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5 mars 1811 – La bataille de Barrosa (Chiclana)

Andrew C Jackson

Traduction Robert Ouvrard

Panorama du champ de bataille de Barrosa (Chiclana), en regardant vers Cadix de la crête de la colline de Barrosa (maintenant connue sous le nom de Loma de Sancti-Sancti-Petri).
Panorama du champ de bataille de Barrosa (Chiclana), en regardant vers Cadix de la crête de la colline de Barrosa (maintenant connue sous le nom de Loma de Sancti-Sancti-Petri).

Situation

Thomas Graham, 1erBaron de Lynedoch
Thomas Graham, 1er Baron de Lynedoch

Depuis janvier 1810, le port espagnol de Cadix est assiégé par une armée française forte de 25,000 hommes, commandée par Victor. La garnison de Cadix est de taille semblable, et comporte environ 20.000 troupes espagnoles, ainsi qu’une division anglo-portugaise d’environ 5 à 6.000 hommes, sous le commandement du lieutenant-général Thomas Graham. Quand, en janvier 1811, Soult enlève presque un tiers de ses troupes à Victor, afin de renforcer son propre assaut sur Badajoz, les alliés voient là une chance d’entraîner Victor dans une bataille ouverte. Leur plan est d’envoyer par mer une force expéditionnaire 100 km au sud de Cadix afin de lancer une attaque contre Victor, par l’intérieur.

Graham débarque à Algésiras avec 4.000 hommes le 23 février. Le 27, il est rejoint par 8.000 hommes de deux divisions espagnoles commandées par Lardizabal et le prince d’Anglona, quatre escadrons de cavalerie sous le  Col. Samuel Ford Whittingham – une officier anglais servant dans l’armée espagnole – 1.000 fantassins de Gibraltar et 1.600 Espagnols d’une force irrégulière emmenés par Beguines. Graham s’est senti obligé de céder le commandement général de la force expéditionnaire au Général Manuel La Peña, l’officier le plus gradé à Cadix, mais généralement tenu pour un incompétent.

Manuel Lapeña Rodríguez y Ruiz de Sotillo
Manuel Lapeña Rodríguez y Ruiz de Sotillo

Après une marche chaotique de nuit, la force combinée de La Peña atteint Casas-Viejas le matin du 2 mars. Là, La Peña, au lieu, comme il le prévoyait à l’origine, de continuer en direction de Medina Sidonia, décide de marcher sur Vejer et de suivre la route de la côte vers Cadix. Pendant que La Peña marche lentement en avant, Victor prépare un piège dans la plaine entre la ville de Chiclana et les hauteurs de Barrosa (connue maintenant sous le nom de Loma de Sancti-Petri). Utilisant une division de Villatte, afin de bloquer la route de Cadix, Victor garde deux divisions (Leval et Ruffin) hors de vue, prêtes à effectuer, par surprise, une attaque de flanc.

La Bataille

Lorsqu’il atteint les collines de Barrosa,  le 5 mars, peu après le lever  du jour , La Peña est informé que la division Villatte se tient  en travers de la route de Cadix. Sans tenir compte de la fatigue de ses hommes, après 14 heures de marche, La Peña ordonne à Lardizabal de continuer sa marche en avant.  Villatte repousse la première attaque avant de se retirer au nord de l’Almanza, lorsqu’il est menacé, sur son arrière, par une force sortant de Cadix et emmenée par le général Zayas. Vers midi, La Peña – inconscient de la menace que représentent Leval et Ruffin – ordonne à Graham de rejoindre le corps principal de l’armée, laissant seulement, sur la colline, une arrière-garde de cinq bataillons espagnols et d’un bataillon britannique .

La tour de Barrosa
La tour de Barrosa

Vers 12.30, Victor lance une attaque en tenaille contre le flanc droit de Graham et la colline.  Lorsque la division de Ruffin grimpe la colline, les bataillons espagnols de l’arrière-garde s’enfuient. Browne – le commandant du bataillon britannique, qui maintenant se trouve seul sur la colline – suit à contrecœur. Whittingham – dont la cavalerie a  été postée près de la tour de Barrosa – se borne à surveiller l’avance de la cavalerie française envoyée pour s’emparer de la route de la côte.

