Correspondance de Napoléon – Juillet 1812

Juillet 1812

 

 

Vilna, 1er juillet 1812

À Alexandre Ier, empereur de Russie

Monsieur mon Frère, j’ai reçu la lettre de Votre Majesté. La guerre qui divisait nos États se termina par le traité de Tilsit. J’avais été à la conférence du Niémen avec la résolution de ne pas faire la paix que je n’eusse obtenu tous les avantages que les circonstances me promettaient. J’avais en conséquence refusé d’y voir le roi de Prusse. Votre Majesté me dit : Je serai votre second contre l’Angle­terre. Ce mot de Votre Majesté changea tout; le traité de Tilsit en fut le corollaire. Depuis, Votre Majesté désira que des modifications fussent faites à ce traité : elle voulut garder la Moldavie et la Valachie, et porter ses limites sur le Danube. Elle eut recours aux négociations. Cette importante modification au traité de Tilsit, si avanta­geuse à Votre Majesté, fut le résultat de la convention d’Erfurt. Il paraît que, vers le milieu de 1810, Votre Majesté désira de nou­velles modifications au traité de Tilsit. Elle avait deux moyens d’y arriver, la négociation ou la guerre. La négociation lui avait réussi à Erfurt: pourquoi, cette fois, prit-elle un moyen différent ? Elle fit des armements considérables, déclina la voie des négociations, et parut ne vouloir obtenir de modifications au traité de Tilsit que par la protection de ses nombreuses armées. Les relations établies entre les deux puissances, après tant d’événements et de sang répandu, se trouvèrent rompues ; la guerre devint imminente. J’eus aussi recours aux armes, mais six mois après que Votre Majesté eut pris ce parti. Je n’ai pas levé un bataillon, je n’ai pas tiré un million de mon trésor pour l’extraordinaire de la guerre, que je ne l’aie fait connaître à Votre Majesté et à ses ambassadeurs. Je n’ai pas laissé échapper une occasion de m’expliquer. Votre Majesté a fait devant toute l’Europe une protestation que les puissances ont l’habitude de ne faire qu’au moment de se battre et lorsqu’elles n’espèrent plus rien des négociations : je n’y ai pas répondu. Votre Majesté, la première, a réuni ses armées et menacé mes frontières. Votre Majesté, la première, est partie pour son quartier général. Votre Majesté, après avoir constam­ment refusé pendant dix-huit mois de s’expliquer, m’a fait enfin remet­tre par son ministre une sommation d’évacuer la Prusse comme con­dition préalable de toute explication. Peu de jours après, ce ministre a fait la demande de ses passeports et a répété trois fois cette de­mande. Dès ce moment, j’étais en guerre avec Votre Majesté. Je voulus garder cependant l’espérance que le prince Kourakine avait mal entendu ses instructions, et qu’il n’était pas autorisé à cette som­mation sine qua non de n’entendre à rien que la Prusse ne fut éva­cuée, ce qui évidemment était me placer entre la guerre et le déshon­neur : langage inconvenant de la part de la Russie, que ni les événements passés ni les forces respectives des deux États ne devaient autoriser à me tenir, et qui était opposé au caractère de Votre Majesté, à l’estime personnelle qu’elle m’a quelquefois montrée, et enfin au souvenir qu’elle ne peut pas avoir perdu que, dans les cir­constances les plus critiques, je l’ai assez honorée, elle et sa nation, pour ne lui rien proposer qui pût être le moindrement contraire à la délicatesse et à l’honneur. Je chargeai donc le comte Lauriston de se rendre auprès de Votre Majesté et de son ministre des relations exté­rieures, de s’expliquer sur toutes ces circonstances, et de voir s’il n’y aurait pas moyen de concilier l’ouverture d’une négociation, en con­sidérant comme non avenue la sommation arrogante et déplacée du prince Kourakine. Peu de jours après, j’appris que la cour de Berlin avait été instruite de cette démarche du prince Kourakine, et qu’elle-même était fort surprise d’un langage aussi extraordinaire. Je ne tardai pas d’apprendre qu’à Pétersbourg aussi cette démarche était connue, et que les gens sensés désapprouvaient ; enfin les journaux anglais m’apprirent que les Anglais la connaissaient. Le prince Kou­rakine n’avait donc fait que suivre littéralement ses instructions. Tou­tefois je voulus encore conserver de l’espoir, et j’attendais la réponse du comte Lauriston , lorsque je reçus à Gumbinnen le secrétaire de légation Prévost, qui m’apprit que, contre le droit des gens, contre les devoirs des souverains en pareilles circonstances, sans égard pour ce que Votre Majesté devait à moi et à elle-même, non-seulement elle avait refusé de voir le comte Lauriston, mais même, chose sans exemple, que l’oubli avait été porté au point que le ministre aussi avait refusé de l’entendre et de conférer avec lui, quoiqu’il eût fait connaître l’importance de ses communications et la lettre de ses ordres. Je compris alors que le sort en était jeté, que cette Providence invisible, dont je reconnais les droits et l’empire, avait décidé de cette affaire, comme de tant d’antres. Je marchai sur le Niémen avec le sentiment intime d’avoir tout fait pour épargner à l’humanité ces nouveaux malheurs, et pour tout concilier avec mon honneur, celui de mes peuples et la sainteté des traités.

