Cadix se rafraîchir;,

La légion polonaise, composée de 2,000 hommes, qui s’embarque à Livourne; vous donnerez ordre à un brick et à un officier de marine, de ceux qui sont dans ces mers, d’accompagner ce convoi, qui relâchera également à Cadix;

Un bataillon de la 3e demi-brigade, fort de 550 hommes, qui s’embarquera à Gênes; vous le ferez escorter par deux avisos; il relâcheront également à Cadix.

Je suis fondé à espérer que, le 20 floréal, ces quatre convois seront arrivés à Cadix.

Je désire qu’une frégate ou un vaisseau français parte de Toulon ayant à bord le bataillon de garde-côtes qui doit se réunir au fort Lamalgue, et se rende directement à Cadix pour prendre sous son escorte ces quatre convois; ou, si ce bâtiment est prêt avant le ler floréal, il passera devant Gênes et Livourne, pour prendre sous son escorte les deux convois, et de là se rendre directement devant Cadix, y réunir les autres convois, s’ils étaient arrivés, ou, après les avoir attendus au plus trois ou quatre jours, continuer sa route sur Saint-Domingue.

Par ce moyen, il partirait de l’Italie 4,000 hommes, et 500 de Toulon, indépendamment d’un millier d’hommes qu’auront portés les trois frégates dont vous avez ordonné le départ dans le courant de germinal. Saint-Domingue recevrait donc de la Méditerranée un renfort de 5 à 6,000 hommes.

Il est également convenable de faire partir des renforts des ports de l’Océan :

1° 300 hommes de la 7e de ligne, de Flessingue;
2° 200 hommes des déserteurs étrangers, de Dunkerque;
3° 900 hommes des déserteurs français, du Havre;
4° Un bataillon de 800 hommes de garde-côtes, de Brest;
5° Un bataillon de 800 hommes de garde-côtes, de Rochefort. Indépendamment de ces troupes, les 71e, 79e, 3le et 38e de ligne, la 30e légère, fourniront chacune un détachement de 120 hommes, qui sera commandé par un capitaine, un lieutenant et un sous-lieutenant. Ces détachements s’embarqueront à Brest.

La 15e légère, la 21e de ligne, la 56e, la 68e, la 90e fourniront chacune 120 hommes, qui s’embarqueront à Nantes ou à Rochefort.

La 98e fournira 120 hommes, qui s’embarqueront au Havre.

Les hommes revenant des hôpitaux ou de semestre, appartenant à des bataillons qui se trouvent à Saint-Domingue, s’embarqueront dans les ports d’où sont partis leurs bataillons.

 

Paris, 30 mars 1802

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner l’ordre au 4e régiment artillerie à cheval, qui est à Plaisance, de se rendre à Turin, et de faire des règlements pour que l’école de Turin, celle de Plaisance, ainsi que les différentes écoles de la République, commencent incessamment leurs polygones et les exercices accoutumés.