Correspondance de Napoléon – Août 1805

Août 1805

 

Saint-Cloud, 1er août 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

Sa Majesté désire que le ministre de l’intérieur lui fasse connaître son opinion sur cette question : pourquoi la fabrique de Rouen diminue-t-elle ?

Cette ville, qui fabrique beaucoup d’articles du même genre que ceux de l’Angleterre, voyait toujours sa prospérité s’accroître par l’effet de la guerre avec les Anglais. Sa Majesté désire aussi connaître quel était le dernier prix des assurances en Angleterre.

 

Saint-Cloud, 2 août 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je pars pour Boulogne. J’imagine que vous avez donné ordre à l’amiral Ganteaume de se tenir dans la rade de Bertheaume, et que vous l’avez prévenu que, Magon ayant rejoint Villeneuve, ils ne tarderont pas à paraître. Du moment que votre santé vous permettra de supporter les fatigues, je vous attends à Boulogne. Faites-moi passer exactement toutes les nouvelles que vous aurez de la mer.

 

Saint-Cloud, 1er août  1805

DÉCISION

Le ministre de la guerre soumet à l’Empereur des observations de M. de Gallo, demandant que la juridiction de l’armée française ne soit pas étendue, dans le royaume de Naples, aux embaucheurs napolitains. Refusé. Cela est contraire au principes d’une armée qui a le droit de veiller à sa sûreté.

 

Camp de Boulogne, 3 août 1805 (Napoléon va rester à Boulogne jusqu’au 2 septembre 1805)

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je trouve très-bien la note à M. de Cobenzl : faites-la partir demain par un courrier extraordinaire, avant de vous coucher. Écrivez à M. de la Rochefoucauld qu’il peut dire à M. de Cobenzl que je suis à Boulogne; que mes armées, depuis la Hollande jusqu’à Brest, occupent toute mon attention ; que je n’ai pas en Italie 50,000 hommes; qu’avant de partir de Paris j’ai été obligé de faire un fonds de six millions pour l’approvisionnement de Peschiera, de Mantoue, de Legnago, de Vérone, de la Rocca d’Anfo et de la citadelle de Ferrare; que, certainement, faisant des dépenses aussi considérables que le sont mes dépenses maritimes, la puissance qui m’oblige, par ses dispositions, à ces dépenses, fait une véritable diversion en faveur de l’Angleterre, et me met dans une situation telle que je ne puis la soutenir; que je n’ai plus aujourd’hui, dans l’intérieur de la France, que les corps nécessaires pour la garde de mes côtes de la Méditerranée et de mes places fortes; que tout le reste est sur les côtes de l’Océan, en Hollande et en Hanovre; que les choses sont aujourd’hui à un point, que des protestations amicales ne peuvent rien signifier; qu’on se souvient de la conduite de Marie-Thérèse envers la cour de France à l’époque du partage de la Pologne; que je ne puis soutenir la guerre active avec l’Angleterre et la guerre tacite avec l’Autriche ; qu’il est impossible que j’obtienne la paix avec l’Angleterre si l’Autriche n’est pas véritablement pacifiée; que, si M. de la Rochefoucauld reçoit l’assurance secrète que les troupes retourneront dans leurs garnisons de Hongrie et de Bohême, l’Empereur se croira en paix avec l’Autriche; que si, au contraire, les troupes continuent à filer, les magasins à se former, l’Empereur considérera l’Autriche comme voulant la guerre, et, dans l’impossibilité de soutenir sa guerre maritime, il marchera pour pacifier entièrement l’Autriche; que, si, après quatre ou cinq campagnes, il est vaincu, il sera forcé d’accepter les conditions humiliantes de l’Angleterre, comme la France les a reçues souvent; que, si l’Autriche ne veut pas la guerre, elle trouvera ce langage raisonnable et elle fera une chose agréable à la France de faire dire publiquement (et il ne manque pas aux puissances de moyens de le faire) qu’elle est résolue à rester neutre et à s’en tenir au traité actuel; que, si le cabinet se laisse conduire par des militaires tels que Mack, Zach, etc., il se trouvera entraîné dans de mauvaises affaires; que, dans sa position, une guerre n’a pas le sens commun, et qu’on ne peut plus se battre, raisonnablement , que pour l’empire de Constantinople; que c’est une pomme de discorde où il est très-probable que la France et l’Autriche marcheront réunies ;

Quant aux appels de conscrits, il n’en a été fait aucun; que, depuis la paix de Lunéville, il n’a pas été levé plus de 40,000 conscrits, parce qu’on donne aux anciens soldats un nombre de congé proportionné; que c’est là la marche et le but de la conscription; qu’on n’a porté des régiments au pied de guerre qu’en prenant sur les troisièmes bataillons; qu’il est impossible aux militaires autrichiens, s’ils ont voulu l’observer, de ne pas voir l’intention de l’Empereur de conserver la paix; qu’il vient de faire approvisionner les places; qu’il sera obligé de lever 200,000 conscrits pour mettre son armée sur le pied de guerre, et de faire faire une contre-marche à son armée des côtes, parce que son système de guerre se trouve entièrement désorganisé; que, ce pas une fois fait, il faudra se battre ou l’indemniser de ce que cela lui aura coûté; qu’en tout pays au monde, un armement non motivé sur les frontières de son voisin équivaut à une déclaration de guerre, et qu’il n’y a aucune espèce de doute que l’Autriche arme aujourd’hui.