Voilà, Sire, l’exposé de ma conduite. Votre Majesté pourra dire beaucoup de choses, mais elle se dira à elle-même qu’elle a pendant dix-huit mois refusé de s’expliquer d’aucune manière; qu’elle a, depuis, déclaré qu’elle n’entendrait à rien qu’au préalable je n’eusse évacué le territoire de mes alliés ; que par là elle a voulu ôter à la Prusse l’indépendance qu’elle paraissait vouloir lui garantir, en même temps qu’elle me montrait du doigt les Fourches Caudines. Je plains la méchanceté de ceux qui ont pu donner de tels concerts à Votre Majesté. Quoi qu’il en soit, jamais la Russie n’a pu tenir ce langage avec la France ; c’est tout au plus celui que l’impératrice Catherine pouvait tenir au dernier des rois de Pologne.

La guerre est donc déclarée entre nous. Dieu même ne peut pas faire que ce qui a été n’ait pas été. Mais mon oreille sera toujours ouverte à des négociations de paix ; et, quand Votre Majesté voudra sérieuse­ment s’arracher à l’influence des hommes ennemis de sa famille, de sa gloire et de celle de son empire, elle trouvera toujours en moi les mêmes sentiments et la vraie amitié. Un jour viendra où Votre Ma­jesté s’avouera que si, dès la fin de 1810, elle n’avait pas changé, que si, voulant des modifications au traité de Tilsit, elle avait eu recours à des négociations loyales, ce qui n’est pas changer, elle aurait eu un des plus beaux règnes de la Russie. À la suite de désas­tres éclatants et réitérés, elle avait par sa sagesse et sa politique guéri toutes les plaies de l’État, réuni à son empire d’immenses provinces, la Finlande et les bouches du Danube. Mais aussi j’y aurais beaucoup gagné : les affaires d’Espagne auraient été terminées en 1811, et probablement la paix avec l’Angleterre serait conclue en ce moment. Votre Majesté a manqué de persévérance, de confiance, et, qu’elle me permette de le lui dire, de sincérité ; elle a gâté tout son avenir. Avant de passer le Niémen, j’aurais envoyé un aide de camp à Votre Majesté, suivant l’usage que j’ai suivi dans les campagnes précé­dentes, si les personnes qui dirigent la guerre auprès d’elle et qui me paraissent, malgré les leçons de l’expérience, si désireuses de la faire, n’avaient témoigné beaucoup de mécontentement de la mission du comte de Narbonne, et si je n’avais dû considérer comme le résultat de leur influence la non-admission de mon ambassadeur. Il m’a paru alors indigne de moi de pouvoir laisser soupçonner que, sous prétexte de procédé, en envoyant quelqu’un auprès de Votre Majesté, je pusse avoir tout autre but. Si Votre Majesté veut finir la guerre, elle m’y trouvera disposé. Si Votre Majesté est décidée à la continuer et qu’elle veuille établir un cartel sur les bases les plus libérales telles que de considérer les hommes aux hôpitaux comme non prisonniers , afin que de part et d’autre on n’ait pas à se presser de faire des évacuations, ce qui entraîne la perte de bien du monde; telles que le renvoi, tous les quinze jours, des prisonniers faits de part et d’autre, en tenant un rôle d’échange, grade par grade, et toutes autres stipula­tions que l’usage de la guerre entre les peuples civilisés a pu admettre : Votre Majesté me trouvera prêt à tout. Si même Votre Majesté veut laisser établir quelques communications directes, malgré les hosti­lités, le principe ainsi que les formalités en seraient aussi réglés dans ce cartel.

Il me reste à terminer en priant Votre Majesté de croire que, tout en me plaignant de la direction qu’elle a donnée à sa poli­tique, qui influe si douloureusement sur notre vie et sur nos nations, les sentiments particuliers que je lui porte n’en sont pas moins à l’abri des événements, et que, si la fortune devait encore favoriser mes armes, elle me trouvera, comme à Tilsit et à Erfurt, plein d’amitié et d’estime pour ses belles et grandes qualités, et désireux de le lui prouver.