 
Graham mène sa division par le bois de pin qui couvre alors la plaine en bas de la colline, quand il est averti, par deux guérilleros, de l’approche de Leval . Retournant vers la lisière méridionale du bois, Graham s’aperçoit que Ruffin occupe déjà la colline. Bien qu’il soit surpassé en nombre, Graham se rend immédiatement compte que sa meilleure chance de sauver la journée réside dans une contre-attaque. Donnant à Wheatley l’ordre de rassembler une brigade sur la lisière est du bois, derrière un écran de tirailleurs, et d’attaquer Leval, Graham ordonne à Dilkes de faire faire demi-tour à sa brigade, vers la colline, et d’attaquer Ruffin. 

Carte de la bataille
Carte de la bataille

Ordre de bataille
(Digby Smith)

Français (Maréchal Victor) – 10.700 hommes

Alliés (Sir Thomas Graham) – 8.217 hommes

1e division (Ruffin) – 9e léger – 24e, 96e ligne – Grenadiers combinés Brigade Dilke – 1e, 2e, 3e Footguards – 95e
2e division (Laval) – 81e, 45e, 54e ligne – Grenadiers combinés Brigade Wheatley – 28e, 67e, 87e
3e division (Villatte) – 27e léger – 94e, 95e ligne Browne – 9e, 28e, 82e
Cavalerie – 1e et 2e dragons. Bernard – 95e, 47e, 20e portugais
  Division espagnole Lardizabal 

En avant de Dilkes, les 536 hommes du bataillon de Browne, s’avancent vers la colline, tenue à ce moment-là par au moins cinq bataillons (1.900 hommes) de la division Ruffin, soutenue par une batterie d’artillerie. Les Français ouvrent le feu, provoquant un effet dévastateur; en quelques minutes la moitié des hommes de Browne s’écroulent sur le flanc de la colline, morts ou blessés. A cet instant, Dilkes passe à l’attaque, conduisant ses 1.400 hommes vers le haut de la colline, plus vers la droite, où le terrain permet un meilleur déploiement.  Sans trop souffrir de grosses pertes, la ligne britannique a presque atteint le sommet, quand elle a été attaquée de front par quatre bataillons de l’infanterie de Ruffin, formés  en colonnes. Le feu anglais de mousqueterie décime les rangs français, arrêtant l’attaque. Victor – ayant pris le commandement sur la colline – relance l’attaque. Après un sanglant échange de mousqueterie, les français commencent à reculer, avant de retraiter en bas de la colline.

Pendant ce temps, la division Leval (3.800 hommes) avait été surprise par l’apparition, hors du bois, des tirailleurs anglo-portugais. Avant même qu’ils soient repoussés, la brigade Wheatley (1.600 hommes) est prête à attaquer. Au centre de la ligne de Wheatley, le 87e (2e) de Gough, enfonce les rangs du 8e de ligne, (2e et 1e bat.), capturant un aigle dans l’opération.  Derrière le 8e, le 45e de ligne offre quelque résistance, avant de fuir du champ de bataille. Sur la droite de la division Leval, le 54e (1er et 2e bat) et le 4e (1er et 2e bat.) de ligne  sont attaqués une troisième fois par le 28e (1er.bat) et le 2ème Coldstreams. Les restes des forces de Leval se retirent au nord jusqu’à Laguna de Campano, où ils sont rejoints par ce qu’était la gauche de la division Ruffin. Lorsque les forces re combinées de Graham approchent, les français reculent vers Chiclana, marquant la fin de l’engagement.

En dépit des protestations de Zayas, La Peña avait toujours refusé de venir à l’aide de Graham ou de s’associer, plus tard, à la poursuite. Le jour suivant Graham retirait son accord de servir sous les ordres de La Peña et ramenait de nouveau ses forces  dans Cadix. Victor, en dépit de sa défaite et un peu à sa surprise, était libre de reprendre son siège.

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Les pertes anglo-portugaises se montèrent à 201 tués, 1037 blessés. Les Espagnols de Larzidabal eurent, face à Villatte, 390 blessés. Les pertes françaises furent de 244 tués, 1.684 blessés, 134 disparus (plus 377 tués et blessés dans les rangs de Villatte, contre les Espagnols de Lardizabal) Les généraux Ruffin et Chaudron-Rousseau furent tués. 3 canons et un aigle (8e de ligne) furent capturés.

(in Digby Smith)

 

Barrosa aujourd’hui

Tristement, ce champ de bataille peu connu est sur le point d’être la victime du développement du tourisme et de l’habitat.