 

De mon camp impérial de Boulogne, le samedi à midi.

Je suis, ma bonne petite Joséphine, arrivé bien portant à Boulogne, où je resterai une vingtaine de jours. J’ai ici de belles armées, de belles flottilles, et tout ce qui peut me faire passer le temps agréablement. Il y manquerait ma bonne Joséphine, mais il ne faut pas lui dire cela. Pour être aimé il faut que les femmes doutent et craignent sur l’étendue et la durée de leur empire.

Adieu, Madame, mille choses aimables partout.

 

Camp de Boulogne, 3 août 1805

A M. Talleyrand

Je vous renvoie vos différentes dépêches. Faites insérer dans Moniteurun article de Raguse, dans lequel vous mettrez les noms cités dans le bulletin de Raguse; cet article aura pour but de faire connaître que l’Autriche est instruite des menées des Russes. Ne négligez aucune occasion d’éclairer l’Europe sur les vues de la Russie. Faites mettre dans l’Abeille du Nord et dans les journaux de Francfort et de l’Allemagne des observations sur la note de M. Novosiltzof; faites-les rédiger dans un grand esprit de modération, pour qu’ils puissent les imprimer. Il me semble que la dépêche de M. Otto, 5 thermidor, peut servir de base pour rédiger cet article.

La note à envoyer aux différents ministres dit tout, excepté le motif pour lequel elle est faite. Il parait que vous ne vous êtes pas donné la peine de lire la note de M. Novosiltzof; vous y verrez que ce négociateur prétend que je consentais à traiter directement avec lui, et qu’il ne me reconnaîtrait pas comme empereur : ce sont ces deux allégations que je veux démentir, et non déclarer que mon caractère répugne à l’idée d’un intermédiaire dans la paix avec l’Angleterre. Ce n’est pas parce que je le considère comme une insulte faite à mon caractère, mais parce que par politique je ne veux point d’intermédiaire. Substituez à cela la dénégation pure et formelle que la négociation ait été ouverte en demandant des passe-ports, et que j’aie pu rien concéder à la Russie qui fût contraire à mon caractère et à mon honneur. Ceci demande à être remanié.

 

Camp de Boulogne, 4 août 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, vous aurez appris par le télégraphe que je suis arrivé à Boulogne. Je vais passer dans une heure la revue de 100,000 hommes d’infanterie sur la laisse de basse mer. Les troupes sont très-belles, et je suis extrêmement satisfait de tout ce que je vois ici.

 

Camp de Boulogne, 4 août 1805

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, je vous envoie une lettre de l’ordonnateur de l’armée de Naples; envoyez-la à Alquier, afin qu’il fasse les représentations les plus vives pour faire cesser sur-le-champ les enrôlements. Et si, véritablement, cette lettre n’est pas exagérée, et qu’il se continue des armements, il fera connaître par une note qu’il ne peut rester à Naples spectateur des dispositions hostiles qu’on fait contre la division française, et qu’il se retire, son ministère de paix étant inutile dans un pays où déjà on paraît être résolu à la guerre, et près d’un souverain qui parait décidé à ne rien ménager. Avant de s’en aller, cependant, qu’il vérifie si ces faits sont vrais ; qu’il voie la Reine et le ministre; qu’il dise à la Reine qu’on sait ce qu’elle fait, et que le résultat de ses menées serait l’entrée de 20,000 hommes de troupes italiennes dans le royaume de Naples.

Que M. Alquier réponde par le courrier, pour me faire connaître réellement et véritablement la situation des affaires de Naples. Il faut aussi qu’il vous informe, par le même courrier, des mouvements de la rade de Naples depuis le mois de prairial, et qu’il vous envoie, tracée sur une carte, la position exacte des vaisseaux anglais devant ce port.

 

Camp de Boulogne, 4 août 1805

Au maréchal Berthier

Je suis instruit qu’on avait placé un bateau portant pavillon à demi-portée des batteries Sarrut, Augereau, Varé; qu’une frégate anglaise a eu l’insolence de venir l’enlever, parce que les batteries n’ont tiré que quelques coups de canon. Demandez des renseignements sur cette affaire, et témoignez mon mécontentement aux généraux qui commandent l’artillerie et les batteries. Je les rendrai responsables s’ils ne tirent pas sur tous les bâtiments à portée, et ne défendent pas les bâtiments qui sont mouillés là, par tous les moyens.

 

Camp de Boulogne, 4 août 1805

Au vice-amiral Decrès

Je vous renvoie votre lettre de M. Beurnonville. Toutes les nouvelles relatives à Nelson paraissent douteuses; que diable aura-t-il été faire dans la Méditerranée ? Ils y auraient donc 20 vaisseaux de ligne ? Ils ne savent guère ce qui leur pend à l’oreille. Tout-est ici en bon train ; et, certes, si nous sommes maîtres douze heures de la traversée, l’Angleterre a vécu.