Napoléon

 

Vilna, 1er juillet 1812, deux heures du matin.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Ochmiana

Mon Cousin, il n’y a point de doute aujourd’hui que Bagration a filé de Brzesc sur Grodno, et de Grodno longé Vilna, à six lieues de distance, pour se porter sur Sventsiany. J’ai organisé trois fortes colonnes pour le poursuivre. Toutes les trois seront sous vos ordres quand vous pourrez communiquer. La colonne de droite est comman­dée par le général Grouchy et composée de la brigade Bordesoulle, de la division d’infanterie Dessaix et de la brigade de cavalerie légère Castex. La seconde colonne se trouve sous vos ordres. Vous avez la brigade Pajol, la division Compans, la division de cuirassiers de Valence et les lanciers de la Garde. La troisième colonne débouchera par Mikhalichki; elle est composée de la division Morand, de deux brigades de la division Bruyère et de la division Saint-Germain. Le général Nansouty commande cette colonne. J’ai placé en réserve le duc de Trévise à la rencontre de tous les chemins, avec une division d’infanterie et de cavalerie, prêt à se porter partout. C’est à vous de diriger ces trois colonnes aussitôt que vous pourrez communiquer; et c’est aux commandants de ces colonnes à se diriger eux – mêmes de manière à faire Le plus de mal possible à l’ennemi, quand vous ne pour­rez communiquer avec eux. Il est probable que le général Nansouty débordera ou tombera sur le flanc de l’avant-garde, vous sur le centre, et le général Grouchy sur l’arrière-garde. Si l’ennemi était sage, et s’il a de l’ensemble dans son commandement, il se dirigerait sur Minsk, pour prendre de là la route de Disna. Les trois colonnes doi­vent agir d’une manière efficace.

 

Vilna, 1er juillet 1812, trois heures du matin.

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Ochmiana

Mon Cousin, je vous envoie le rapport du général Bordesoulle. Je me suis décidé à diriger la division Dessaix sur Edlina pour appuyer le général Bordesoulle. Il paraît que les Cosaques ont déjà passé à Pavlovo et Tourgheli. Je pense qu’il serait convenable que vous vous fassiez appuyer par la division Morand.

 

Vilna, 1er juillet 1812

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Ochmiana

Mon Cousin, je vous envoie une copie d’une lettre du général Morand. Je lui donne Tordre de prendre position, avec sa division et les 100 chevau-légers de la Garde qu’il a avec lui, au pont de Mikhalichki, de s’emparer des magasins et de tenir une position mili­taire. Je l’ai instruit que le général Nansouty et deux brigades de la division Bruyère se rendaient au même poste pour le diriger. Tout est en mouvement pour former les trois colonnes. Je vous enverrai la division de dragons du général Grouchy, qui j’ai placée à l’embranchement des routes, aussitôt que j’aurai reçu les premières nouvelles. Si je n’en ai pas à midi, je la dirigerai sur vous, afin de vous mettre à même de marcher sur Melodetchna.

J’ai vu avec regret que vous soyez parti pour Ochmiana; il fallait attendre la brigade Colbert. Si vous marchez ainsi légèrement, vous tomberez dans les mains des Cosaques et même de la cavalerie régulière ennemie, vu que les colonnes sont éparses, ayant perdu tout à fait la tramontane.

 

Vilna, 1er juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, je reçois la lettre du gouverneur de Königsberg du 23 juin. Répondez-lui que je l’autorise à raser sur-le-champ toutes les lignes et redoutes du camp de Lochstœdt qui se trouvent à deux lieues de Pillau. Quant aux ouvrages de la pointe du Nehrung, je lui ferai connaître mes intentions. Écrivez-lui qu’il est inutile de renfor­cer la garnison de Pillau; qu’il sera temps, lorsque ce point sera tenace, d’y envoyer des troupes.

 

Vilna, 1er juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Envoyez à la rencontre du vice-roi un officier bien monté et très-actif. Faites connaître au vice-roi que Bagration débouche sur Vilna, ayant l’air de se diriger sur la Dvina, qu’une de ses divisions est à Boly-Soletchniki, une autre vis-à-vis Ochmiana; qu’il est important qu’il approche sans délai sa cavalerie légère et tout ce qu’il pourra de son infanterie, pour arriver le plus tôt possible, afin de pouvoir agir suivant les circonstances.

 

Vilna, 2 juillet 1842

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, chargez un officier d’état-major de suivre la construction des fours. Depuis cinq jours que nous sommes à Vilna, ils de­vraient déjà être construits, et cependant ils ne sont pas encore com­mencés. La cause en est au défaut de chevaux pour transporter les briques. Cependant l’ordonnateur Joinville a des chevaux du service du petit quartier général; le 10e bataillon des équipages est arrivé, et enfin il y a une grande quantité de chevaux de trait attachée au quartier général et aux officiers d’état-major, à commencer même par ceux de ma Maison. Il était donc convenable que, pour une opéra­tion aussi importante que la construction des fours, on commandât des chevaux de corvée. Mais l’état-major est organisé de manière qu’on n’y prévoit rien.

 

Vilna, 2 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, donnez des ordres pour que, dans la journée, des officiers d’état-major et des gendarmes soient préposés, avec des hommes de corvée pris soit parmi la troupe, soit parmi les paysans, pour faire enterrer tous les chevaux, cadavres, immondices prove­nant des boucheries, tant dans la ville de Vilna que dans une circon­férence de deux lieues de rayon. Assignez à chacun son arrondisse­ment. Ils ne désempareront point que ce travail ne soit terminé.