Sur la N340/E5 au sud de Chiclana, tourner à droite, 6.5 km après la jonction avec l’A390, et emprunter la petite route conduisant à la plage de La Barrosa. Après 4.5 km la route traverse un important complexe d’habitations et escalade la colline de Barrosa (Loma de Sancti-Sancti-Petri). Il y a là de nombreuses possibilités de parking. En mai 2001, il était encore possible de traverser à pied le terrain à droite de la route, et d’atteindre la crête de la colline. Il est facile de comprendre l’hésitation de Graham à abandonner cette position qui domine complètement le terrain en direction de Cadix. Le flanc de la colline, que Dilkes attaqua, est désormais occupé par un terrain de golf. Au-delà,  des logements modernes. Après avoir retrouvé votre voiture, suivre la route jusqu’à la tour de Barrosa. La plage en-dessous de la tour est un endroit charmant pour un pique-nique.

Pour en savoir plus

  • Sir Charles Oman – A History of the Peninsular War, Volume I  – Greenhill Books 1995, ISBN 1853672149
  • Digby Smith – The Greenhill Napoleonic Wars Data Book – Greenhill Books, 1998

 

Maintenant, la version française…….

(Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français, de 1792 à 1815, par une société de militaires et gens de lettres. Tome vingtième, page  227 – Paris, 1820.)

Bataille de Chiclana.

Le 5, l’armée combinée continua de manœuvrer dans le dessein d’enlever les lignes de Santi Petri. Le général Villate attaqua les Espagnols : les voltigeurs du quatre-vingt-quinzième régiment culbutèrent l’ennemi et détruisirent les ouvrages qu’il avait commencés. Les alliés perdirent, dans cette première attaque, plus de trois cents hommes. Les français ne laissèrent que quelques-uns des leurs sur le champ de bataille. Cependant l’ennemi continuait son mouvement, sur Chiclana, où il savait qu’étaient les dépôts, les magasins et le quartier-général de l’armée et prit position à Chiclana. Le duc de Bellune , jugeant que le projet des des coalisés  était de le forcer, fit alors retirer ses postes, se concentra et prit position à Chiclana même où il avait établi sa réserve, composée de la première brigade de la division Ruffin, et de la deuxième de la division Leval.

L’intention première du maréchal Victor avait été d’attendre l’ennemi; mais, apercevant les premières colonnes anglo-espagnoles qui arrivaient déjà près de Santi-Petri, il résolut de prendre l’offensive, et marcha brusquement à leur rencontre avec les deux brigades de réserve, trois escadrons de cavalerie, deux batteries d’artillerie, le tout formant environ six mille hommes. La position que le maréchal s’était ménagée, lui donnait cet avantage que, débouchant par les bois, presque sur les derrières de l’armée combinée, il ne laissait point apercevoir d’abord son infériorité numérique aux Espagnols. Cette manœuvre habile réussit : tout ce qui se présenta fut culbuté; le corps ennemi fut acculé à la mer. Par là son projet avait déjà échoué en partie. Le duc de Bellune, étant arrivé jusqu’au bord de la mer, aperçut la position importante de Barrosa, occupée par les Anglo-Espagnols : il ordonna au général Ruffin d’enlever cette hauteur, qui fut emportée au pas de charge avec plusieurs pièces de canon et des prisonniers. 

Il se porta alors sur le flanc de l’ennemi, vers la mer, en même temps que la brigade de la division Villatte, qui s’était emparée de la tête de pont de Santi-Petri, se portait sur la tête de la colonne : ces trois brigades de l’armée française avaient ainsi enveloppé l’arrière-garde des alliés.