Je ne conçois pas que nous n’ayons pas de nouvelles du Ferrol. Je ne puis pas croire que Magon ne soit pas arrivé. Je fais dire par le télégraphe à Ganteaume de se tenir en rade de Bertheaume.

 

Camp de Boulogne, 4 août 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, mon intention est qu’il y ait une compagnie de bombardiers dans le régiment d’artillerie; vous pouviez penser que j’avais mes raisons, lorsque j’avais ordonné ces dispositions. Je compte que le château de Vérone et la Rocca d’Anfo sont armés et que les 450,000 rations de biscuit sont réparties, et que toutes les dispositions portées dans votre lettre du 28 juillet ont reçu leur effet.

Vous pouvez nommer les professeurs à toutes les différentes écoles.

J’approuve l’organisation que vous avez faite à l’imprimerie royale. Nous voici dans le mois d’août; je désire avoir le compte des dépenses de ma Maison.

J’ai reçu votre proposition de décret relative aux feudataires. Je désire avoir l’état de tout ce qui a été réuni au domaine et de ce qui a été rendu, afin que je puisse prononcer avec connaissance de cause.

 

Camp de Boulogne, 5 août 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous envoie un projet sur mes forêts, qui m’est remis par M. Réal, et qui demande à être remanié. Réunissez un petit conseil, dans lequel vous appellerez mon intendant, l’administrateur des forêts, MM. Treilhard, Réal et Fleurieu, le ministre des finances et quelques autres personnes qui aient votre confiance.

Tout ce qui est relatif au conseil, dans le projet de M. Réal, est déplacé. Un conseil ne doit ni faire des nominations, ni administrer; encore moins être composé de grands officiers de ma Maison, qui sont assez occupés de leur service.

J’ai besoin d’un conseil du contentieux dans ma Maison. La partie forestière peut y être pour beaucoup, pour les coupes et les opérations ordinaires et extraordinaires faites dans les forêts. Je désirerais aussi qu’il pût me servir pour le contentieux des entrepreneurs, architectes, garde-meuble, eaux, et toute autre espèce de procès.

Pour rétablir les domaines de la liste civile dans une situation convenable, je serai souvent dans le cas d’acheter; il faut donc que j’organise un pareil conseil. Voyez ce que vous pensez de mieux sur cet objet, et envoyez-moi un projet d’organisation tout rédigé et dans un style convenable.

 

Camp de Boulogne, 5 août 1805

Au général Lacuée

On se loue davantage à l’armée de la conscription de cette année, quoique l’on trouve encore qu’il y a des hommes à réformer. Je crois qu’il faut envoyer les majors et le premier chirurgien du corps, si absolument il faut des chirurgiens.

Les corps n’ont rien perçu des amendes; quand je dis rien, c’est pas un sou. Le trésor n’a rien perçu non plus. Il paraît que c’est une des raisons qui autorisent la désertion. Il faudrait prendre quelques mesures pour organiser cette perception. La somme de 1,500 francs est une somme déterminée; cela est peu pour les riches, et beaucoup pour les pauvres : en général, on pense que, si cette amende était perçue, elle écraserait la nation; dont il suit qu’elle est arbitraire et qu’elle ne se perçoit pas du tout. Cherchez donc quelque moyen pour que les déserteurs condamnés au corps payent une amende raisonnable et proportionnée à leur fortune. Il faudrait aussi trouver moyen d’organiser cette perception de manière qu’elle ait constamment lieu. L’enregistrement n’y fait rien.

La plus funeste des désertions est celle qui se fait lorsque les individus sont reçus au corps. C’est celle-là qui fait le plus. de mal à l’armée. Aussi les corps sont bien loin d’avoir le nombre d’hommes que supposeraient les états du ministre.

Je désire que vous preniez des notions sur la manière dont la conscription de l’an XIII, ainsi que l’appel des réserves, se sont exécutés, et que vous me fassiez connaître les départements qui ont été le plus en retard.

Faites aussi compulser la correspondance au ministère de la guerre, et faites la recherche des corps où il y a eu le plus de déserteurs depuis le 1er vendémiaire an XII. La faute en est aux préfets et à la gendarmerie.

Le 21e et le 33e de ligne, ce dernier se recrutant dans l’Eure, ont le plus de déserteurs; et ce qui prouve que les préfets, quand ils le veulent, lèvent tous les obstacles, c’est que ceux du Pas-de-Calais et du Calvados, qui allaient mal, vont mieux depuis qu’ils ont compris que mon opinion de leur zèle et de leurs services dépendait du succès de la conscription. Je vous ai envoyé des états dans lesquels je suis parti des tableaux du ministre; mais je crois qu’il faudrait partir de la revue au 1er messidor. Nous sommes au milieu de thermidor, et les inspecteurs aux revues doivent l’avoir.