 

Vilna, 2 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, réexpédiez cet aide de camp du vice-roi et faites connaître au vice-roi  que, n’ayant pas de nouvelles, mais prévenu du mouvement général, il est ridicule qu’il soit resté sans bouger à Piloni ; que, puisqu’il avait connaissance des Cosaques du côté de Stoklichek, il pouvait envoyer sa cavalerie légère en avant pour éclairer le pays le pays, avoir des nouvelles et s’approcher de Vilna; que la nou­velle que lui a donnée le général Roguet, que 30 à 40,000 Russes sont sur la gauche, n’a pas le sens commun ; que le général Roguet prétend qu’il lui a dit, sur sa droite,; qu’alors ce sont les hussards qui ont été vus du côté de Stoklichek; que toutes ces lenteurs con­trarient fort l’Empereur; qu’il en résulte que les plus belles occasions se passent sans en profiter, et que toutes les fatigues du 4e corps deviennent par là en pure perte.

Écrivez au général Roguet que je vois avec surprise qu’il est encore à Jijmory, qu’il faut qu’il ait perdu la tête pour ne pas avoir continué sa route sur Vilna; que, si son artillerie avait éprouvé des retards, il pouvait y laisser une garde de 100 à 150 hommes; qu’il a donné au vice-roi la nouvelle que 30 à 40,000 Russes étaient sur sa gau­che ; que cette nouvelle absurde a influé sur les opérations du vice-roi. Demandez-lui pourquoi il s’est avisé de donner cette nouvelle, et donnez-lui ordre de rejoindre sans délai.

Mandez au vice-roi que je lui ai fait connaître le 28 qu’il devait se diriger sur la droite ; qu’il pousse de forts partis de cavalerie sur Olitta pour avoir des nouvelles de tout ce qui se passe; qu’il s’ap­proche de Vilna avec le 4e corps, et qu’il ait sur sa droite, c’est-à-dire entre le Niémen et Vilna, le 6e corps, qui poussera des partis sur Meretch et Olkeniki, de sorte que sa jonction se fasse avec le roi de Westphalie.

 

Vilna, 2 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, donnez ordre au duc de Tarente de porter le plus tôt qu’il pourra son quartier général à Poneveje. Il y concentrera toute la 7e division, la plus grande partie de la cavalerie prussienne et au moins la moitié de l’infanterie, toute l’artillerie de campagne.

De Poneveje il se mettra en correspondance avec le duc de Reggio, qui est à Vilkomir, et avec le quartier général par Vilkomir et par Kovno. Il fera occuper Chavli par des postes, s’il le juge convenable. Les Prussiens restés sur la gauche, il les réunira à Memel et fera travailler aux fortifications de cette place. Écrivez-lui de nouveau d’envoyer des détachements prussiens pour faire arriver nos vivres.

Envoyez votre dépêche au duc de Tarente, par duplicata, par le duc de Reggio par Vilkomir et par Kovno. Ce maréchal doit être actuellement à Rossieny.

 

  1. S. Il sera nécessaire qu’il prenne des mesures pour réunir 2,000 voitures de Memel à Mitau et 2,000 de Tilsit à Chavli, pour le transport de l’équipage de siège de Memel à Riga et de Tilsit à Riga.

 

Vilna, 2 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna

Mon Cousin, chargez un officier général de votre état-major de s’occuper uniquement de l’organisation des routes de communication de Wilkowyszki à Kovno et de Kovno à Vilna. De Wilkowyszki à Kovno il faut deux commandants et deux petites garnisons de 25 hommes avec un ou deux gendarmes ; ils protégeront la poste, feront la police et feront parvenir régulièrement les nouvelles de ce qui se passe; ils feront rétablir par les habitants les routes dégradées, remplir les fondrières, réparer et entretenir les ponts. De Kovno à Vilna, il faut établir quatre commandants et quatre garnisons de 25 hommes, à Roumchichki, à Jijmory, à Yevé, à Rykonty; ce sera donc une compagnie et 5 ou 6 gendarmes. Il faut joindre à chaque poste 3 ou 4 hommes de cavalerie. Les commandants feront con­naître régulièrement ce qui se passera, feront raccommoder les routes et les ponts, enterrer les chevaux et cadavres, qui dans la saison où nous sommes peuvent occasionner des maladies. Il est nécessaire aussi d’avoir à la suite de l’état-major deux ou trois chefs de batail­lon ou majors qui feront les fonctions d’inspecteurs des routes ; l’un sera chargé de la route de Wilkowyszki à Kovno, et l’autre de Kovno à Vilna ; ils feront la tournée de leur arrondissement deux fois par semaine, et veilleront à l’entretien des routes, à leur police, aux réparations des ponts, etc., pendant tout le temps que le quartier général restera à Vilna. Quand le quartier général ira en avant, l’in­specteur le plus en arrière se portera sur la nouvelle direction en avant. Les stations doivent être d’abord placées à demi-journée d’étape, sur les quarante ou cinquante lieues en arrière de Vilna; on les réduira ensuite aux journées d’étape lorsque le pays sera organisé. Il est important de nommer sur-le-champ ces inspecteurs et d’organiser les routes de Wilkowyszki à Vilna et de faire réparer sur-le-champ les ponts et routes.

