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Cabrera – Souvenirs de Delroeux – Le Consulat et le Premier empire

Souvenirs du caporal Martial-Joseph Delroeux

 

(Ces Souvenirs furent pour la première fois publiés dans « L’épopée impériale racontée par la Grande Armée », Théo Fleischman. Paris, 1964.)

Né en 1785, Martial-Joseph Delroeux, s’engage à 19 ans dans le 19e de ligne. En octobre 1807, il par pour l’Espagne, cette fois-çi dans la 1e Légion de l’Intérieur. Il fait partie de la division Vedel, qui va être comprise dans la capitulation de Bailén. Après avoir séjourné sur un ponton, à Cadix, il va ensuite être envoyé à Cabrera, où il va rester cinq ans !

 

Trajet de Cadix à l’île de Majorque

Nous fûmes entassés dans de vieux transports pleins de vermine, de sorte que tous les matins nous étions blancs de poux, nous nous mettions sur le bord du bâtiment, et là, la brosse à la main, nous faisions prendre à nos poux un bain de mer ; il est vrai de dire que nous n’avions aucune autre occupation. Nous étions tellement serrés que nous ne pouvions nous remuer.

Nous quittâmes la rade de Cadix le jour de Pâques, il y avait huit jours que nous étions en mer, nous nous réjouissions d’avoir dépassé sans avaries les hautes colonnes d’Hercule et le détroit de Gibraltar, nous voguions à pleines voiles, notre voyage s’accomplissait tranquille et monotone lorsque vers le commencement de la nuit un nuage s’élève tout à coup sur l’horizon, un grain furieux vient fondre sur la flottille, il soulève avec force les vagues écumantes de la mer qui dans un instant est couverte d’une nuit affreuse qui nous dérobe tout à la fois le ciel et le jour; alors plusieurs gros nuages parcourent les airs, se heurtent, y semblent, de leur choc, mettre l’univers en flamme, tant les éclairs se succèdent, la pluie tombe par torrents. Après être tombé plusieurs fois près de notre bâtiment, la foudre brise notre gouvernail, et nous voguons à la merci des vents et des flots. Il ne s’en fallut pas de quatre pieds qu’une trombe ne nous engloutit, enfin tout nous présentait l’image d’une mort inévitable.

Apres avoir lutté une partie de la nuit contre cette effroyable tempête, le temps se calma peu à peu; et nous nous trouvions à peu de distance de la cote de Barbarie, où nous distinguions un grand nombre de Bédouins aspirant après le moment de notre naufrage pour devenir leur proie.

De tous les vaisseaux dont le convoi était composé, nous n’en apercevions plus que trois qui nous firent signe que nous devions rallier, soit à Gibraltar soit à la Malaga. Nous entrâmes le soir dans le port de Gibraltar, plus de mille lampions placés à dessein le long des quais nous en facilitaient l’entrée. Le port est très fortifié, tant par l’art que par la nature, il commande le détroit qui n’a que cinq lieues de large. La ville est bâtie sur un rocher bien fortifie ; étant dans le port elle représente tout à fait un amphithéâtre et les rues semblent des échelons pour grimper au faite des rochers. Une langue de terre d’une quinzaine de pieds de large joint le rocher où est la ville au continent.

Trois jours suffirent pour réparer les avaries de notre bâtiment; et nous remîmes à la voile sous l’escorte des frégates espagnoles et anglaises.

Le lendemain tous les vaisseaux dispersés par la tempête nous rejoignîmes et nous naviguâmes vers les îles Baléares. Au bout de dix jours, nous aperçûmes enfin l’île Minorque ; ayant à cause du vent fait d’inutiles efforts pour entrer dans le port Mahorn, nous fîmes voile pour Palma, capitale de l’île MaJorque, et nous y restâmes en rade pour cinq jours en attendant des ordres et le 5 mai le Gouverneur nous envoya sur le rocher de Cabrera qui en est à dix lieues au sud, au 39e degré de latitude, et à trente-cinq lieues de la ville d’Alger.