Il y a aussi des observations à faire pour ce qui regarde les hommes d’élite. Je ne sais quelle est la taille déterminée. Plusieurs départements n’ont pas fourni parce qu’ils n’avaient pas d’hommes de cette taille. Prévoyez cela dans votre règlement, afin qu’en ce cas on y supplée en prenant les meilleurs. Mettez un article pour que les dragons prennent des hommes de toute taille. Voyez à la guerre ce que devaient recevoir les cuirassiers, en l’an XIII, en hommes d’élite, et les départements qui n’ont pas fourni. Je ne voudrais pas, aussi, qu’il entrât au trésor public de l’argent provenant de la conscription. Je crois qu’il n’y entre pas 1,200,000 ou 1,300,000 francs par an. Je voudrais plutôt que cet argent fût versé dans une caisse particulière pour dépenses de la conscription, telles que les frais de logement des officiers , les gratifications aux gendarmes, les frais de tournées des majors et des chirurgiens, etc.

Je pense aussi qu’il est impossible qu’un ministre de la guerre suive une machine aussi compliquée. C’est un point très-important de notre organisation, et je voudrais créer une grande place sous le titre d’Inspecteur de la conscription. Cet inspecteur, n’ayant à s’occuper que de l’esprit et de la conduite des officiers, des préfets, des conseils d’administration , dont plusieurs ont passé pour avoir vendu des congés, saisirait tous les vices du système, et serait, enfin, la loi vivante de la conscription. Les lois mortes sont bien peu de choses, je m’en aperçois tous les jours. Les objets sur lesquels je ne porte pas moi-même mon attention ne marchent pas ou marchent mal. Cet inspecteur serait ou un général ou un conseiller d’État; il se trouverait dans les attributions du ministre de la guerre; mais il aurait un receveur qui recueillerait tout l’argent de la conscription. On établirait, pour cet objet, un budget, et, si l’on pouvait pourvoir à tous les frais de la conscription, même à solder, en tout ou en partie, les officiers qui y sont employés, je les mettrais en sus des corps, car un si grand nombre de sous-officiers m’affaiblit l’armée. Enfin , je voudrais donner à cet inspecteur, sur son rapport au ministre, le droit de contrainte contre les chirurgiens , officiers de recrutement et citoyens embaucheurs ou autres dont les actions tendraient à gêner et entraver la loi de la conscription.

Faites-moi aussi un projet de décret qui établisse une compagnie de voltigeurs dans chaque bataillon d’infanterie de ligne. Elle serait composée de petits hommes, armés de fusils de dragons, comme les voltigeurs de l’infanterie légère. Cela n’augmenterait pas les bataillons, car on supprimerait une compagnie, comme on l’a fait pour l’infanterie légère.

 

Camp de Boulogne, 5 août 1805

Au vice-amiral Decrès

Je n’ai pu lire qu’avec un vif intérêt la relation du siège de Santo-Domingo. Il faut s’empresser de secourir ces braves gens. Je regrette beaucoup de n’avoir pas bien connu les sentiments de cette colonie. Je désire que vous fassiez préparer la Poursuivante et l’Infatigableà Rochefort; que vous y joigniez 2 bricks et 3 goélettes. Ces derniers bâtiments resteront à Santo-Domingo.

On embarquera 2,000 fusils, autant de poudre que les soutes des bâtiments pourront en porter, et 700 hommes, et on les fera sur-le-champ partir pour Santo-Domingo. Vous donnerez l’instruction, avant de débarquer à Santo-Domingo, de toucher dans quelque port pour prendre langue, et, s’il y avait des forces supérieures à Santo-Domingo, de débarquer dans un autre endroit.

Immédiatement elles croiseront devant Jérémie-les-Cayes (Port-au-Prince) et arrêteront les Américains qui entreraient ou sortiraient de Santo-Domingo, les déclareront bonne prise, et s’attacheront à détruire les embarcations des noirs.

A Lorient, vous ferez préparer la Cybèle, avec 2 bricks, tels qui le Surveillant et le Souffleur ou le Diligent, 2 ou 3 goélettes. On embarquera sur ces frégate , bricks et goélettes, 1,000 fusils et 350 hommes. Ils se rendront également à la même destination.

Chargez quelque bâtiment à Nantes, un brick , avec 500 fusils, autant de poudre qu’il en pourra porter, et 50 hommes.
Vous donnerez à chacun la même instruction. Les bricks et goélettes resteront à Santo-Dorningo; le général Ferrand s’en servira pour faire des croisières contre les noirs et autres personnes qui croisent avec eux.

Ces trois expéditions, si elles arrivent, feraient 1,100 hommes. Écrivez au général Ernouf que je compte sur son zèle pour fait passer tous les Piémontais qui sont à la Guadeloupe à Santo-Domingo; qu’à cet effet il charge ses corsaires de troupes et les envoie là; que Ferrand va être attaqué de nouveau; que je lui envoie de France ce qui m’est possible, et qu’il veille à la défense de cet colonie, en lui envoyant tout ce qu’il aurait en sus de 3,000 hommes. Écrivez la même chose à Villaret.

Faites donc finir la Pénélope, qui est commencée à Bordeaux.