 

Vilna, 2 juillet 1812, six heures du soir

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, donnez ordre au général Lahoussaye de partir avec sa division aujourd’hui pour faire une journée, et de se diriger sur Roudniki. Il enverra des patrouilles sur la route d’Olkeniki, sur celle d’Olitta et sur Eïchichki, route da Grodno. Il prendra tous les renseignements, et vous rendra compte directement de ce qui se passe. Il rendra compte aussi au général Grouchy, avec lequel il se liera et qui se trouve à Boly-Soletchniki.

Écrivez au général Grouchy, qui est à Boly-Soletchniki, de vous faire connaître de quel régiment et de quelle division sont les prison­niers, qu’il fait, et où ils ont été depuis quinze jours.

 

Vilna, 2 juillet 1812

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Ochmiana

Mon Cousin, je vous envoie une lettre du général Nansouty. Vous verrez qu’effectivement le corps ennemi d’Ochmiana prend la route dont je vous ai envoyé la note. Le général Nansouty est arrivé à Mikhalichki hier au soir; il sera donc à même de tomber sur les flancs de cette colonne. Il paraît que ce corps est le 6e que com­mande le général Doktourof, composé de deux divisions d’infanterie et d’une division de cavalerie, ce qui fait de 15 à 16,000 hommes. Je ne vois pas encore là de nouvelles de Bagration.

Napoléon.

 

Vilna, 2 juillet 1812

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Ochmiana

Mon Cousin, je vous envoie la feuille de route de l’aile droite du 6e corps ennemi, que l’on a trouvée dans les papiers que vous m’avez envoyés. Cela m’a paru assez important pour vous être transmis. Le général Grouchy me mande que le corps que vous aviez devant vous à Boly-Soletchniki a fini par rétrograder, sans qu’on pusse savoir dans quelle direction ; qu’il se met en route pour suivre vivement la piste de l’ennemi.

 

Vilna, 3 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna

Mon Cousin, donnez ordre au général Chasseloup de faire prendre trente ou quarante bateaux sur la Viliya, d’y faire mettre des marins de la Garde dès qu’ils seront arrivés, et quelques matelots du pays ; de les faire regréer et de les envoyer cinq par cinq à Kovno pour s’y charger ; mandez-lui qu’il est nécessaire que les cinq premiers bateaux partent demain. Qu’il charge le général Kirgener de ces détails; qu’il lui donne les fonds dont il aura besoin, et que l’intendant rembour­sera. Chargez le général Chasseloup de faire commencer dès demain à travailler au pont de la Viliya; qu’il donne la conduite de ces tra­vaux à l’architecte de la ville ; qu’il lui avance même les fonds qui peuvent être nécessaires, sauf à la ville à en faire plus tard le rem­boursement; qu’enfin il charge le général Kirgener de la surveillance de cette construction, qu’il faut faire très-promptement.

 

 

Vilna, 3 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna

Mon Cousin, il restait ce matin à la manutention 4,000 rations de pain appartenant à la jeune Garde, qui doivent lui être données, 12,000 réservées pour l’armée d’Italie, qui lui seront délivrées aussitôt qu’elle enverra ses voitures, et 27,000 disponibles. Sur ces 27,000, on en donnera 8,000 à l’armée d’Italie, ce qui portera à 20,060 la quantité qui lut est destinée. Il en restera 19,000, dont 4,000 seront employées pour la consommation du quartier général, du général de l’artillerie, et 15,000 seront délivrées à la Garde comme premier escompte sur quatre jours de pain qu’elle doit avoir d’avance. L’ordonnateur de la Garde fera un rapport pour faire connaître le nombre de rations que la vieille et la jeune Garde consom­ment, et ce qu’il faut pour assurer les distributions des 4, 5, 6 et 7, ainsi que les moyens d’arriver à ce résultat. Il faudra plusieurs jours pour compléter l’avance de quatre jours de pain, puisqu’on a à pour­voir au service journalier. Mon but est d’arriver au point que la Garde ait toujours ses quatre jours de vivres. Il faudrait organiser dès à présent la manutention, de manière à avoir 50,000 râlions par vingt-quatre heures, savoir : 30,000 à la manutention de Saint-Raphaël, 12,000 à celle de Saint-Casimir et 8 ou 10,000 dans les fours bourgeois et des Juifs.