Cependant, le général anglais, Graham, qui était alors en marche pour se rendre à Bermeja , ayant appris par ses flanqueurs que les Français marchaient su  Barrosi , et reconnaissant combien sa position deviendrait fâcheuse s’ils parvenaient à s’emparer de cette hauteur, fit sur-le-champ une contremarche afin de soutenir les troupes qui gardaient Barrosa. Malgré toute la célérité que le général anglais mis à exécuter son mouvement, le général Ruffin avait déjà culbuté  les Espagnols et s’était établi sur la hauteur. Dès lors Graham se décida à prendre la décision et présenta quatre lignes d’environ trois milles hommes chacune. Aussitôt que le duc de Bellune vit que la force des ennemis était si considérable et que les Anglais en formaient une grande partie, il ordonna à la brigade du général Villatte de laisser ouverts les débouchés de l’île de Léon, et de se porter sur sa droite; et au général Ruffin d’évacuer la hauteur et de se serrer à sa gauche, n’espérant plus envelopper l’ennemi, se bornant à établir une ligne parallèle à la mer, et contenant une division espagnole qui avait été coupée, par un détachement de quinze cents hommes, du gros de l’armée ennemie ; mais, avant que l’ordre du général en chef ne lui fût parvenu, le général Ruffin en était déjà venu aux mains avec le général Graham. Les troupes des deux nations rivales, après un feu terrible d’artillerie et de mousqueterie, se chargèrent avec rage à la baïonnette, et déployèrent un courage incroyable. Le général Ruffin repoussa d’abord, avec la plus grande vigueur, deux attaques successives, dans lesquelles les Français furent toujours un contre deux; mais ayant été mortellement blessé dans la seconde des attaques, le brave Ruffin fut obligé de rester, sur la hauteur avec une centaine soldats également blessés. Cet événement jeta quelque désordre dans la brigade qu’il commandait, elle parvint néanmoins à se reformer et à se joindre à la gauche du duc de Bellune. Des attaques successives eurent lieu, sur le centre des Français; mais toutes les fois que les ennemis se présentèrent, ils furent culbutés. Constamment déjoués dans leur projet de se porter sur Chiclana, contenus  près de la mer,  voyant que tous leurs efforts avait échoué, et que le champ de bataille était couvert de leurs morts, ils profitèrent du mouvement du général Villatte, et rentrèrent  dans l’île de Léon , sans s’occuper davantage de la division espagnole déjà coupée, et qui se trouva ainsi séparée de Cadiz. Ces divisions ayant erré toute la journée du lendemain, parvint, pendant la nuit, à rentrer dans l’île de Leon; le blocus n’ayant pu être rétabli sur ce point, par le maréchal Victor, que dans la journée du surlendemain.

Le feu avait cessé, de part et d’autre, à trois heures de l’après-midi, le soir même la colonne française rentra dans ses retranchements. La bataille de Chiclana fut très-meurtrière, parce que l’on s’y battit de part et d’autre avec l’acharnement le plus vif : les Français y firent des prodiges de valeur et se couvrirent de gloire. On peut juger dans cette occasion, combien la Science du chef et l’énergie du soldat, peuvent suppléer au nombre, puisque dix bataillons français seulement parvinrent à se maintenir dans leurs positions, et forcèrent un ennemi bien supérieur à rentrer dans la place. Le maréchal Victor prit à Chiclana trois drapeaux et quatre pièces de campagne; les alliés perdirent trois mille cinq cents hommes, tant tués que prisonniers; du côté des Français, on évalua la perte à deux mille cinq cents hommes hors de combat; parmi lesquels se trouvèrent plusieurs officiers de rang : le général de brigade, Chaudron-Rousseau, et le colonel Attié, tous deux officiers fort distingués, furent du nombre des morts. Le général Ruffin avait été fait prisonnier (La blessure reçue par ce digne général à Barrosa , ayant mis momentanément du désordre dans la colonne qu’il commandait, il fut abandonné, ainsi que les blessés avec lesquels il se trouvait sur la hauteur.) et conduit en Angleterre, il mourut à la vue des côtes, par suite de sa blessure, qui avait été négligée. Le premier bataillon du huitième régiment de ligne  français, ayant été chargé dans un bois d’oliviers, où il s’était engagé en tirailleurs par ordre du général en chef, son porte-drapeau fut tué, et l’aigle tomba au pouvoir de quelques soldats du quatre-vingt-septième anglais. Les 24e, 54e et 96e de ligne français furent cités honorablement, par le maréchal Victor, dans son rapport à l’empereur.

Pendant que ceci se passait à Chiclana, l’amiral Keath avait aussi dirigé des armements pour menacer plusieurs points de la côte, afin d’y retenir les troupes françaises et de diminuer les forces disponibles contre l’armée expéditionnaire. Le 6, les vaisseaux anglais attaquèrent sur toute la ligne; ils opérèrent plusieurs débarquements, qui furent partout repoussées, l’épée dans les reins; quatre chaloupes canonnières et plusieurs péniches furent coulées bas. 

Les alliés échouèrent complètement dans leur entreprise sur Chiclana; les troupes de Graham et de Pena ne se retirèrent dans Léon et dans Cadiz qu’après avoir éprouvé une perte immense.