Faites armer la Libre et la Curieuse. Vous pouvez d’abord prendre les 198 matelots du Triton, du Growler, de la Fortitude, des Sep Sœurs. Ces 2 frégates, jointes au Phaéton, au Voltigeur et au Surveillant, pourraient former un quatrième convoi pour Santo-Domingo. Ils partiraient par l’équinoxe, doubleraient l’Irlande, et jetteraient 700 hommes à Santo-Domingo.

Donnez ordre au Ferrol de faire partir la goélette la Téméraire,portant des dépêches à Santo-Domingo, avec autant de fusils et de poudre qu’elle en pourra porter. Elle resteront à Santo-Domingo.

Faites-moi un rapport sur le temps où ces expéditions pourront partir. Je désignerai les troupes. Non-seulement il est important de ne point perdre la partie espagnole, mais il est honteux d’abandonner ces braves gens; et, puisque les Espagnols ont été assez éclairés sur leurs intérêts pour ne pas se joindre aux Anglais , rien ne s’oppose à les secourir.

Il paraît que ce qui leur manque, c’est de la poudre et des cartouches. Faites-moi connaître combien ces goélettes portent de fusils. Écrivez en Amérique pour qu’on leur envoie des farines. C’est la meilleure manière de leur envoyer de l’argent.

Je pense qu’il ne faut rien épargner pour secourir efficacement la partie espagnole.

 

Camp de Boulogne, 5 août 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, vous aurez reçu un décret par lequel j’ai ajourné le Corps législatif. Quand ces législateurs auront un roi pour eux, il pourra s’amuser à ces jeux de barres; mais comme je n’en ai pas le temps, que tout est passion et faction chez eux, je ne les réunirai plus. Quant au budget, mon intention est qu’il soit suivi de point en point. Le ministre des finances est le seul homme de sens et de caractère.

J’ai reçu votre rapport sur les opérations des Autrichiens en Italie; je doute qu’il y ait 14,000 hommes dans le Tyrol. Tâchez, par Brescia et par vos agents, d’avoir des renseignements plus positifs. Du moment que le Corps législatif sera ajourné, préparez-vous à faire un voyage à Brescia, Vérone et Mantoue. Je pense, cependant, que vous pouvez laisser passer encore tout le mois d’août. Je crois vous avoir écrit pour que vous posiez la première pierre du monument de Rivoli.

 

Camp de Boulogne, 5 août 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, il serait possible que je fisse marcher une brigade composée des deux régiments qui sont à Mitan, du régiment de chasseurs et de huit pièces italiennes. Je désirerais que tout cela pût faire, ensemble, 4,000 hommes, et je voudrais les envoyer dans les Abruzzes. Ceci doit rester très-secret; mais faites-moi connaître, par le retour de mon courrier, quand ce corps pourrait être prêt, et quel est le général italien capable de le mener.

 

Camp de Boulogne, 6 août 1805

A M. Daru, intendant général de la Maison de l’Empereur

Monsieur Daru, je vous renvoie tout votre travail avec des décisions.

J’ai fait, il y a un an, un fonds de deux millions pour des achats de terrains de la liste civile; ce fonds n’est pas épuisé. Il y a encore, dans les forêts de Marly et de Saint-Germain, quelques terres à acheter. Ces acquisitions sont nécessaires pour que cela ne donne lieu à aucune indemnité.

Il faut aussi s’occuper du petit parc de Versailles. Il faudrait d’abord entrer en arrangement avec le sénateur Sieyès et M. Desprez (Médard Desprez,1764-1842, régent de la Banque de France); mon intention est que pour l’automne ce petit parc soit racheté, mais à sa valeur. En attendant, il faut que les grilles soient réparées et qu’il y ait les gardes et portiers nécessaires. Il y a des fonds pour la réparation des murailles du petit parc. Faites rétablir, au Petit-Trianon, les eaux et les jardins en aussi bon état qu’ils n’ont jamais été.

J’ai envoyé à M. Cambacérès le projet de règlement de M. Réal sur mes forêts; il vous appellera à un conseil qu’il va former pour rédiger un projet sur cet objet important et sur le contentieux de ma Maison.