J’ai ordonné d’établir trois nouvelles manutentions de douze fours ; les douze premiers seront unis sous peu de jours. On pourra alors les mettre à la disposition de la Garde et ne plus rien faire dans les fours bourgeois, qu’on laisserait à la disposition des habitants. Cette nouvelle manutention de douze fours porterait les moyens de fabrica­tion à 60,000 rations par jour, et, quand les deux autres seront terminés, on pourra en fabriquer jusqu’à 100,000. Alors tout ce qu’on pourra confectionner en sus de la consommation devra être en pain biscuité. Les 100,000 rations à faire par jour exigent 1,200 quintaux de farine. Les moulins doivent en donner 1,000. On prendra les farines appartenant aux corps qui arrivent ici, et on donnera aux corps l’équivalent en pain, car on ne peut pas se dissi­muler que la farine ne nourrit pas le soldat. La Garde doit avoir beaucoup de convois de farines à arriver; elles seront déchargées ici, de manière que, lorsque la Garde partira, elle puisse partir avec quatre rations sur le dos et toutes ses voitures chargées de pain biscuité.

Réitérez l’ordre pour que toutes les voitures de l’armée qui sont ici vides aillent se charger de farine à Kovno. Il doit y en être arrivé 3,000 quintaux le 1er juillet.

Donnez l’ordre au commandant de Kovno de faire embarquer les farines sur la Viliya à mesure qu’elles arriveront, et écrivez à l’inten­dant général de prendre des mesures afin d’assurer la ‘navigation de la Viliya.

 

 

Vilna, 3 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna

Mon Cousin, écrivez au roi de Naples qu’il parait que l’ennemi ne veut pas tenir sérieusement à Sventsiany; je ne vois pas de difficulté à ce qu’il pousse sur ce point ; qu’aussitôt qu’il y sera arrivé je désire qu’il y fasse construire des fours.

 

 

Vilna, 3 juillet 1812

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Ochmiana

Mon Cousin, vous trouverez ci-joint le rapport du commissaire aux fourrages polonais; il n’est pas conforme à vos renseignements. Vous trouverez ci-jointe aussi la lettre du général Nansouty; elle parait confirmer les rapports du commissaire. Vous verrez qu’il est arrivé à Mikhalichki. Vous trouverez également copie de la lettre du général Grouchy ; il marche sur Dzevenichki : ainsi vous voilà liés ensemble. La Garde est réunie à Vilna. Le corps du vice-roi est arrivé. Ainsi vous ne devez avoir aucune crainte de découvrir Vilna. Vous pouvez attirer à vous les généraux Grouchy et Dessaix. Dans la posi­tion actuelle, le général Nansouty seul peut faire encore quelque mal à Doktourof. Les rapports du général Grouchy sont vagues; on ne voit pas très-bien à quel corps ennemi il a affaire; il est nécessaire que vous éclairassiez tout cela. Voici des renseignements positifs. Le 30, le roi de Westphalie est entré à Grodno, il y a trouvé Platof avec tout le corps des Cosaques, qui, comme de raison, se sont sauvés. Le 30, Bagration était à Mosty et menaçait d’attaquer; mais il est plus vraisemblable qu’il se sera retiré. Dans ce cas, il peut être aujourd’hui 3 à Lida; il pourrait être à Volojine le 5 ou le 6. Vous pourriez donc vous réunir avec le général Grouchy sur Volojine. Le roi de Westphalie doit suivre Bagration ; il doit se diriger sur Minsk. Je n’ai point de nouvelles que nous soyons entrés à Sventsiany. Le maréchal Ney est à Maliaty; le duc de Reggio à Avanta. Le général Grouchy aura probablement des nouvelles sur la direction de l’en­nemi; faites là-dessus ce qu’il convient. Si les renseignements du roi de Westphalie sont vrais, vous vous trouverez prévenu sur les mou­vements de l’ennemi. Tâchez donc d’être réuni avec le général Grouchy et d’avoir sous la main le plus d’infanterie et de cavalerie possible. Quand je saurai ce que vous voulez faire, je me déciderai à vous envoyer la division Claparède.

Si on peut faire quelques fours à Ochmiana et y organiser des subsistances, cela pourrait être utile.

 

Vilna, 4 juillet 1812

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Vichnef

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 3 à deux heures après midi. J’envoie la division Claparède, composée des trois régiments de la Vistule, à Ochmiana. Elle part ce matin; elle sera là à votre dispo­sition. J’ai jugé que ce renfort vous était nécessaire dans ces circon­stances. La tête du vice-roi arrive enfin à Vilna; la division de dragons Lahoussaye est à Roudniki ; comme elle est sous les ordres du général Grouchy, il peut la faire appuyer à lui.

Je crois vous avoir mandé que le roi de Westphalie était entré le 30 à Grodno, et que Bagration était à Mosty, occupé à passer le Niémen.

 

 

Vilna, 4 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, le maréchal duc de Castiglione prendra le commandement du 11e corps de la Grande Armée. Ce corps sera composé de la manière suivante : de la 2e division de réserve, commandée par le général Heudelet, qui prendra le numéro de 1e division du 11e corps; de la 3e division de la réserve, qui sera la 2e du 11e corps; de la 4e division de la réserve, qui sera la 3e du 11e corps, et de la divi­sion napolitaine. Vous me présenterez l’organisation en détail et défi­nitive de ces divisions, et vous me proposerez de leur donner des numéros à la suite des autres divisions de l’armée.

Le duc de Castiglione aura sous ses ordres les garnisons de la Poméranie suédoise, de Berlin et des trois places de l’Oder. Il gardera les cinq 6e bataillons des 46e, 37e, 56e, 19e, et 93e jusqu’à nouvel ordre. Il est nécessaire que le duc de Castiglione soit rendu avant le 25 juillet à Berlin. Vous donnerez ordre au duc de Bellune qu’aussi­tôt que le duc de Castiglione sera arrivé il lui remette le commande­ment ; il lui remettra ses instructions, tous les renseignements qui peuvent être utiles, et partira pour porter son quartier général à Marienburg. À cet effet, la division du général Partouneaux se mettra en marche, aussitôt après la réception du présent ordre, pour se diriger sur Marienburg. Elle marchera sur deux colonnes. La divi­sion du général Lagrange, qui est la 1e de la réserve, se portera sur Königsberg, en marchant sur deux colonnes, par Küstrin et par Schwedt. La division du général Girard partira immédiatement après la division Partouneaux et se rendra à Marienburg. La division Daendels est déjà rendue à Danzig. Ainsi les quatre divisions du corps du duc de Bellune seront réunies à Marienburg, à Danzig et à Königsberg, pouvant se porter partout où les circonstances l’exigeraient. Il est nécessaire que ces troupes soient rendues sur la Vistule à la fin de juillet.

Vous ordonnerez au duc de Bellune de faire venir sans délai la 13e demi-brigade provisoire, qui est à Erfurt, et tout ce qui appar­tient aux 3e et 4e divisions de la réserve, pour les placer selon les ordres que j’ai donnés, et de garder les cinq 6e bataillons jusqu’à nouvel ordre. Tout cela assurera les garnisons de Stettin, de Küstrin, de Glogau, de La Poméranie suédoise, et fermera un corps de réserve à Berlin. Ayez soin cependant que ce qui appartient à la 4e division de la réserve ne parte de Mayence, Wesel et Strasbourg que bien habillé, bien équipé et complété au moins, à 800 hommes par bataillon.

Le duc de Bellune recevra, avant son arrivée à Marienburg, des instructions sur ce qu’il a à faire; mais il aura pour instruction géné­rale de courir au secours de Stettin, Danzig et Königsberg, selon les circonstances qui se présenteront.

Donnez ordre au général Rapp et au général Latour de former des bataillons de marche des hommes disponibles du 2e corps au dépôt de Marienburg, du 1er corps au dépôt de Danzig et des 3e et 4e corps au dépôt de Thorn, et de les diriger sur Königsberg. Ils auront soin de n’envoyer que des hommes valides et qui soient bien habillés et bien équipés.

 

Vilna. 4 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna

Mon Cousin, il est nécessaire que vous donniez des ordres pour qu’aucun homme isolé ne parte de Rovno. Recommandez qu’ils y soient réunis et qu’ils ne viennent qu’en force, bien organisés et ayant avec eux quatre jours de pain, puisqu’ils ne doivent pas trouver de-vivres de Kovno à Vilna. Je vois avec un grand plaisir qu’enfin la tête des convois est prête à arriver par le Niémen, et que dans ce moment 7 à 8,000 quintaux de farine doivent se trouver à Kovno. Envoyez ordre de diriger par eau sur Vilna tout ce qu’il sera possible, en employant les bateaux qu’on pourra se procurer.

 

 

Vilna, 4 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, écrivez au duc d’Elchingen que la situation de son corps d’armée me parait fort alarmante sous le point de vue de l’ar­tillerie. Il est nécessaire qu’il ne fasse pas un pas de plus que son artillerie ne l’ait rejoint. Sans artillerie son corps serait très-com­promis. Il faut donc qu’il rallie ses troupes, qu’il fasse construire des fours, qu’il rassemble des moyens de subsistance et qu’il organise la police. Dites-lui d’envoyer des détachements de cavalerie, com­mandés par des officiers d’état-major, pour faire rejoindre les traîneurs ; il y en a beaucoup qui commettent des crimes, et qui finiraient par se faire prendre par les Cosaques. Je désire qu’il me fasse connaître l’état de situation de son corps sous le rapport de l’artillerie, du génie, du nombre d’hommes, des subsistances, etc.

Vous écrirez la même chose au duc de Reggio, en lui demandant le même état de la situation de son corps.

Écrivez aussi au roi de Naples que mon intention est que l’infan­terie se repose à Sventsiany ; qu’il y fasse construire des fours ; qu’il organise le service des subsistances et une bonne police. La cavalerie a également besoin de repos. Vous lui ferez connaître que j’ai ordonné la même chose aux ducs d’Elchingen et de Reggio.

Vous manderez au duc de Tarente que je lui ai donné ordre depuis longtemps de se porter sur Poneveje ou sur Chavli; le principal but est de tenir l’ennemi en respect pour qu’il ne vienne point inquiéter le Niémen, et d’avoir l’air de menacer Mitau.