Quant aux encouragements à accorder aux arts, la bibliothèque impériale étant dans les attributions du ministre de l’intérieur, car ayant mis cette année 200,000 francs à sa disposition pour cet objet je ne sais pourquoi le ministre du trésor public n’a pas voulu le payer; une grande portion de la dépense de la liste civile se compose d’ameublements, peintures, embellissements de palais, qui sont autant d’encouragements accordés aux arts. C’est sous ce point de vue que l’intelligence et les soins de l’intendant général doivent naturellement se porter sur tout ce qui peut alimenter l’industrie, encourager les arts et fournir une émulation aux artistes. David (Jacques-Louis David, 1748-1825, que Napoléon a fait Premier peintre de l’Empire)  reçoit des sommes assez considérables pour les arts. Mon bibliothécaire m’a fait souscrire pour une grande quantité de gravures et d’ouvrages, et je ne me refuserai pas à accorder tout ce que vous jugerez nécessaire pour encourager les artistes ; mais je ne veux pas que ce soit une obligation qui me soit imposée. La manufacture de la Savonnerie, celles des Gobelins, de Sèvres , doivent travailler sans qu’il en coûte rien à la liste civile, c’est-à-dire que je dois retrouver ce qu’elles me coûtent, en garde-meuble. Toutes les fois qu’on fait un embellissement dans un palais, il faut considérer de quel avantage il est pour les arts et les manufactures, chose qu’aujourd’hui on ne considère pas. Le Muséum (Le Louvre) est à mes frais; il me coûte considérablement; c’est encore là un encouragement pour les arts. Aucune de ces choses n’a été faite avec ensemble. Il faut vous emparer de tout cela, payer vous-même les individus, les voir, savoir quelles sont leurs fonctions. Je dois vous faire connaître que mon intention est de tourner spécialement les arts vers des sujets qui tendraient à perpétuer le souvenir de ce qui s’est fait depuis quinze ans. Il est étonnant, par exemple, que je n’aie pu obtenir que les Gobelins laissassent de côté l’histoire sainte, et occupassent enfin leurs artistes de cette foule d’actions de tout genre qui ont distingué l’armée et la nation, événements qui ont élevé le trône. Lorsque vous aurez le temps, vous me ferez une récapitulation des statues, gravures , tableaux , etc., que j’ai ordonnés. J’imagine que M. de Ségur, qui avait des fonds pour faire exécuter le livre du sacre, l’a fait commencer. C’est une affaire assez importante. Le travail dont s’occupe M. Denon, qui parcourt les champs de bataille d’Italie pour lever des dessins et des plans qui feront le pendant de son atlas d’Égypte, offrira encore une nouvelle carrière à l’émulation des peintres et des graveurs. M. de Fleurieu (Charles Pierre Claret de Fleurieu, 1738-1810. Intendant général de la Maison de l’Empereur. Il fut l’organisateur des voyages de Bougainville et de La Pérouse), par la circonstance de son âge, ne pouvait suivre tous ces objets, puisqu’à peine il pouvait se traîner et faire la besogne la plus pressante. Il faut, désormais, que M. Denon vous soit subordonné, comme il doit naturellement l’être, en ménageant son amour-propre, et qu’il reste conservateur du Muséum, n’ordonnant point de dépense, et mes ordres passant toujours par vous.

Je désire avoir libre l’esplanade de Meudon et voir disparaître les décombres du vieux château. On ne les a point déblayés, parce qu’on a pensé qu’ils étaient nécessaires pour combler la terrasse; comme cela est porté au budget de cette année, il faut le faire finir.

Il faut prendre toutes les mesures pour que les jardins de Fontainebleau et de Versailles soient plantés. Il faut replanter cette année les anciennes allées comme elles l’étaient.

 

Camp de Boulogne, 6 août 1805

A Champagny

Plusieurs préfets ont écrit et imprimé des circulaires, pour défendre de danser près des églises. Je ne sais où cela conduit. La danse n’est pas un mal. Veut-on nous ramener au temps où l’on défendait aux villageois de danser ?

Je suis fâché que M. Bureaux de Pusy, qui plusieurs fois s’est tenu trop loin de la ligne religieuse, s’en vienne trop près aujourd’hui. MM. les vicaires pouvaient dire ce qu’ils auraient voulu. Si l’on croyait tout ce que diraient (sic) les évêques, il faudrait défendre les bals, les spectacles, les modes et faire de l’Empire un grand couvent.

Faites sentir, par une instruction secrète, que l’autorité civile ne doit point se mêler de ces choses-là et écrivez particulièrement sur ce sujet à M. Bureaux de Pusy et aux préfets qui auront donné et suivi cet exemple.

 

Camp de Boulogne, 6 août 1805

A M. Fouché

Monsieur Fouché, j’ai vu, dans votre rapport du 14 thermidor les plaintes du préfet de la Nièvre. Je n’ai fait aucune attention aux plaintes générales, parce qu’elles ne signifient rien. Venons à des faits.

Le premier est relatif à une discussion pour un cierge. Je dois considérer le clergé comme bien sage, puisqu’il ne donne pas d’autres sujets de plainte. Le préfet ne regarde donc pas les prêtres comme les autres hommes ?

La dispute d’un cabaret : le scandale d’un curé qui fait le catéchisme dans un cabaret tombera facilement; lui donner une maison.

Le curé de Saint-Saulge refuse d’admettre à la communion des enfants, par la raison que le mariage est d’un prêtre assermenté ; il vous sera facile de vous assurer que cette imputation est fausse; car, fussent-ils bâtards , on ne leur refuserait pas la communion ; et le préfet montre là une aveugle croyance à des imbéciles ; il n’y a pas de clergé assez insensé pour agir contre l’esprit de son état.

Les femmes Poissome et Legai ont été repoussées des sacrements, parce que le mariage n’a pas été béni une seconde fois : cela peut étonner, et l’esprit de parti peut aveugler; instruisez-vous d’autre part et prenez des renseignements.

Les filles Debar ont été repoussées des sacrements, parce que leur père ne s’était pas confessé : cela est absurde. Le reproche au curé de Chantenay est également absurde. Suivez cela avec activité et obtenez des explications, car il faut ôter sa confiance à un préfet qui ne voit personne. Si, avant d’écrire ces renseignements, il eût envoyé chercher le curé et eût causé avec lui, il eût vu que cela était absurde. On ne gouverne pas un département en faisant de la chimie.