 

 

Vilna, 4 juillet 1812

 

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, une seule route ne peut suffire pour une armée comme celle-ci ; d’ailleurs, je désire laisser reposer la route de Wilkowyszki à Kovno, afin de donner le temps de la réorganiser et de la réparer. Présentez-moi un projet pour établir une route par Königsberg, Labiau, Tilsit, en suivant la rive gauche du Niémen. Par ce moyen, il sera facile de donner exactement de l’avoine aux chevaux et du pain aux troupes. Faites-moi connaître les lieux d’étapes où l’on pourra former des magasins. La route de Wilkowyszki étant ainsi soulagée, donnez ordre qu’il soit formé des magasins à Wilkowyszki, et que cette route soit réparée et mise en bon état.

Mon intention est d’avoir une deuxième route de Vilna à Preny ou à Olitta, et de là à Rastenburg et à Wilkowyszki; faites reconnaître cette route par Olitta, et présentez-moi un projet d’organisation; faites reconnaître les routes de Preny et de Balwierzyszki, mon intention étant de jeter deux ponts permanents à Olitta et à Preny, dans le point le plus près de Vilna à la rivière, de faire là une tête de pont et d’y avoir un grand magasin. Envoyez le général Guilleminot avec un ingénieur géographe et un officier supérieur du génie pour recon­naître ces routes, le point le plus près du Niémen, l’emplacement où il faut jeter les ponts, et les ouvrages de fortification qu’il faudrait y faire.

Enfin la route de Vilna sur Grodno et de là sur Varsovie est natu­rellement la troisième route. Donnez ordre au général du génie de faire reconnaître Grodno, mon intention étant d’avoir là deux ponts et d’y établir une tête de pont, si ce point est susceptible de fortifi­cation. Ordonnez au général Chasseloup d’y envoyer un officier du génie. Actuellement que l’armée est passée, il faut organiser à Jijmory et à Yevé deux magasins, avoir à chacun de ces deux endroits une manutention d’au moins trois fours. En attendant que ces établisse­ments soient faits, on prendra quatre jours de vivres à Kovno pour venir à Vilna, et quatre jours de vivres à Vilna pour aller à Kovno. Il est indispensable d’avoir au plus tôt ces deux manutentions à Jijmory et à Yevé, et un approvisionnement suffisant pour distribuer 6,000 rations par jour.

 

Vilna, 4 juillet 1812

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de la Grande Armée, à Vilna.

Mon Cousin, expédiez avant minuit un officier d’état-major pour se rendre auprès du roi de Westphalie et lui faire connaître les intendants et administrateurs que j’ai nommés. Chargez cet officier de prendre des renseignements sur le corps de Bagration, sur les mou­vements des Russes, sur la position du roi de Westphalie, et de reve­nir sans délai nous en instruire.

 

 

Vilna, 4 juillet 1812

 

Au général comte de La Riboisière, commandant de l’artillerie de la Grande Armée, à Vilna

Monsieur le Général Comte la Riboisière, donnez ordre que les 30,000 fusils destinés à armer l’insurrection soient dirigés par Bromberg et la Vistule sur Vilna. Faites venir également les 6,000 fusils qui se trouvent à Pillau, avec les sabres et pistolets qui s’y trouvent.

 

 

Vilna, 4 juillet 1812

 

À Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, commandant les 4e et 6e corps de la Grande Armée, à Novoï-Troki

Mon Fils, faites pousser des patrouilles de votre cavalerie légère aussi loin que vous pourrez. Les coureurs peuvent aller jusqu’à Meretch et Orany; il n’y a plus d’ennemis là. Qu’elles requièrent les habitants de rétablir le pont et de ramasser les traînards russes. Nous sommes en communication directe avec le roi de Westphalie à Grodno.

Envoyez-moi par le retour de mon officier d’ordonnance la posi­tion de vos divisions ce soir. Venez me voir à Vilna.

En général, vous n’écrivez pas assez, et vous ne faites pas ce qui est nécessaire, lorsque vous êtes isolé, pour vous lier avec le quartier général et avoir prompte ment des nouvelles et des ordres.

 

 

Vilna, 5 juillet 1812, six heures du matin

 

Au maréchal Davout, prince d’Eckmühl, commandant le 1er corps de la Grande Armée, à Volojine

Mon Cousin, j’ai donné l’ordre au général Lahoussaye de se porter sur Boly-Soletchniki pour appuyer la droite de Grouchy, et à toute la cavalerie légère du vice-roi de se rendre également de Troki sur Boly-Soletchniki pour couvrir votre droite. On m’écrit de Grodno qu’on croit que Bagration est parti de Slonime le 1er. Le général Nansouty, était hier à Kobylnik. Doktourof venait de passer. Le roi de Naples était à Sventsiany. La cavalerie du roi de Westphalie s’était mise en grand mouvement sur Lida.

 

  1. S. Je vous ai mandé que la division Claparède était partie hier au soir pour Ochmiana pour vous soutenir.