Dans votre rapport sur Marseille, vous dites que le moyen de faire cesser ces troubles est de faire inviter le général Dejean à se rendre à Marseille. Je ne comprends pas ce que cela veut dire.

J’adopte les conclusions de votre rapport du 13 , relatif à la famille Hyde de Neuville. Faites mettre le séquestre sur leurs biens et renvoyez-les l’un et l’autre de France.

 

Camp de Boulogne, 6 août 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je reçois votre courrier. Je ne puis trop vous témoigner mon mécontentement de ce que vous prononcez sur des objets que je me suis réservés; voilà trois fois dans un mois. Vous n’aviez pas le droit de dépecer la loi sur les finances, que j’avais signée, et d’en présenter d’autres; vous n’aviez pas le droit d’ajourner le Corps législatif; vous n’aviez pas le droit d’arrêter les dépenses départementales. Je suis moins affligé du peu de considération que vous avez pour mon autorité que du peu de cas que vous faites de mes avis. Que voulez-vous que je réponde à vos lettres ? Je n’écris pas par passe-temps, et je n’ai pas l’habitude d’écrire vainement : je vous donnerai mes avis, et, quand ils vous parviendront, vous aurez décidé. Si vous tenez à mon estime et à mon amitié, vous ne devez, sous aucun prétexte, la lune menaçât elle de tomber sur Milan, rien faire de ce qui est hors de votre autorité. Je crois aussi avoir assez de droits à votre confiance pour que, sur des affaires importantes, même vous concernant, vous jugiez nécessaire d’attendre mes avis Vous êtes le premier qui m’ayez fait avoir tort avec trente ou quarante polissons. Cela ne serait pas arrivé si vous n’étiez pas sorti des bornes de votre pouvoir; n’en sortez pas désormais. Ne croyez pas que ceci m’empêche de rendre justice à la bonté de votre cœur; mais je ne veux pas avoir mauvaise opinion de votre caractère; pour cela n’écoutez pas les sottises de quelques coteries de Milan.

J’attendrai votre réponse pour voir ce que je dois faire relativement à l’enregistrement, aux douanes et aux droits sur les blés; car si vous avez déjà décidé, il est inutile que je vous fasse connaître mon opinion.

Toutes les fois que vous me rendrez compte d’un objet, ajoutez si vous attendez ou si vous n’attendez pas mes avis, afin que je sache à quoi m’en tenir; et, si vous m’annoncez que vous attendez mon opinion, songez que vous me manqueriez essentiellement si, pendant que votre lettre ou la mienne serait en route, vous preniez sur vous de préjuger ce que j’aurais fait.

 

Camp de Boulogne, 7 août 1805

A M. Fouché

Voici l’arrangement que j’approuve pour le Journal de l’Empire ci-devant Journal des Débats. Faites appeler les propriétaires et donnez-leur à connaître que je m’arrête à ces bases. Lorsque cet arrangement sera fait, vous en ferez un semblable avec le Publicis et la Gazette de France. Vous généraliserez, à l’égard de tous les autres journaux, la retenue de deux douzièmes ou trois douzièmes selon l’importance des profits, pour être appliquée à des pensions qui seront accordées aux gens de lettres.

 

Camp de Boulogne, 7 août 1805

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, je reçois votre lettre du 18 (6 août). Voici des idées qui vous feront connaître dans quel sens j’entends que la réponse soit faite. Je désire que vous me renvoyiez la note toute rédigée avant que vous la présentiez. Je veux mettre fin sans délai à cette médiation. L’Autriche craint pour elle; je pense que cette note est une protestation pacifique, et qui veut dire qu’elle ne partage pas la folie de la Russie. Ce qu’il faut que l’Autriche apprenne par ma réponse, c’est que cette déclaration n’est pas suffisante; qu’il faut des actions; que la route des préparatifs est la route de la guerre; qu’il n’y a que l’exacte neutralité pour la paix.

 

Camp de Boulogne, 7 août 1805

Au maréchal Bessières

Mon Cousin, faites partir pour Boulogne les hommes de ma Garde, grenadiers et chasseurs, qui sont dans le cas de faire la guerre. Faites partir également le régiment de grenadiers et chasseurs italiens; depuis le temps, il doit être armé et habillé. S’il n’était pas habillé, qu’il parte toujours; seulement, veillez à ce qu’il soit parfaitement armé. Faites partir aussi tous les soldats du train et les chevaux d’artillerie qui se trouvent disponibles à Paris. Suivez l’ordre que j’ai donné en Italie pour la formation des hommes de ma Garde que vous m’enverrez. Faites partir les chasseurs sous les ordres du major Gros, et les grenadiers sous les ordres du major des grenadiers à pied.

Quant aux chasseurs et grenadiers à cheval qui étaient à Gênes, faites-moi connaître quand ils viendront. Si vous pouvez accélérer leur marche de deux ou trois jours, faites-le; j’aurais besoin d’un corps de 800 hommes à cheval. Les dépôts des différents corps de la Garde que vous laisserez à Paris seront sous les ordres des chefs de bataillon et d’escadron. La Garde à pied partira sous les ordres du général Soulès, de manière à être à Boulogne en dix jours, du moment de son départ. Vous-même, vous vous tiendrez prêt à partir. Faites partir aussi la moitié des gendarmes d’élite à pied dans le cas de faire la guerre.

 

Camp de Boulogne, 8 août 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, l’escadre combinée a eu un combat devant le Ferrol; elle a rempli le but de sa mission, qui était sa jonction avec l’escadre du Ferrol. Elle a donné chasse à l’escadre ennemie, et elle est restée pendant quatre jours maîtresse du champ de bataille; mais on craint d’avoir perdu 2 vaisseaux espagnols qui, probablement, se battait extrêmement mal, se sont laissé tourner par l’ennemi dans la brume qui était affreuse pendant le combat. Un vaisseau anglais, à ce qu’il paraît, a été coulé bas; 2 vaisseaux anglais à trois ponts ont été démâtés. L’escadre française paraît avoir été peu maltraitée. Je pense qu’on peut considérer cette affaire comme un succès. Vous en verrez les premiers détails dans le Moniteur d’aujourd’hui.

 

Camp de Boulogne, 8 août 1805

Au maréchal Bessières

Mon Cousin, je vous ai écrit hier pour vous ordonner de faire faire différents mouvements à ma Garde sur Boulogne. Mon intention est que, s’il y avait quelque chose de parti, vous le laissiez continuer, mais que vous reteniez le reste; que vous m’envoyiez un état détaillé de la situation de chaque corps, et que vous prépariez tout en attendant de nouveaux ordres.

 

Camp de Boulogne, 9 août 1805

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, vous aurez vu, dans le Moniteur, relation du combat qui a eu lieu. Cela a été assez bien; cela eût fort beau sans la maladresse des Espagnols. Cependant, nous sommes restés maîtres deux jours du champ de bataille; les Anglais se retirés, et nous avons opéré notre jonction. Vous savez combien on doit compter sur les Espagnols; malheureusement on les avait mis à l’arrière-garde, et ils ont fait une manœuvre qui les a obligés de se présenter les premiers au feu. Les Anglais paraissaient assez faibles, non-seulement en bâtiments, mais en hommes. Rassurez les hommes à argent; faites-leur entendre qu’il ne sera rien hasardé qu’avec sûreté; que mes affaires sont trop belles pour rien hasarder qui puisse mettre à trop de hasards le bonheur et la prospérité de mon peuple. Sans doute que, de ma personne, je débarquerai avec mon armée, tout le monde doit en sentir la nécessité ; mais moi et mon armée ne débarquerons qu’avec toutes les chances convenables.

Ce que vous me dites de la Banque mérite des explications : si la réserve est petite, c’est sa faute; c’est qu’on négocie un grand nombre de petits papiers de circulation qui n’ont point de marchandises derrière. Cela sera ainsi tant qu’on escomptera par actions, ce qui est contraire à la loi. Mou intention est que cette manière d’escompter finisse. C’est là où est tout le mal.

 

Camp de Boulogne, 9 août 1805

A M. Fouché

Le 3 thermidor, à trente lieues du Ferrol, il y a eu un combat entre l’amiral Villeneuve et une escadre anglaise composée de 14 vaisseaux, dont 3 à trois ponts. Il eût été à notre avantage et des plus glorieux , si 2 vaisseaux espagnols à trois ponts ne s’étaient perdus. On craint qu’ils soient dérivés, pris ou coulés. Faites connaître et sentir que cette affaire est avantageuse.

Villeneuve a rempli son but : la jonction. L’escadre anglaise a pris chasse et refusé trois jours le combat. L’avantage de 3 vaisseaux à trois ponts contre une escadre qui n’en avait pas équivaut à une différence de 8 vaisseaux, tous accoutumés à la mer et parfaitement exercés. Enfin, l’escadre française a peu souffert; elle est toute gréée et en état d’aller outre.

Comme tout ceci sera assez désagréable pour les Espagnols, faites l’éloge de Gravina et faites mille conjectures sur le sort des Espagnols; qu’on ne sait s’ils sont pris véritablement. Cependant, en mon particulier, je pense qu’ils se sont fait pincer.

L’escadre, au reste, a fait à l’ennemi pour une vingtaine de millions de dommages. Trois vaisseaux anglais sont bien certainement démâtés; un a coulé bas.

 

Camp de Boulogne, 9 août 1805

Au maréchal Berthier

Trois Anglais viennent de s’échapper, quoique sur leur parole, des prisons de Verdun. Il faudrait envoyer là un renfort de gendarmerie, mettre tout ce qui est capitaine marchand dans les autres prisons, ne tenir à Verdun que les gens sûrs. Ordonnez au général Wirion de les réunir et de leur dire que, au premier qui s’en ira, je serai obligé de les distribuer dans les places fortes; qu’ils doivent être solidaires les uns des autres, s’ils veulent être traités en gens d’honneur.